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Il faut sanctionner la Russie !, par Neil Clark

Friday 1 August 2014 at 02:10

Israël bombarde une école de l’ONU à Gaza tuant 15 personnes. C’est la sixième fois qu’une école de l’ONU est frappée. « Des enfants, des femmes et des hommes ont été tués ou blessés pendant qu’ils dormaient dans un lieu où ils auraient du être en sécurité. Ce n’était pas le cas. C’est inacceptable », a déclaré Pierre Krahenbuhl, Commissaire Général de l’UNRWA (L’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient). Mais surtout(au total), environ 1 400 personnes ont été tuées dans Gaza par les forces israéliennes avec des missiles et du matériel militaire fournis par les États-Unis. À la suite de la dernière attaque contre l’école des Nations Unies, l’annonce a été faite que les Etats Unis enverront d’avantage de munitions à Israël. Conclusion : « Il faut sanctionner la Russie ! »

Plus de 1 000 personnes ont été tuées dans l’Est de l’Ukraine, et près de 3 500 ont été blessées depuis la brutale offensive militaire commencée en Avril par le gouvernement ukrainien et soutenue par les Etats-Unis. Près de 100 000 personnes ont été déplacées de force. Dimanche, au moins 13 civils ont été tués par un bombardement ukrainien, dont une petite fille âgée d’un an, tuée devant ses parents.
Qu’est ce que nous entendons ? « Il faut sanctionner la Russie ! »

Les États-Unis et l’Union Européenne ont approuvé le coup d’État contre un président et un gouvernement élus démocratiquement en Ukraine, à un an des élections suivantes, créant la crise actuelle dans le pays. « Il faut sanctionner la Russie ! »

Les ultra-nationalistes ont incendié La Maison des Syndicats à Odessa, tuant environ 40 personnes. Ceux qui tentaient de s’échapper ont été matraqués à coups de battes de baseball.
« Il faut sanctionner la Russie ! »

Après le coup d’état anticonstitutionnel à Kiev, amenant au pouvoir des ultra-nationalistes d’extrême droite anti-Russie, le peuple de Crimée a choisi, lors d’un référendum pacifique et démocratique, de rejoindre la Russie. « Il faut sanctionner la Russie ! »

Un avion civil s’écrase en Ukraine — le second avion de la compagnie Malaysia Airlines à s´abîmer dans des circonstances mystérieuses en quelques mois. Nous ignorons encore qui en fut responsable, voire le sort qui fut réservé au premier avion de Malaysia Airlines. « Il faut sanctionner la Russie ! »

Quatre enfants palestiniens jouent au football sur une plage de Gaza. Ils sont assassinés sous le feu israélien. « Il s’agit d’un crime lâche », dit le porte-parole du ministre de la santé de Gaza. La Russie était l’un des 29 pays ayant voté pour que le Conseil des droits de l’homme de l’ONU enquête sur ces potentiels crimes de guerre. Les pays de l’Union Européenne se sont abstenus, les Etats-Unis ont voté contre. « Il faut sanctionner la Russie ! »

Depuis 2008, on estime que les frappes de drones américains sont responsables de la mort de plus de 2.400 personnes. Le Bureau for Investigative Journalism (organisation non gouvernementale britannique consacrée à la production d’articles d’investigation) affirme qu’au Pakistan seul, les frappes de drones ont tué entre 416 et 957 civils sur la période 2004-2014. Entre 168 et 202 enfants auraient été tués au Pakistan par les drones américains. « Il faut sanctionner la Russie ! »

Les États-Unis se lancent dans une guerre illégale en Irak durant laquelle plus d’un million de personnes sont mortes. La justification de cette attaque était que l’Irak possédait des armes de destruction massive, qui n’ont en fait jamais existé. Une grande partie de l’Irak est désormais dirigée par l’EIIL (État Islamique en Irak et au Levant). La Russie s’était fortement opposée à la guerre en Irak. « Il faut sanctionner la Russie ! »

La Libye : comme l’Irak, un pays détruit par une intervention militaire occidentale à laquelle la Russie n’a pas participé. À cause de l’agression occidentale, ce pays qui avait le niveau de vie le plus élevé d’ Afrique est maintenant un état en faillite. « Il faut sanctionner la Russie ! »

L‘Arabie Saoudite, alliée des États-Unis, est l’un des quelques pays dans le monde où l’homosexualité est illégale et où les personnes gays peuvent être exécutés. La Russie ne possède pas ce genre de lois, mais elle n’est pas un de ses alliés. « Il faut sanctionner la Russie ! »

Les pays occidentaux soutiennent financièrement des rebelles pour qu’ils renversent par la force le gouvernement syrien, augmentant leur contribution à chaque fois que le conflit semble sur le point de se terminer. « Il faut sanctionner la Russie ! »

Le 15 juillet, il a été annoncé que les pays du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) créaient une banque de développement disposant de 100 milliards de dollars et un panier de devises d’une valeur de plus de 100 milliards de dollars. « Le grand lancement de la banque des BRICS a été vu comme une première étape pour casser l’omniprésence du dollar dans les échanges internationaux étant donné qu’il est soutenu par le Fond Monétaire International (FMI) et la Banque mondiale (BM), deux institutions établies aux Etats-Unis et dans lesquelles les BRICS n’ont que peu d’influence » selon RT. « La banque des BRICS sera l’une des plus grandes institutions financières multilatérales de développement dans le monde » a annoncé le président Poutine.

Les élites occidentales savent que la Russie renaissante freine leur ambition d’atteindre une hégémonie totale sur le monde, et que les BRICS et leur Nouvelle Banque de Développement constituent une menace pour leur puissance économique. La Russie « se met en travers de leur chemin » dans d’autres domaines également. Les néo-conservateurs et la fausse gauche occidentale pro-israélienne souhaitaient la guerre contre la Syrie l’été dernier pour renverser son gouvernement et briser l’alliance entre la Syrie, le Hezbollah et l’Iran – un objectif stratégique à long terme d’Israël. La Russie, ainsi que l’opinion publique des pays occidentaux, ont contribué à empêcher cette guerre et à la grande frustration du Groupe de pression pour la Guerre Permanente, le gouvernement syrien est toujours au pouvoir. En un mot, la Russie doit être affaiblie, et rapidement. « Il faut sanctionner la Russie ! »

Neil Clark est journaliste, écrivain et animateur. Son blog ,déjà récompensé, se trouve à l’adresse www.neilclark66.blogspot.com . Vous pouvez le suivre sur Twitter (Source)

Traduction collective pour www.les-crises.fr

Source: http://www.les-crises.fr/il-faut-sanctionner-la-russie/


[Invité] Crises cubaine et ukrainienne, de 1962 à 2014, par Vincent Touze

Friday 1 August 2014 at 00:57

J’accueille avec plaisir ce billet invité de Touze, docteur en sciences politiues, un des spécialistes français de la Crise de Cuba en 1962, auteur de Missiles et Décisions, Castro, Kennedy et Khrouchtchev et la crise de Cuba d’octobre 1962, Ed. André Versaille, 2012.

En octobre 1962, les USA mettaient brutalement le monde au bord d’une Troisième guerre mondiale nucléaire. La raison ? L’URSS avait osé les défier dans « leur » arrière-cour, dans leur ancien protectorat de Cuba, en positionnant des missiles « dans une région bien connue pour ses liens particuliers et historiques avec les États-Unis »  selon les mots de John Kennedy quand il lança son ultimatum. La presse américaine de l’époque abondait dans ce sens, à grands renforts de rappels patriotiques de la fameuse doctrine de Monroe, « l’Amérique aux Américains » – ou plutôt, comme chacun sait, aux États-Unis. Kennedy ne pensait nullement que l’URSS avait installé les missiles pour prendre l’initiative de lancer une attaque contre l’Amérique à partir de Cuba, ni son secrétaire à la Défense, même si de très nombreux citoyens américains le crurent sincèrement dans l’émotion du moment.

Bien sûr, il y avait un autre enjeu clé dans cette crise, qui était celui de la guerre froide. Mais ce n’est pas celui qui nous intéresse d’abord ici. Dans les jugements d’alors et d’aujourd’hui, on s’accorde à reconnaître la légitimité de l’action américaine. En s’aventurant ainsi dans la zone d’influence toute proche des États-Unis, l’URSS de Khrouchtchev avait commis un acte déraisonnable et parfois qualifié de presque fou. Pourtant, la légalité et la légitimité de l’accord de défense entre Cuba et l’URSS étaient avérées : Cuba était bien menacée et les états ont le droit de contracter souverainement pour leur défense et l’action américaine qui le leur déniait, armée d’un blocus maritime dans les eaux internationales et d’une mise en alerte des forces nucléaires américaines, littéralement le doigt sur la gâchette, était un acte de guerre dramatique. Malgré la solidarité naturelle de l’époque envers l’allié américain, son comportement suscita initialement des interrogations en Europe. Raymond Aron écrivait dans une réaction assez perplexe dans le Figaro que la justification qu’en donnait Kennedy était « la justification qui a été traditionnellement celle des grandes puissances : l’installation d’une base militaire offensive à portée des côtes américaines est une provocation de nature à modifier le rapport des forces » (1). Le Monde se distinguait par un éditorial peu favorable, au point qu’un responsable de la CIA demanda à rencontrer le chef de son service politique étrangère (2). 

Aujourd’hui même, ce qui se joue en Ukraine n’est pas sans parfois évoquer l’affaire des crises cubaines de 1961-1962, à rôles inversés. À la différence près que les liens historiques entre la Russie et l’Ukraine sont autrement plus anciens et étroits que ceux des États-Unis et de l’île de Cuba, l’assimilation n’est en réalité ici pas possible. Quelles que soient les interprétations qu’en donnent les acteurs politiques du moment, petits Russes et Grands-Russes ont une longue histoire commune, qui renvoie à des dimensions culturelles et émotionnelles profondes. De même, l’importance de l’Ukraine pour la Russie n’a rien à voir avec celle de Cuba pour les États-Unis. C’était même le principal membre de la Communauté des États Indépendants en dehors de la Russie jusqu’à l’annexion de la Crimée. Une situation bien différente de Cuba, pourtant toujours astreinte aujourd’hui à des mesures de blocus économique sévères au motif d’une « spoliation » prétendue des intérêts économiques américains lors de leur nationalisation par le pouvoir castriste en 1960. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce qui est considéré comme « acceptable » de la part des États-Unis l’est totalement refusé pour la Russie – et on ne parle même pas ici du cas particulier de la Crimée, où c’est plutôt l’exemple du Texas qu’il faudrait appeler.

