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Revue de presse internationale du 26/10/2014

Sunday 26 October 2014 at 00:01

Hommage au blog d’Olivier ;-) beaucoup de crises en cours et en perspectives. Merci aux contributeurs de cette revue.

Source: http://www.les-crises.fr/rdpi-26-10-2014/


[Reprise] “Marina Silva est le nouveau Gandhi”

Saturday 25 October 2014 at 04:03

Rétrospective amusante, toujours sur le rôle des médias. Énorme propagande de l’Express du 15 septembre…

Cette candidate “verte de droite anciennement de gauche”a été largement éliminée le 5/10 alors qu’elle bénéficiait d’un incroyable soutien médiatique, surtout dans nos médias… Je reprends ce papier éloquent, regardez le second par contraste.

Le second tour a lieu demain, opposant Rousseff au candidat de droite. D’autres papiers demain.

Par Emmanuel Errard, fondateur des Jeux écologiques, et Franck laval, porte-parole de l’ONG VertLibre.

Le 5 octobre, le Brésil se choisira un nouveau dirigeant pour succéder à Dilma Rousseff. Deux de nos contributeurs, engagés dans la cause écologiste, font une véritable déclaration d’amour à Marina Silva, qu’ils voient carrément comme “l’Obama brésilienne”.

Aujourd’hui, tous les sondages s’accordent à dire que Marina Silva, issue du fin fond de l’Amazonie, accédera à la fonction suprême de chef d’état du Brésil, dans les semaines à venir. Cela serait un évènement historique autant pour le Brésil que pour la planète toute entière, vu le poids économique, démographique et écologique de ce pays.

En ce début de 21ème siècle marqué par un risque climatique inédit dans l’histoire de l’humanité, l’élection d’une femme au coeur pur, intègre, honnête, peut réussir à mener le bien commun d’une civilisation perdue entre ancien et nouveau monde.

Le principal atout de Marina Silva est d’être une femme au service de l’humain. Elle arrive au moment où les citoyens en ont marre! Marre de voir les politiques incapables d’affronter la transition d’un système à bout de souffle. Marre de voir la corruption s’emparer du monde économique et politique! Marre de voir les guerres de religion être toujours d’actualité. Marre de voir nos sociétés nous faire croire que la surconsommation des produits et donc des ressources rend heureux. Marre de ne pas voir un modèle éducatif d’avenir pour nos enfants. De par son humanisme, son intégrité et sa vision du monde, Marina Silva est le nouveau Gandhi dont nous avons tous besoin pour avoir, enfin, de nouveaux repères, pour avancer et aider nos enfants à marcher vers un monde plus juste, plus humain et durable. Ce n’est pas seulement le Brésil et les brésiliens qui vont en profiter mais toutes les femmes et les hommes de la planète.

Marina Silva incarne le renouveau

Cette femme frêle, au regard franc, a le pouvoir charismatique des grands de ce monde car elle a aussi les armes pour combattre. Surnommée la panthère, Marina a tout pour être réellement influente, un moral d’acier trempé et une morale à toute épreuve forgés au fil de son chemin de vie… Marina Silva, est née dans une famille récoltant le latex en Amazonie. Analphabète jusqu’à l’âge de 16 ans, elle prend conscience de la nécessité de la lutte des ‘petits’ face aux gros propriétaires de l’Amazonie, et s’en va à la ville pour suivre des études en faisant des ménages.

Lancée dans la politique sur les traces de son mentor, Chico Mendes connu pour sa lutte pour la préservation de la forêt amazonienne, assassiné en 1988, elle devient députée du Parti des travailleurs pour son État puis la plus jeune sénatrice à l’âge de 36 ans; elle devient ministre de l’Environnement de l’ex-président Lula de 2003 à 2008. Sans concession, elle démissionne pour ne pas avoir été soutenue dans ses grands combats comme la lutte contre la déforestation… A l’élection présidentielle de 2010, elle crée la surprise avec son minuscule Parti des Verts en obtenant près de 20% des voix.

Aujourd’hui Marina Silva incarne le renouveau. Ce signal que la planète attend doit être officialisé, partagé. Une date clé peut être capitale pour incarner ce positionnement, le 23 septembre 2014 : Jour du Sommet de 2014 sur le Climat organisé à New-York au siège de l’ONU, par le secrétaire général, Monsieur Ban Ki-Moon. Marina pourrait alors annoncer qu’elle va oeuvrer si elle élue en octobre prochain, pour les brésiliens mais aussi à l’échelle de la Planète face au péril climatique et mettre en place des pratiques dès le plus jeune âge pour amener une dimension coopérative et des valeurs humaines nécessaire au développement humaniste dans un environnement sain dont le monde et les générations futures ont besoin pour reprendre l’élan, l’espoir, le dynamisme d’une civilisation éclairée et durable.

Comme vous m’avez dit, Marina, à propos des Jeux Ecologiques mondiaux, paraphrasant les mots de Victor Hugo “Rien n’est plus puissant qu’une idée venue à temps, mais si nous ne saisissons pas cette opportunité maintenant, il sera trop tard pour la jeunesse et l’avenir de l’humanité”.

Marina Silva est une chance pour le Brésil, les Nations et les hommes du monde entier!

Source : L’Express, 15/09

Source: http://www.les-crises.fr/marina-silva-est-le-nouveau-gandhi/


[Reprise] Marina Silva, nouvelle droite sud-américaine

Saturday 25 October 2014 at 02:03

Rétrospective amusante…

1er octobre 2014

Le premier tour de la présidentielle au Brésil aura lieu le 5 octobre. Les deux candidates, Marina Silva et Dilma Rousseff, la présidente actuelle, sont au coude à coude dans les sondages. Mais qui est vraiment Marina Silva ? Un décryptage de Vadim Kamenka pour l’Humanité Dimanche HD430.

La course à la présidentielle au Brésil se polarise autour de l’affrontement entre Dilma Rousseff et Marina Silva. Mais l’enjeu demeure le même qu’au Venezuela, en Bolivie, en Équateur et en Argentine  : la continuité d’une politique progressiste ou le retour à un projet néolibéral déguisé. L’échec de Dilma Rousseff signifierait le retour triomphal de la droite dans un des plus importants pays d’Amérique du Sud (1). Car « Là où le Brésil va, l’Amérique latine ira », affirmait, en son temps, le président Richard Nixon en 1971. Il ne faut surtout pas se tromper sur la victoire de Marina Silva  : c’est « l’annulation de tous les progrès réalisés depuis 12 ans », affirme Samuel Pinheiro Guimaraes, ancien secrétaire général du ministère des Affaires étrangères du Brésil.

Derrière la candidate du Parti socialiste brésilien (PSB, centre-droit), qui se présente comme une figure nouvelle, il y a des grands groupes privés opposés aux intérêts publics et aux droits sociaux obtenus au fil des années. Baisse du chômage, hausse du salaire minimum et des budgets de l’éducation et de la santé  : Lula et Dilma ont permis d’accroître le niveau de vie de la population. « Il faut bien se rendre compte que 40 millions de Brésiliens ont pu sortir de la pauvreté depuis 2002. Bien sûr que le projet du Parti des travailleurs (PT) n’est pas révolutionnaire et d’importantes inégalités sociales et régionales demeurent. Mais c’est dû au régime constitutionnel qui est un présidentialisme de coalition », rappelle le chercheur Jean Ortiz.

Dilma Rousseff, faute de réforme, applique une politique de conciliation, qui ne rogne pas sur les profits des entreprises, et ne bouscule pas les privilèges des puissants. « Cette politique est causée par la dépendance du PT vis-à-vis du Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB) au Parlement qui limite sa marge de manœuvre et aux nombreux liens des parlementaires avec des grands groupes. Toute possibilité de changement politique avec le Congrès actuel est impossible », analysait le dirigeant du Mouvement des sans terre (MST), João Pedro Stedile (1).

Du coup, les tensions sociales sont palpables depuis les grandes mobilisations en juin 2013. Pour Frédéric Louault, professeur à Sciences-Po et auteur de livres sur le Brésil, « Cette colère des Brésiliens n’était pas dirigée contre la politique de Dilma. Les frustrations étaient locales comme à Sao Paulo, un État dirigé par le PMDB ». Ces mouvements ont trouvé une place importante dans les médias. À l’instar des autres pays sud-américains, ces derniers sont concentrés entre les mains de familles puissantes et sont une arme clé dans la bataille idéologique. Ces médias soutiennent clairement la candidate Marina Silva qui joue sur son histoire personnelle pour se poser en candidate écologiste, qui entend dépasser le clivage droite-gauche…

Son programme ne laisse pourtant guère de doute sur son orientation néolibérale  : indépendance de la Banque centrale, réduction de l’investissement du pays dans le secteur énergétique (« présal »), sortie du Mercosur pour le remplacer par des accords bilatéraux et aucune opposition aux cultures transgéniques. Le sociologue brésilien Emir Sader explique  : « L’autonomie de la Banque centrale est l’un des dogmes les plus fondamentaux du néolibéralisme. Cette autonomie provoque l’affaiblissement de l’État et le renforcement de la centralité du marché. La maîtrise de la politique monétaire doit servir le renforcement d’un modèle de développement économique recherchant une meilleure répartition du revenu national. Enlever cette capacité affaiblit toute la politique distributive. »

La candidate écologiste incarne donc cette « nouvelle droite » sud-américaine. Elle s’attaque aux alliances régionales (UNASUR, CELAC) en voulant relancer le traité de libre-échange avec les États-Unis – bloqué par la victoire de Lula en 2002 – et son équipe de campagne regroupe des anciens ministres des gouvernements de droite, comme Andre Lara Resenda, Giannetti da Fonseca ou Neca Setubal, l’héritière de la banque Itaú, une des plus grandes banques privées brésiliennes.

Source : Investig’Action

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Brésil : Marina Silva ne laisse aucun doute sur son projet

Emir SADER, 6 septembre 2014

(Marina Silva est ex-membre du Parti des travailleurs (PT) et a été sénatrice avant de devenir ministre de l’Environnement du gouvernement Lula de 2003 à 2008. Candidate à l’élection présidentielle de 2010 pour le Parti vert du Brésil, elle arrive troisième avec près de 20% des voix. Après avoir échoué à créer son propre parti, elle rejoint en 2013 le Parti socialiste brésilien (PSB) et aurait occupé le poste de vice-présidente en cas de victoire du candidat Eduardo Campos pour l’élection présidentielle de 2014. Après la mort de ce dernier dans un accident d’avion le 13 août 2014, elle est désignée candidate du PSB.)

