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France 24, la semaine de l’éco, 13 février

Friday 20 February 2015 at 01:08

J’étais vendredi dernier chez France 24. Stéphanie Antoine m’a invité dans son émission La semaine de l’éco.

Avec Natacha Valla, Directrice adjointe du CEPII (et ancienne directrice de Goldamn Sachs France)

et Guntram Wolff, Directeur de l’institut Bruegel (europhile)

1ère partie : Grèce – UE : un compromis probable ?

Une réunion des ministres des Finances de la zone euro est prévue le 16 février. Il faudrait que les discussions entre Athènes et Bruxelles sur la dette grecque aient abouti avant cette date. Comment concilier d’un côté la volonté des Grecs de sortir de l’austérité et de l’autre les engagements européens ?

2e partie : Russie-Ukraine : un accord fragile ?

En Europe, la prudence est de mise après l’accord de Minsk sur la sortie de crise ukrainienne. En Russie comme en Ukraine, les économies souffrent. Le FMI propose un nouveau prêt à Kiev : 15,5 milliards d’euros sur quatre ans. Du côté de Moscou, le rouble a perdu la moitié de sa valeur face au dollar en un an et le Kremlin prépare un plan de sauvetage des ses banques.

En bonus, Jean-Marc Daniel sur la théorie des jeux (vu que “L’Europe la chance” n’a pas eu l’air de comprendre…):

Bonne vision !

Source: http://www.les-crises.fr/france-24-la-semaine-de-leco-13-fevrier/


[Je n'ai pas de preuve mais...] Vladimir Poutine serait-il l’homme le plus riche du monde ?

Friday 20 February 2015 at 00:40

Il renvoie Bill Gates et ses 79 milliards de dollars aux vestiaires.

C’est avec tristesse que nous vous faisons part du décès du conditionnel, des suites d’une longue crise d’éthique journalistique.

Ni fleurs ni couronnes.

Le cofondateur de Microsoft devenu philanthrope est à la tête du classement des plus grandes fortunes du monde, mais finalement il ferait pâle figure face à Vladimir Poutine. Car selon Bill Browder, directeur général et cofondateur du fonds d’investissement Hermitage Capital Management, le président russe posséderait une fortune estimée à 200 milliards de dollars.

Heu, mais c’est qui ce clown ? D’où parle-t-il ? Il a des preuves ?

200 milliards ??? C’est juste 10 % du PIB de la Russie – il aurait donc accumulé tous les ans près d’1% du PIB – bien sûr !!!!!!

«Poutine a volé le plus d’argent qu’il pouvait. Et quelques personnes, dont je fais partie, pensent qu’il est l’homme le plus riche du monde, ou l’un des plus riches du monde, grâce à des milliards de dollars qui ont été volés à la Russie», a ainsi déclaré le gestionnaire sur CNN.

Se servir dans les caisses

De 2001 à 2007, l’économie russe a crû en moyenne d’environ 7% chaque année, et son PIB a été multiplié par six. L’homme fort de Russie et ses amis auraient alors profité de cet essor de l’économie pour se servir directement dans les caisses de l’Etat, a encore dénoncé Bill Browder.

C’est sûr que par rapport à l’homme faible de la France…

Celui qui a été l’un des principaux investisseurs étrangers en Russie a même avancé que Vladimir Poutine aurait amassé ces milliards grâce à tous les investissements qui n’auraient pas été faits dans les écoles, les hôpitaux ou les routes… et ajoute même qu’une bonne partie de la fortune de Vladimir Poutine se trouverait sur des comptes en Suisse.

Comme le total de tous les dépôts étrangers en suisse est de 2000 Md$, on voit donc que Poutine pèserait 10 % de tous les dépôts (mais attention, il n’y a pas de traces), c’est donc parfaitement crédible…

Source : 20 Minutes, 17/02/2014

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Et en plus ça monte vite, rapport à 04/2014 :

C’ets beau ce qu’est devenu le métier de “journaliste” quand même…

Source: http://www.les-crises.fr/je-nai-pas-de-preuve-mais-vladimir-poutine-serait-il-lhomme-le-plus-riche-du-monde/


[Folie collective] Des avocats refusent de défendre des prévenus d’apologie du terrorisme

Thursday 19 February 2015 at 05:05

Elle sera belle la France de demain…

CHALONS-EN-CHAMPAGNE (51). Affectées par les attentats perpétrés contre Charlie Hebdo, des robes noires châlonnaises font valoir leur clause de conscience pour ne pas défendre les prévenus d’apologie du terrorisme.

Face à leurs limites personnelles, certains avocats châlonnais ont opposé leur clause de conscience.

Des avocats refusant d’assurer les droits de la défense. La pratique est plutôt rare. Au barreau de Châlons-en-Champagne pourtant, un certain nombre de robes noires ont fait valoir, depuis les attentats perpétrés le 7 janvier contre Charlie Hebdo, leur clause de conscience concernant les prévenus d’apologie publique d’un acte terroriste.

Cette règle particulière, inscrite dans le règlement intérieur de la profession, permet à tout avocat, selon un principe traditionnel, de refuser de défendre une affaire dès lors que celui-ci s’estime dans l’incapacité d’assister ou de représenter correctement la personne qui le sollicite. Motivations à l’appui à l’égard du bâtonnier qui statue in fine sur leur pertinence.

Un conflit d’intérêts ou une incompatibilité professionnelle peut en être à l’origine. Mais à Châlons-en-Champagne, ce sont davantage des raisons personnelles qui ont motivé les robes noires.

Profondément affectées par le massacre qui a endeuillé le journal satirique parisien, certaines d’entre elles ont ainsi jugé avoir atteint leurs limites personnelles. Notamment parmi les jeunes avocats qui, à l’aune de l’actualité dramatique de ces dernières semaines, ont « immédiatement fait valoir leur clause de conscience », indique le bâtonnier du barreau de Châlons, Me Olivier Carteret.

Il n’en demeure pas moins que la situation va devoir être clarifiée. « Je peux comprendre leur position », poursuit le chef de l’Ordre. « L’émotion le permettait, mais passé cela, nous ne pouvons désormais laisser les gens sans défense. Un avocat doit faire taire ses répulsions. »

En attendant, et alors qu’à Châlons le mouvement de grève de ces derniers mois est suspendu depuis dimanche dernier, minuit, le bâtonnier a décidé de montrer l’exemple.

Depuis le 7 janvier, deux prévenus du chef d’apologie publique d’un acte terroriste ont en effet trouvé auprès de lui, le seul avocat du barreau prêt à les défendre devant la juridiction correctionnelle. Une situation qui perdure.

Ce mercredi encore, un jeune de 18 ans, qui devait être jugé pour « apologie directe et publique d’un acte de terrorisme », s’est présenté seul à la barre de la juridiction, prétextant ne pas avoir trouvé de défenseur. Son cas a été renvoyé à l’audience du 15 avril.

Source : L’union-L’Ardennais, le 29/01/2015

Source: http://www.les-crises.fr/reprise-des-avocats-refusent-de-defendre-des-prevenus-dapologie-du-terrorisme/


[Média] BFM Business, Les Experts – 13 février

Thursday 19 February 2015 at 00:58

Nicolas Doze m’a invité à son émission sur BFM Business.

Avec le grand Jean-Louis Mullenbach, associé gérant de Mullenbach Expertise et administrateur d’Ethic, et Alexandre Saubot, directeur général délégué de Haulotte Group.

Voici la vidéo :

Partie 1 :

Partie 2 :

Bonus : un petit rappel historique :

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Quelques extraits de l’émission (comme BFM passe du temps à les découper, au moins qu’on les diffuse…):

Déficit de la sécurité sociale :

Les djihadistes sont fabriqués par les politiques occidentales :

L’euro :


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N’hésitez pas à réagir en direct par mail sur cette émission via ce lien – Nicolas Doze consulte bien les mails en direct, et est très demandeur ;) :

http://www.bfmtv.com/emission/les-experts/

(cliquez sur Lui écrire à droite)

Utilisez aussi Twitter : https://twitter.com/NicolasDOZE

Source: http://www.les-crises.fr/media-bfm-business-les-experts-13-fevrier/


[Pas de problème] Un dignitaire marocain accusé de torture décoré par la France

Thursday 19 February 2015 at 00:35

Mieux, le Canard enchaîné de mercredi indique qu’on va revoir la convention judiciaire avec le Maroc pour leur donner un droit de veto sur les poursuites de Marocains !!!

Ce serait bien que quelqu’un ait la gentillesse de recopier l’article en commentaire, je le mettrai ensuite dans ce billet – merci !

Accusé de torture, un dignitaire marocain va être décoré par la France

Une plainte pour “torture” déposée en France contre le patron du contre-espionnage marocain avait entraîné une crise diplomatique.

Bernard Cazeneuve a condamné le 15 février 2015 "avec la plus grande fermeté" la profanation de s centaines de tombes ont été profanées au cimetière juif de Sarre-Union, dans le Bas-Rhin (archives)

Bernard Cazeneuve a condamné le 15 février 2015 “avec la plus grande fermeté” la profanation de s centaines de tombes ont été profanées au cimetière juif de Sarre-Union, dans le Bas-Rhin (archives)

Visé par une plainte pour “torture” en France, le patron du contre-espionnage marocain Abdellatif Hammouchi sera prochainement décoré par la France a annoncé ce samedi 14 février le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve. Déposée il y a un an, cette plainte qui avait provoqué une crise diplomatique entre Rabat et Paris.

Rabat avait aussitôt suspendu la coopération judiciaire, qui n’a été rétablie que fin janvier après 11 mois de brouille, à la faveur d’un accord entre les deux gouvernements.

Les insignes d’Officier pour Abdellatif Hammouchi

Alors que la coopération sécuritaire a également été fortement entravée durant cette crise, Bernard Cazeneuve a loué samedi “l’expertise” et “l’efficacité” du Maroc “dans l’échange de renseignements”, évoquant “un partenaire clé”.