Éternel « naïf » qui ne verrait jamais rien venir, le président américain actuel aurait été pris par surprise, cette fois par « Poutine » et se contenterait de réagir à un irrédentisme russe agressif, et trop mollement au goût de certains. Les jugements qu’on nous propose dans des médias bien moins riches et balancés qu’en 1962 – malheureuse constatation – ressemblent parfois à de la communication de guerre, rappelant davantage le contexte de 1914 que celui de 1962. Avec les bons démocrates pacifiques d’un côté, les corrompus violents de l’autre, et puis l’évocation obsédante d’Hitler et de Munich, grand classique de propagande, de l’intervention de 1956 à la guerre d’Irak en passant par la guerre d’Algérie, ce dernier argument étant toutefois assez franchement obscène quand on pense au rôle principal que la Russie assuma face aux Nazis. Cet argument labile et tarte à la crème de « Munich » fut utilisé en 1962 par un général extrémiste du Pentagone, pour plaider une attaque immédiate de Cuba auprès de Kennedy, lequel eut l’intelligence de n’y porter aucune attention. Les jugements les plus excessifs sont portés sur la Russie d’aujourd’hui, ses institutions et ses mœurs et son président est devenu une véritable tête de Turc médiatique, à l’égal d’un Saddam Hussein. On va jusqu’à prêter à la Russie un nouvel impérialisme culturel dont on peine pourtant à trouver la moindre expression… En 1962, alors que le communisme soviétique semblait une menace dynamique bien réelle, on ne trouvait pas dans nos médias une telle diabolisation de Khrouchtchev et, au contraire, la truculence et la bonhomie apparente du leader soviétique généraient une sympathie, même aux USA lors de son voyage en 1959. Et on ne trouvait nulle part d’expression d’anti-slavisme au sens d’anti-russisme, comme on est obligé de le constater avec étonnement et malaise aujourd’hui.

Mais, et on fait le raccord avec notre propos de départ sur la guerre froide d’abord mis en suspens, ce n’est pas de morale, de bien et de mal, d’Occident éclairé et d’Est barbare dont il est question. La politique internationale est affaire de puissance et d’intérêts – certes, aussi d’amitié, mais que l’on sache entre la France et la Russie, un de nos principaux alliés des deux guerres mondiales, il n’y a justement que de l’amitié. Il y avait des raisons évidentes de politique globale à l’action de Kennedy en 1962 et à l’appui sans faille que le Général de Gaulle lui apporta sur le moment. Et pour ces raisons, même si les opinions européennes réagirent parfois avec quelque réticence au début, elles manifestèrent leur fort soutien aux États-Unis. Alors, voyons les choses en face : ce n’est vraiment pas la première fois que l’ennemi de la Russie utilise le nationalisme ukrainien pour l’affaiblir. C’est même un vieux « truc », que l’Allemagne a utilisé lors des deux guerres mondiales. Cela fait longtemps que, dans l’Europe de l’après guerre froide, les États-Unis et leur establishment identifient la Russie comme l’adversaire à affaiblir et isoler et mènent des politiques actives en ce sens. Tout simplement parce que la puissance qui domine l’Europe a toujours cherché à affaiblir la Russie, qu’elle soit anglaise, française ou allemande. Ce n’est pas de l’Ukraine qu’il s’agit ici, mais de l’Europe, tout comme en 1962, Khrouchtchev voyait Cuba comme un avant-poste vers l’Amérique Latine. L’Ukraine est déjà en proie au morcellement, au déchirement hideux du frère contre le frère, alors le « soutien à l’Ukraine » à bon dos. Chaque semaine nous rapporte son lot d’informations désolantes venant de ce pays. L’intérêt de l’Ukraine commandait à l’évidence une toute autre politique, comme celle de proposer à temps une forme de « neutralisation » de l’Ukraine dans ses frontières, comme le suggérait il y a encore quelques mois Hubert Védrine. Le général Pierre Gallois disait en 2001 que « les États-Unis ne tiennent pas du tout à ce que l’Europe continentale se fasse avec la Russie » et en concluait que « tous les efforts sont faits pour maintenir la division » et pour « maintenir la Russie en état de faiblesse permanente » (3).

Ces lignes n’ont guère pris de ride. Les États-Unis ont depuis des années investi dans les jeux politiques en Ukraine. Ce qui se passe n’est vraisemblablement pas une péripétie, mais une forme d’aboutissement. Tout le monde peut voir, à moins d’être aveugle, le soutien actif que « Occident » a donné à la contestation violente du pouvoir de l’ancien président Ianoukovytch, pourtant régulièrement élu et dont le mandat arrivait à échéance en 2015. Et, bien entendu, la tournure prise depuis par les évènements n’est pas vraiment une surprise pour Washington. Dans les officines du pouvoir américain, il y a évidemment des équipes très compétentes sur la Russie et l’Ukraine, au travail depuis longtemps, et qui savent parfaitement le potentiel hautement explosif de cette région – qui vaut bien celui de missiles à Cuba. Et c’est la raison même de leur activité et de leur investissement en Ukraine.

De son côté, même en mettant les choses au pire, la Russie n’a bien évidemment pas voulu une telle situation catastrophique pour elle. Comme l’a très bien dit un grand observateur, engagé mais toujours pénétrant, Henry Kissinger, le pouvoir russe n’a pas investi des milliards et toute une communication à destination du monde pour les jeux Olympiques de Sotchi, pour se retrouver quelques jours plus tard à annexer la Crimée dans de telles conditions (4). En effet, et c’est nous qui ajoutons, la Russie l’a fait sous les opprobres de la communauté internationale et en quelque sorte en « prenant ses pertes », comme si elle considérait l’Ukraine définitivement « perdue ». On peut certes bien comprendre l’émotion en Russie, l’humiliation ressentie suite aux évènements imprévus à Kiev et le désir du Kremlin de rechercher une forme de compensation immédiate. Mais, justement, cette reconnaissance est refusée à la Russie.

Les Américains sont passés maîtres dans l’art de « toréer » leurs adversaires, de leur agiter des leurres sous le nez, de les provoquer àla faute. Etles États-Unis, tout comme leur nouveau protégé de Kiev, ne se sont pas privés pas de mesures et déclarations les plus volontairement offensantes. De ce point de vue, la Russie est partie tête baissée dans l’affaire, ne sachant pas anticiper et sous-estimant manifestement la vision de son adversaire. Pire, elle paraît jouer directement le jeu de celui-ci dans sa charge instinctive pour défendre les russophones, en semblant se détourner non seulement de l’Ukraine, mais de sa propre vocation européenne, en retournant à des chimères soviétiques ou des rêves d’Union eurasienne. Le beau résultat de l’immense gâchis de « Maïdan », ce sont les relations intereuropéennes gravement compromises avecla Russie. Desfaits accomplis durables et dangereux sont peut-être en train de se jouer en ce moment même.

Maintenant, la vraie question à se poser est : quels sont nos intérêts, quels sont les intérêts de l’Europe ? On peut franchement douter que ce soit de contribuer à attiser les rancœurs dans l’ex Bloc de l’Est, de rouvrir une nouvelle guerre froide en plein cœur de notre continent et de perdre tous les avantages de l’effondrement de l’URSS, ou de nous couper de la Russie post-soviétique et de la laisser morfondre dans son marc en multipliant les provocations, ou encore de diluer encore plus l’Union Européenne dans l’OTAN et dans une zone de libre échange avec les États-Unis. On serait là dans l’inverse exact de ce que voulaient les pères de l’Europe, de de Gaulle et Adenauer et encore tout récemment de Mitterrand et Kohl. L’absence d’un vrai débat politique vivant sur ces sujets, ou plutôt ce qui peut être interprété comme son abdication dans notre pays – car en Allemagne par exemple ce n’est pas le cas – paraît préoccupant.

Il ne faudrait pas que tout un discours français dirigé contre la Russie cache maladroitement une rationalisation de notre faiblesse.

Vincent Touze

Auteur de Missiles et Décisions, Castro, Kennedy et Khrouchtchev et la crise de Cuba d’octobre 1962, Ed. André Versaille, 2012

(1) Dans le Figaro du 24 octobre 1962

(2) Il s’agissait du grand journaliste André Fontaine

(3) Dans Le consentement fatal. L’Europe face aux États-Unis, Pierre-Marie Gallois,
Ed. Textuel, 2001

(4) http://globalpublicsquare.blogs.cnn.com/2014/05/10/kissinger-putin-likely-didnt-plan-to-bring-ukraine-situation-to-a-head/  

Source: http://www.les-crises.fr/crises-cubaine-et-ukrainienne-de-1962-a-2014/


Édito (orgasmique) du Monde : “Grâce à Poutine, l’Europe se fâche… et existe”

Thursday 31 July 2014 at 21:32

Grâce à ce nouvel édito made in OTAN du Monde, on sait enfin à quoi sert l’UE : déclencher des guerres !

Edito, LE MONDE | 31.07.2014 à 12h23

Vladimir Poutine a réalisé une performance peu commune : le président russe a poussé l’Europe à prendre une décision forte en politique étrangère. Il est ainsi à l’origine d’une sorte de première dans l’histoire de l’Union européenne (UE). Il a fait bouger Bruxelles, laissant entrevoir la possibilité qu’a l’UE d’être, si elle le veut, un acteur sur la scène internationale.
L’occasion, c’est l’Ukraine. L’Europe s’est efforcée ces derniers mois d’obtenir du Kremlin qu’il cesse d’entretenir la guerre dans ce pays. En vain. Elle a jugé qu’il était temps de passer à des sanctions économiques crédibles. Elle les a votées mardi 29 juillet.