Il y a quelques semaines, Marina Silva a lancé sa candidature à la présidence du Brésil. Dans son programme, trois points se distinguent par leur importance : l’indépendance de la Banque centrale, une importance moindre donnée au Pré-sal et au Mercosur, ce dernier étant remplacé par des accords bilatéraux. Ces trois points ne sauraient être plus plus significatifs, car ils entrent directement en conflit avec les orientations des gouvernements de Lula et de Dilma. Les trois, ensemble, pointent sur un projet d’orientation nettement néolibérale.

L’autonomie de la Banque centrale est l’une des thèses les plus préconisées par les recettes néolibérales. Elle provoque l’affaiblissement de l’État et le renforcement du centralisme du marché, alors que cette indépendance de la politique monétaire est normalement l’oeuvre du gouvernement, qu’il applique à un modèle de développement économique inextricablement lié à la répartition du revenu. Retirer au gouvernement son contrôle de la politique monétaire et la laisser soumise à l’influence directe des acteurs du marché – en particulier du système bancaire privé – revient à déplacer la capacité de ce modèle à soumettre l’équilibre budgétaire à des politiques distributives, en se soumettant, au contraire, à la centralité de l’ajustement fiscal, recherché par le néolibéralisme.

Diminuer l’exploration du Pré-sal revient à jeter par-dessus bord la capacité du Brésil à s’affranchir en termes de politique énergétique, de disposer d’une grande quantité de ressources provenant de l’exportation, ainsi que de consacrer 7,5 % de ces ressources à l’éducation et 2,5% à la santé, conformément à une décision déjà adoptée par le Congrès.

Ce serait aussi une politique suicidaire en termes de développement technologique du Brésil, et diminuerait l’impulsion économique obtenue par les immenses demandes exigées par l’exploration du Pré-sal.

Ces positions se complètent – et gagnent leur plein sens – lorsqu’on examine ce que peut vouloir dire diminuer l’importance du Mercosur et développer des accords bilatéraux. Le MERCOSUR a signifié jusqu’ici la politique de priorité des accords régionaux face au Traité de libre-échange avec les États-Unis, prêché par le gouvernement de Fernando Henrique Cardoso et bloqué par la victoire de Lula en 2002.

Minimiser l’importance du Mercosur, en réalité, signifierait nier l’importance de toute la gamme des instances d’intégration développées et créées ces dernières années : la Banque du Sud, le Conseil sud-américain de la défense, l’Unasur, la Celac, ainsi que les Brics et leurs accords nouvellement établis, qui comprennent la Banque de développement et le Fonds de réserves de soutien aux pays ayant des problèmes de devises.

Le programme ne dit pas clairement de quel type d’accord bilatéral il s’agit, mais il est à craindre que ce soit, surtout, des accords avec les États-Unis et les pays centraux du capitalisme. Il sera alors impossible au Brésil de continuer dans le Mercosur, et aboutira, peut-être, à une rupture totale du pays avec tous ces organismes et une réinsertion radicale et subordonnée à la sphère des États-Unis, avec toutes les conséquences régionales et mondiales que cela suppose.

Il ne fait aucun doute que la forme de l’affrontement électoral a changé, avec la polarisation autour de Marina Silva et de Dilma Rousseff, mais le contenu reste le même : continuité du gouvernement postnéoliberal du PT ou retour à un projet néolibéral, maintenant déguisé de quelques – assez peu – oripaux et déclarations écolos (Marina a déjà déclaré qu’elle n’a jamais été contre les cultures transgéniques) ou un prétendu renouvellement de la politique, au-dessus des partis et de la polarisation gauche-droite, tout en regroupant à droite toute derrière elle.

C’est un vrai cadeau pour la droite brésilienne et pour les États-Unis, qui étaient près de voir leurs candidats et ses thèses éliminées une fois de plus. Le monopole privé des moyens de communication – le véritable parti de la droite – sans doute obtiendrait une grande victoire, dans le cas où sa nouvelle candidate parviendrait à vaincre le gouvernement du PT – objectif unique, par n’importe quel moyen, de la droite brésilienne et de Washington. C’est ce qui est en jeu maintenant au Brésil.

Marine indique clairement la nature de son projet par ses positions, mais également en regroupant dans la coordination de sa campagne électorale des noms connus du néolibéralisme : Andre Lara Resenda, ancien ministre des gouvernements Collor de Melo et Cardoso ; Giannetti da Fonseca, notoire idéologue néolibéral, et Neca Setubal, héritière de la Banque Itaú, l’une des plus grandes banques privées brésiliennes. Avec ces positions et cette équipe, l’ex-leader écologiste Marina Silva se convertit pleinement au néolibéralisme.

Emir Sader

Source : Le Grand Soir

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Épilogue :

“La candidate écologiste brésilienne Marina Silva a officiellement apporté son soutien, dimanche, au candidat social-démocrate [Traduction : de droite] Aécio Neves, qui affrontera la présidente sortante Dilma Rousseff au second tour du scrutin le 26 octobre.” (Source : France24)

Source: http://www.les-crises.fr/marina-silva-nouvelle-droite-sud-americaine/


Revue de presse du 25/10/2014

Saturday 25 October 2014 at 00:10

Un spécial “dette” dans les thèmes Crise Financière et Europe ; la France abordée sous les angles de la pensée politique, géopolitique et sociétale ; le retour de la guerre froide ; un petit tour sur les marchés boursiers et une rubrique Réflexion des plus recommandées. Bonne lecture.

Source: http://www.les-crises.fr/rdp-25-10-2014/


Quand l’AMF protège le monopole bancaire de la fraude boursière…

Friday 24 October 2014 at 05:00

Reprise d’un article de Libération.

Manipulation: Bourse Direct condamnée à 250 000 euros d’amende


Le siège de l’AMF à Paris; la Commission de régulation de l’Autorité des marchés financiers (AMF) a annoncé jeudi avoir infligé une amende de 250.000 euros à la plateforme boursière Bourse Direct (Photo Fred Dufour. AFP)

Le siège de l’AMF à Paris; la Commission de régulation de l’Autorité des marchés financiers (AMF) a annoncé jeudi avoir infligé une amende de 250.000 euros à la plateforme boursière Bourse Direct Le siège de l’AMF à Paris; la Commission de régulation de l’Autorité des marchés financiers (AMF) a annoncé jeudi avoir infligé une amende de 250.000 euros à la plateforme boursière Bourse Direct (Photo Fred Dufour. AFP)

La Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (AMF) a annoncé jeudi avoir infligé une amende de 250.000 euros à la plateforme boursière Bourse Direct (groupe Viel & Cie) pour ne pas avoir décelé et déclaré une manipulation de cours d’un de ses clients.

La Commission des sanctions, une instance indépendante au sein du gendarme boursier, a finalement décidé d’une somme supérieure à la sanction de 150.000 euros que l’AMF avait requise mi-septembre.

En revanche, Jean-Marie Puccio, le particulier incriminé, n’a été condamné qu’à 75.000 euros d’amende, nettement moins que les 350.000 euros requis contre lui.

M. Puccio, qui investissait presque chaque jour en Bourse depuis le début des années 2000, procédait en plusieurs phases pour laisser croire à un fort mouvement d’achat sur un titre donné.

Après avoir provoqué une hausse artificielle de la valeur par des achats agressifs, effectués dans un premier temps, il en profitait en revendant ces titres. En même temps, il annulait des ordres d’achat passés en grand nombre pour encourager le mouvement. Au total, 30 valeurs sont concernées.

La Commission a considéré que ces ordres «n’étaient pas passés dans l’intention d’être exécutés et étaient susceptibles, par leur nombre et leur volume, de donner des indications fausses ou trompeuses sur la demande», a expliqué l’AMF dans un communiqué.

Elle a cependant limité le montant de l’amende en raison de «la situation financière précaire de M. Puccio» et a estimé que la publication sur certains forums d’avis sur les valeurs concernées, «sans informer les éventuels lecteurs des positions qu’il détenait sur celles-ci», ne constituait pas un chef d’accusation séparé.

En ce qui concerne Bourse Direct, la Commission lui reproche de ne pas avoir été en mesure de détecter la manipulation, par «manque de moyens dévolus», alors qu’un responsable de la société avait lancé en 2009 et 2010 des avertissements sur la question.

«En effet, en dépit de la multitude d’alertes paramétrées par la société, celle-ci n’était pas en mesure de les traiter efficacement, notamment en les croisant les unes avec les autres, ce qui lui aurait permis de détecter par exemple des annulations d’ordres suivies d’un renversement de position», a noté l’AMF.

«La Commission a décidé, ce qui est assez rare pour être souligné, d’aller au-delà des réquisitions du Collège de l’AMF et de prononcer une sanction pécuniaire de 250.000 euros», a-t-elle souligné.

Source : Libération, dépèche AFP

Commentaire

On apprend ici avec plaisir que l’AMF s’occupe moins des blogueurs, et plus du contrôle de la Bourse.

Rien à dire sur la sanction du comportement incriminé.

Si ce n’est juste un petit détail : des ordres qui «n’étaient pas passés dans l’intention d’être exécutés et étaient susceptibles, par leur nombre et leur volume, de donner des indications fausses ou trompeuses sur la demande», c’est JUSTEMENT un des principes souvent utilisés dans le trading haute fréquence (HFT) réalisé par les ordinateurs des banques ! Avec des pourcentage d’annulation d’ordres atteignant parfois 90 % ! Lire par exemple ici ou ici. (les pros du sujet apprécieront, et sont chaudement invités à laisser un commentaire, merci)

L’ancien président de l’AMF avait déclaré :  le 5 octobre 2011 « qu’il était quasiment impossible de démontrer d’éventuelles manipulations de cours liées au HFT du fait de sa structure opaque et des manques de données durablement exploitables via le carnet d’ordres »…

Bref, en pratique, c’est illégal pour les particulier mais possible pour les ordinateurs…

En conclusion, je rappelle que je défends l’idée de revenir à des cotations uniques par jour et à l’interdiction de ce genre de pratiques.