“Je veux à cet égard tout particulièrement saluer l’action menée” par la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST), dont le “rôle est déterminant dans la coopération contre le terrorisme”, a-t-il ajouté, lors d’un point de presse conjoint avec son homologue marocain Mohamed Hassad.

M. Cazeneuve a rendu hommage “en premier lieu” à Abdellatif Hammouchi, le patron de la DGST. “La France avait déjà eu l’occasion de distinguer monsieur Hammouchi en 2011 en lui attribuant le titre de Chevalier de l’ordre de la Légion d’honneur. Elle saura prochainement lui témoigner à nouveau son estime en lui remettant cette fois les insignes d’Officier”, a-t-il indiqué.

Une décoration fortement critiquée

L’annonce de cette future décoration a fait l’objet de critiques à Paris. Décorer Abdellatif Hammouchi dans ces circonstances “me paraît un véritable scandale, une honte pour la France”, a clamé Me Patrick Baudouin, avocat d’un des plaignants et président d’honneur de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH).

Il a jugé “avilissant (…) d’avoir cédé dans le cadre d’un deal passé avec les autorités marocaines pour permettre un rétablissement de la coopération militaire et sécuritaire”, évoquant “une façon de perdre son âme”. ”Les deux pays ont un rôle particulier à jouer ensemble pour dire un non implacable au terrorisme et à l’intolérance”, a pour sa part plaidé Bernard Cazeneuve devant la presse.

“Une réunion de haut niveau” avant l’été

La crise diplomatique avait débuté en février 2014 lorsque des policiers français s’étaient rendus à la résidence de l’ambassadeur du Maroc près de Paris pour notifier à Abdellatif Hammouchi une demande d’audition de la justice française, qui agit en vertu du principe de compétence universelle.La réconciliation a finalement été scellée le 9 février 2015 à l’Élysée par le président François Hollande et le roi Mohammed VI, actuellement en France.

À la faveur de ce nouveau climat, “nous avons convenu de multiplier les contacts et les rencontres entre les responsables en charge de la sécurité des deux pays”, a souligné Mohamed Hassad. Les deux chefs d’État ont de leur côté annoncé un “intense programme de visites ministérielles”, afin de préparer une “prochaine réunion de haut niveau” en présence des deux chefs de gouvernement. Elle doit avoir lieu avant l’été.

La France est le premier partenaire économique du royaume où vivent entre 60.000 et 80.000 Français, tandis que plus de 1,3 million de Marocains résident en France.

Source : RTL


Poursuivi pour actes de torture, Abdellatif Hammouchi décoré par Paris

En visite à Rabat, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a rendu hommage au patron du contre-espionnage marocain qui recevra la Légion d’honneur.

Le ministre de l'Intérieur à Rabat le samedi 14 février 2015 avec son homologue marocain Mohamed Hassad.

Le ministre de l’Intérieur à Rabat le samedi 14 février 2015 avec son homologue marocain Mohamed Hassad.

Bien que poursuivi par la justice française à la suite de plusieurs plaintes pour actes de torture, le chef du contre-espionnage marocain, Abdellatif Hammouchi, sera tout de même décoré de la Légion d’honneur. Une récompense annoncée par le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve lors de sa visite à Rabat samedi – visite hautement symbolique qui avait pour ambition de mettre un point final à la brouille entre les deux pays.

À l’origine de la crise diplomatique entre les deux pays : trois plaintes déposées à Paris en février 2014 contre le patron du contre-espionnage marocain pour “torture” et “complicité de torture”. Des policiers s’étaient alors rendus à la résidence de l’ambassadeur du Maroc près de Paris pour notifier à Abdellatif Hammouchi une demande d’audition de la justice française. Furieux, le Maroc avait alors récusé les accusations et suspendu sa coopération judiciaire avec Paris. De son côté, le Quai d’Orsay avait tenté de temporiser en promettant que “la lumière serait faite”.

Faisant fi de l’enquête judiciaire en cours, le locataire de la Place Beauvau n’a évidemment pas tari d’éloges sur Abdellatif Hammouchi pour justifier la décoration et marquer la réconciliation entre les deux pays. Bernard Cazeneuve a témoigné toute son estime à l’homme et a loué “un partenaire-clé” dans le domaine du renseignement.

“Contreparties”

Si l’affront semble aujourd’hui avoir été lavé, la lumière n’est pas faite pour autant. Les ONG de défense des droits de l’homme qui soutiennent les plaignants marocains ont été choquées de l’annonce. “Nous nous étonnons que la France puisse décorer une personne visée par plusieurs plaintes pour torture et faisant l’objet d’enquêtes judiciaires en France”, a indiqué la chargée du programme Maghreb à Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (Acat), Hélène Legeay. Préoccupée par le contenu du nouvel accord de coopération judiciaire entre Rabat et Paris signé le 31 janvier, elle imagine que certaines concessions ont pu être accordées à Rabat. “Il semble que cette décoration soit l’une des contreparties de la reprise de la coopération, un geste destiné à laver le soi-disant affront de la justice française qui a osé faire son travail en convoquant monsieur Hammouchi le 20 février 2014″, poursuit Hélène Legeay.

Le jour même de l’annonce de Bernard Cazeneuve, le président d’honneur de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) et avocat des plaignants, Patrick Baudouin, dénonce lui un “véritable scandale, une honte pour la France [...] qui perd son âme”. Pour lui, c’est “avilissant d’avoir cédé dans le cadre d’un deal passé avec les autorités marocaines pour permettre un rétablissement de la coopération militaire et sécuritaire”.

Source : Olivier Pérou, pour Le Point


Notez bien les titres de la presse :

Source: http://www.les-crises.fr/pas-de-probleme-un-dignitaire-marocain-accuse-de-torture-decore-par-la-france/


Ukraine : nouvelles sanctions de l’UE, « incohérentes » pour la Russie

Thursday 19 February 2015 at 00:10

Comme les pro-Russes sont signé l’accord de paix, on sanctionne la Russie – imparable !

Selon le président du Conseil européen Donald Tusk, l’Europe a une confiance limitée dans la bonne volonté de Vladimir Poutine.

Dans le Journal officiel de l’Union européenne est parue ce lundi 16 février une liste de personnes frappées par un nouveau train de sanctions à l’encontre de Russes et de séparatistes pro-russes d’Ukraine orientale. Des sanctions qui surviennent au lendemain de la première journée de cessez-feu et qui ont immédiatement été dénoncées comme absurdes par la Russie.

Avec notre bureau de Bruxelles,

Sur la liste figurent de nombreux prétendus ministres des républiques autoproclamées de Lougansk ou Donetsk, ainsi que des commandants de milices pro-russes. Au total, 151 personnes sont désormais sous le coup de sanctions européennes ainsi que 37 entités. En effet, ce nouveau train de sanctions touche également neuf unités paramilitaires, et notamment la garde nationale cosaque, le bataillon de la Mort, la brigade Prizrak et le bataillon Sparte.

Pour le ministère russe des Affaires étrangères, ces nouvelles sanctions européennes sont « incohérentes et illogiques » et la Russie accuse l’UE « d’introduire de nouvelles restrictions antirusses à chaque fois qu’il y a un espoir de régler la crise ukrainienne ». Parmi les 19 personnes interdites depuis ce lundi de visa pour l’UE et dont les avoirs en Europe sont gelés, figurent cinq russes accusés de soutenir les séparatistes ukrainiens, voire le déploiement de troupes. Parmi eux, deux vice-ministres de la Défense, un chef d’état-major et deux députés de la Douma.

Malgré la signature des accords de Minsk jeudi, le président du Conseil européen, le Polonais Donald Tusk, avait affirmé que l’Europe avait une confiance limitée dans la bonne volonté de Vladimir Poutine. Les Européens ont donc décidé d’appliquer ces sanctions dont le principe avait été décidé après la mort de 30 civils il y a deux semaines dans les bombardements de Marioupol. Le but est de maintenir la pression de manière à pousser la Russie à mettre en œuvre les accords.

Source : RFI

Source: http://www.les-crises.fr/ukraine-nouvelles-sanctions-de-lue-incoherentes-pour-la-russie/


[On vit une époque formidable] Quand 7 sénateurs UMP veulent réintroduire les coupures d’eau…

Wednesday 18 February 2015 at 18:30

Dans l’indifférence générale en plus, personne n’en parle dans les médias mainstream

L’affaire

Coupures d’eau : Veolia et Suez vont-elles réécrire la loi ?

Depuis près de deux ans, les coupures d’eau sont interdites en France, comme c’est le cas dans de nombreux autres pays. Cette simple mesure de respect de la dignité humaine risque aujourd’hui d’être remise en cause au Sénat, où le lobby français de l’eau a fait déposer un amendement autorisant à nouveau ces coupures.

C’est une disposition de la loi Brottes de 2013 (du nom du député socialiste de l’Isère François Brottes), qui consacre en France le principe du droit à l’eau reconnu par les Nations unies en 2010. Elle reste peu appliquée jusqu’à ce que deux associations, France Libertés et la Coordination Eau Ile-de-France, se saisissent de l’affaire (lire notre article). Elles lancent un appel à témoignages et identifient des dizaines de cas de coupures d’eau illégales, majoritairement du fait des grandes entreprises privées de l’eau, Veolia en tête. Elles assignent ensuite en justice Veolia, Suez environnement et la Saur (propriété de BNP Paribas et du groupe BPCE), ainsi que les régies publiques de l’eau qui s’adonnent à ce type de pratiques. Les juges donnent systématiquement raison aux plaignants.