Celles-ci sont sans précédent par leur vigueur. L’UE ferme ses marchés financiers à la Russie – la mesure vise les entreprises et banques d’Etat russes, très grosses consommatrices de prêts bancaires européens. L’UE interdit de nouvelles ventes d’armes et matériels militaires à Moscou – les « anciennes », et notamment la livraison d’un navire français de type Mistral, échappent à cet embargo. Enfin, l’Union limite considérablement les exportations de technologies de pointe dans les domaines de l’exploitation pétrolière et gazière.

LE MÉPRIS DE POUTINE

Longtemps, il n’y a pas eu de majorité au sein des Vingt-Huit pour prendre contre la Russie des mesures aussi sévères. Celle-ci est un partenaire commercial important pour l’Allemagne et l’Italie ; par oligarques interposés, elle est source de gros revenus pour la City de Londres ; elle est aussi, depuis Nicolas Sarkozy, un client pour les chantiers navals militaires français ; enfin, elle approvisionne en gaz une bonne partie de l’Europe de l’Est.

Et longtemps, Vladimir Poutine, qui cache mal son mépris pour ces Européens « décadents », a cru les Vingt-Huit incapables de devenir des acteurs sérieux dans la crise ukrainienne. Contre les Etats-Unis, il a joué, habilement, avec les divisions européennes, s’emparant impunément d’une partie de l’Ukraine, la Crimée.

Qu’est-ce qui a changé ? Qu’est-ce qui a bien pu unir les Vingt-Huit dans un geste de colère à l’encontre du Kremlin ? Réponse : Vladimir Poutine. Il n’y a encore qu’un faisceau d’indices pointant en direction des séparatistes prorusses de l’est de l’Ukraine. Mais la mort de 298 personnes dans le drame du vol MH 17 de la Malaysia Airlines – vraisemblablement détruit par un missile – a été l’occasion d’une prise de conscience. C’est bien M. Poutine qui entretient la guerre dans l’est de l’Ukraine. C’est la Russie qui alimente les séparatistes en armes lourdes – et qui n’a pas fait un geste pour favoriser une enquête indépendante sur le terrain du crash.

Tout change si le Kremlin impose aux séparatistes de désarmer et de négocier. Mais M. Poutine peut-il changer, lui ? L’Europe doit garder la porte ouverte à la négociation, sur l’Ukraine et sur une normalisation de ses relations avec la Russie. Mais sans se faire trop d’illusions.

Source : Le Monde

Source: http://www.les-crises.fr/edito-orgasmique-du-monde-grace-a-poutine-leurope-se-fache-et-existe/


Retraités du renseignement US : Obama doit exposer ses preuves sur l’Ukraine !

Thursday 31 July 2014 at 19:00

Traduction rapide mais imparfaite, mea culpa. Vous pouvez m’en proposer une version améliorée sous Word :)

Obama doit exposer ses preuves sur l’Ukraine - 29 juillet 2014

L’attaque du vol 17 de Malaysia Airlines au-dessus de l’Ukraine ayant transformé une guerre civile en une confrontation entre les USA et la Russie, des vétérans des renseignements US pressent le président Obama de publier les preuves qu’il détient sur cette tragédie, et ainsi de faire taire les rumeurs.

MEMORANDUM POUR : Le Président
DE: Veteran Intelligence Professionals for Sanity (VIPS – Les vétérans du renseignement pour un comportement sensé)
SUBJECT: renseignements sur l’attaque de l’avion malaisien

Note de synthèse :

Les tensions entre les USA et la Russie prennent un tour incertain dans l’affaire de l’Ukraine, et nous sommes loin d’être sûrs que vos conseillers mesurent pleinement le danger d’escalade. Le New York Times et autres medias traitent des sujets controversés comme des faits avérés, sur la base d’indications trouvées dans des sources gouvernementales.
Douze jours après l’attaque du vol 17 de la Malaysian Airlines, votre administration n’a toujours pas publié de rapport des renseignements proposant une liste exhaustive des preuves des responsabilités des uns et des autres – ne parlons même pas d’étayer les affirmations répétées selon lesquelles l’avion aurait été abattu par les séparatistes ukrainiens qui ont utilisé un missile fourni par les russes.
Votre gouvernement n’a pas fourni la moindre image satellite montrant que les séparatistes disposeraient d’un tel armement, en plus de l’absence d’autre preuve. La crédibilité de Washington, et la vôtre, ne cesseront de se dégrader si vous refusez, ou êtes incapables, de présenter plus de preuves tangibles appuyant les affirmations du gouvernement.
Dans la suite, nous abordons cela avec la perspective d’anciens professionnels du renseignement cumulant 260 ans d’expérience dans divers secteurs du métier :
Nous, soussignés anciens officiers du renseignement, voulons vous faire part de notre préoccupation concernant les preuves dont on allègue, jusqu’ici, qu’elles accusent la Russie de la destruction du vol 17 de la Malaysian Airlines. Nous sommes retraités du gouvernement et aucun de nous n’est payé par CNN, Fox News ou autre media. Notre objectif, avec ce texte, est de fournir une perspective nouvelle et différente.
En tant qu’anciens analystes du renseignement habitués à attendre, sauf en situations d’urgence, des informations concluantes avant de se précipiter pour émettre un jugement, nous estimons que les accusations contre la Russie doivent être ancrées avec de solides et beaucoup plus convaincantes preuves. Et ce, d’autant plus dans des situations explosives comme la destruction d’un avion de ligne. Nous sommes également troublés par l’amateurisme avec lequel des preuves confuses et fragiles ont été avancées, certaines sur les « media sociaux ».
E
n tant que professionnels du renseignement, nous sommes embarrassés par l’utilisation non professionnelle de renseignements partiaux. En tant qu’américains, nous espérons que vous publierez sans délai supplémentaire des preuves plus convaincantes, si vous en avez. En accusant la Russie d’être directement ou indirectement responsable, le secrétaire d’État John Kerry a été particulièrement catégorique. Les preuves le sont beaucoup moins. Ses affirmations semblent prématurées et ressemblent à une tentative de manipulation de l’opinion publique.

Noircir la Russie

Nous voyons une étrange ressemblance avec un précédent exercice de la diplomatie publique américaine à partir duquel des leçons de grande valeur peuvent être tirées par ceux qui sont plus intéressés par la vérité que par l’exploitation de tragiques accidents à des fins propagandistes. Nous faisons référence au comportement de l’administration Reagan immédiatement après que le vol 007 de la Korean Airlines ait été abattu au-dessus de la Sibérie le 30 août 1983. Ci-dessous, nous brossons à grands traits le résumé de cette tragique affaire puisque nous soupçonnons que vous n’avez pas été mis au courant de façon convenable. Vous reconnaîtrez des parallèles évidents.
L’avantage pour nous d’avoir longuement occupés des postes d’officiers du renseignement est que nous avons le souvenir de ce à quoi nous avons assisté sans distorsion des événements : nous oublions rarement les événements majeurs dans lesquels nous avons joué un rôle d’analyste ou quoi que ce soit d’autre. Pour dire cela autrement, nous savons presque tous où nous étions exactement quand un chasseur soviétique a abattu le vol 007 de la Korean Airlines au dessus de la Sibérie le 30 août 1983, plus de trente années plus tard.
À ce moment-là, nous étions des officiers du renseignement en service actif. Vous aviez 21 ans, et la plupart des gens qui vous entourent aujourd’hui étaient encore plus jeunes.
Ainsi, il semble possible que vous appreniez, pour la première fois, comment cette affaire du KAL007 s’est déroulée. Cela vous rendrait plus conscient des sérieuses implications sur les relations des
États-Unis et de la Russie, de la façon dont l’affaire de l’interception du vol 17 se déroule. Il vous apparaîtra tout le mérite qu’il y a à empêcher que nos liens avec la Russie ne tombent dans un état de décrépitude totale. De notre point de vue, le danger stratégique éclipse tout autre considération.
Quelques heures après le crash tragique du 30 août 1983, l’administration Reagan a utilisé sa machine à propagande bien huilée pour tordre les renseignements alors disponibles, dans le sens d’une responsabilité des soviétiques quant à la mort des 269 passagers du KAL007. L’avion de ligne a été abattu après s’être écarté de sa route de plusieurs centaines de kilomètres et avoir pénétré dans l’espace aérien russe, juste au-dessus des installations militaires sensibles du Kamchatka et de l’île de Sakhalin. Le pilote soviétique a essayé de signifier au vol long-courrier qu’il devait atterir mais les pilotes du KAL n’ont pas répondu aux avertissements répétés. Au milieu de toute cette confusion sur l’identité de l’avion (un avion-espion Américain était dans les parages quelques heures plus tôt), le contrôle au sol soviétique a ordonné au pilote de faire feu.
Les soviétiques avaient déjà réalisé leur terrible erreur. Les services de renseignements américains savaient aussi déjà, sur la base de données sensibles interceptées, que cette tragédie était le résultat d’une bourde et non pas d’un acte de meurtre délibéré, tout comme le 3 juillet 1988 où le USS Vincennes a abattu un avion civil iranien au dessus du Golf Persique, tuant 290 personnes, un acte que le président Donald Reagan a qualifé avec dédain d’accident compréhensible.
Afin de noircir encore plus le tableau contre Moscou pour avoir abattu l’avion de ligne KAL, l’administration Reagan a supprimé des preuves à décharge issues d’interceptions électroniques américaines. La ritournelle de Washington devint alors : « Moscou a volontairement abattu un avion de ligne civil ». Newsweek en avait fait sa une avec le titre « Meurtre dans le ciel ». Apparemment, tout cela n’a pas beaucoup changé, la couverture du Time de cette semaine annonçait « La Guerre froide II » et « Le jeu dangereux de Poutine ». La couverture de Simon Shuster, « En Russie, crime sans sanction » mériterait un A+ dans le cours de William Randolph Heart « Yellow Journalism 101. »)
Lorque le KAL007 a été descendu, Alvin A. Snyder, directeur de la division télévision et film de l’Agence des informations des États-Unis a été enrôlé dans dans un travail concerté « d’amasser le plus grand nombre d’injures possible sur l’Union soviétique », comme Snyder l’écrit dans son livre Guerriers de la désinformation.
Lui et ses collègues on également gagné un A+ pour avoir orienté de la sorte les grands médias. Par exemple, Ted Koppel de ABC a noté avec une fierté patriotique « cela a été une de ces occasions où il y a très peu de différence entre la cuisine répandue par les organes de propagande du gouvernement américain et ce que diffusent les réseaux commerciaux ».