Pour être moins radical dans un premier temps, comme me le confiait un grand pro du sujet, il serait aussi possible simplement de :

Source: http://www.les-crises.fr/quand-l-amf-protege-le-monopole-bancaire-de-la-fraude-boursiere/


[Reprise] État islamique : pourquoi les tactiques de l’Occident ne fonctionnent pas

Friday 24 October 2014 at 02:30

Reprise d’un billet du Nouvel Obs

L’État islamique ne cesse d’avancer et ce, malgré les frappes internationales. En Syrie comme en Irak, la situation se dégrade de jour en jour. Comment expliquer l’impuissance de la communauté internationale ? Les djihadistes sont-ils si puissants ? L’analyse de Olivier Hanne et Thomas Flichy, spécialistes de géopolitique.

Depuis un mois et demi, malgré les proclamations de principe et les bombardements sur les positions clés de l’État islamique, celui-ci ne paraît nullement affaibli. Au contraire, les multiples pressions n’y font rien et le monde découvre avec inquiétude que ce proto-État ne sera jamais réductible sans forces terrestres.

La grande coalition semble paralysée par l’inefficacité des frappes aériennes. La Turquie ne s’engage qu’à reculons pour obtenir des gains au nord de la Syrie, gains dont les Kurdes feront les frais prochainement. À terme, la Jordanie peut elle aussi être menacée, tout comme le Liban l’est déjà.

Le Front al-Nosra a cessé depuis septembre toute attaque contre l’État islamique et il faut craindre une réconciliation entre les deux mouvements. Localement, les populations syriennes continuent de soutenir al-Nosra contre les bombardements et les tribus de la province irakienne d’al-Anbar ne semblent pas prêtes à se retourner contre le califat.

On ne sait pas ce que l’on détruit

L’étude de la localisation des frappes de la coalition depuis le mois d’août contraint à réévaluer la menace de Daesh et sa nuisibilité.

Malgré les effets d’annonce sur la précision et l’ampleur des bombardements, un recul critique sur la masse d’informations transmises par le Département américain de la Défense, ainsi que par des organismes semi-privés comme l’Institute for the Study of war, laisse songeur. Entre le 8 août et le 6 octobre, au moins 250 frappes ont eu lieu en Irak et 90 en Syrie.

En réalité, on ne brise que du matériel, des bâtiments éloignés des centres urbains et des colonnes de véhicules trop visibles. Les djihadistes se mélangent en permanence à la population et nul ne sait réellement ce que les missiles occidentaux détruisent à 5.000 pieds. Les images sont faussement parlantes.

L’EI ne cesse d’avancer

Bien sûr, on cible des centres vitaux de l’EI : Raqqa, Deir al-Zor en Syrie, ou encore Mossoul, Sindjar, Haditha et Falloujah en Irak, autant de sites sous contrôle djihadiste depuis plusieurs mois. Mais près de 30 % des opérations de l’aviation américaine concernent les quartiers d’Erbil, Kirkouk, Amerli et Bagdad, villes que l’on disait pourtant encore épargnées par Daesh.

Est-ce à dire qu’elles ne le sont plus ? De violents accrochages ont eu lieu au sud de Kirkouk avec les Peshmergas kurdes les 2 et 3 octobre. Dans cette ville, des bâtiments de la 12e armée irakienne ont été soufflés par une explosion le 6 octobre.

La veille, la ville de Hît, au sud de Haditha, était passée sous contrôle de Daesh dans le plus grand silence médiatique.

Entre le 1er et le 7 octobre, la pression des combattants s’est accrue à l’ouest de Bagdad, sans que les frappes américaines puissent déserrer leur emprise. L’EI est désormais solidement implantée à 40 km de la capitale.

Le 6 octobre, l’EI a affronté la police et les milices shiites près de Aziz Balad, à quelques dizaines de kilomètres au nord de Bagdad. Ramadi, la dernière ville de la province d’al-Anbar à obéir au gouvernement central, devrait bientôt tomber, ainsi que la base aérienne d’al-Asad, non loin de Hît.

Des cartes erronées

La plupart des cartes d’implantation de l’État islamique proposées dans les revues françaises et américaines sont erronées (à dessein ?).

En effet, elles présentent souvent les territoires concernés sous trois appellations : “Zones sous contrôle de l’EI”, réduites à de minces fils comme ceux d’une toile d’araignée ; “zones d’attaques récurrentes de l’EI” et “zones de soutien de l’EI”. Or, personne d’autre que Daesh n’a d’autorité sur ces deux derniers espaces.

Ces “zones de soutien” sont plus qu’un réservoir de terres à conquérir, elles sont de facto les territoires de Daesh. Les réduire à de simples lignes le long des axes n’a aucun sens : les espaces intersticiels ne relèvent ni de Bagdad ni des États-Unis, mais seulement du Califat.

L’Occident et ses vieilles tactiques uniformisées

La guerre médiatique lancée par les États-Unis et l’ONU contre l’État islamique cacherait-elle la puissance de cette pieuvre qui s’adapte à son ennemi ?

De fait, cette organisation terroriste est totalement décentralisée, chaque bataillon a son autonomie d’action et multiplie les opérations périphériques, sans nécessairement de concertation. À un Occident réduit à de vieilles tactiques aériennes uniformisées et prévisibles (la guerre “hors-sol”) s’oppose un djihadisme multipolaire, réactif et enraciné.

En outre, la communication militaire de la coalition a souhaité focaliser l’attention de l’opinion publique mondiale sur Kobané et la question syrienne, alors que la situation est d’une autre gravité en Irak : quinze tragédies de Kobané s’annoncent ici…

Pourquoi ce choix ? Les États-Unis ont une prédilection pour le théâtre syrien dont ils veulent écarter Bachar al-Assad depuis des années, quitte à faire intervenir la Turquie en lui donnant des gages, malgré son manque de fiabilité. Kobané tombera de toute façon, même avec l’aide velléitaire d’Ankara.

En attendant, on ne songe plus à l’Irak où la menace grandit. Tous les gouvernements occidentaux répètent désormais la même excuse : sans troupes au sol, on ne peut rien faire. Les opinions publiques sont ainsi progressivement familiarisées à la prochaine étape : l’envoi de soldats ou de commandos en Syrie, et non en Irak.

Toujours sans solution politique et refusant obstinément d’ouvrir la porte des négociations à l’Iran et à Damas, les États-Unis s’enferrent donc dans une stratégie sans horizon qui contribue à la crise du Proche-Orient.

Source : Le Nouvel Obs

Source: http://www.les-crises.fr/etat-islamique-pourquoi-les-tactiques-de-loccident-ne-fonctionnent-pas/


[Vidéo Soirée Médiapart] Corruption, ça suffit !

Thursday 23 October 2014 at 02:08

Soirée du 19 octobre, présentée par Edwy Plenel et animée par Fabrice ArfiBenoît Collombatet Antoine Peillon.

Avec Roberto Scarpinato, Procureur général auprès du parquet de Palerme, Eric Alt, magistrat, Chantal Cutajar, universitaire, William Bourdon, avocat, Monique Pinçon-Charlot, sociologue, Antoine Garapon, magistrat, éditeur, Jean-Paul Philippe, policier,Cynthia Fleury, philosophe, Paul Jorion, anthropologue, Pierre Lascoumes, sociologue et François Morin, économiste.

Source : Mediapart

Je rajoute pour information cette carte de Transparency International (probablement discutable, amis cela permet de mieux percevoir le fléau sur la planète).

Source: http://www.les-crises.fr/video-soiree-mediapart-corruption/


Notre pote Big Moustache

Wednesday 22 October 2014 at 17:50

Un mot rapide sur le crash de Christophe de Margerie – en raison des réactions, toujours éloquentes.

Pour ceux qui s’étonnent que je parle de ça, comme du plug, c’est simplement car si le fond n’est pas très intéressant, ceci illustre cependant des modes de pensées à l’oeuvre dans les sujets qui nous occupent plus habituellement…

J’ai été attristé hier, car je lui avais parlé quelques minutes il y a 2 ans, et c’est vrai que c’était un homme affable et sans langue de bois, détonnant dans le profil classique des PDG du CAC – j’ai souvent une sympathie pour un bon PDG qui a passé 40 ans dans l’entreprise…

L’enquête établira s’il a ou non été victime de la baisse des coûts à l’aéroport de Moscou :

“Au moment du choc, l’avion volait déjà à 200 km/h – il était donc impossible d’intervenir. Mais il semble que le contrôleur qui était en poste au moment de la tragédie a agi correctement. La visibilité était de seulement 350 mètres, ce qui l’empêchait totalement de distinguer ce qui se passait à l’autre extrémité de la piste de décollage, à 1500 mètres de sa tour. Il y a encore deux ans, il y avait deux contrôleurs par piste à Vnoukovo, mais depuis, les effectifs ont été réduits de moitié. S’il y avait eu un contrôleur à l’autre extrémité, cet accident aurait probablement pu être évité. J’insiste sur le fait qu’on ne peut pas faire d’économies quand il s’agit de sécurité – et peu importe si les billets d’avion coûtent dix roubles de plus ! Dans l’aviation, quand on se met à mesurer l’efficacité en termes financiers, ça finit toujours mal. [...] De nombreux jets privés passent par cet aéroport, et il est surchargé. Pourtant, la direction est en train de réduire le nombre de contrôleurs et on se prépare à des licenciements de masse… Nous espérons que cet accident attirera l’attention sur cette situation.” (Source)

Le Plus

On avait parlé de lui en 2012 sur ce billet :

Le Parisien – Le super à 2 euros le litre est donc inéluctable ?

Christophe de Margerie – Cela ne fait aucun doute. La vraie question, c’est : quand ? Il faut espérer que cela n’arrive pas trop vite, sinon les conséquences seront dramatiques.

Mais il a vite été recadré par le représentant du lobby de l’autruche :

Le président Nicolas Sarkozy a dénoncé mercredi, en recevant des députés UMP à l’Élysée, les propos «indécents» du PDG de Total, Christophe de Margerie, qui juge inévitable que le litre de super grimpe à 2 euros, selon des participants. « Les propos de Christophe de Margerie sur le litre à 2 euros sont indécents », a-t-il déclaré lors de cette rencontre. « Je vais m’en occuper ! », a prévenu Nicolas Sarkozy, selon ces mêmes sources.

Quelques mois plus tard, il récidive, en marge des Rencontres économiques à Aix-en-Provence : “Les prix du pétrole étant plutôt à la hausse, il ne faut pas s’attendre à ce que sur le long terme les prix des carburants baissent.” En 2009, il avait déjà lancé : “Ne partez pas du principe que les prix du pétrole vont baisser. C’est faux !”