Visiblement las d’accumuler les condamnations et les amendes, le lobby français de l’eau a décidé de réagir. Pour exercer leur influence au Sénat, les multinationales n’ont pas choisi la discrétion puisqu’elles ont recours à l’un de leurs relais favoris, Christian Cambon, le sénateur-maire UMP de Saint-Maurice (Val-de-Marne). Lui-même est le vice-président du Syndicat des eaux d’Ile-de-France (Sedif), principal contrat de Veolia en France. Son dauphin désigné à la mairie de Saint-Maurice n’est autre que le directeur des relations extérieures de la Lyonnaise des Eaux (Suez) et trésorier de Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E).

Christian Cambon a proposé un amendement au projet de loi sur la transition énergétique (sic) autorisant de nouveau les coupures d’eau, sauf pour les bénéficiaires d’aides sociales. Comme le soulignent les associations, cet amendement ignore la réalité des travailleurs pauvres et du non-recours massif aux aides sociales. Il cherche à réaffirmer la logique marchande en revenant sur l’inconditionnalité du droit à l’eau. Le vote doit avoir lieu mercredi : on saura alors qui fait vraiment la loi au Sénat.

Olivier Petitjean, Bastamag 17/02

Coupures d’eau : l’amendement scélérat du sénateur Cambon

Le rapport public annuel de la Cour des comptes vient de pointer, une fois de plus, le fiasco de la politique de préservation de l’eau en France, le manque de transparence et la mainmise des lobbies, conduisant à ce que « plus on pollue l’eau, moins on est taxé ». C’est le moment choisi par le sénateur (UMP) Christian Cambon, l’un des piliers de ce système (1), pour déposer un amendement scélérat visant à rétablir les coupures d’eau pour impayés, rendues illégales par la loi Brottes ! Fidèle à la règle de l’opacité, l’amendement a été déposé, en catimini, dans le projet de loi sur la transition énergétique…

La loi Brottes a interdit les coupures d’eau pour impayés dans les résidences principales, tout au long de l’année et pour tous. C’est sur cette disposition que voudrait revenir M. Cambon, en limitant la protection de la loi aux personnes connaissant des difficultés particulières, en pratique les bénéficiaires du FSL ou d’autres dispositifs sociaux, mais pas à tous les citoyens, pour ne pas encourager « les mauvais payeurs ».

Ce raisonnement est très loin des réalités. Les personnes en difficultés financières, passagères ou durables, ne se réduisent pas aux ménages aidés, loin s’en faut. D’abord, nombre de ceux qui pourraient prétendre à des aides, n’en bénéficient pas. C’est le phénomène du non-recours aux aides sociales, qui est massif (Cela représente 35% de ceux qui pourraient bénéficier du RSA socle, près de 70% pour le RSA activité,). Double peine, ceux-là qui ne touchent pas d’aide sociale, bien qu’ils y aient droit, pourraient se voir couper l’eau, grâce à M. Cambon !

Ensuite, des gens en réelles difficultés se trouvent aussi parmi les travailleurs pauvres qui n’ont pas droit aux aides sociales. Ceux-là aussi pourraient se voir couper l’eau, grâce à M. Cambon.

La seule façon de s’assurer que toutes les personnes en difficultés soient à l’abri d’une coupure d’eau, c’est qu’il n’y ait plus aucune coupure d’eau, comme le prévoit la loi Brottes. C’est le respect du droit à l’eau pour tous qui permet de garantir l’eau aux plus démunis.

On ne dira jamais assez la violence exercée par les coupures d’eau, l’atteinte à la dignité humaine que cela constitue. Les enfants qui ne vont plus à l’école. Les risques pour la santé des plus petits et des plus âgés. Les personnes qui sont isolées de ce fait. Et de l’autre côté, chez les distributeurs d’eau, les salariés qui sont malades de faire ce sale boulot, qui se cachent pour couper l’eau… Il faut en finir avec les coupures d’eau pour le bien de tous.

L’amendement de M. Cambon est une déclaration de guerre aux pauvres, pour préserver le business des coupures d’eau, pour accroître encore la puissance des plus forts. Mais il n’est pas dit que le « talon de fer » l’emporte : maintenant que l’amendement scélérat est révélé au grand jour, que des associations et des citoyens le dénoncent, les parlementaires peuvent s’y opposer et le rejeter.

Dans ce cas, on retiendra seulement que M. Cambon reconnaît que la loi Brottes interdit les coupures d’eau. Une réalité niée par les distributeurs qui continuent à couper l’eau. Et qui leur vaut des condamnations régulières par les tribunaux. A la prochaine audience contre les coupeurs d’eau, nous citerons donc M. Cambon. Qui, pour une fois, servira le droit à l’eau malgré lui….

(1) Christian Cambon est le plus ancien vice-président du SEDIF où il a assuré, aux côtés de M Santini, le renouvellement du contrat de délégation au bénéfice de Veolia ; il est maire de Saint Maurice ; son adjoint aux finances appelé à lui succéder, Igor Semo est directeur des relations extérieures de la Lyonnaise des Eaux (Suez) et trésorier de Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E). Proche à la fois de Veolia et de Suez, Christian Cambon est idéalement placé pour porter la voix du lobby de l’eau au sénat.

Source : http://eau-iledefrance.fr/

L’amendement Cambon

AMENDEMENT 146

présenté par

MM. CAMBON, REVET, P. LEROY, PIERRE et J. GAUTIER, Mme PROCACCIA et M. de NICOLAY

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 60

Après l’article 60

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La dernière phrase du troisième alinéa de l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles est complétée par les mots : « à la résidence principale de toute personne ou famille mentionnée au premier alinéa du présent article ».

Objet

Le présent amendement corrige une erreur résultant des dispositions adoptées dans le cadre de la loi n° 2013312 du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes, et qui contrevient à l’intention du législateur.

OB : Rappel législatif. Avant 2013, il y avait une trêve hivernale pour les coupures d’électricité, de gaz et de chaleur, et annuelle pour l’eau, réservée aux  très pauvres.

La proposition de loi Brottes a enlevé la limitation aux très pauvres en 2013 (art 8 ici). Je cite “La mesure tant attendue d’une trêve hivernale généralisée sera enfin instaurée. [...] L’article 8 prévoit l’extension de la trêve hivernale, qui concerne l’électricité, le gaz et la chaleur, à l’ensemble des consommateurs.”

Donc finalement, le choix clair de la majorité devient “une erreur” pour ces sénateurs…

Celui-ci entendait en effet étendre la trêve hivernale en matière de coupure de gaz naturel, d’électricité et de chaleur à l’ensemble des consommateurs, par la modification de l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles.

La modification législative opérée a in fine conduit à interdire les coupures d’eau toute l’année pour l’ensemble des résidences principales, alors que cette interdiction était jusque-là réservée aux familles en difficultés bénéficiant ou ayant bénéficié du Fonds de Solidarité pour le Logement (FSL).

OB : Ce qui tombe sous le sens : on voit mal du coup pourquoi on ne pourrait pas couper l’électricité à tout le monde en hiver, mais on pourrait couper l’eau pour les “moins pauvres”…

Il n’est donc désormais plus possible d’établir une différence de traitement entre les mauvais payeurs et ceux qui ne payent pas parce qu’ils n’en n’ont pas les moyens, ce qui pourrait encourager des comportements non-citoyens.

Ben voui, il faut lutter contre tous ces profiteurs à Neuilly qui désormais refusent de payer l’eau…

Je rappelle aussi que ce n’est pas parce qu’on ne coupe plus l’eau que les sommes dues ne sont plus exigibles : la compagnie peut toujours attaquer le client au tribunal…

Les impacts financiers pourraient être importants. En effet, les impayés représentent actuellement moins de 1 % des factures. Au Royaume-Uni, seul pays européen dans lequel l’interdiction des coupures d’eau aux habitations principales a été prise en 1999, cette mesure a conduit à une forte augmentation des impayés car certains abonnés ont retardé le paiement. Le montant des impayés a ainsi été multiplié par 5, ce qui a conduit à une augmentation globale du prix du service de l’eau (de l’ordre de 3 %) également supporté par les plus démunis.

Ah, si c’est pour aider les plus démunis qu’il faut leur couper l’eau alors…

Et puis 3 % de plus (si c’était vrai), ça ferait vite 10 € par an (dans mon cas, j’ai vérifié…) à cause de ses sales pauvres profiteurs !

Soit presque autant que le coût de l’arbitrage foireux Tapie (approuvé par l’UMP) par foyer (400 M /32 M = 12,5 €)…

Les services gérés en régie par les collectivités elles-mêmes risquent d’être particulièrement impactées, car elles disposent de moins de moyens que les grandes compagnies d’eau pour assurer le recouvrement des impayés.

Le présent amendement vise donc à modifier le 3ème alinéa de l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles afin d’éviter un effet contre-productif de l’interdiction des coupures sur l’accès à l’eau, tout en prévoyant d’interdire les coupures d’eau pour les familles en difficulté tout au long de l’année.

Ce qu’il appelle “en difficulté” ici, c’est entre 500 000 et 1 million de français

Rappel : La France compte entre 5 et 8,6 millions de pauvres selon la définition adoptée. Depuis 2002, le nombre de personnes concernées a augmenté de 1,3 million.

L’expérimentation prévue par les dispositions de la loi du 15 avril 2013 susvisée visant à favoriser l’accès à l’eau et mettre en œuvre une tarification sociale de l’eau permettra aux collectivités concernées de définir, de mettre en œuvre et d’évaluer des solutions adaptées à leur contexte local afin de rendre effectif, sur leur territoire, le droit à l’eau potable des personnes physiques.

Ah, donc pour rendre effectif le droit à l’eau potable, on va donc rétablir les coupures d’eau… C’est brillant un sénateur quand même !

A l’issue de cette expérimentation, le bilan des mesures mises en place doit permettre de dégager des solutions généralisables à l’ensemble des communes et de leurs groupements compétents en matière d’eau potable et d’assainissement, sans remettre en cause leur durabilité.

Agir !