Truquer le Renseignement pour justifier la Politique

« L’impression que nous voulions transmettre, c’est que l’Union soviétique avait froidement effectué un acte barbare », écrit Snyder, ajoutant que l’administration Reagan est allée jusqu’à présenter un compte rendu falsifié des interceptions au Conseil de sécurité des nations unies le 6 septembre 1983.
C’est seulement une dizaine d’années plus tard, quand Snyder a vu les transcriptions complètes, y compris les parties que l’administration Reagan avait cachées, qu’il a pleinement réalisé combien les éléments centraux de la présentation des États-Unis étaient faux.
Les interceptions ont montré que le pilote de chasse soviétique croyait qu’il poursuivait un avion espion américain et qu’il avait du mal à identifier l’avion dans l’obscurité. Suivant les instructions du commandement au sol, le pilote avait fait le tour de l’avion KAL et avait balancé ses ailes pour donner l’ordre à l’appareil d’atterrir. Le pilote a également dit avoir tiré des coups de semonce. Cette information « n’est pas sur la bande que nous avons reçue », a écrit Snyder.
Il est devenu très clair pour Snyder qu’en salissant les soviétiques, l’administration Reagan avait présenté de fausses accusations à l’Organisation des Nations Unies, de même qu’à la population des États-Unis et du monde entier. Dans son livre, Snyder a reconnu son rôle dans le mensonge, mais en a tiré une conclusion cynique. Il écrit: « La morale de l’histoire est que tous les gouvernements, y compris le nôtre, mentent quand ça correspond à leurs fins. La clé est de mentir le premier ».
Les tentatives tortueuses de votre administration et des sténographes dans les médias à blâmer la Russie pour l’attentat du vol 17, jointes au passé peu enviable de John Kerry en matière de crédibilité, nous conduisent malgré nous à la conclusion que le syndrome que Snyder décrit peut également être à l’œuvre dans votre propre administration ; les nouvelles mœurs, « placer votre propre mensonge en premier » ont remplacé les anciennes, « vous connaîtrez la vérité ». Au minimum, nous croyons que le Secrétaire Kerry montre une hâte inconvenante dans sa détermination à être le premier sur la grille de départ.

Les deux parties ne peuvent dire la vérité

Nous avons toujours été fiers de ne pas tirer à l’aveuglette, mais plutôt de travailler à l’analyse du renseignement basée sur des preuves. La preuve qui a été apportée jusqu’à présent ne résiste pas à un examen attentif ; elle ne permet pas en l’état de juger quel camp est en train de mentir à propos du tir sur le vol 17. Notre expérience professionnelle toute entière tend à nous faire suspecter les russes, presque instinctivement. Notre expérience plus récente, en particulier l’observation du secrétaire d’État Kerry à présenter, de façon peu judicieuse, faux rapport après faux rapport, comme des preuves, nous amène à reconsidérer nos prédispositions initiales.
Il semble que chaque fois que Kerry cite une preuve pouvant soit-disant être vérifiée,  comme les tracts antisémites falsifiés et distribués dans l’est ukrainien ou bien les hypothétiques forces spéciales russes qui se seraient glissées en Ukraine, les preuves font « pschitt » comme le dirait Kerry dans un contexte différent. Et encore, ces fausses affirmations passent pour de petites bourdes comparées aux plus grosses tromperies comme la déclaration faite par Kerry le 30 août 2013, répétant pas moins de trente fois que nous savions que le gouvernement de Bachar al Assad était responable de l’incident chimique près de Damas neuf jours auparavant.
Le 3 septembre 2013, à la suite de votre décision d’annuler l’attaque sur la Syrie dans l’attente d’une autorisation du Congrès, Kerry était encore en train de pousser à l’agression lors d’une audition devant une commission du Sénat sur les Affaires étrangères extraordinairement compatissante. Le jour suivant, Kerry dressait une critique personnelle du président Poutine plus qu’insolite, en déclarant : « Il ment, et il le sait. C’est triste ».
Tout aussi sérieux, pendant la première semaine de septembre 2013, alors que vous ajoutiez la touche finale avec le président Vladimir Poutine à propos de l’accord selon lequel les armes chimiques syriennes seraient détruites, John Kerry fit une déclaration qui nous laisse perplexes aujourd’hui encore. Le 9 septembre 2013, il se trouvait à Londres pour promouvoir encore une fois des frappes sur la Syrie pour avoir franchi la ligne rouge que vous aviez fixée contre l’utilisation par la Syrie d’armes chimiques.
Lors d’une conférence de presse officielle, Kerry a sèchement rejeté la possibilité que Bachar al Assad puisse un jour abandonner son arsenal chimique en déclarant « il n’est pas près de le faire; il n’y a pas de solution ». À peine quelques heures plus tard, Russes et Syriens annoncaient l’accord de la Syrie à faire exactement ce que Kerry avait exclu comme étant impossible. Vous l’avez renvoyé à Genève signer l’accord qui fut officiellement conclu le 14 septembre 2013.
À propos du fait que le vol de la Malaysia Arlines a été abattu le 17 juillet 2014, nous pensons que Kerry a typiquement été trop vite dans son jugement, et que son manque incroyable de crédibilité cause un énorme désavantage dans nos manoeuvres diplomatiques et de propagande vis à vis de la Russie. Nous suggérons que vous appeliez à une trêve de cette offensive diplomatique mal ficelée. Si toutefois vous décidiez de poursuivre dans cette voie, nous vous suggérerions d’essayer de trouver un homme (ou une femme) d’État à la réputation moins ternie.

Deux choix possibles

Si les renseignements dont on dispose, sur la façon dont l’avion a été abattu, sont aussi peu fiables qu’il n’y paraissent à la vue des informations divulguées, nous recommandons fortement que vous décommandiez la guerre de propagande et attendiez les conclusions de ceux qui sont chargés de l’enquête sur ce crash. Toutefois, si votre administration dispose de preuves plus concrètes, plus tangibles, nous suggérons fortement que vous autorisiez leur diffusion, quand bien même cela impliquerait des risques pour nos « sources et méthodes » de renseignements. Trop souvent cette considération  [NdT : la protection des moyens de renseignements] est utilisée pour empêcher l’information de tomber dans le domaine public auquel elle appartient, dans le cas présent.
Il y a eu des moments cruciaux par le passé où des présidents ont reconnu le besoin de ne pas insister sur le secret afin de montrer ce que certains appellent « un respect décent pour les opinions du genre humain » ou même pour justifier des actions militaires.
Comme Milton Bearden, ancien haut responsable de la CIA l’a indiqué, il y a des occasions où la protection des sources et des méthodes cause plus de dégâts à la sécurité nationale des États-Unis que leurs révélations. Par exemple, Bearder a noté que Ronald Reagan avait exposé une source importante du renseignement en montrant à un monde sceptique la raison de l’attaque américaine contre la Lybie, en représailles de l’attentat contre La Belle Disco dans Berlin-ouest le 5 avril 1986. Cette attaque à la bombe a tué deux militaires américains et une femme turque et a blessé plus de 200 personnes parmi lesquelles 79 militaires américains.
Des messages interceptés entre Tripoli et des agents en Europe ont clairement montré que la Lybie était derrière cette attaque. En voici un extrait : « À une heure et demie du matin, un des actes a été perpétré avec succès sans laisser aucune trace ».
Dix jours après l’attentat,les États-Unis lançaient leurs représailles, plus de soixante chasseurs de l’Air Force frappaient la capitale lybienne Tripoli et la ville de Benghazi. Cette opération a été largement comprise comme une tentative d’assassinat contre le colonel Muhammar Kadhafi, qui a survécu, mais sa fille adoptive agée de quinze mois a péri dans les bombardements ainsi qu’au moins quinze autres civils.
Il y a 30 ans, l’assassinat d’enfants générait plus de honte. Comme le sentiment d’ horreur augmentait dans le monde à la suite des bombardements américains, l’administration Reagan rendit public le message intercepté et décodé, envoyé par le Bureau populaire libyen à Berlin-est reconnaissant le « succès » de l’attaque contre la discothèque, et ajoutant la fanfaronnade ironique et inappropriée « sans laisser de traces ».
L’administration Reagan prit la décision de révéler une source de renseignement hautement sensible, sa capacité à intercepter et déchiffrer les communications libyennes. Mais une fois que le reste du monde prit en compte cette preuve, la protestation internationale se calma et la plupart des gens considérèrent comme justifiées les représailles contre Tripoli.

Si vous aviez les renseignements…

Si les États-Unis avaient des preuves plus convaincantes que ce qui a pour l’instant été allégué concernant la responsabilité du crash du vol MH17, nous croyons que le mieux serait de trouver un moyen de rendre ces renseignements publics, même au risque de compromettre les « sources et méthodes ». De plus, nous vous suggérons d’attirer l’attention de vos subordonnés sur le fait de ne pas rabaisser la crédibilité des États-Unis en publiant des informations capitales via des réseaux sociaux comme Twitter ou Facebook.
La réputation du messager est également capitale pour la crédibilité dans ce domaine de la « diplomatie publique ». Il doit ainsi vous sembler clair que, de notre point de vue, le Secrétaire Kerry représente plus un frein qu’un atout à cet égard. De la même façon, au sujet du Directeur du Renseignement national James Clapper, sa déclaration sous serment du 12 mars 2013 devant le Congrès, qu’il admit plus tard être « à l’évidence erronée », concernant la collecte d’informations de la NSA, devraient le disqualifier. Clapper devrait être maintenu très loin de l’affaire du vol MH17.