En effet, c’était un des rares PDG d’un groupe pétrolier a avoir alerté il y a quelques années sur la survenance assez proche du Pic pétrolier – même s’il était devenu plus “optimiste” ces derniers temps au niveau du délai. Et il avait gagné mon respect à ce moment là. Quelle bien triste ironie qu’il soit mort horriblement brulé dans du kérosène.

Il avait aussi signé l’appel Taxez-Nous en 2011 : “Nous sommes conscients d’avoir pleinement bénéficié d’un modèle français et d’un environnement européen auxquels nous sommes attachés et que nous souhaitons contribuer à préserver.” On n’est pas forcément dupe (3,5 millions d’euros de salaire en 2013), mais bon, beaucoup ne l’ont pas signé…

Enfin, il avait tenu des propos très intéressants à propos des tensions avec la Russie :

“On dit que nous devons nous protéger de l’Ukraine, et puis on commence à parler de la Russie. Ce sont des choses tout à fait différentes. Est-ce que nous avons l’intention de construire un nouveau mur de Berlin ? [...] La Russie est notre partenaire, et nous ne devons pas perdre notre temps à nous défendre contre notre voisin. Nous devons œuvrer à ne pas être trop dépendants envers n’importe quel pays, mais cela ne concerne pas la Russie, qui nous a sauvés à plusieurs reprises. [...] Peut-on se passer du gaz russe en Europe ? La réponse est non. Et est-ce qu’on a des raisons de s’en passer ? A mon avis, et je ne défends pas les intérêts de Total en Russie, c’est non.” (Source)

“Je ne plaide pas pour la Russie, mais pour plus de compréhension. Les sanctions sont une voie sans issue, l’interdépendance économique en revanche nécessite un dialogue constructif [...] Nous ne devons pas nous laisser persuader que la Russie est un ennemi, d’autant que notre approvisionnement en énergie dépend en grande partie de ce voisin, a-t-il ajouté. On ne doit pas tomber dans la caricature des gentils Ukrainiens pro-occidentaux et des méchants pro-Russes.” (Source) 

Le Moins

Après, on peut aussi prendre un peu de recul en rappelant certains de ses propos bien plus discutables…

Gaz de schiste : “Ayons le courage de faire de l’exploration, et après ça on en discute.”"

L’Europe : “Ne le prenez pas comme une provocation, je pense que l’Europe devrait être reconsidérée comme un pays émergent.”

Démocratie : “La mission de Total n’est pas de restaurer la démocratie dans le monde. Ce n’est pas notre métier. Total n’est ni un outil politique ni une ONG.” Sous le titre “Birmanie : le rapport qui accuse Total”, “Libération” avait dévoilé en 2009 un rapport, selon lequel le groupe pétrolier français serait l’un des principaux soutiens financiers de la junte au pouvoir en Birmanie depuis 1962. (Source)

L’État :

“Le vrai problème de la France, c’est l’État.

Il faut que nous réformions l’État. Nous ne pouvons pas continuer dans un système où 57% du PIB viennent des dépenses publiques et de ce qu’on appelle les retours sociaux. C’est inacceptable. Plus de la moitié de notre PIB transite ainsi par les mains de l’État, qui, soit dit en passant, a beaucoup de mal à le gérer, ce qui n’est pas surprenant.

Le poids excessif de la sphère publique affaiblit les entreprises, dont le rôle économique et social n’est pas assez reconnu dans notre pays. Il est important de comprendre pourquoi notre compétitivité, en tant qu’entreprises, en tant qu’entrepreneurs, a diminué de manière aussi rapide en dix ans. Les entreprises sont moins compétitives, elles gagnent moins d’argent, perdent des parts de marché, elles ont du mal à continuer à investir dans la recherche et le développement. Cette hémorragie est inacceptable et doit être arrêtée. Le fait que la France compte trente deux groupes parmi les plus grandes entreprises mondiales n’arrivera pas à cacher cette vérité.

S’occupe-t-on de l’entreprise ? Non, on s’occupe de l’État. On s’occupe de savoir ce que l’État va nous apporter ou pas. On en est encore au stade de papa-maman et ce n’est pas normal, surtout dans le monde moderne.

Pourquoi sommes-nous ainsi en France ? Pourquoi donnons-nous un tel  rôle à l’État en nous tournant vers lui dès qu’il y a un problème. En réalité, il ne peut rien faire de plus qu’utiliser l’argent qu’on lui donne. L’argent de l’État est effectivement fait pour être redistribué. Mais l’argent de l’État, c’est le vôtre, c’est celui des entreprises. L’État n’est pas censé créer de la valeur. Il est censé éviter d’en perdre, il doit utiliser au mieux ses budgets. Ce n’est pas à lui de créer de la valeur, ce n’est pas à lui de se développer et de gagner des parts de marché. C’est une absurdité de le croire. 

Ceci n’a rien à voir avec la question de savoir si une entreprise doit être publique ou privée – cela, c’est l’actionnariat. L’actionnariat peut être d’État : si une société d’État se développe bien à l’international et en France, pourquoi pas ? Mais là n’est pas mon sujet, et du reste je pense que l’État a mieux à faire que de détenir des participations dans des entreprises. Sa priorité doit être de s’occuper de la manière dont il gère les dépenses publiques. Les gérer au mieux implique évidemment de les réduire, malgré tout ce que cela entraîne comme difficultés.

Il faut remettre l’entreprise au centre de la préoccupation de l’État et des Français. [...]

Je terminerai par ce message optimiste. Si nous remettons l’entreprise dans le train de la globalisation ; si nous arrêtons de faire croire aux jeunes que la mondialisation et la globalisation sont l’ennemi, tandis que c’est simplement le monde qui est autour de nous ; alors, je crois qu’avec une certaine idée de la France, cette spécificité peut être, comme elle l’a toujours été, un atout – et non pas, allais-je dire, une exception française qui tendrait à nous exclure du jeu.”(2013, Source) 

Les réactions des médias

J’ai été assez surpris des réactions médiatique à ce qui n’est, hélas, qu’un bien malheureux fait divers.

Mais alors, j’ai regardé sur TF1 : hier près de 15 minutes au 13 heures (juste avant ce reportage mémorable sur les 2 proches communes française et belge portant le même nom), 10 minutes au 20 heures, et encore 10 minutes au 13 heures du jour, avec le zoom sur le lieu de ses obsèques…

Le ton n’était pas très loin de celui de la mort de l’abbé Pierre, j’ai quand même cru un peu rêver, cela faisait très “Not’ bon maitr’, il est mort”… (ce qui n’enlève rien au drame personnel touchant la famille et les amis).

On aurait aussi dit que Total allait s’écrouler comme si c’était lui qui tenait seul l’entreprise…

Sélection :

Les éditorialistes joignent leur voix mercredi aux hommages appuyés qui ont suivi la mort du patron de Total, Christophe de Margerie, «capitaine d’industrie» et «ambassadeur» de la France.

«Phénomène rare, peut-être unique… La France, qui n’aime guère ses patrons – elle a parfois de bonnes raisons pour cela -, s’incline avec une émotion qui n’est pas seulement de convenance devant la mémoire de Christophe de Margerie», remarque Laurent Joffrin dans Libération.

Les éditoriaux louent à la fois les qualités de dirigeant d’une très grande entreprise de Christophe de Margerie mais aussi sa contribution au rayonnement d’un pays.

«La France a perdu non seulement un capitaine d’industrie mais aussi un homme à l’influence considérable. Signe d’un temps où l’économie est la plus puissante des diplomaties», relève Dominique Greiner (La Croix)

«Il y a des entreprises qui sont un peu la France» et Christophe de Margerie «était d’abord un grand capitaine d’industrie portant haut les couleurs de la France», renchérit Thierry Borsa dans Le Parisien.

«Au final on doit porter à son crédit d’avoir réussi à maintenir son rang parmi les géants de l’or noir bien que l’Hexagone n’en compte pas une goutte», analyse David Barroux dans Les Echos.

Pour Pascal Coquis des Dernières Nouvelles d’Alsace, il «était de ces hommes de la pénombre au poids politique considérable et à l’entregent essentiel en période de crise majeure».

«Christophe de Margerie, plus qu’un patron, était un ambassadeur de la France, notamment en Russie où Total investit massivement», fait valoir Jacques Camus dans La Montagne/Centre France.

Dans ce concert de louanges, certains rappellent – fût-ce brièvement – «que les critiques de certaines ONG, de défenseurs des droits de l’homme, de responsables écologistes ou de leaders de la gauche demeurent» (Eric Dussart, La Voix du Nord).

Mais «qu’il fréquentât pour les besoins de sa cause des dictateurs réputés infréquentables, qu’il assumât des relations politiquement sensibles du Gabon jusqu’en Birmanie, qu’il négociât âprement lors d’improbables parties diplomatiques aux fortes odeurs de pétrodollars, Christophe de Margerie s’estimait porteur d’une double mission : travailler à la fois pour Total et pour la France», résume Jean-Claude Souléry dans La Dépêche du Midi.

«En quatre ans de présidence, le PDG de Total aura dispersé les vapeurs de soufre d’AZF ou de l’Erika pour mieux vendre un projet industriel construit sur le gaz et le pétrole, envers et contre toutes les oppositions», conclut La Charente libre, sous la plume de Jean-Louis Hervois. (Source) 

Il était très intéressant de voir ces journalistes en bas du siège de Total au petit matin, cherchant des salariés totalement anéantis, se ruant par terre façon Mater Dolorosa, en raison du décès de Not’ bon Maitr’, tout comme  ces reportages dont on se demandait à la fin si M. de Margerie ne guérissait pas aussi les écrouelles… Je passe sur les allusions sur ce sous-homme d’employé russe rempli de vodka (ou pas, on n’en sait rien, mais autant le dire dans le doute…).

Enfin, intéressant billet d’Arrêts sur Images - dont je me suis inspiré pour le titre de ce billet….

Les réactions politiques

Mais c’est au niveau politique que cela a atteint des sommets !

Je passe vite sur l’UMP :

Mais alors on va s’arrêter sur le Président : 

“C’est avec stupeur et tristesse que le Président de la République a appris le décès de M. Christophe de Margerie.