L’amendement sera étudié demain ou le 3 mars…

Bon s’il passe, il finira surement retoqué à l’Assemblée, mais dans l’optique de 2017, ce serait bien qu’à l’UMP ils se rendent compte qu’on les a vus – et que cette initiative soit tuée dans l’oeuf…

Je vous ai donc mis le mail des sénateurs ici si vous avez été choqué et que vous voulez protester :

A commencer surtout par Christian Cambon, qui est l’auteur de l’amendement

puis les autres signataires :

Louis-Jean de Nicolaÿ (une publicité vivante pour 1789…)
Charles Revet
Philippe Leroy
Jackie Pierre
Jacques Gautier
Catherine Procaccia

MAIS le plus efficace reste un coup de fil rapide à leur secrétariat, via le standard du Sénat : 01 42 34 20 00

A suivre…

Source: http://www.les-crises.fr/quand-7-senateurs-ump-veulent-reintroduire-les-coupures-deau/


[Entraide + Question] Amateurs d’Histoire

Wednesday 18 February 2015 at 07:47

Bonjour

Entraide Histoire

Nous aurions besoin d’un peu d’aide pour des petites recherches sur Internet + rédaction de courtes synthèses, en lien avec l’Histoire et la Propagande de guerre.

Nous cherchons des personnes ayant la curiosité pour l(Histoire, de la rigueur, se débrouillant en recherches internet – voire en plus avec de bonnes qualités de rédaction (même si on peut segmenter le travail).

Rien de très compliqué non plus – ça restera de niveau Licence / Master… Profil Historien, Sciences Po, Journaliste, etc. bienvenu…

Et rien de très long non plus, la participation peut être unique sur un seul sujet si vous souhaitez…
Contactez-nous ici

Question

Nous réfléchissons à plusieurs billets sur des évènements importants du début du XXe siècle passés sous silence dans nos manuels scolaires (généralement car ils sont à notre détriment : meurtres, coups d’État etc.), pour la France ou des pays étrangers (USA…).

L’idée est d’avoir un autre regard sur l’Histoire, toujours dans une idée de contre-propagande, la propagande étant ici le silence

Afin que nous n’en oublions pas, pourriez-vous nous aider en nous indiquant en commentaire ceux qui vous paraitraient utiles de traiter, et en nous indiquant des livres que vous nous recommandez par rapport à la liste indiquée svp ?

Nous vous proposons ici de traiter de la fin du XIXe siècle à la fin de la 2e guerre mondiale. (on refera un appel pour la suite)

Nous avons identifié ceci :

Merci aussi pour vos idées de zooms à apporter sur des évènements méconnus de la première et de la seconde guerre mondiale (je rappelle que l’idée est d’avoir une vision d’évènements qui nous soient inconfortables (ou à nos alliés), pas juste des évènements importants oubliés)…

Merci d’avance !

Olivier Berruyer

Source: http://www.les-crises.fr/entraide-amateur-d-histoire/


[Parabole] Mon voisin Charlie

Wednesday 18 February 2015 at 05:30

Parabole fictive…

Je m’appelle Youcef.

Je suis égyptien, et je suis arrivé en France il y a 10 ans.

J’habite au rez-de-chaussée d’une petite résidence.

Les 9 premières années, tout allait bien.

Jusqu’à ce qu’arrive il y a 1 an un nouveau voisin au dessus de chez moi, Charlie.

Au début, je l’ai trouvé très sympa, il rigolait souvent (un peu pipi-caca, mais bon…).

Mais un jour où on se croisait dans le couloir, on a papoté, et il m’a demandé pourquoi je laissais ouverts les volets de ma chambre la nuit.

Je lui ai alors expliqué que, copte, j’avais une religion assez rare, descendant des cultes égyptiens millénaires, vénérant le Dieu soleil Râ, et son prophète Akhenaton. Et que j’aimais être réveillé par sa lumière.

Charlie a paru très étonné – j’ai alors compris qu’il n’aimait pas les religions du tout – ce qui est bien son droit.

Mais comme ma religion condamne toute violence, je ne m’inquiétais pas trop, et je l’ai rassuré.

Il m’a alors demandé s’il y avait des contraintes. Je lui expliquais que nous n’en avions qu’une : ne jamais insulter Akhenaton, en respect de son message de paix et d’amour universels.

Charlie a beaucoup rigolé, et est parti.

La semaine d’après, un soir en rentrant de mon travail, j’ai eu la surprise de découvrir sur son balcon, tout du long, une grand pancarte avec écrit “EN FRANCE, ON ENCULE AKHENATON”, avec des dessins orduriers…

J’ai été choqué, je ne le comprenais pas : mais que lui avais-je fait pour mériter ça, lui qui ne connaissait pas Akhenaton avant que je lui en parle ?

Je lui ai demandé, et il m’a répondu : “mais c’est pour rigoler avec les copains, je suis chez moi je fais ce que je veux, tu n’as qu’à pas regarder”…

Je respecte vraiment sa liberté d’expression, mais je n’ai pas compris son action, qui attristait toute ma famille.

Comme au bout de 15 jours la pancarte était toujours là, je décidais alors de ne plus brider non plus ma liberté, et me suis mis à écouter ma musique un peu plus tard le soir.

Je me suis alors rendu compte qu’ils n’enlevaient plus leurs chaussures au-dessus.

Du coup, j’ai mis ma télé au volume que j’aimais bien - vive le Home cinéma !

Au bout de 6 mois, se croisant dans le couloir, on en est venu à se disputer, puis à se battre.

La vie dans l’immeuble est maintenant devenue très pénible, l’irrespect s’étant généralisé.

Et je me pose toujours cette question : mais qu’est-ce que j’avais bien pu faire à Charlie pour qu’il fasse cette pancarte ?

Source: http://www.les-crises.fr/parabole-mon-voisin-charlie/


Yanis Varoufakis : “Ce n’est pas l’heure pour les jeux en Europe”

Wednesday 18 February 2015 at 01:00

Intéressante tribune du ministre grec des finances… (on peut discuter de sa vision, mais dites donc, il doit faire tâche dans les réunions européennes lui qui sait vraiment de quoi il parle…)

Un mot sur la crise : je suis quand même très surpris de la naïveté des commentateurs sur les stratégies cachées des acteurs.

Et je pense surtout à un : l’Allemagne. On constate qu’elle est extrêmement rigide, mettant clairement en danger un accord.

MAIS je vois peu d’analystes se demander si ce n’est tout simplement car elle ne veut plus de l’euro : ça a été un système optimal pour elle, mais elle comprend bien qu’il n’est pas durable et que la transition entre ces 2 modes est proche, et qu’elle devra donc financer les autres pays bien plus qu’auparavant. Le tout dans un cadre où la BCE prend des décisions contraires à la vision et aux intérêts allemands (je rappelle que la Bundesbank a attaqué la BCE devant les tribunaux – une paille !!!).

Il serait donc tout à fait rationnel pour l’Allemagne de vouloir sortir de l’euro (pour le surcout futur du mark, eh bien oui, ce sera moins bien pour elle qu’aujourd’hui, mais pas très différent d’avant hier où le pays se portait fort bien).

Mais le poids de l’Histoire ne permet pas à l’Allemagne de tenir ce discours. Il lui faut donc rejeter la faute sur d’autres, et la Grèce est une occasion qui risque de ne pas se reproduire de sitôt.

Ainsi, il se peut bien que la question actuelle soit “L’Allemagne veut-elle encore de l’euro ou pas” – réponse d’ici la semaine prochaine…

P.S. c’est mal enclenché :

“Dialogue de sourds ou bras de fer tendu? Au lendemain de l’échec de la réunion de l’Eurogroupe au sujet de la Grèce, les Etats européens et l’Etat grec campent toujours sur leurs positions. Les premiers exigent d’Athènes le prolongement du programme de redressement, tandis que le gouvernement dirigé par Alexis Tsipras refuse de repartir sur les mêmes bases.

Mardi, une source gouvernementale a indiqué que la Grèce «n’acceptera pas d’ultimatum». «Le gouvernement grec est déterminé à honorer le mandat populaire et l’histoire de la démocratie en Europe», ajouté cette même source, qui assure que le texte présenté lundi soir lors de la réunion des ministres des Finances de la zone euro «comprenait des points qu’Athènes ne pouvait pas accepter, comme l’extension technique de six mois du programme actuel, qualifiée d’étape transitoire».

Selon cette source, le texte proposé par Athènes lors de cette réunion comprenait des «mesures visant à adopter un système d’imposition plus juste, à limiter les répercussions de la crise humanitaire ainsi que des mesures pour l’allégement de la dette». «Ces points, assure la source, sont les bases pour une extension de l’aide actuelle qui pourrait prendre la forme d’un programme intermédiaire de quatre mois, qui sera une phase transitoire vers un accord qui va conduire à la croissance en Grèce.»

De leur côté, l’Europe continue de se montrer inflexible. «Il n’y a pas de plan B» dans le cadre des négociations avec la Grèce, a notamment assuré mardi le commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici. «Le plan A, pour la Commission, c’est un accord à 19 [au sein de la zone euro]. C’est le seul sur la table», a renchéri le porte-parole de la Commission, Margaritis Schinas. «Il faut passer de l’idéologie à la logique», a-t-il dit à l’adresse des Grecs, en reprenant une formule de Pierre Moscovici.

La Commission européenne s’est dite mardi «dans une recherche de solution à 19», et a promis de «jouer son rôle de facilitateur». Elle a toutefois démenti l’existence d’un document que les Grecs étaient à deux doigts de signer la veille, comme l’a affirmé le ministre des Finances, Yanis Varoufakis. «Il y a eu des documents élaborés, mais aucun document mis sur la table, et donc aucun document rejeté par la Grèce», a renchéri le Français, Michel Sapin.