Si vous avez de vraies informations, il serait nécessaire d’effectuer une étude inter-agences des renseignements (du genre de celles utilisées par le passé pour mettre à jour les renseignements). Nous avons entendu indirectement, par d’anciens collègues, que ce que le Secrétaire Kerry est en train de colporter ne cadre pas vraiment avec le vrai renseignement. Il en était ainsi en août dernier quand Kerry a créé une entité unique appelée « Évaluation du gouvernement (pas du Renseignement) » accusant, sans preuve vérifiable, Bachar al Assad de l’attaque chimique près de Damas, parce que les analystes du renseignement honnêtes refusaient alors d’aller jusque là et ils ont eu du flair.

Nous pensons que vous avez besoin de chercher des analystes en renseignements honnêtes et de les écouter. Alors vous serez persuadé de prendre des mesures pour résorber le risque que les relations avec la Russie ne s’intensifient d’une “Deuxième Guerre Froide” à une confrontation armée. En toute franchise, nous voyons peu de raisons de croire que le Secrétaire Kerry et vos autres conseillers ne mesurent l’ampleur du danger. Dans le Mémorandum le plus récent (le 4 mai) que nous vous ayons adressé, M. le Président, nous vous avertissions que si les États-Unis souhaitaient “mettre fin à une guerre civile sanglante entre l’Est et l’Ouest de l’Ukraine et prévenir une intervention militaire Russe en Ukraine de l’Est, vous devriez être capable de le faire avant que les violences ne deviennent complètement hors de contrôle. Le 17 juillet, vous vous êtes joints aux principaux dirigeants d’Allemagne, de France et de Russie pour appeler à un cessez-le-feu. La plupart des observateurs bien informés pensent que vous avez en votre pouvoir la capacité de le faire accepter par les dirigeants Ukrainiens. Plus l’offensive de Kiev contre les séparatistes dans l’est Ukrainien dure, plus de telles positions Américaines apparaissent comme hypocrites.

Nous réitérons notre recommandation du 4 mai que vous extirpiez les causes profondes de ce conflit en désavouant publiquement toute volonté d’intégrer l’Ukraine dans l’OTAN et qu’il soit clair que vous êtes prêt à rencontrer personnellement le président Russe Poutine sans délai pour discuter des voies de sortie de la crise et pour reconnaître la légitimité de chacun des protagonistes. La proposition d’un Sommet rapide a eu un écho extraordinaire dans la presse Russe contrôlée et indépendante. Elle n’en pas eu autant dans le presse “Mainstream” américaine. Nous ne vous avons pas non plus entendu vous exprimer à ce propos.

Dans l’attente d’une réponse de votre part,
Préparé par le VIPS (Veteran Intelligence Professionals for Sanity) Steering Group.
William Binney, ancien Directeur Technique en analyses militaires et géopolitiques, NSA; co-fondateur du SIGINT Automation Research Center.
Larry Johnson, CIA et Département d’Etat.
Edward Loomis, Cryptologue en sciences informatiques à la NSA.
David MacMichael, Conseil National du Renseignement.
Ray McGovern, ancien officier d’infanterie et de renseignements dans l’US Army et analyste à la CIA.
Elizabeth Murray, adjointe à l’officier national du renseignement pour le Moyen-Orient.
Coleen Rowley, Division Counsel et agent spécial du FBI.
Peter Van Buren, Département d’Etat Américain, ancien Service Officer.
Ann Wright, collaboratrice à l’US Army, officier du service des affaires étrangères.

Source : ConsortiumNews, traduction collective pour www.les-crises.fr

NB. « Veteran Intelligence Professionals for Sanity » est un groupe d’anciens fonctionnaires des services secrets américains, dont la CIA, les bureaux des services secrets du secrétariat d’Etat (INR) et des services secrets de l’armée (DIA). En janvier 2003, ils ont formé une organisation nationale pour lutter contre l’utilisation trompeuse d’informations des services secrets, sur laquelle l’invasion anglo-américaine de l’Irak fut fondée. Avant l’attaque de l’Irak en 2003, ce groupe publia une lettre, dans laquelle il expliquait que les analystes des services de renseignement n’avaient jamais été entendus par les hommes politiques. En août 2010, il rédigea un mémorandum à l’attention de la Maison blanche, dans lequel il mettait en garde contre une attaque israélienne imminente de l’Iran.

Source: http://www.les-crises.fr/retraites-du-renseignement-us-obama-doit-exposer-ses-preuves-sur-lukraine/


["Valeurs européennes"] Quand la droite européenne reçoit Andrei Parubiy, cofondateur du parti national social d’Ukraine…

Thursday 31 July 2014 at 16:01

Nous avons déjà longuement parlé d’Andrei Parubyi (comme ici) : il a cofondé le Parti National Social d’Ukraine, devenu Svoboda, animant par la suite sa milice paramilitaire  - les Patriotes d’Ukraine :

Lviv Andriy Parubiy (né en 1971)

Manifestation SNPU

L’emblème du SNPU était la WolfsAngel (ou « Rune du Loup »), symbole classique chez les néo-nazis.

L’emblème du SNPU était la WolfsAngel (ou « Rune du Loup »), symbole classique chez les néo-nazis.

Je rappelle au passage que l’autre cofondateur du parti, Oleg Tyahnybok, dirige toujours Svoboda. Le 3 juillet 2008, il appelle à une “purge” : “Les youpins, les sales moscovites et leurs sbires ont pris le pouvoir, et sans une dure et impitoyable purge, nous ne pourrons rien faire à ce sujet“. (Source)

Il a reçu du coup de jolies décorations, comme ici en mai 2010, où il a été  décoré de la Croix d’Or des vétérans de la Division SS Galicie (Source) :

Le Centre Simon Wiesenthal l’a d’ailleurs inclus en 2012 dans son Top Ten des antisémites (avec les frères égyptiens, les mollahs iraniens, etc.) – à propos de ses déclarations visant à “purger l’Ukraine de 400 000 Juifs et autres minorités” :

En 2012, Yaakov Bleich, le Grand Rabbin de l’Ukraine, a déclaré: « Svoboda est une énigme à bien des égards, c’est un parti nationaliste avec des éléments antisémites en lui. » Vyacheslav A. Likhachev, expert pour le Congrès Juif Eurasiatique, a déclaré que « ce parti a un noyau très antisémite au cœur de son idéologie », que « ses leaders sont connus pour tenir des discours ouvertement racistes et antisémites » et qu’il conduit à « la légitimation symbolique de néo-nazis et de l’idéologie antisémite aux yeux de la société. »  Enfin Shimon Samuels, le Directeur des relations internationales du Centre Simon Wiesenthal a indiqué que « Svoboda est composé des mêmes éléments que les auxiliaires ukrainiens des Nazis qui ont commis des massacres de masse de Juifs, de Russes et de Polonais. »

“Source : JERUSALEM POST

En janvier 2013, Tzipi Livni, l’ancienne vice-Premier ministre d’Israël a déclaré :

« Ceux qui essaient de donner une légitimité sont aussi coupables que le Parti Svoboda. C’est encore plus triste lorsque cela vient de politiciens principalement connus pour leur modération et la compréhension du contexte international de tels sujets. La position de l’ancien ministre des Affaires étrangères, Arseniy Iatseniouk, [Ndt : nouveau Premier Ministre] et c’est un euphémisme, laisse perplexe. […] Je pense qu’un phénomène comme le Parti social nationaliste totalitaire Svoboda ne doit pas être négligé et laissé sans réponse de la communauté internationale. Vous noterez que même les partis les plus radicaux en Europe ont refusé de coopérer avec Tiahnybok. Même le parti français d’extrême-droite de Marine Le Pen. Même le parti hongrois Yobik. Dans le monde d’aujourd’hui, il y a des règles de bienséance, des normes de la mémoire historique. Tiahnybok et son parti ont violé ces règles et ces normes. […] Je préconise de prendre toutes les mesures possibles pour supprimer les partis néo-nazis et leurs activités. »

“Source : UKRINFORM

En mai 2013, le Congrès Juif Mondial a appelé à l’interdiction du « parti néo-nazi Svoboda ».

“Source : UKRINFORM

Il est également explicite dans son rapport sur Svoboda :

 

 Andrii Parubii, alors l'un des leaders du SNPU

Il a d’ailleurs rencontré en 1999 un de ses “héros”, Jean-Marie Le Pen (et Samuel Maréchal, son gendre)…

… qui lui a fait une gentille dédicace à lui et à ses patriotes ukrainiens :

Parubiy était derrière la “révolution” de 2004, puis derrière Maidan..

on appréciera la mouise dans laquelle ce fou est en train de nous mettre…

 

Désormais membre du parti Patrie (presque aussi bien que Svoboda, comme on l’a vu ici), il a été nommé des février Secrétaire Général du Conseil de Sécurité et de Défense de l’Ukraine, chapeautant les forces de défense – et confirmé par Porochenko…

Parubiy a tranquillement été reçu à l’OTAN le 19 mai 2014 (ce qui ne peut que plaire aux Russes)

Eh bien le 22 juillet, il a  été reçu en grande pompe par le groupe PPE (droite) au Parlement Européen (au nom des valeurs communes européennes j’imagine…) :

(Source) De gauche à droite :

  • Andrej Plenković, députe européen, Union Démocratique de Croatie, président désigné de la délégation du parlement européen pour les relations avec l’Ukraine
  • Cristian Preda, députe européen, Parti démocrate-libéral de Roumanie, Coordinateur de la commission des affaires étrangères du parlement européen
  • Sandra Kalniete, Unité de Lettonie, ex-ministre des affaires étrangères de Lettonie, députe européen, Vice-présidente responsable de la Politique européenne de voisinage pour l’EPP
  • Andrei Parubiy, Secrétaire du Conseil National de Défense et de Sécurité d’Ukraine
  • Manfred Weber, membre du CSU, députe européen, président du Groupe du PPE au parlement européen (depuis juillet)
  • Elmar Brok, membre du CDU, députe européen, président de la commission des affaires étrangères du parlement européen, président de l’Union des fédéralistes européens
  • Joseph Daul, UMP, ex-députe européen, ex-président du groupe du PPE
  • Jacek Saryusz-Wolski, députe européen, Plate-forme civique de Pologne, diplomate polonais, ancien vice-président du PPE, président de la délégation pour les relations avec l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, vice-président responsable des affaires étrangères pour le PPE

Belle alliance Allemagne+Pologne+Croatie+Roumanie+Lettonie avec l’Ukraine, qui rappelle de sacrés souvenirs (surtout aux Russes)…

N.B. Le Facebook du Français Joseph Daul est ici, quand au PPE vous avez ici son Facebook, son Twitter et le mail de la responsable communication : marion.jeanne@europarl.europa.eu.