M. Christophe de Margerie avait consacré sa vie à l’industrie française et au développement du groupe Total. Il l’avait hissé au rang des toutes premières entreprises mondiales.

OB : “Les salariés un peu aussi…”

M. Christophe de Margerie défendait avec talent l’excellence et la réussite de la technologie française à l’étranger. Il avait de grandes ambitions pour le groupe Total.

C’était aussi un généreux mécène personnel et professionnel qui avait apporté son concours à d’importantes initiatives culturelles.

OB : ” ‘tain, si ça se trouve, c’est lui qui a payé le plug !!!”

François Hollande avait apprécié en Christophe de Margerie son caractère indépendant, sa personnalité originale et son attachement à son pays.

Le Président de la République présente ses plus sincères condoléances à la femme, aux enfants, à toute la famille et aux proches de M. Christophe de Margerie ainsi qu’à tous les personnels du groupe Total.”(Source Elysée)

et surtout sur Valls :

A regarder ici 

“Manuel Valls, Premier ministre, a appris avec une profonde tristesse le décès de Christophe de Margerie dans un accident d’avion à Moscou. La France perd un dirigeant d’entreprise hors du commun qui a su transformer Total pour en faire un géant mondial. Il avait notamment préparé l’avenir de l’entreprise, en l’orientant vers les énergies du futur.

Aujourd’hui, les dizaines de milliers d’employés de Total sont orphelins de leur Président qui incarnait l’esprit et le goût d’entreprendre. Il avait aussi ce panache, cette volonté d’aller de l’avant, un humour si français et une finesse d’esprit qui en faisait un homme unanimement apprécié.

OB : Enfin bon ESCP puis Total, je pense qu’on a connu mieux comme symbole de l’esprit d’entreprendre – genre toutes les personnes qui ont créé leur entreprise, puis embauché… 

La France perd un grand capitaine d’industrie et un patriote.

OB : ah, tiens, c’est positif maintenant d’être “patriote” – mais attention, juste quand on est PDG…

Manuel Valls perd un ami. Il adresse à son épouse, à ses enfants et à sa famille, qui sont dans la douleur, ses plus sincères condoléances.” (Source Premier-Ministre)

 

Hein, “Manuel Valls perd un ami” ?

En effet, on apprend ici :

“Notoirement mauvaises, ses relations avec Nicolas Sarkozy se sont dégradées quand le pétrolier a fermé l’usine de Dunkerque et osé prédire une flambée du prix de l’essence à 2 euros. Christophe de Margerie se sent plus proche de François Hollande. Les deux hommes se connaissent de longue date ; ils étaient les témoins de mariage de Brigitte Taittinger, cousine de Christophe de Margerie, et de Jean-Pierre Jouyet, ami de l’ENA de François Hollande, aujourd’hui secrétaire général de l’Elysée. Eclectique, le moustachu aime les personnalités tranchées. Intime du couple Valls, il apprécie aussi bien Cécile Duflot que Rachida Dati.” (Source)

Ah bon…

Alors du coup, je comprends mal pourquoi Hollande transmets ses “condoléances” au “personnel du groupe Total” (pourquoi pas à l’Humanité aussi ?) alors qu’il faudrait les transmettre au Premier Ministre…

Purée, j’imagine bien le truc :

18/05/1898. Jean Jaurès, Député du Tarn, a appris avec une profonde tristesse le décès hier d’Henri Schneider. La France perd un dirigeant d’entreprise hors du commun qui a su transformer l’entreprise Schneider pour en faire un géant national. Il avait notamment préparé l’avenir de l’entreprise, en l’orientant vers les matériaux du futur, en particulier les armements.

Aujourd’hui, les milliers d’employés de Schneider sont orphelins de leur Président qui incarnait l’esprit et le goût d’entreprendre. Il avait aussi ce panache, cette volonté d’aller de l’avant, un humour si français et une finesse d’esprit qui en faisait un homme unanimement apprécié.

La France perd un grand capitaine d’industrie et un patriote.

Jean Jaurès perd un ami. Il adresse à son épouse, à ses enfants et à sa famille, qui sont dans la douleur, ses plus sincères condoléances.”  

Polémique

Mais il y a eu mieux, grâce au Tweet de Gérard Filoche :

Alors, réactions à droite, normal :

(c’est vrai que c’est plus grave que détourner du bigmargent public)

Mais alors à gauche, on hallucine :

Et mieux :

Interrogé à l’Assemblée nationale lors des questions d’actualité au gouvernement, Manuel Valls a lui aussi évoqué le cas Filoche. Le premier ministre, qui était « un ami personnel » de M. de Margerie, a lancé à la tribune : « Ceux qui ont des mots qu’on ne peut pas prononcer face à un mort ne méritent pas d’être dans ma formation politique. » (Source)

Heu, sérieusement ? “des mots qu’on ne peut pas prononcer”?

De Margerie est mort. [Ca, je pense que ça va] famille taittinger en deuil. [Ca, je pense que ça va] Les grands feodaux sont touchés. [Ouille ouille] Ils sont fragiles. [DANGER, à ne pas dire !] Le successeur nous volera t il moins ? [Hmmm, c'est mal de laisser penser qu'on aura un dirigeant qui fera moins d'optimisation fiscale ?]

Bon, on est d’accord, on est en plein délire : Valls demande donc d’exclure un membre d’un parti politique qui ne s’incline pas devant la mémoire de son proche ami ?

“Jean-Christophe Cambadélis a évoqué en ouverture du bureau national du parti, qui se tenait mardi soir, « des propos inqualifiables et intolérables, mettant en cause l’éthique du PS ». Avant d’annoncer qu’il allait transmettre le cas à la haute autorité. Cette instance, présidée par Jean-Pierre Mignard, a été créée par la révision des statuts de 2012. « Indépendante de la direction du parti », elle est chargée de « faire respecter les règles d’éthique et de droit qui s’imposent au Parti socialiste et à ses adhérents ». Elle peut infliger des sanctions allant du blâme à l’exclusion.” (Source)

Attention, définitions :

“Éthique du PS”: serpent du mer. Synonyme : “éthique de l’UMP”.

“Haute autorité du PS ” : instance n’ayant jamais été saisie des cas DSK, Cahuzac, Thévenot… Guérini est resté 2 ans au PS en étant mis en examen pour “association de malfaiteurs”, sans saisie de la Haute Autorité…

Bon, le tweet n’est pas fabuleux, je ne l’aurais pas écrit comme ça, mais enfin,  il n’y a pas de quoi fouetter 15 chats non plus…

Et puis il me semblait que le PS défendait la liberté d’expression, non ?

Donc :

Idem pour Valls :

Donc :

Allez, laissons la parole à Filoche pour finir :

Que vouliez-vous dire précisément avec ce tweet?

Je tiens à dire que je n’ai jamais voulu manquer de respect à quiconque. Je ne manque pas d’empathie pour quelqu’un qui décède, ceux qui me connaissent le savent bien. Simplement, quand j’ai appris la nouvelle à 5h58 du matin, dans le train qui me ramenait de Clermont-Ferrand, je n’ai pas voulu me joindre au choeur de louanges. Il y a un bilan de Total à faire. Je ne veux pas que la nécrologie officielle soit une apologie.

Que reprochez-vous à Christophe de Margerie?

Il était en place au moment d’Erika, au moment d’AZF. Il y a aussi eu une multiplication des accidents du travail pendant son mandat. Il faut regarder ce qu’a fait Total au Congoen Birmanie. Il faut aussi faire le bilan fiscal. Je suis en train de travailler à ce texte avec quelques amis, cela va me prendre quelques jours, et je le publierai sur mon blog. C’est incompatible avec une réaction à chaud.

Etes-vous conscient d’avoir franchi une “ligne rouge”?

C’est parce que j’ai touché au coeur de l’oligarchie que tout se déchaîne. Je reçois des centaines de tweets accablants, qui viennent souvent de l’UMP. Il y a aussi les fachos, qui m’attaquent sur mon physique. On me traite de “gros”, de “moche”, de “bête”, de “con”. On dit que j’aurais bu. On me menace de “deux balles”. Jamais, pour ma part, je ne me suis laissé aller à des attaques personnelles. Ce n’est pas ce que je voulais faire avec ce tweet.

Que représentez-vous au PS?

Même si je n’aime pas le mot “frondeurs“, je suis de tout coeur avec eux. Je ne suis pas député mais je soutiens leur décision de s’abstenir lors du vote du budget. Avec moi, on serait encore plus ferme. Je ne suis pas isolé non plus au sein du bureau national. Le texte que j’ai soutenu contre la baisse du coût du travail induite par le CICE et le pacte de responsabilité a recueilli 40% des voix, soit 29 sur 72. Je défends mes idées comme les autres. Je souhaite créer un grand front avec Martine Aubry pour protèger le parti de l’emprise de Manuel Valls. Lui, c’est Tony Blair.

Je ne me sens même pas à l’aile gauche, mais au coeur du parti. Je défends ce que le PS a toujours défendu. J’ai soutenu François Hollande, son discours du Bourget me convenait tout à fait. Mais il faut tenir ce qu’on a promis, comme il me l’a répété lui-même de nombreuses fois. Sinon, le PS ira dans le mur. Si nous ne changeons pas de politique, nous allons perdre 80% des départements et 12 régions sur 13 aux prochaines élections. (Source)

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Votre commentaire sur twitter concernant le décès de Christophe de Margerie fait polémique depuis hier, regrettez-vous ce que vous avez écrit ?

Qu’ai-je écrit ? J’étais à 6 heures du matin dans la gare de Clermont-Ferrand et j’apprends le décès de Christophe de Margerie. Sur le fond, je suis comme tout le monde, j’ai de l’empathie quand quelqu’un disparaît. Mais dans mon cas, et à cette heure, ce n’est pas à moi de formuler des condoléances à la famille. Cela n’aurait eu aucun sens. Je ne suis pas député, ce n’est donc pas mon rôle.

Quand je poste ce tweet, je fais donc de la politique en cinq bouts de phrases. La première chose que je dis c’est : il est mort, sans faire de commentaire. Deuxièmement, je dis que la famille Taittinger est en deuil, sans faire de commentaire non plus. Il n’y a qu’à lire Le Monde de mardi. Et je dis ensuite que les grands féodaux sont touchés : oui, je suis contre les 1 % qui dirigent ce pays et dont certains sont autour du Président de la République et l’isolent.