Pour les Européens, la seule option viable est une extension du programme d’aide grec en cours, qui expire le 28 février. La zone euro a fixé un ultimatum à Athènes jusqu’à vendredi et souhaite qu’elle fasse une demande formelle par lettre, selon plusieurs sources proches du dossier. «Le seul terrain connu qui permette d’avoir un peu de temps, de tranquillité et de calme, c’est la prolongation du programme précédent. C’est un travail qui doit continuer pour aller jusqu’au bout dans les quelques heures qui restent», a averti Michel Sapin. Une extension du programme de redressement grec comporterait la «flexibilité que les règles comportent», a-t-il souligné.” Source

“Ce n’est pas l’heure pour les jeux en Europe”

Par Yanis Varoufakis. Article paru dans le New YorkTimes, le 17 février 2015: No Time for Games in Europe [traduction: JFG/OG-QuestionsCritiques]

ATHÈNES — J’écris cet article en marge d’une négociation cruciale avec les créanciers de mon pays – une négociation dont le résultat pourrait marquer toute une génération, et même s’avérer être le tournant décisif de l’expérience européenne d’une union monétaire. Les théoriciens des jeux analysent les négociations comme si elles étaient des jeux où des joueurs purement motivés par leur intérêt personnel se partagent un gâteau. Parce que j’ai passé de nombreuses années durant ma précédente vie en tant que chercheur universitaire à étudier la théorie des jeux, certains journalistes ont présumé hâtivement que, en tant que nouveau ministre des finances de la Grèce, j’élaborais activement des bluffs, des stratagèmes et des options de sortie, m’efforçant au mieux d’améliorer une mauvaise main.

Rien ne pourrait être plus loin de la vérité.

Mon expérience en matière de théorie des jeux m’a plutôt convaincu de la pure folie que ce serait d’imaginer que les délibérations actuelles entre la Grèce et nos partenaires sont un jeu de marchandage qui peut être gagné ou perdu au moyen de bluffs et de subterfuges tactiques.

Le problème avec la théorie des jeux, comme je le répète à mes étudiants, est qu’elle présume que les motivations des joueurs vont de soi. Au poker ou au black-jack cette supposition ne pose aucun problème. Mais dans les délibérations actuelles entre nos partenaires européens et le nouveau gouvernement de la Grèce, ce dont il s’agit est de changer les motivations des uns et des autres. De faire naître un nouvel état d’esprit qui soit capable de transcender les divisions nationales, d’abattre la distinction entre créancier et débiteur au profit d’une vision pan-européenne, de placer le bien commun européen au-dessus des considérations dogmatiques de la politique politicienne, toxiques si on ne leur tient pas la bride, et de rompre avec la vision manichéenne de la politique européenne.

La grande différence entre ce gouvernement et les gouvernements grecs précédents est double : nous sommes déterminés à entrer en conflit avec les puissants intérêts particuliers afin de permettre à la Grèce de redémarrer et de gagner la confiance de nos partenaires. Nous sommes également déterminés à ne pas nous laisser traiter comme une colonie fiscale à laquelle certains peuvent imposer comme bon leur semble toutes les souffrances qu’ils jugent nécessaires. Le principe qui demande l’imposition de l’austérité la plus sévère à l’économie la plus déprimée serait ridicule s’il n’était la cause d’autant de souffrance inutile.

On me demande souvent : et si la seule façon d’obtenir un financement est de franchir vos lignes jaunes et d’accepter des mesures que vous considérez comme faisant partie du problème, plutôt que partie de la solution ? Fidèle au principe selon lequel je n’ai pas le droit de bluffer, ma réponse est la suivante : les lignes que nous avons présentées comme étant jaunes ne seront pas franchies. Autrement, elles ne seraient pas vraiment des lignes jaunes, mais seulement du bluff.

Mais si cela devait amener encore plus de souffrance à votre peuple ? me demande-t-on. Vous devez certainement bluffer.

Le problème avec cet argument est qu’il présuppose, comme le fait la théorie des jeux, que nous vivons dans un monde où l’on est entravé par la peur des conséquences. Dans un monde où il n’existe aucune circonstance où nous devons faire ce qui est juste, non pas en tant que stratégie, mais simplement parce que c’est… juste.

Contre un tel cynisme, le nouveau gouvernement grec innovera. Nous mettrons un terme, quelles qu’en soient les conséquences, aux accords qui sont mauvais pour la Grèce et pour l’Europe. Le jeu « étendre et prétendre » [étendre les dettes et prétendre que tout va bien – NdT] qui a commencé après que la dette de la Grèce est devenue telle, en 2010, que notre pays ne pouvait plus l’honorer, s’arrêtera. Plus de prêts – pas tant que nous n’aurons pas un plan crédible pour faire repartir l’économie afin de rembourser ces prêts, aider la classe moyenne à se relever et régler cette effroyable crise humanitaire. Finis les programmes de « réformes » qui visent les retraités pauvres et les pharmacies familiales tout en laissant intacte la corruption à grande échelle.

Notre gouvernement ne demande pas à nos partenaires un procédé pour ne pas rembourser nos dettes. Nous demandons quelques mois de stabilité financière qui nous permettront de nous atteler aux réformes que la population grecque dans son ensemble peut faire siennes et soutenir, afin de faire revenir la croissance et mettre fin à notre incapacité de payer ce que l’on doit.

On pourrait penser que ce recul par rapport à la théorie des jeux est motivé par quelque radical programme gauchiste. Ce n’est pas le cas. La principale influence est Emmanuel Kant, le philosophe allemand qui nous a enseigné que les hommes rationnels et libres échappent à l’emprise de l’opportunisme en faisant ce qui est juste.

Comment savons-nous que notre modeste programme politique, qui constitue notre ligne jaune, est juste selon la formulation de Kant ? Nous le savons en regardant dans les yeux les gens affamés dans les rues de nos villes ou en contemplant notre classe moyenne à bout de souffle, ou en prenant en compte les intérêts de tous les hommes et femmes qui travaillent dur dans toutes les villes et villages de notre union monétaire européenne. Après tout, l’Europe ne retrouvera son âme que lorsqu’elle regagnera la confiance de son peuple en plaçant les intérêts de celui-ci avant toute autre considération.

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Varoufakis : « Nous allons détruire de système oligarchique grec » (23/01)

Yanis Varoufakis, donné comme nouveau ministre des Finances de Syriza, est interviewé à Athènes par Paul Mason de Channel4 (23 janvier 2015). (Transcription et traduction : JFG-QuestionsCritiques).

Voir la vidéo sur le site de Channel 4 : ICI

Aujourd’hui, Yanis Varoufakis est professeur d’économie ; à partir de lundi prochain il pourrait être le ministre des Finances de Syriza. L’auteur du « Minotaure planétaire » et de la « Modeste proposition pour résoudre la crise de l’euro » répond aux questions de Paul Mason, chef de la rubrique économie de Channel 4, la grande chaîne de télévision  indépendante britannique. 

Paul Mason : Que ferait un gouvernement Syriza dans les 100 premiers jours ?

Yanis Varoufakis : Trois mesures. Premièrement, nous devons nous occuper de la crise humanitaire. Il est grotesque qu’en 2015, nous ayons des gens qui avaient un travail, une maison – certains avaient une boutique, il y a encore quelques années – et qui dorment dans la rue, le ventre vide. Il est inacceptable que des écoliers fassent leurs devoirs à la lueur d’une bougie parce que l’électricité a été coupée du fait que l’Etat a été mal inspiré de décider de taxer la propriété à travers les factures d’électricité. Ce sont des choses qui coûtent très peu d’argent et qui ont un impact symbolique, social et moral majeur. C’est l’une des trois pièces [de notre politique]. La deuxième chose que nous devons faire dans ce pays est de le réformer. Réformer en profondeur et réformer d’une façon qui s’attaque à ce que l’on appelle le « triangle criminel ». En Grèce, le triangle criminel [ou « triangle des combines » – NdT] comprend la partie achats de l’Etat, où vous avez des fournisseurs de l’Etat à la recherche de profits indus qui lui font payer des fortunes – par exemple, une autoroute grecque coûte trois fois plus cher à construire qu’une autoroute française, ce qui est inacceptable. Deuxièmement, la deuxième partie du triangle est formée des banquiers sans scrupules qui extorquent le maximum d’argent. Et troisièmement, les mass media qui sont tout le temps en faillite. Il faut donc se poser les bonnes questions, comme se demander comment ils parviennent à joindre les deux bouts quand ils n’ont jamais montré le moindre bénéfice.

PM : On pourrait presque entendre les centristes européens s’écrier, « il y a là un parti de gauche qui touche à la liberté d’expression !»

YF : C’est le contraire. Nous sommes absolument attachés à la liberté d’expression, et la liberté d’expression en Grèce a été compromise par cette alliance contre nature entre des banquiers sans scrupules, des promoteurs et des propriétaires de médias qui deviennent la voix de ceux qui veulent parasiter les efforts productifs de tous les autres et vivre à leurs crochets.

PM : Que ferez-vous concrètement contre l’oligarchie ?

YF :  Nous allons détruire les fondations sur lesquelles ils ont construit, décennie après décennie, un système et un réseau qui sucent méchamment l’énergie et la force économique de tous les autres dans la société.

PM : Vous n’êtes pas seulement un économiste, vous connaissez l’histoire de ce pays. Vous savez ce qui c’est passé la dernière fois que quelqu’un a essayer de reprendre le pouvoir à l’oligarchie grecque…

YF : Un combat juste doit être mené sans se soucier de ce que cela peut nous en coûter.

PM : Et le coût pourrait être qu’un gouvernement Syriza s’aperçoive, à un certain moment, que la démocratie lui est ôtée.

YF : Il n’y a pas d’autre alternative que de rester inébranlable dans notre opposition à ces forces qui vident essentiellement la démocratie de sa substance.