Pensez à les contacter, un mail, ça fait toujours plaisir :)

Source: http://www.les-crises.fr/valeurs-europeennes-quand-la-droite-europeenne-recoit-andrei-parubiy-cofondateur-du-parti-national-social-dukraine/


[100 ans déjà] 31 juillet 1914, assassinat de Jean Jaurès

Thursday 31 July 2014 at 00:42

Positivons : aujourd’hui, il n’y a plus aucun pacifiste de premier plan qui risque d’être assassiné…

Je vous propose cette belle conférence d’Henri Guillemin sur Jean Jaurès

 

25 juillet 1914, dernier discours de Jaurès à Vaise :

Citoyens,

Je veux vous dire ce soir que jamais nous n’avons été, que jamais depuis quarante ans l’Europe n’a été dans une situation plus menaçante et plus tragique que celle où nous sommes à l’heure où j’ai la responsabilité de vous adresser la parole.

Ah ! citoyens, je ne veux pas forcer les couleurs sombres du tableau, je ne veux pas dire que la rupture diplomatique dont nous avons eu la nouvelle il y a une demi-heure, entre l’Autriche et la Serbie, signifie nécessairement qu’une guerre entre l’Autriche et la Serbie va éclater et je ne dis pas que si la guerre éclate entre la Serbie et l’Autriche le conflit s’étendra nécessairement au reste de l’Europe, mais je dis que nous avons contre nous, contre la paix, contre la vie des hommes à l’heure actuelle, des chances terribles et contre lesquelles il faudra que les prolétaires de l’Europe tentent les efforts de solidarité suprême qu’ils pourront tenter.

Citoyens, la note que l’Autriche a adressée à la Serbie est pleine de menaces et si l’Autriche envahit le territoire slave, si les Germains, si la race germanique d’Autriche fait violence à ces Serbes qui sont une partie du monde slave et pour lesquels les slaves de Russie éprouvent une sympathie profonde, il y a à craindre et à prévoir que la Russie entrera dans le conflit, et si la Russie intervient pour défendre la Serbie, l’Autriche ayant devant elle deux adversaires, la Serbie et la Russie, invoquera le traité d’alliance qui l’unit à l’Allemagne et l’Allemagne fait savoir qu’elle se solidarisera avec l’Autriche. Et si le conflit ne restait pas entre l’Autriche et la Serbie, si la Russie s’en mêlait, l’Autriche verrait l’Allemagne prendre place sur les champs de bataille à ses côtés.

Mais alors, ce n’est plus seulement le traité d’alliance entre l’Autriche et l’Allemagne qui entre en jeu, c’est le traité secret mais dont on connaît les clauses essentielles, qui lie la Russie et la France et la Russie dira à la France : “J’ai contre moi deux adversaires, l’Allemagne et l’Autriche, j’ai le droit d’invoquer le traité qui nous lie, il faut que la France vienne prendre place à mes côtés.” A l’heure actuelle, nous sommes peut-être à la veille du jour où l’Autriche va se jeter sur les Serbes et alors l’Autriche et l’Allemagne se jetant sur les Serbes et les Russes, c’est l’Europe en feu, c’est le monde en feu.

Dans une heure aussi grave, aussi pleine de périls pour nous tous, pour toutes les patries, je ne veux pas m’attarder à chercher longuement les responsabilités. Nous avons les nôtres, Moutet l’a dit et j’atteste devant l’Histoire que nous les avions prévues, que nous les avions annoncées ; lorsque nous avons dit que pénétrer par la force, par les armes au Maroc, c’était ouvrir l’ère des ambitions, des convoitises et des conflits, on nous a dénoncés comme de mauvais Français et c’est nous qui avions le souci de la France.

Voilà, hélas ! notre part de responsabilités. Et elle se précise, si vous voulez bien songer que c’est la question de la Bosnie-Herzégovine qui est l’occasion de la lutte entre l’Autriche et la Serbie et que nous, Français, quand l’Autriche annexait la Bosnie-Herzégovine, nous n’avions pas le droit ni le moyen de lui opposer la moindre remontrance, parce que nous étions engagés au Maroc et que nous avions besoin de nous faire pardonner notre propre péché en pardonnant les péchés des autres.

Et alors notre ministre des Affaires étrangères disait à l’Autriche : “Nous vous passons la Bosnie-Herzégovine, à condition que vous nous passiez le Maroc” et nous promenions nos offres de pénitence de puissance en puissance, de nation en nation, et nous disions à l’Italie : “Tu peux aller en Tripolitaine, puisque je suis au Maroc, tu peux voler à l’autre bout de la rue, puisque moi j’ai volé à l’extrémité.

Chaque peuple paraît à travers les rues de l’Europe avec sa petite torche à la main et maintenant voilà l’incendie. Eh bien ! citoyens, nous avons notre part de responsabilité, mais elle ne cache pas la responsabilité des autres et nous avons le droit et le devoir de dénoncer, d’une part, la sournoiserie et la brutalité de la diplomatie allemande, et, d’autre part, la duplicité de la diplomatie russe. Les Russes qui vont peut-être prendre parti pour les Serbes contre l’Autriche et qui vont dire : “Mon cœur de grand peuple slave ne supporte pas qu’on fasse violence au petit peuple slave de Serbie.” Oui, mais qui est-ce qui a frappé la Serbie au cœur ? Quand la Russie est intervenue dans les Balkans, en 1877, et quand elle a créé une Bulgarie, soi-disant indépendante, avec la pensée de mettre la main sur elle, elle a dit à l’Autriche : “Laisse-moi faire et je te confierai l’administration de la Bosnie-Herzégovine.” L’administration, vous comprenez ce que cela veut dire, entre diplomates, et du jour où l’Autriche-Hongrie a reçu l’ordre d’administrer la Bosnie-Herzégovine, elle n’a eu qu’une pensée, c’est de l’administrer au mieux de ses intérêts.

Dans l’entrevue que le ministre des Affaires étrangères russe a eu avec le ministre des Affaires étrangères de l’Autriche, la Russie a dit à l’Autriche : “Je t’autoriserai à annexer la Bosnie-Herzégovine à condition que tu me permettes d’établir un débouché sur la mer Noire, à proximité de Constantinople.” M. d’Ærenthal a fait un signe que la Russie a interprété comme un oui, et elle a autorisé l’Autriche à prendre la Bosnie-Herzégovine, puis quand la Bosnie-Herzégovine est entrée dans les poches de l’Autriche, elle a dit à l’Autriche : “C’est mon tour pour la mer Noire.” – “Quoi ? Qu’est-ce que je vous ai dit ? Rien du tout !“, et depuis c’est la brouille avec la Russie et l’Autriche, entre M. Iswolsky, ministre des Affaires étrangères de la Russie, et M. d’Ærenthal, ministre des Affaires étrangères de l’Autriche ; mais la Russie avait été la complice de l’Autriche pour livrer les Slaves de Bosnie-Herzégovine à l’Autriche-Hongrie et pour blesser au cœur les Slaves de Serbie. C’est ce qui l’engage dans les voies où elle est maintenant.

Si depuis trente ans, si depuis que l’Autriche a l’administration de la Bosnie-Herzégovine, elle avait fait du bien à ces peuples, il n’y aurait pas aujourd’hui de difficultés en Europe ; mais la cléricale Autriche tyrannisait la Bosnie-Herzégovine ; elle a voulu la convertir par force au catholicisme ; en la persécutant dans ses croyances, elle a soulevé le mécontentement de ces peuples.

La politique coloniale de la France, la politique sournoise de la Russie et la volonté brutale de l’Autriche ont contribué à créer l’état de choses horrible où nous sommes. L’Europe se débat comme dans un cauchemar.

Eh bien ! citoyens, dans l’obscurité qui nous environne, dans l’incertitude profonde où nous sommes de ce que sera demain, je ne veux prononcer aucune parole téméraire, j’espère encore malgré tout qu’en raison même de l’énormité du désastre dont nous sommes menacés, à la dernière minute, les gouvernements se ressaisiront et que nous n’aurons pas à frémir d’horreur à la pensée du cataclysme qu’entraînerait aujourd’hui pour les hommes une guerre européenne.

Vous avez vu la guerre des Balkans ; une armée presque entière a succombé soit sur le champ de bataille, soit dans les lits d’hôpitaux, une armée est partie à un chiffre de trois cent mille hommes, elle laisse dans la terre des champs de bataille, dans les fossés des chemins ou dans les lits d’hôpitaux infectés par le typhus cent mille hommes sur trois cent mille.

Songez à ce que serait le désastre pour l’Europe : ce ne serait plus, comme dans les Balkans, une armée de trois cent mille hommes, mais quatre, cinq et six armées de deux millions d’hommes. Quel massacre, quelles ruines, quelle barbarie ! Et voilà pourquoi, quand la nuée de l’orage est déjà sur nous, voilà pourquoi je veux espérer encore que le crime ne sera pas consommé.

Citoyens, si la tempête éclatait, tous, nous socialistes, nous aurons le souci de nous sauver le plus tôt possible du crime que les dirigeants auront commis et en attendant, s’il nous reste quelque chose, s’il nous reste quelques heures, nous redoublerons d’efforts pour prévenir la catastrophe. Déjà, dans le Vorwaerts, nos camarades socialistes d’Allemagne s’élèvent avec indignation contre la note de l’Autriche et je crois que notre bureau socialiste international est convoqué.