Je dis ensuite : “ils sont fragiles”. Oui ces féodaux sont fragiles par rapport à l’accident lui-même mais aussi parce que je sais qu’ils craignent les rapports sociaux… Quant à ma dernière phrase où je me demande si son successeur nous volera moins, c’est un fait : ils nous volent des dizaines de milliards, Total ne paye pas d’impôts, ils n’ont jamais baissé leurs dividendes.

En tant que membre de la direction du PS, ce tweet n’était-il pas inapproprié ?

La cabale contre moi ne vient pas du PS. Elle est déclenchée par Eric Ciotti (député UMP des Alpes-Maritimes, NDLR). C’est lui commence. Et au fil de la journée de mardi, j’ai reçu plus de 1500 mails d’insultes. D’où pensez-vous qu’ils venaient ? C’était tout simplement un ordre de l’UMP.

Mais dans votre camp aussi désormais, plusieurs élus et le Premier ministre Manuel Valls estiment que vous devriez être exclu du PS…

Depuis quand un Premier ministre décide de qui est membre d’un parti politique ? Je suis très à l’aise au PS et je n’ai pas l’intention d’en partir, surtout avec ce qui se passe. Que veulent-ils ? Saucissonner le PS ? Valls représente 5 % au PS et il veut mettre la main sur le parti, c’est une plaisanterie.

Vous êtes quand même très critique avec le gouvernement, pouvez-vous rester longtemps encore au PS ?

Je ne suis pas critique avec le gouvernement, je défends le programme du PS, celui qu’on a discuté ensemble et avec lequel nous avons été élus en 2012. Et je considère que moins longtemps durera ce gouvernement et le plus de chances nous aurons de sauver le quinquennat de François Hollande. Mardi, Manuel Valls a fait une diversion à l’Assemblée car il était en danger. Il était à neuf voix de perdre la majorité et a vu trois de ses ex-ministres s’abstenir sur le vote du volet dépenses du budget. J’ai appris que Stéphane Le Foll demandait à Benoit Hamon de quitter le PS. Du coup, je suis très solidaire de Benoît Hamon. (Source)  

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Laissons la parole à Daniel Schenidermann : 

Evidemment, ce tweet est non seulement odieux, s’agissant d’un mort, mais surtout stupide. Le successeur, cher Filoche, nous “volera” exactement tout autant que le défunt. Si Total paie si peu d’impôts en France, il ne le doit pas à la ruse de Arsène Margerie Lupin, mais au jeu de toute une série de dispositions fiscales, votées ou maintenues par vos amis socialistes, et l’autorisant à le faire. Le successeur en fera autant, la moustache et le whisky en moins. Avec la bénédiction de tous vos camarades du Bureau National du PS.

Mais tout au long de la journée d’hier, la violence verbale changea de camp. On aurait dit que Filoche s’était rendu coupable de trahison devant l’ennemi. Jamais le terme de “classe médiatico-politique” n’avait si bien mérité son nom. De la colère froide de Valls à la colère rentrée de Patrick Cohen, instruisant le “cas Filoche”, sur le plateau de France 5, devant Laurence Dolorosa Parisot, en passant par ces “dizaines” (assure Le Monde) de députés socialistes demandant son exclusion du parti, le concert disait où sont leurs amitiés, leurs évidences, leurs points aveugles, vers où les portent leurs tropismes. Irrésisitiblement, malgré nous, cette unanimité nous ramenait dans le camp de l’odieux auteur de la fausse note, ce porteur de colères si indécentes, si inaudibles, si indicibles, si stupides, si nécessaires.

Épilogue

Delphine Batho, ancienne ministre de l’écologie (2012-2013), dans son livre Insoumise aux éditions Grasset :

« Le “dîner de cons” 

C’était le 14 mai 2013. Considérant que tout ce qui était fait dans le débat national sur la transition énergétique était assez insignifiant et que les entreprises n’étaient pas assez associées, Jean-Marc Ayrault a décidé de prendre les choses en main et d’organiser une réunion au sommet. C’est ainsi qu’il procédait avec tous les membres du gouvernement : il organisait ostensiblement une soi-disant reprise en main du dossier, humiliant au passage le ministre en charge.

Je suis donc conviée avec mon directeur de cabinet Gilles Ricono, à un dîner à Matignon avec la fine fleur du patronat énergétique. [...]

Christophe de Margerie, le PDG de Total, arrive avec une heure de retard, mauvaise manière destinée à montrer ostensiblement que le plus important autour de la table, c’est lui ! Il arrive, commande un whisky et plombe littéralement la discussion en monopolisant la parole. Lui et Henri Proglio accomplissent ensuite en duo un parfait petit numéro antitransition énergétique. À l’un le pétrole, à l’autre le nucléaire. À aucun moment le Premier ministre ne procède ne serait-ce qu’au rappel des objectifs du gouvernement et des engagements du président de la République.

De Margerie pousse même jusqu’à me prendre comme tête à claque, naturellement avec ce sens de l’humour pinçant dont il s’est fait une spécialité. Cela devient tellement insistant que plusieurs convives paraissent mal à l’aise pour moi.

À la fin du dîner, Jean-Marc Ayraut n’est pas plus avancé sur le fond du dossier. Cette rencontre ne servait à rien. » (Source) 

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Alors par soldiarité de principe avec Filoche au nom de la liberté d’expression, j’ai choisi ce dessin de une :

Source: http://www.les-crises.fr/notre-pote-big-moustache/


[Reprise] Là où il y a une volonté, il y a un chemin…, par Jacques Sapir

Wednesday 22 October 2014 at 04:02

Interview de Jacques Sapir, publiée le 19/10/2014

Q- Pensez-vous que l’entrée de l’UE dans une phase déflationniste longue à la japonaise est inéluctable?

Je dois commencer par dire qu’il n’y a rien, en économie ni en politique, que l’on puisse dire inéluctable. Souvenons nous que dans l’action humaine, comme à la guerre, un désastre refusé est à moitié effacé. C’est l’acceptation de la catastrophe, la résignation au malheur, qui conduit à l’abîme. Parce que la volonté ne peut pas tout, certains s’imaginent qu’elle ne peut rien et, supposant son impuissance, lui tournent le dos. Mais, sans volonté, il n’y a pas d’action. Sans volonté, il ne saurait y avoir de politique, et la politique économique c’est aussi de la politique.

Ceci étant posé, il est clair que l’ensemble des règles fixées par le TSCG, par ce que l’on appelle le « Pacte de Stabilité », nous conduit à la déflation comme la pente attire la boule. Le mécanisme du multiplicateur des dépenses publiques nous entraîne dans une logique implacable. Au vu de sa valeur actuelle, comprise entre 1,4 et 1,5, il implique que toute réduction des dépenses publiques, par un accroissement des impôts ou par une contraction des dépenses, aura un effet récessif important. Au nom d’une logique purement comptable, qui est incapable d’imaginer la dynamique possible des actions, on a accepté effectivement de s’engager sur la voie qui fut celle du Japon dans la « décennie perdue ».

Et il est vrai que les similitudes entre la situation de l’Union Européenne, et plus spécifiquement de la Zone Euro et celle du Japon au départ de la cette fameuse « décennie perdue » sont nombreuses. Mais, les différences doivent aussi être comprises et assimilées. Le Japon est un pays, et la Zone Euro une alliance de pays. Si cela apporte son lot de contraintes, cela laisse ouvert la possibilité de changer rapidement de règles en refusant de se plier à ce que l’on veut nous imposer. Assurément, si nous acceptons, en maugréant peut-être, les règles qui ont été fixées de Francfort à Bruxelles, la déflation va bien prendre l’apparence d’un destin inéluctable. Et ceux qui prétendent qu’il en était ainsi s’en trouveront conforté en apparence. Mais, ce sera avant tout parce que nos dirigeants auront manqué de volonté.

Nous constatons aujourd’hui, comme de Gaulle l’écrivit à propos de 1940, qu’il manque deux choses à François Hollande, comme elles ont manqué à Paul Reynaud, pour qu’il soit un chef d’Etat : un Etat, et d’être un chef. Et il est vrai qu’ayant accepté les différentes usurpations de l’UE, les petites comme les grandes, il ne reste pas grand-chose de la souveraineté de l’Etat. Le constat de reniements et des abandons a été fait depuis des années. Aujourd’hui, nul ne l’ignore. Quant à être un chef, c’est à dire avoir tout ensemble cette volonté d’agir, cette foi dans l’action, et cette capacité à entraîner autour de cette action ceux qui vous entourent, cela implique une discipline de tous les instants. C’est bien ce qui manque à notre Président, comme à une bonne partie de la classe politique, dont nous voyons bien qu’elle est composée de viveurs individualistes, d’adolescents attardés. Le problème, ici, dépasse l’homme Hollande, avec ses défauts et ses qualités. On ne mesure pas à quel point, quand on a dit la fin de l’héroïsme, quand on a célébré la « normalité » en politique, on a signé la fin de l’action politique.

Pour autant, si une génération, et une classe politique, ont largement failli, ceci n’implique nullement que les qualités nécessaires à l’action politique aient disparu. On peut le constater tous les jours, quand on regarde les acteurs du système associatif, de certains syndicats, ces militants anonymes qui sont d’autant plus humiliés qu’il sont d’autant plus trahis. Face au désastre qui nous menace, il faut une révolution. Celle-ci commencera d’abord en nous-mêmes. Il nous faut réapprendre à servir, et non à se servir, si nous voulons être capables de commander. Il nous faut retrouver l’idée collective. Il nous faut retrouver la vertu, non dans un sens moral mais au sens politique, la force d’âme, si nous voulons vivre en République.