Mais venons-en à la troisième pièce de notre politique. Résoudre la crise, réformer la Grèce, nous attaquer à l’oligarchie, abolir l’immunité fiscale. Parce que ce n’est pas tant un problème d’évasion fiscale que d’immunité fiscale. Et la chose à faire, bien sûr, est de renégocier les accords de prêts avec nos partenaires européens, lesquels ont été préjudiciables à l’Europe dans son ensemble.

PM : Vous avez été pendant des années à l’extérieur de la politique. Que ressent-on lorsque l’on se retrouve aux portes du pouvoir ?

YF : Effrayant. Un seul mot : effrayant. Mais d’un autre côté, après avoir dit ça, dans les universités où j’ai passé toute ma vie – en Grande-Bretagne et ailleurs – j’étais persuadé que tout collègue voulant devenir à tout prix chef de département devrait être immédiatement disqualifié, parce qu’on ne devrait le faire qu’à contrecœur en tant que service public. Donc nous sommes des candidats au pouvoir à contrecœur et, malheureusement, c’est l’Histoire et cette crise qui nous ont poussé au centre de la scène, et nous avons maintenant hérité du défi empoisonné de devoir faire des choses essentielles que même les partis bourgeois auraient dû faire et qu’ils n’ont pas fait.

PM : Et si avec l’un de vos collègues, vous vous rendez à l’Eurogroupe dans deux semaines, que leur direz-vous ?

YF : Il est temps de dire la vérité sur la responsabilité insoutenable du déni majeur avec lequel l’Europe à traité la faillite dans ses assemblées et sur l’architecture problèmatique du système de l’euro.

PM : Et selon vous, quelle est la probabilité que la Grèce soit chassée de la zone euro ?

YF : Zéro.

PM : Qu’arrivera-t-il à la zone euro si elle continue comme elle est ?

YF : Si nous ne réformons pas le système de l’euro, si nous ne créons pas d’amortisseurs et ce que j’appelle un mécanisme de recyclage des excédents au sein de la zone euro, celle-ci sera foutue dans quelques années.

PM : Pourquoi ?

YF : Parce que vous ne pouvez pas avoir une union monétaire qui prétend pouvoir survivre à une crise financière majeure simplement en prêtant plus d’argent aux pays en déficit à la condition qu’ils réduisent leurs revenus.

_________________________

Je vous rappelle que le dernier livre de Varoufakis Le Minotaure Planétaire vient tout juste d’être traduit en français, aux Éditions du cercle - je vous le recommande

Minotaure2014.jpg

disponible en versions numériques (kindle et kobo) et brochée (PoD-amazon)

 

Voici un extrait de la préface de l’auteur à l’édition française :

Delors, Mitterrand, Kohl et leurs successeurs

En 1993, alors que ses efforts pour poser les fondations de la zone euro commençaient à porter leurs fruits, Jacques Delors eut un pressentiment : il fallait à l’union monétaire européenne un peu plus que les règles de Maastricht et une banque centrale calquée sur le modèle de la Bundesbank. Jacques Delors était correctement arrivé à la conclusion qu’une émission obligataire commune à la zone euro devait être créée pour qu’il soit possible de prévenir les chocs et être en mesure de se remettre d’aplomb après qu’ils ont frappé. À cette fin, dans un Livre Blanc présenté en décembre 1993, il recommandait que ces euro-obligations de fait soient intégrées en tant que rouage essentiel du mécanisme de la zone euro et, en outre, qu’un Fonds d’investissement européen soit lui-aussi institué.

Pour donner à sa recommandation élan politique et poids au niveau macroéconomique, Jacques Delors essaya de convaincre le Président Mitterrand que ces euro-obligations joueraient pour la zone euro un rôle similaire à celui que les Union Bonds avaient joué pour le New Deal de Franklin Roosevelt, où ils permirent le financement d’un vaste programme de redressement tiré par l’investissement, qui autorisa le déficit budgétaire fédéral des USA à se maintenir à un faible niveau, de 1933 jusqu’au début de la Seconde Guerre mondiale.

Mitterrand écouta avec la plus grande attention, mais répondit : « Jacques, vous avez raison. L’union monétaire européenne a besoin de ces instruments. Mais, nous ne les créerons pas. Helmut (Kohl) et moi-même n’avons pas la puissance politique suffisante pour cela. Nous avons le pouvoir de lier entre eux les pays sur le plan monétaire, de forger une monnaie commune. Mais nous n’avons pas le pouvoir d’établir une dette commune. Laissez-moi cepen-dant vous dire ceci : lorsque, dans 10 ou 15 ans, une grande crise financière viendra à frapper l’Europe, nos successeurs devront faire le choix suivant : soit mettre en œuvre votre idée, soit laisser l’union monétaire européenne s’effondrer ».[1]

François Mitterrand avait vu juste sur deux points : une crise mondiale majeure est bien survenue 15 ans plus tard, en 2008, et les dirigeants européens se trouvent bien devant un dilemme entre consolidation (d’un type similaire à l’union obligataire proposée par Jacques Delors) et éclatement. Là où François Mitterrand et Helmut Kohl se sont trompés est dans leur conviction (tacite) que leurs successeurs allaient choisir la consolidation. À ce jour, ceux-ci se précipitent, tels des somnambules, droit vers l’éclatement.

Ce livre fait la lumière non seulement sur les causes de cette crise que le Président Mitterrand avait anticipée de manière prophétique mais, aussi, sur les raisons pour lesquelles ses successeurs se comportent comme des lapins tétanisés par l’irrémédiable avancée des phares d’un camion dans la nuit.

Voici enfin un entretien du 13 février 2012 conduit par Philip Pilkington :

Philip Pilkington : Dans votre livre LE MINOTAURE PLANÉTAIRE : l’ogre américain, la désunion européenne et le chaos mondial vous exposez que la crise économique en cours a des racines très anciennes. Vous affirmez que si les nombreuses interprétations classiques – de la cupidité devenue exubérante à la mainmise sur la régulation – expliquent bien certaines caractéristiques de la crise actuelle, elles ne traitent pas de la véritable question sous-jacente, c’est-à-dire la façon dont l’économie mondiale est actuellement structurée. Pouvez-vous expliquer brièvement pourquoi ces interprétations classiques se révèlent-elles incomplètes ?

Yanis Varoufakis : Il est vrai qu’au cours des décennies qui ont précédé le Krach de 2008, la cupidité est devenue le nouveau credo. Les banques et les fonds spéculatifs faisaient plier les autorités régulatrices à leur volonté de fer ; les financiers croyaient en leur propre discours et étaient donc convaincus que leurs produits financiers représentaient un « risque sans risques ». Cependant, cet appel au phénomène de l’ère d’avant 2008 nous laisse avec le sentiment tenace que nous passons à côté de quelque chose d’important ; que toutes ces vérités séparées n’étaient que de simples symptômes, plutôt que les causes, du pouvoir destructeur qui se précipitait tête baissée vers le Krach de 2008. L’avidité était présente depuis des temps immémoriaux. Les banquiers ont toujours essayé de faire plier les règles. Les financiers étaient à la recherche de nouvelles formes de dettes trompeuses depuis l’époque des pharaons. Pourquoi l’ère qui a débuté après 1971 a-t-elle permis à la cupidité de dominer et au secteur financier de dicter ses conditions au reste de l’économie sociale de la planète ? Mon livre commence par mettre l’accent sur la cause plus profonde qui se cache derrière tous ces phénomènes distincts mais entremêlés.

PP : D’accord, ces tendances nécessitent d’être replacées dans leur contexte. Alors, quelles sont selon vous les racines de cette crise ?

YV : Elles sont à rechercher dans les principaux ingrédients de la deuxième phase de l’après-guerre qui a débuté en 1971 et dans la façon dont ces « ingrédients » ont créé une poussée majeure de croissance, fondée sur ce que Paul Volcker avait décrit, peu après être devenu le président de la Réserve fédérale, comme la « désagrégation contrôlée de l’économie mondiale ».[1]

Tout a commencé lorsque l’hégémonie américaine de l’après-guerre ne pouvait plus se baser sur l’habile recyclage des surplus des Etats-Unis vers l’Europe et l’Asie. Et pourquoi ne le pouvaient-ils plus ? Parce que leurs excédents, à partir de la fin des années 1960, s’étaient transformés en déficits – leurs fameux déficits jumeaux (budgétaire et de la balance commerciale). Aux alentours de 1971, les autorités américaines eurent l’idée de mettre au point une stratégie audacieuse : au lieu de s’attaquer au double déficit croissant de leur nation, les hauts responsables politiques américains décidèrent de faire le contraire : accroître les déficits. Et qui devrait payer la note ? Le reste du monde ! Comment ? Au moyen d’un transfert permanent de capitaux qui se précipiteraient sans cesse par-delà les deux grands océans afin de financer le double déficit des USA.

Ces déficits de l’économie américaine ont donc opéré pendant des décennies à la façon d’un aspirateur géant, absorbant les biens et les capitaux excédentaires des autres peuples. Tandis que cet « arrangement » incarnait le déséquilibre le plus colossal imaginable à l’échelle planétaire (souvenez-vous de l’expression appropriée de Paul Volcker), il a néanmoins donné naissance à quelque chose ressemblant à un équilibre mondial, un système international accélérant rapidement les flux asymétriques des échanges et des capitaux, capable d’exercer un semblant de stabilité et de croissance constante.

Propulsées par le double déficit des Etats-Unis, les économies excédentaires du monde (à savoir l’Allemagne, le Japon et, plus tard, la Chine) ne cessaient de produire en série les marchandises que les Etats-Unis absorbaient. Près de 70% des profits réalisés au niveau mondial par ces pays étaient transférés aux Etats-Unis, sous la forme de flux de capitaux vers Wall Street. Et que fit Wall Street de tout cet argent ? Il le transforma en injections de capital sous forme d’investissements directs, de prises de participation, de nouveaux instruments financiers, de prêts revêtant d’anciennes formes ou de nouvelles, etc.