Quoi qu’il en soit, citoyens, et je dis ces choses avec une sorte de désespoir, il n’y a plus, au moment où nous sommes menacés de meurtre et, de sauvagerie, qu’une chance pour le maintien de la paix et le salut de la civilisation, c’est que le prolétariat rassemble toutes ses forces qui comptent un grand nombre de frères, Français, Anglais, Allemands, Italiens, Russes et que nous demandions à ces milliers d’hommes de s’unir pour que le battement unanime de leurs cœurs écarte l’horrible cauchemar.

J’aurais honte de moi-même, citoyens, s’il y avait parmi vous un seul qui puisse croire que je cherche à tourner au profit d’une victoire électorale, si précieuse qu’elle puisse être, le drame des événements. Mais j’ai le droit de vous dire que c’est notre devoir à nous, à vous tous, de ne pas négliger une seule occasion de montrer que vous êtes avec ce parti socialiste international qui représente à cette heure, sous l’orage, la seule promesse d’une possibilité de paix ou d’un rétablissement de la paix.

Jean Jaurès 

discours prononcé à Lyon-Vaise le 25 Juillet 1914

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Source: http://www.les-crises.fr/100-ans-deja-31-juillet-1914-assassinat-de-jean-jaures/


[IMPORTANT Ils ont gagné : la guerre (économique) va commencer avec la Russie] Moscou : “Nous avons honte pour l’Union européenne”

Wednesday 30 July 2014 at 22:20

Voici en exclusivité, grâce à la mobilisation des lecteurs du blog, la traduction du très violent communiqué du Ministre des Affaires étrangères de la Russie de ce jour (il a 5 heures, non encore disponible en anglais…).

Bravo “l’Europe, la paix” !

Il est évident qu’en prenant des sanctions infamantes et humiliantes sans des preuves solides envers un grand pays, on a de sérieux retours de bâtons. Surtout quand on se décide à imposer des sanctions visant à déstabiliser gravement son économie. (Et quel sens du timing juste 100 ans après…)

Comme le souligne “Le Point” : “Les sanctions concernant le secteur financier sont celles qui auront le plus de conséquences macroéconomiques, avec un risque accru pour la croissance et une pression à la baisse qui va se poursuivre sur le cours du rouble”, a estimé la société d’investissement VTB Capital.

On peut remercier les “génies” comme le MAE suédois, Carl Bildt qui réagit :

30-07-2014

Commentaire du Ministère des Affaires étrangères de Russie en lien avec les nouvelles sanctions anti-russes, adoptées par l’Union européenne (Source)

Suite à la mise en place des sanctions antirusses du 29 juillet convenues par l’Union européenne, la Russie ne peut que constater l’absence évidente de volonté politique et de désir de cette Union à s’investir dans le règlement de la crise en Ukraine. L’UE, de son côté, ignore toujours aveuglément les causes du tragique développement des événements du Sud-Est de ce pays, où, dans le cadre de la prétendue « opération antiterroriste » du pouvoir de Kiev, des dizaines de citoyens pacifiques meurent chaque jour, et où des centaines de milliers d’habitants ont été contraints de devenir des réfugiés. Une région immense se trouve désormais au bord d’une catastrophe humanitaire de grande échelle.

L’ensemble des événements est en grande partie dû aux décisions irresponsables de l’Union européenne elle-même, qui se montre indulgente envers l’actuel gouvernement de Kiev. L’UE a en somme donné carte blanche à la « pacification » du pays, et démontre un lourd manque de scrupule politique en acceptant de facto de qualifier l’opération punitive de Kiev contre son propre peuple « d’approche modérée dans la conduite des opérations de rétablissement de la loi et de l’ordre ».

Nous avons honte pour l’Union européenne, qui après avoir longtemps cherché « à parler d’une seule voix », parle désormais de la voix de Washington et a pratiquement abandonné les valeurs européennes fondamentales, y compris la présomption d’innocence.

La politique de l’UE n’est plus fondée sur des faits vérifiés mais s’écrit sous la dictée de Washington, entre deux visionnages de vidéos “Youtube” douteuses. Moscou est déçu par l’incapacité de l’UE à jouer son propre rôle dans la politique mondiale.

L’UE est apparemment prête à sacrifier son économie pour permettre la réalisation d’enjeux géopolitiques équivoques, contraires à ses intérêts. Les économies russe et celle de l’UE sont étroitement liées et la « troisième vague » de sanctions qu’entreprend Bruxelles sera aussi fortement ressentie en Europe qu’en Russie. Il faut cependant souligner le zèle avec lequel certains pays européens soutiennent cette politique, qui est inversement proportionnelle aux conséquences sur leur bien-être.
Les citoyens des États membres de l’UE savent-ils ce qui résultera de ces jeux en termes de pertes d’emplois et de gains commerciaux ?

Nous tenons également à rappeler que des sanctions sectorielles sont en contradiction avec les normes de l’OMC.
Des mesures restrictives touchant les milieux financiers auront également des conséquences négatives pour les banques des États membres de l’Union européenne actives en Russie. Pourtant, certaines d’entre elles tirent à ce jour le plus grand profit de leurs filiales en activité dans notre pays.

Nous sommes consternés par la décision d’instaurer un embargo sur le commerce d’armes et d’équipements militaires avec la Russie. A la différence de Kiev pour qui, au contraire, ces limitations ont été levées dernièrement, la Russie ne prend pas part au conflit militaire.

Dans son empressement à introduire des sanctions, Bruxelles met de son propre chef des barrières à la collaboration avec la Russie, dans des domaines aussi cruciaux que l’énergie. Il s’agit là d’un mouvement irréfléchi et irresponsable qui aura pour conséquence une hausse des prix sur le marché européen de l’énergie.
Concernant les difficultés qui pourraient survenir dans certains secteurs de l’économie russe, elles seront assurément surmontées. L’efficacité et l’autosuffisance de notre économie s’en trouveront accrues.

Il va de soi que nous allons prendre en considération le comportement non constructif et non indépendant de l’Union européenne dans le futur développement de nos relations.

30 juillet 2014

Source: http://www.les-crises.fr/important-ils-ont-gagne-la-guerre-economique-va-commencer-avec-la-russie-moscou-nous-avons-honte-pour-lunion-europeenne/


Ukraine – En vrac (30-07)

Wednesday 30 July 2014 at 21:00

Témoignage de Michael Bociurkiw, un des premier experts de l’OSCE sur le site du MH 17

Il dit avoir vu des impacts ressemblant à des traces de mitraillage… (cf à 6’00 sur la vidéo), Source : CBS.ca

Lire aussi ici un bon papier d’Agoravox, très précis sur les questions, tout comme celui de Jacques Sapir.

MAIS ATTENTION, pas de conclusions hâtives, cela pourrait fort bien avoir été fait par les shrapnels d’un missile…

Le reportage de la BBC est revenu

Eyewitness #1: There were two explosions in the air. This is how it [the plane] tore apart. And it [the remains of the plane] flew off to the sides [gesturing with hands in two opposite directions].
Eyewitness #2: And nearby there was one other airplane, a military one, everyone saw.
Eyewitness #1: Yes, yes. It was going lower, because it could be seen. It was going below the passenger plane.
Eyewitness #3: There were sounds of an explosion. But they were in the sky. Then this plane turned around sharply like this [gesturing with her finger], changed trajectory, and flew in that direction [showing the direction with her hand].

 

Témoin oculaire n° 1 – Il y a eu des explosions en l’air. [L’avion] s’est désintégré comme ça. Et ils [les débris de l’avion] se sont envolés sur les côtés [gestes des mains en directions opposées].

Témoin oculaire n° 2 – Et il y avait un autre avion tout près, un militaire, tout le monde l’a vu.

Témoin oculaire n° 1 – Oui, oui. Il volait plus bas, parce qu’on pouvait le voir. Il volait sous l’avion de ligne.

Témoin oculaire n° 3 – On a entendu des bruits d’explosion. Mais c’était dans le ciel. Ensuite, l’avion a viré brusquement comme ça [geste du doigt], a changé de trajectoire, et a volé dans cette direction [indique la direction de la main].

Source : Mish

L’armée russe combat en Ukraine – selon le Monde…

Du lourd sur LeMonde.fr

Ahh, on reprend donc les propos du cofondateur du Parti National social d’Ukraine, tout va bien…

Donc aucune info solide , en fait – pas grave !

Euh, ou une bombe à bord, ou un missile air-air, ou un mitraillage par avion, ou un missile sol-air de l’armée ukrainienne, etc…

Des combats on éclaté avec l’ARMEE RUSSE à coté de l’avion ?

Ukrainien parlant russe, Russe, ça change quoi après tout ?

P.S. question : il faut avoir fait des études pour bosser au Monde ?

Washington et l’UE frappent sévèrement l’économie russe – Le Nouvel Observateur

Les Etats-Unis imposent de nouvelles sanctions dans des secteurs-clés de l’économie russe : l’énergie, l’armement, et la finance.

Le président américain, Barack Obama, a annoncé mardi 29 juillet, dans la foulée des Européens, une série de sanctions économiques contre la Russie, accusée de déstabiliser l’est de l’Ukraine.

Cette prise de parole est intervenue quelques heures après l’annonce, à Bruxelles, d’une série de mesures pour bloquer l’accès aux marchés financiers européens des entreprises et banques russes et interdire toute nouvelle vente d’armes et de technologies sensibles dans le domaine de l’énergie.

Déplorant que la Russie s’isole de la communauté internationale “après des décennies de réels progrès”, Barack Obama a souligné que cette situation n’était pas inéluctable : “C’est un choix que la Russie et le président [Vladimir] Poutine en particulier ont fait”.

“Ce n’est pas une nouvelle guerre froide”, a-t-il cependant estimé. “C’est un problème très spécifique lié à l’attitude de la Russie qui refuse de reconnaître que l’Ukraine peut suivre sa propre voie”.