Techniquement, la situation actuelle nous remet en mémoire deux grands principes de l’économie. Le premier est que la politique monétaire est efficace quand il s’agit de freiner l’économie, dans le cas d’une surchauffe, et de faire baisser l’inflation, mais pas pour relancer celle-ci quand elle est à l’arrêt. L’expansion de la demande est nécessaire, et cette expansion ne peut être obtenue QUE par la politique budgétaire. Le second principe est la dissymétrie entre les taux d’intérêts et les revenus. Pour les taux d’intérêts ce qui compte n’est pas le taux nominal, mais le taux réel. Mieux vaut emprunter à 6% quand il y a 4% d’inflation qu’à 3% quand l’inflation est nulle. Par contre, pour ce qui est des revenus, et ceci vaut tout autant pour les ménages, pour les entreprises que pour l’Etat, les revenus nominaux sont en fait plus importants que les revenus réels dans la mesure où il y a des coûts fixes. En fait, ceci traduit le fait que les prix n’ont pas tous la même élasticité tant à la hausse qu’à la baisse. Aussi, en période de déflation (baisse des salaires) certains coûts vont baisser moins vite. Inversement, en période d’inflation, et en particulier d’inflation salariale, certains coûts vont s’accroître plus lentement que les salaires. C’est pourquoi l’inflation est préférable pour les salariés, pour les entrepreneurs et in fine pour l’Etat (via la TVA). Ces deux principes étaient connus dans les années 1960. Je les ai appris à mon entrée à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, en 1971. Nous les redécouvrons aujourd’hui en période de déflation.

Q – En quoi la réforme du système financier que vous appelez de vos vœux est-elle un préalable à toute autre réforme?

Le système financier doit se lire à partir d’une analyse de la financiarisation de nos économies. Le capitalisme moderne a besoin d’un système financier, d’une monnaie de crédit. Parce que les productions deviennent toujours plus complexes, avec des délais importants de la conception au retour sur investissement, le crédit, c’est-à-dire l’avance de capital, pour investir et pour consommer, devient plus essentiel. Mais, ce processus qui implique un changement d’attitude par rapport à la monnaie n’est pas la financiarisation. Cette dernière tire l’origine de son développement actuel de la décomposition du cadre de Bretton Woods, qui s’est jouée en deux temps, d’abord en 1971 puis en 1973. Dès lors, on assiste à deux phénomènes qui sont étroitement liés. D’une part, le métier de la banque tend à s’éloigner des activités de crédit, qui impliquent une connaissance et un lien réciproques entre le banquier et son client, pour s’orienter de plus en plus vers des activités dites « de marché », c’est-à-dire des activités de spéculation. De l’autre, des « quasi-banques » se forment à partir des fonds d’investissement et des hedge funds ou fonds spécialisés dans les opérations spéculatives. Les grandes entreprises elles-mêmes, dont on a suivi précédemment la « multinationalisation » découvrent à travers la gestion de leur trésorerie la possibilité de réaliser de nouveaux profits. Ce phénomène n’aurait jamais pu voir le jour sans le processus de déréglementation que l’on a connu depuis maintenant plus de trente ans. La déréglementation bancaire et financière s’est mise en place depuis 1980. Au États-Unis, il a commencé en effet avec le Depository Institutions Deregulation and Monetary Control Act de 1980 qui a entamé le démantèlement des cadres réglementaires issus de la crise de 1929. Il a culminé avec le Gramm-Leach-Bliley Act de 1999[1] qui a annulé le Glass-Steagall Act de 1933[2] et ouvert la porte à la fusion entre banques et assurances, au plus grand profit de Citicorp. Il faut ici signaler que ce processus a été largement le produit d’un consensus bipartisan aux États-Unis. Le première loi de 1980 avait été préparée durant la présidence Carter (1976-1980) et la deuxième le fut sous le second mandat de Bill Clinton (1996-2000). Un processus analogue eut lieu en Europe, avec la déréglementation de la City de Londres, bientôt imitée en France sous l’impulsion du ministre des Finances socialiste de l’époque, Pierre Bérégovoy, et renforcée en 1993 sous le gouvernement conservateur d’Édouard Balladur. Ces pratiques ont été consolidées à l’échelle européenne par diverses directives et renforcées par les principes adoptés au sein de la zone Euro.

Elle a entraîné un accroissement très important de la part des profits financiers dans le total des profits. Ces derniers constituaient entre 10 et 15 % des profits dans les profits totaux au cours des années 1950. Ils atteignent, aujourd’hui, de 35 à 40 %. Encore faut-il se souvenir que ces profits « financiers » sont ceux d’entreprises dites financières. Mais quand une entreprise qui n’a a priori rien à voir avec la finance développe une activité financière, les profits qu’elle réalise alors sont comptabilisés dans les profits des sociétés dites non financières. On peut donc raisonnablement estimer que plus de 50 % des profits réalisés par les entreprises américaines proviennent des activités financières. Telle est bien le visage que prend la financiarisation des économies, qui n’est que l’autre versant de la globalisation financière.

D’un point de vue théorique, la financiarisation, c’est avant tout la puissance du capitaliste, de « l’homme aux écus » sur la société. Et cela implique une compréhension de ce que sont tant les prix que la monnaie pour comprendre le mécanisme de défense de la rente financière et comment il aboutit à étrangler l’économie. Il faut savoir que dans une économie capitaliste les prix ne sont pas le produit d’un équilibre entre une offre et une demande. Car, offre et demande sont liées, et sont par ailleurs le reflet de bien d’autres facteurs. Les prix, et donc la monnaie, sont des vecteurs d’un conflit entre plusieurs acteurs : « Les prix monétaires résultent de compromis et de conflits d’intérêt; en ceci ils découlent de la distribution du pouvoir. La monnaie n’est pas un simple “droit sur des biens non spécifiés” qui pourrait être utilisé à loisir sans conséquence fondamentale sur les caractéristiques du système des prix perçu comme une lutte entre les hommes. La monnaie est avant tout une arme dans cette lutte; elle n’est un instrument de calcul que dans la mesure où l’on prend en compte les opportunités de succès dans cette lutte[3]. »

Ces conflits, on le sait depuis l’origine de l’économie politique classique, opposent en fait trois acteurs, d’uns part les salariés, qui n’ont pas d’autre choix que de louer leur force de travail, les entrepreneurs, et les rentiers. Keynes, Bien avant qu’il n’ait écrit la Théorie Générale, l’a expliqué de manière lumineuse.

A - Marx et Keynes

K. Marx et J-M. Keynes

Dans un texte tirant le bilan des désordres monétaires qui suivirent la fin de la Première guerre mondiale, il écrivait ces lignes qui résonnent encore aujourd’hui avec une profonde actualité: « Depuis 1920, ceux des pays qui ont repris en mains la situation de leurs finances, non contents de mettre fin à l’inflation, ont contracté leur masse monétaire et ont connu les fruits de la Déflation. D’autres ont suivi des trajectoires inflationnistes de manière encore plus anarchique qu’auparavant. Chacun a pour effet de modifier la distribution de la richesse entre les différentes classes sociales, l’inflation étant le pire des deux sous ce rapport. Chacun a également pour effet d’emballer ou de freiner la production de richesses, bien que, ici, la déflation soit le plus nocif.[4] ». Keynes va même plus loin et lie explicitement l’inflation et la déflation, c’est à dire la dépréciation de la monnaie ou au contraire son appréciation face aux prix des autres biens, au mouvement historique qui voit de nouveaux groupes sociaux s’affranchir de la tutelle des anciens dominants: « De tels mouvements séculaires qui ont toujours déprécié la monnaie dans le passé ont donc aidé les “hommes nouveaux” à s’affranchir de la main morte; ils profitèrent aux fortunes de fraîche date aux dépens des anciennes et donnèrent à l’esprit d’entreprise des armes contre l’accumulation des privilèges acquis [5]».

On voit alors que l’inflation correspond à une alliance des salariés et des entrepreneurs contre les rentiers. Inversement, la déflation favorise les rentiers. Mais, pour pouvoir la mettre en œuvre ils doivent soit s’associer aux entrepreneurs, et dans ce cas faire peser la totalité du poids de leur victoire sur les salariés (ce fut le scénario de la crise de 1929 à 1935), soit chercher à convaincre les salariés de s’allier à eux, et pour cela ils doivent réduire le taux de marge des entrepreneurs (ce qui s’est historiquement passé depuis une quinzaine d’années en France et en Italie). La spécificité de la position des rentiers est qu’ils peuvent basculer d’une alliance à une autre, tandis que salariés et entrepreneurs se querellent constamment alors qu’ils devraient faire front commun ensemble sur des stratégies inflationnistes. Il faut ici signaler que cette terminologie, salariés, entrepreneurs et rentiers, renvoie tout autant à des individus qu’a des fonctions. Marx le montre à plusieurs reprises dans le Capital quand il parle de l’entrepreneur capitaliste, qui risque ses propres capitaux. En cet individu se combinent en fait deux fonctions, celle de gérant du capital (ce que nous appelons l’entrepreneur) et celle du capitaliste proprement dit ou du propriétaire du capital. La confusion entre les fonctions de gestion et de propriété du capital, qui est naturelle, empêche cependant de comprendre les dynamiques réellement à l’œuvre. Aujourd’hui, dans les grandes entreprises, la distinction entre les fonctions de gestion et de propriété du capital est évidente, et matérialisée par des personnes différentes.

La monnaie apparaît dès lors sous deux faces, analytiquement distinctes et systémiquement liées. Elle est bien sur l’indispensable moyen de calcul inter-temporel qui permet de sublimer les obstacles posés sur la route des échanges par l’hétérogénéité. Cette dernière fonde la nécessité d’un instrument particulier fonctionnant comme norme d’homogénéisation d’une réalité non homogène, une réalité que la théorie standard se refuse à reconnaître[6]. Mais cet instrument n’est pas neutre. Il est aussi un vecteur des rapports de force sociaux. La monnaie, pour reprendre les termes de Max Weber, est à la fois un “droit sur des biens non spécifiés” et un instrument dans la lutte entre les individus et les groupes sociaux autour de l’appropriation de ce type de droit. La double nature, contradictoire, de la monnaie est l’une des bases de l’analyse de M. Weber[7].

A-Weber

Max Weber

Il faut souligner ici l’importance et le caractère extrêmement moderne de sa distinction entre une rationalité “formelle” et “substantielle”. Pour Weber, la rationalité “formelle” est celle qui dérive du calcul économique quand celui-ci peut être entièrement fait à partir des valeurs monétaires. Par contre, la rationalité “substantielle” définit pour sa part une situation où les besoins d’une population donnée sont satisfaits en accord avec le système des valeurs de cette population et les normes qui en découlent. Cependant, ces facteurs substantiels limitent fondamentalement le champ d’application de la rationalité issue du calcul monétaire, et c’est pourquoi elle est qualifiée de “formelle”. Le conflit entre la nature “formelle” et la nature “substantielle” est indépassable dans les sociétés réelles. En d’autres termes, la notion de calcul monétaire n’a de sens qu’à partir d’une connaissance de la distribution des revenus[8], elle est contingente à l’organisation sociale. Weber refus l’aporie rationaliste comme quoi tout serait réductible au calcul monétaire. Les bases de ce dernier sont des normes et des valeurs qui ne sont pas exprimables en des termes monétaires. Cet argument ici reprend explicitement celui d’Otto Neurath[9], il n’est jamais possible de tout calculer.