C’est sous ce prisme que nous pouvons contextualiser la montée de la financiarisation, le triomphe de la cupidité, la démission des régulateurs, la domination du modèle de croissance anglo-saxon. Tous ces phénomènes qui caractérisent cette époque apparaissent soudainement comme de simple sous-produits des flux massifs de capitaux nécessaires pour alimenter les déficits jumeaux des Etats-Unis d’Amérique.

PP : Il semble que vous situiez ce tournant au moment où Richard Nixon a sorti les Etats-Unis de l’étalon-or et dissout le système de Bretton Woods. Pourquoi doit-on voir cela comme le tournant ? Quel effet a eu la désindexation du dollar sur l’or ?

YV : Ce fut un moment symbolique : l’annonce officielle que le Plan mondial conçu par la génération du New Deal était mort et enterré. En même temps, c’était une manœuvre très pragmatique. Car contrairement aux dirigeants européens, aujourd’hui, qui ont été extraordinairement aveugle quant à l’issue inéluctable (c.-à-d. que le système de l’euro, tel qu’il a été conçu dans les années 1990, n’a aucun avenir dans le monde après 2008), l’administration Nixon a eu le bon sens de reconnaître immédiatement que le Plan mondial appartenait au passé. Pourquoi ? Parce qu’il était fondé sur l’idée simple que l’économie mondiale serait gouvernée par (a) des taux de change fixes, et (b) un Mécanisme mondial de recyclage des excédents devant être administré par Washington et qui recyclerait vers l’Europe et l’Asie les surplus des Etats-Unis.

Ce que Nixon et son administration reconnurent était que, une fois que les Etats-Unis étaient devenus un pays déficitaire, ce mécanisme de recyclage ne pouvait plus fonctionner comme prévu. Paul Volcker, qui était la doublure de Henry Kissinger à ce moment-là (avant que ce dernier ne prennent ses fonctions au ministère des Affaires étrangères), avait identifié avec une immense lucidité le choix, à la fois nouveau et catégorique, auquel les Etats-Unis étaient confrontés : soit réduire leur portée économique et géopolitique (en adoptant des mesures d’austérité dans le but de maîtriser leur déficit commercial), soit chercher à maintenir leur hégémonie, en fait l’étendre, en accroissant leurs déficits et en créant immédiatement les circonstances qui permettraient aux Etats-Unis de rester le « recycleur » des surplus occidentaux. Sauf que cette fois-ci, ils recycleraient les excédents du reste du monde (Allemagne, Japon, pays producteurs de pétrole et, plus tard, la Chine).

La majestueuse déclaration du 15 août 1971 du Président Richard Nixon, et le message que le ministre américain des Finances, John Connally, allait bientôt délivrer aux dirigeants européens (« C’est notre monnaie mais c’est votre problème ») n’était certes pas un aveu d’échec. Au contraire, c’était le présage d’une nouvelle ère de l’hégémonie américaine, basée sur l’inversion des surplus de capitaux et de marchandises. C’est pour cette raison que je pense que la déclaration de Nixon symbolise un moment important de l’histoire du capitalisme de l’après-guerre.

PP : Le vieil adage bancaire, « Si vous devez des milliers à une banque, vous avez un problème ; si vous lui devez des millions, c’est elle qui a un problème », vient à l’esprit. Etait-ce alors la fin de l’hégémonie des Etats-Unis en tant que prêteurs et le commencement de l’hégémonie des Etats-Unis en tant qu’emprunteurs ? Et si c’est le cas, cela nous donne-t-il des indications sur la crise financière de 2008 ?

YV : Je suppose que la phrase de Connally, « C’est notre monnaie mais c’est votre problème », s’est avérée être la nouvelle version de ce vieil adage bancaire que vous mentionnez. Sauf qu’il y a une différence importante ici : dans le cas des banques, lorsqu’elles font faillite, il y a toujours la FED ou une autre banque centrale pour les soutenir. Dans le cas de l’Europe et du Japon en 1971, aucun soutien de ce type n’était disponible. Il ne faut pas oublier que le FMI est un organisme dont le but est de financer les pays (essentiellement de la périphérie) confrontés à des déficits de leur balance des paiements.

La phrase de Connally visait des pays qui avaient une balance des paiements excédentaire vis-à-vis des Etats-Unis. De plus, lorsqu’une personne ou une entité lourdement endettée dit à sa banque que c’est elle qui a un problème, et non le débiteur, c’est généralement une tactique de marchandage en vue d’obtenir de meilleures conditions de la banque, un effacement partiel de la dette, etc. Dans le cas du voyage de Connally en Europe, peu après la déclaration de Nixon, les Etats-Unis ne demandaient rien aux Européens. Il s’agissait simplement d’annoncer que la règle du jeu avait changé : le prix de l’énergie augmenterait plus vite en Europe et au Japon qu’aux Etats-Unis, et des taux d’intérêts nominaux relatifs joueraient un rôle majeur pour aider à donner forme aux afflux de capitaux vers les Etats-Unis.

Ainsi débutait donc la nouvelle hégémonie. L’hégémon recyclerait désormais les capitaux des autres peuples. Il accroîtrait son déficit commercial, qu’il financerait grâce aux afflux volontaires de capitaux vers New York, des afflux qui commencèrent pour de bon en particulier après que Paul Volcker eut poussé les taux d’intérêt américains vers des sommets.

PP : Et cette nouvelle hégémonie s’est développée structurellement à partir de la domination du dollar en tant que devise de réserve mondiale, laquelle s’est assise dans les années de l’après-guerre ? C’est bien cela ? Pouvez-vous en dire plus ?

YV : Le « privilège exorbitant » du dollar, grâce à son statut de réserve mondiale, fut l’un des facteurs qui permirent aux Etats-Unis de devenir le recycleur des capitaux des autres peuples (tandis que les Etats-Unis étendaient activement leurs déficits). Bien que crucial, ce ne fut pas le seul facteur. Un autre était la domination des Etats-Unis sur le secteur de l’énergie et leur puissance géopolitique. Pour attirer les unes après les autres des vagues de capitaux depuis l’Europe, le Japon et les pays producteurs de pétrole, les Etats-Unis devaient s’assurer que le retour des capitaux vers New York était supérieur aux capitaux se déplaçant vers Francfort, Paris ou Tokyo. Cela nécessitait quelques conditions préalables ; un taux d’inflation plus bas aux Etats-Unis, ainsi qu’une plus faible volatilité des prix, des coûts énergétiques moindres et une plus basse rémunération des travailleurs américains.

Le fait que le dollar était la devise de réserve mondiale signifiait que, en temps de crise, les capitaux se dirigeaient de toute façon vers New York – comme ils le feront à nouveau des années plus tard, malgré l’effondrement de Wall Street. Le volume des flux de capitaux qui avaient inondé Wall Street (afin de maintenir le financement de leur déficit commercial) ne se serait pas matérialisé sans la capacité des Etats-Unis à précipiter une envolée du prix du pétrole à un moment où (a) la dépendance des Etats-Unis vis-à-vis du pétrole était plus faible que celle du Japon ou de l’Allemagne, (b) la plupart des échanges pétroliers étaient canalisés à travers des multinationales américaines, (c) les Etats-Unis pouvaient juguler l’inflation en augmentant les taux d’intérêt à des niveaux qui détruiraient les industries allemandes et japonaises (sans massacrer totalement les entreprises américaines), et (d) les syndicats et les normes sociales qui empêchaient une compression sévère des salaires réels étaient bien plus « faibles » aux Etats-Unis qu’en Allemagne ou au Japon.

PP : Dans votre livre, vous écrivez que les responsables américains n’étaient en fait pas tant que ça préoccupés par le cours du pétrole dans les années 1970. Pourquoi dites-vous cela ? Et pensez-vous que les récentes pressions spéculatives sur le cours du pétrole et des denrées alimentaires – émanant de Wall Street – ont été largement tolérées par les autorités américaines pour des raisons similaires ?

YV : Cette question est résumée par cette vieille plaisanterie où un professeur d’économie en interroge un autre : « Comment va ta femme ? », et se voit répondre : « par rapport à quoi ? » La question, lorsqu’il s’agit d’attirer des capitaux et de gagner en compétitivité par rapport à une autre entreprise ou, en ce cas, un autre pays, est que ce qui importe n’est pas la différence absolue mais la différence relative des coûts et des prix. Oui, les autorités américaines étaient préoccupées par l’inflation et le cours du pétrole. Elles n’aimaient pas ces augmentations, d’autant plus qu’elles ne pouvaient totalement les contrôler. Mais il y avait une chose qu’elles craignaient encore plus : une incapacité de financer le déficit commercial croissant des États-Unis (qui se manifesterait si les rendements du capital n’étaient pas améliorés par rapport à des investissements similaires ailleurs). C’est dans ce contexte qu’ils ont considéré qu’une hausse des coûts de l’énergie, dans la mesure où elle augmenterait les coûts allemands et japonais plus que ceux des États-Unis, était leur choix optimal.

En ce qui concerne la comparaison avec la hausse du pétrole [en 2011-2012] et, surtout, des prix alimentaires, je pense que c’est tout à fait différent. D’une part, je ne vois pas quels intérêts américains seraient favorisés par la façon dont les ventes à terme sur le marché de Chicago poussent les prix alimentaires à un niveau tel qu’il met en péril la stratégie d’assouplissement quantitatif de la Fed, en raison des pressions inflationnistes que cela provoque. En outre, pour revenir au début des années 1970, le gouvernement américain contrôlait alors bien plus les flux financiers et spéculatifs que ce n’est le cas aujourd’hui. Ayant permis au génie de la financiarisation de sortir de la bouteille, les autorités américaines le voient faire des ravages en étant pratiquement impuissantes – en particulier compte tenu du caractère ingouvernable inhérent aux Etats-Unis, avec un Congrès et une Administration prisonniers d’un conflit perpétuel. À l’opposé, en 1971-73, le gouvernement américain jouissait d’une autorité beaucoup plus importante qu’aujourd’hui sur les marchés.