A-Neurath

Otto Neurath

Q – Peut-elle être envisagée dans un cadre strictement national ?

Le processus auquel nous avons été confronté depuis la fin des années 1970 est celui d’une montée en puissance des relations financières, en partie du fait de l’hétérogénéité croissante du monde, mais aussi en partie du fait d’une bataille qui se déroulait entre salariés, entrepreneurs et rentiers. Dans cette montée en puissance, les rentiers avaient une position particulièrement favorable car ils contrôlaient la ressource de la financiarisation, la liquidité monétaire. Ce faisant, ils ont progressivement imposé des institutions particulières, comme l’indépendance des banques centrales et en Europe l’Euro, afin de garantir leur place prééminente dans l’économie en s’assurant que des épisodes inflationnistes, comme ceux que l’on avait connu de 1945 à 1980, ne se reproduiraient plus. Dans cette construction institutionnelle, la clef de voute est constituée par l’Euro, au nom duquel les principales institutions et règles de la financiarisation ont été imposées. C’est pourquoi, aujourd’hui, combattre la financiarisation (et non pas une « finance » indistincte et largement mythique) passe par le combat contre la monnaie unique. On dit, et c’est un des arguments des thuriféraires « de gauche » de l’Euro que son abolition ne changerait rien et que seul compte le combat contre la financiarisation. Mais ceci oublie fort à propos que la financiarisation aujourd’hui tient grâce à l’Euro. L’indépendance de la Banque Centrale a été inscrite dans le traité de Maastricht, qui contenait lui-même l’Union monétaire, c’est-à-dire l’Euro. En fait, abolir l’Euro, c’est provoquer un changement tel des règles que l’on devra adopter un autre régime monétaire, un régime dans lequel de nouvelles institutions deviendront nécessaires et qui, pour reprendre la formule de Keynes, aidera les entrepreneurs qu’il qualifie « d’hommes nouveaux [10]» de s’affranchir de la main-morte du passé et de développer l’économie.

Il est clair que ce changement nécessitera une coopération entre pays. Mais, celle-ci surviendra après que dans chaque pays on aura retrouvé sa souveraineté monétaire. Il n’est pas exclu que dans certains pays le rapport des forces soit tel que les rentiers puissent maintenir une forme dégénérée de leur pouvoir. Mais dans d’autres, des alliances spécifiques pourront se tisser entre salariés et entrepreneurs autour d’institutions nouvelles.

Q – Que pensez-vous de la place du débat sur l’UE/ l’Euro dans le milieu universitaire, et au delà dans l’espace médiatique ? Existe-t-il une spécificité française en Europe en matière d’information sur ces questions?

Il est incontestable qu’il y a une spécificité française, voire franco-italienne, sur le débat concernant l’Euro. Dans d’autre pays, comme en Allemagne, aux Pays-Bas, et bien entendu en Grande-Bretagne, cette question est dépouillée du contenu quasi-mystique qu’elle prend en France. .Sa réalité et sa légitimité sont reconnues à l’étranger ; même le journal allemand Spiegel lui a consacré il y a des années de cela un long dossier[11]. En France, il se fait que nous avons construit la monnaie en religion et l’Euro en fétiche. L’Euro, c’est la religion de ce nouveau siècle, avec ses faux prophètes et ses grands prêtres toujours prêts à fulminer une excommunication faute de pouvoir en venir aux bûchers, avec ses sectateurs hystériques.  C’est cette déformation du débat qui explique la violence des réactions que toute tentative d’avoir un débat sur l’Euro, et sur une possible sortie de la monnaie unique, suscite, A lire les accusations multiples qui pèsent sur vous dès que l’on aborde un tel sujet, on est en droit de douter de la santé mentale de vos interlocuteurs. Pourtant, le débat est en train de s’imposer. Il a été longtemps nié par une large part de la classe politique et en particulier le Parti « se disant socialiste ». En France, qu’un dirigeant du Parti socialiste parle sur ce sujet et sa phrase commence immanquablement par un verset sur les « bienfaits » de l’euro (mais sans jamais préciser, et pour cause, lesquels) ou sur la « nécessité » de défendre la monnaie unique. Il semble constituer un impensé ou, à tout le moins, une question que l’on voudrait à tout prix refouler. La monnaie unique concentre en elle, comme on l’a montré plus haut, des projets économiques et politiques. Mais, elle concentre aussi des représentations symboliques. Ce sont ces interrelations qui rendent le débat à la fois nécessaire et extrêmement difficile. Ceci explique aussi la violence des réactions dès que l’on touche au principe de la monnaie unique. Nombreux, en effet, sont ceux qui ont chanté sur tous les tons les louanges de la monnaie unique, parfois avec des arguments qui étaient parfaitement recevables, mais parfois avec des arguments relevant plus de la « littérature (ou l’argumentation) à l’estomac ». L’engagement en faveur de la monnaie unique a été tel que tout débat implique une remise en cause de l’autorité morale de ces personnes, et toute remise en cause peut provoquer la perte de légitimité pour ces dirigeants ainsi que pour leurs conseillers et autres économistes à gages

La crise de l’euro s’impose cependant, constituant pour l’instant un horizon indépassable. Les dernières tensions sur les marchés financiers de la semaine du 12 au 17 octobre 2014, le fait que les taux d’intérêt remontent dans les pays périphériques (Grèce, Espagne) en témoigne. Il y a donc bien une particularité franco-française à ce débat ou, plutôt, à son refus qui ne cède qu’aujourd’hui sous les coups de boutoirs de la réalité. La violence des réactions, et l’outrance des amalgames, qui parsèment la presse française traduisent pourtant le fait qu’en dépit d’un effet d’étouffoir médiatique sans précédent ce débat est en train de percer[12]. De nombreuses personnalités, tant proches du gouvernement que dans l’opposition, en parlent en privé.

Dans le monde universitaire, le débat a en un sens toujours été légitime. Mais il est lourdement chargé en technique, ce qui rend les travaux peu accessibles du grand public. Cette situation semble satisfaire certains collègues, qui pourront ainsi dire qu’ils étaient conscients des méfaits de la monnaie unique, mais qui évitent prudemment de prendre position publiquement sur cette question. J’avoue que je ne comprend pas et que je ne partage pas cette attitude. Un scientifique ne fait pas des recherches « pour soi » mais pour la collectivité qui l’entretient et qui lui permet de travailler dans de bonnes (ou parfois, hélas, de moins bonnes) conditions. Il y a donc un impératif moral à diffuser le résultat de nos recherches.


[1] Disponible sur le site de la Federal Trade Commission (www.ftc.gov/privacy/privacyiitiatives/financial_rules.html ).

[2] Le Glass-Steagall Act, qui fut voté le 16 juin 1933, était typique de ce que l’on a appelé la réglementation prohibitionniste. Il organisait le système bancaire américain en distinguant soigneusement les activités de « crédit » des activités de « marchés » en réaction aux désordres financiers qui avaient provoqué la crise de 1929.

[3] M.Weber, Economy and Society: An Outline of Interpretative Sociology, University of California Press, Berkeley, 1948, p.108.

[4] J.M.Keynes, “A tract on Monetary reform”, in J.M.Keynes, Essays in Persuasion, Rupert Hart-Davis, London, 1931. Citation reprise de la traduction française, Essais sur la monnaie et l’économie, Payot, coll “Pettite Bibliothèque Payot”, Paris, 1971, pp.16-17.

[5] Idem, p.21

[6] Sapir J., Les trous noirs de la science économique-Essai sur l’impossibilité de penser le temps et l’argent, Albin Michel, Paris, 2000.

[7] On reprend ici la section 13 du chapitre II de la première partie de Wirtschaft und Gesellschaft , traduit en anglais sous le titre de M. Weber, The Theory of Social and Economic Organization, the Free Press, New York, 1964 (première édition en 1947).

[8] Idem, p. 212.

[9] O. Neurath, “Personal life and class struggle” in Empiricism and Sociology, Cluwer Publishers, Dordrecht, 1973

[10] L’expression « hommes nouveaux » fait référence au latin, aux « hommini nuovi » de la Rome républicaine et non à l’expression utilisée dans l’URSS stalinienne.

[11] Consultable en allemand sur le site internet du Spiegel,http://www.spiegel.de/thema/euro_krise_2010/ .

[12] Voir la passe d’armes en septembre dernier avec les « décodeurs » du Monde :http://www.arretsurimages.net/breves/2014-09-25/Sortie-euro-Sapir-s-en-prend-au-Monde-id17993

Source : RussEurope

Source: http://www.les-crises.fr/la-ou-il-y-a-une-volonte-il-y-a-un-chemin-par-jacques-sapir/


Miscellanées du mercredi (Delamarche, Sapir, Béchade)

Wednesday 22 October 2014 at 02:05

I. Olivier Delamarche

Un grand classique : Olivier Delamarche : Des marchés en perdition et un QE 4 à venir pour la FED ? – 16/10

II. Philippe Béchade

La minute de Philippe Béchade : La baisse du pétrole annonciatrice de malheur ? – 15/10

Philippe Béchade et Xavier Patrolin: quel avenir pour le groupe Total après Christophe de Margerie ? – 21/10

Philippe Béchade VS Régis Bégué (1/2): Mario Draghi perdrait-il de sa crédibilité ? – 15/10

Philippe Béchade VS Régis Bégué (2/2): La chute des marchés actions est-elle exagérée ? – 15/10

III. Jacques Sapir

La minute de Jacques Sapir: De Margerie avait compris l’intérêt de la Russie, pour la France – 21/10

Jacques Sapir VS Philippe de Cholet (1/2): Comment peut-on interpréter l’accélération de la baisse des marchés ? – 14/10

Jacques Sapir VS Philippe de Cholet (2/2): Que pourrait-on faire face à la baisse sur les marchés ? – 14/10

En quoi Christophe de Margerie est-il important dans la relation franco-russe ?: Jacques Sapir – 21/10


 

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Source: http://www.les-crises.fr/miscellanees-22-10-2014/