PP : Je voudrais aborder ce que je pense être le point clé de votre livre. Le reste du monde finance les déficits jumeaux des Etats-Unis – c’est à dire que le reste du monde finance à la fois le déficit de leur commerce extérieur et celui du gouvernement américain.

Lorsque les déficits jumeaux ont commencé à apparaître aux États-Unis, on assistait également à un changement fondamental dans la nature de l’économie américaine. Pourriez-vous en dire plus ?

YV : Ce changement a bouleversé l’économie sociale américaine. La stratégie consistant à laisser croître inexorablement les déficits a été accompagnée par une série de stratégies dont le but était tout simplement d’attirer vers les États-Unis les flux de capitaux du reste du monde, permettant ainsi de financer leurs déficits croissants. Dans mon livre, j’ai essayé de détailler quatre grandes stratégies qui se sont révélées cruciales dans la génération de ce « tsunami » de capitaux qui a permis de nourrir les déficits des Etats-Unis : (1) un coup de pouce sur les prix mondiaux de l’énergie qui aurait une incidence disproportionnée sur les industries japonaises et allemandes (par rapport aux entreprises américaines) ; (2) une hausse du taux d’intérêt réel (faisant ainsi de New York une destination plus attrayante pour les capitaux étrangers) ; (3) une baisse de la rémunération du travail, devenu en même temps bien plus productif ; et, (4) la direction prise par les capitaux vers la financiarisation de Wall Street, qui a offert des rendements encore plus élevés pour tous ceux qui les plaçaient à New York.

Ces stratégies ont eu un effet profond sur la société américaine, pour plusieurs raisons : pour maintenir les taux d’intérêt réels élevés, le taux d’intérêt nominal a été augmenté au moment où l’administration et la FED organisaient une compression des salaires ; la hausse des taux d’intérêt a détourné les capitaux des industries locales qui se sont dirigés vers des investissements directs à l’étranger et transféré une part des revenus des travailleurs vers les rentiers ; la baisse de la rémunération du travail a également nécessité une attaque d’envergure contre les syndicats, et les familles américaines ont dû travailler de plus longues journées pour des salaires inférieurs – et cette nouvelle réalité a conduit à l’éclatement de la cellule familiale, d’une façon jamais observée auparavant. Alors que la droite se drapait dans les valeurs familiales, elles étaient détruites dans les mains du Minotaure planétaire que cette même droite faisait prospérer.

La réduction de la part salariale signifie en outre que les familles ont dû compter davantage sur leur habitation, transformée en « vache à lait » (en l’utilisant comme garantie afin d’obtenir davantage de crédits), éloignant ainsi de l’épargne toute une génération qui s’est sur-endettée. Une nouvelle forme d’entreprise globalisée a été créée (le modèle WalMart), important tout de l’étranger, utilisant des salariés sous-payés dans des entrepôts-points de vente, et propageant une nouvelle idéologie du « bon marché ». Pendant ce temps là, Wall Street utilisait les capitaux provenant de l’étranger pour se lancer dans une frénésie de prises de contrôles et de fusions lucratives qui ont été le terreau de la financiarisation qui a suivi. En combinant l’appétit national pour le crédit (étant donné que la classe ouvrière, bien plus productive qu’auparavant, avait du mal à joindre les deux bouts, même en travaillant de plus longues heures), on a mis en relation les flux financiers (a) de l’immobilier des 60% les moins riches de la société et (b) des capitaux étrangers affluant à Wall Street. Lorsque ces deux torrents de capitaux ont fusionné, la puissance exercée par Wall Street sur les citoyens ordinaires a augmenté de façon exponentielle. Avec un travail perdant de sa valeur aussi vite que les autorités de régulation perdaient leur contrôle sur le secteur financier, les États-Unis se sont rapidement transformés, abandonnant valeurs et conventions sociales issues du New Deal. La plus grande nation du monde était prête pour l’Effondrement.

PP : Vous avez mentionné le modèle WalMart. Vous abordez largement cette question dans votre ouvrage. Pourriez-vous expliquer aux lecteurs pourquoi vous mettez l’accent sur ce point et quelle est l’importance de celui-ci pour l’ensemble de l’économie ?

YV : WalMart symbolise un changement important dans la nature du capital oligopolistique. Contrairement aux premières sociétés qui ont créé de grands secteurs entièrement nouveaux à la suite d’une invention (par exemple Edison avec l’ampoule à incandescence, Microsoft avec son logiciel Windows, Sony avec le Walkman, ou Apple avec la série iPod / iPhone / iTunes) ou à d’autres sociétés qui se sont concentrées sur le développement d’une marque (comme Coca-Cola ou Marlboro), WalMart a réalisé quelque chose à quoi personne n’avait jamais songé auparavant : cette entreprise a emballé une nouvelle idéologie du « bon marché » dans une marque destinée à plaire aux classes moyennes et inférieures américaines, financièrement stressées. En conjonction avec sa chasse impitoyable aux syndicats, elle est devenue le symbole des prix bas en procurant à ses clients de la classe ouvrière un sentiment de satisfaction, qui bénéficiaient ainsi de l’exploitation des producteurs (surtout étrangers) pour les marchandises mises dans leurs paniers.

En ce sens, l’importance de WalMart pour l’économie en général est qu’elle représente un nouveau type de société qui a évolué en réponse à des circonstances portées par le Minotaure planétaire. Elle a réifié le bon marché et profité de l’amplification des rétroactions entre la baisse des prix et celle du pouvoir d’achat de la classe ouvrière américaine. Elle a importé les biens du Tiers-monde dans les villes américaines et exporté les emplois vers le Tiers-monde (grâce à la délocalisation). Où que nous regardions, même dans les entreprises américaines les plus technologiquement avancées (comme Apple), nous ne pouvons manquer de reconnaître l’influence du modèle WalMart.

PP : Vers où pensez-vous que nous nous dirigeons aujourd’hui, alors que nous émergeons de cette période du Minotaure planétaire ?

YV : Le Minotaure est évidemment une métaphore pour le Mécanisme mondial de recyclage des excédents qui est né dans les années 1970 sur les cendres de Bretton Woods et a réussi à maintenir le capitalisme mondial dans un élan extatique ; jusqu’à ce qu’il s’effondre en 2008 sous le poids de sa démesure (et surtout de celle de Wall Street). Depuis 2008, l’économie mondiale titube, sans gouvernail, en l’absence d’un mécanisme de recyclage pour remplacer le Minotaure. La crise qui a commencé en 2008 a muté et se propage d’un secteur à l’autre, d’un continent à l’autre. Son héritage est celui d’une incertitude généralisée, d’une faiblesse de la demande mondiale, d’une incapacité à transférer l’épargne vers les investissements productifs et d’un échec de la coordination à tous les niveaux de la vie socio-économique.

Un monde sans le Minotaure, privé du fonctionnement de ce mécanisme mondial de recyclage des excédents mais qui est régi par les acolytes du Monstre, est devenu illogique, absurde. Et qui sont ces acolytes qui ont survécu au Minotaure ? Ce sont Wall Street, WalMart, le mercantilisme provincial de l’Allemagne, l’hypothèse absurde de l’Union européenne selon laquelle une union monétaire peut prospérer sans un mécanisme de recyclage des excédents, les inégalités croissantes au sein des États-Unis, en Europe, en Chine, etc., etc.

Le meilleur exemple de l’incapacité de notre monde à se réconcilier avec son énigme, est fourni par la façon dont le débat public aborde les déséquilibres dits globaux : l’excédent commercial systématiquement croissant de certains pays (l’Allemagne et la Chine sont de bons exemples), dont l’image se reflète dans l’augmentation des déficits commerciaux d’autres nations. Tous les commentateurs sont d’accord sur le fait que l’augmentation des déséquilibres mondiaux a des conséquences terribles. On pourrait, par conséquent, être tenté d’imaginer que la réduction de ces déséquilibres serait la bienvenue. Mais hélas, c’est le contraire qui est vrai ! Lorsque ces déséquilibres diminuent (par exemple quand la Chine réduit son excédent commercial), c’est le signe d’un problème, plutôt que d’une amélioration. La raison en est que la baisse du déséquilibre n’est pas due à un meilleur recyclage, plus productif, des excédents, mais correspond plutôt à une aggravation de la récession dans les pays qui fournissaient habituellement la demande absorbant les exportations nettes de quelqu’un d’autre. Nous nous trouvons donc dans la situation étrange de vouloir exorciser les déséquilibres mondiaux, tandis que dans le même temps nous souffrons de leur diminution.

L’Occident, pris dans la nasse toxique de la « faillitocratie », incapable de relever le défi du monde de l’après-2008, continuera de stagner, en perdant son emprise sur la réalité, à défaut de faire correspondre ses résultats à ses capacités ou d’être à même de créer des « réalités » nouvelles. En ce qui concerne les économies émergentes, bruissantes de gens prêts à dépasser les contraintes, à inventer de nouvelles « réalités », à élargir les horizons existants, elles seront prises au piège d’une demande mondiale chétive pour leurs produits. A moins qu’un nouveau mécanisme mondial de recyclage des excédents ne se matérialise bientôt, le futur de l’économie mondiale restera sombre. Que faudra-t-il pour façonner un tel mécanisme en repartant de zéro ? Une chose est certaine : les marchés ne le généreront pas spontanément. Un nouveau mécanisme de recyclage des excédents doit être le résultat d’une action politique concertée. Exactement comme le fut Bretton Woods.

Note :

[1] Cette célèbre phrase de Paul Volcker a systématiquement été malencontreusement traduite en français par « la désintégration contrôlée de l’économie mondiale ».

Source: http://www.les-crises.fr/yanis-varoufakis-ce-nest-pas-lheure-pour-les-jeux-en-europe/