L’UE accentue les sanctions

L’Union européenne a durci sa position depuis le crash mi-juillet d’un avion malaisien dans l’est de l’Ukraine, attribué à un tir de missile par les séparatistes prorusses. Ce drame, qui a coûté la vie à 298 personnes dont près de 200 Néerlandais, a poussé les Européens à frapper l’économie russe et à passer à la “phase 3″ de leurs sanctions.

C’est vrai ça, pourquoi attendre les résultats de l’enquête ?

L’Ukraine assassine des civil dans l’Est, Israël assassine des civils à Gaza, Donc la Russie est sanctionnée – logique.

Valeurs européennes 2.0

Les capitales ont bataillé ferme pour que l’impact des sanctions sur leurs économies soit “aussi équilibré que possible”, a affirmé le Premier ministre finlandais Alexander Stubb.

Pour le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, ces sanctions constituent un “avertissement fort”. “La déstabilisation de l’Ukraine ou de tout autre pays voisin aura des coûts énormes pour l’économie russe”, a-t-il averti. “Nos appels sont restés lettre morte [...] les armes et les combattants continuent d’affluer en Ukraine depuis la Russie”.

“Inévitable”

Ce geste était “inévitable”, a estimé pour sa part la chancelière allemande, Angela Merkel, qui a appelé le pouvoir russe “à emprunter la voie de la désescalade et de la coopération”.

Pour Barack Obama, le fait que les Européens, qui ont des liens économiques étroits avec la Russie, aient adopté ces mesures, démontre que “la patience de l’Europe vis-à-vis du président Poutine, dont les mots ne sont pas suivis d’actes, s’effrite”.

Le Trésor américain a précisé que les Etats-Unis interdisaient désormais aux Américains d’effectuer certaines transactions impliquant des financements sur le long terme avec la VTB, deuxième banque de Russie, la Banque de Moscou, qui est une de ses filiales, ainsi que la Banque agricole russe.

Ca, c’est vraiment très dangereux pour le système financier international

La vente de Mistral à la Russie épargné (sic.)

Les mesures prises par l’Europe ne seront pas rétroactives dans le domaine de la défense, permettant à la France d’honorer son contrat de vente de deux porte-hélicoptères Mistral à la Russie, au grand dam de pays comme la Lituanie, en faveur de la méthode forte à l’encontre de Moscou.

Les Européens ont également décidé de bloquer les avoirs de huit personnes, dont quatre hommes d’affaires russes proche du président Poutine, accusés de bénéficier de l’annexion de la Crimée ou de soutenir activement la déstabilisation de l’est de l’Ukraine. Leur identité sera connue mercredi.

Le site de l’accident d’avion inaccessible

Pour le troisième jour d’affilée, les experts néerlandais et australiens ont renoncé mardi à se rendre sur les lieux de l’accident où demeurent débris et dépouilles, chaque jour qui passe rendant l’enquête sur la catastrophe aérienne plus compliquée.

Le Premier ministre néerlandais Mark Rutte a appelé le président ukrainien Petro Porochenko pour demander l’arrêt des combats près du site, qui constituent, selon Moscou, une violation de la résolution votée à l’ONU après le drame du vol MH17.

Les militaires ukrainiens ne mènent aucun combat sur la zone de la catastrophe. Cette zone est bloquée par les terroristes”, s’est défendu un porte-parole militaire ukrainien, Andriï Lyssenko.

Il a cependant ajouté que les forces ukrainiennes faisaient “tout leur possible pour libérer cette zone” et indiqué que dix militaires ukrainiens avaient péri au cours des dernières 24 heures.

OB : le journaliste se rend-il vraiment compte de ce qu’il écrit ?

Sur le plan diplomatique, le président ukrainien a proposé de tenir des pourparlers jeudi à Minsk avec la Russie concernant la situation dans l’Est de l’Ukraine et l’accès au site du crash.

Source : Le Nouvel Observateur

Papier de Libération dans la même veine : Sanctions : le tardif réveil de l’Europe

Après des mois de tergiversations et pour la première fois depuis le début de la crise en Ukraine, l’Union européenne prend des sanctions d’envergure contre la Russie. ”

«Les dirigeants européens sont conscients des risques de représailles mais ils ont fait les arbitrages après un acte impardonnable et la manière dont il a été géré par le président Poutine», a expliqué un diplomate évoquant le crash du Boeing de la Malaysia Airlines abattu par un missile tiré par les séparatistes.”

“Dès lundi, François Hollande, Angela Merkel, David Cameron et Matteo Renzi, en liaison avec Barack Obama, avaient opté pour la ligne dure. Leur poids a permis d’emporter la décision malgré quelques tiraillements au sein des Vingt-Huit, partagés entre d’un côté des pays de l’Est (comme la Pologne ou les Baltes) depuis longtemps partisans de la fermeté, et d’autres plus prudents, inquiets des contrecoups, notamment sur leur approvisionnement en gaz.

Le crash du vol MH 17 a été déterminant dans ce changement. «Cet acte de guerre a obligé les Occidentaux à constater que ce qui se déroule dans l’est de l’Ukraine est bien une guerre, une vraie guerre», note François Heisbourg, conseiller spécial du président de la Fondation pour la recherche stratégique. Les preuves à l’encontre des rebelles prorusses sont accablantes et les responsabilités du pouvoir russe aussi. «Lorsque l’on arme des voyous, on ne doit pas être surpris que ceux-ci se comportent comme des voyous», résumait la semaine dernière l’ambassadeur français à l’ONU, Gérard Araud. Des puissances européennes restées longtemps réticentes, comme l’Allemagne, craignant les conséquences économiques d’un bras de fer avec Moscou, ont basculé, y compris sous la pression de leur propre opinion publique. Selon un sondage publié par l’hebdomadaire Der Spiegel, quelque 52% des Allemands sont désormais favorables à des sanctions plus dures «même si cela détruit des emplois». Les milieux d’affaires se sont résignés.”

Bravo, en effet, plus personne ne va tergiverser : bon courage !

Les Russes ont connu bien pire, on parle ici de leur sécurité, ainsi que d’une humiliation nationale, ils sont soudés derrière un vrai leader populaire – ils ont donc des capacité d’acceptation infiniment supérieures aux nôtres, bon courage alors pour le conflit économique, face à nos pays émasculés…

Ca se passe comme ça en Ukraine de l’Est

29/07 :

28/07 : 5 octogénaires tués à Lougansk (Ils ne pourront plus donner de coups de parapluie…) :

Gorlivka bombardée :

(Le résultat ici, mais je vous déconseille de cliquer si vous n’avez pas le coeur bien accroché. Si oui, vous avez l’avant / après ici)

IMAGES TRES DURES :

Longue vidéo, IMAGES TRES DURES :

Mais ça va, on sanctionne la Russie…

“Le jeu dangereux de Poutine” – on croit rêver…

Source: http://www.les-crises.fr/ukraine-en-vrac-30-07/


« Les sanctions contre Poutine renforcent le nationalisme russe », par Vladimir Fédorovski

Wednesday 30 July 2014 at 19:00

Intéressant article d’un opposant à Poutine dans Le Figaro

FIGAROVOX/ENTRETIEN – L’Union européenne a décidé de nouvelles sanctions pour punir la Russie de son soutien aux séparatistes ukrainiens. Pour l’écrivain Vladimir Fédorovski, ces mesures ne font que renforcer Poutine et la haine de l’Occident.


Vladimir Fédorovski est un écrivain russe d’origine ukrainienne, actuellement le plus édité en France. Diplomate, il a joué un rôle actif dans la chute du communisme, il fut promoteur de la perestroika puis porte-parole d’un des premiers partis démocratiques russes. Il a écrit de nombreux ouvrages sur la Russie mythique, et dernièrement un essai sur Poutine intitulé Poutine, l’itinéraire secret, (Editions du Rocher, 2014). Il présente actuellement en France un spectacle de théatre total intitulé Les mystères de Saint -Petersbourg .


Figarovox: Pour la première fois depuis le début de la crise, l’Union Européenne prend des sanctions d’envergure pour punir la Russie de son soutien aux séparatistes ukrainiens: blocage des ventes d’armes, de l’accès aux marchés financiers, gels des avoirs financiers de plusieurs oligarques proches de Poutine… Ces sanctions sont-elles efficaces? Peuvent-elles faire plier Poutine?

Vladimir Fédorovski: La question des sanctions est celle de leur efficacité. Or je crois que ces sanctions n’auront pas l’effet escompté. Historiquement, j’ai été un des premiers à critiquer Poutine. Mais on est là dans l’esprit de confrontation tel que développé par Obama lors du discours de West Point où il parlait «d’isoler la Russie». Il aurait pu dire «isoler Poutine», mais en disant «isoler la Russie» il a commis une erreur. Une erreur de néophytes diplomatiques qui constitue une offense pour la Russie. La haine ne fait pas une politique.

Poutine a-t’il les moyens de mettre en place des représailles qui pourraient diviser les pays de l’UE?

Poutine va répondre, c’est évident! Aujourd’hui il a déjà commencé à bloquer l’importation de légumes d’Ukraine et de Moldavie. Les Russes vont souffrir, c’est certain, et perdent peut-être jusqu’à 20% de leur revenu.

Le pari de Washington et Bruxelles, serait d’affaiblir l’économie russe pour retourner l’opinion et les oligarques contre Poutine, et à terme, d’obtenir un changement de régime. Cela vous parait-il réalisable?

Poutine a 91% d’avis favorables pour sa politique en Ukraine. L’esprit de confrontation n’aura d’autres résultats que de renforcer Poutine. Oui, l’économie russe va souffrir, peut-être perdre 4% de croissance. Cela va casser la croissance allemande aussi et peut-être même européenne. Mais ce que les Occidentaux ne comprennent pas, c’est que les Russes ont l’habitude de souffrir. C’est un peuple triplement martyr: par les communistes (25 millions de morts), dans la guerre contre le nazisme (25 millions de morts) et la bêtise russo-occidentale de 1991-92 (1800% d’inflation, une économie démantelée).

Oui, l’économie russe va souffrir, peut-être perdre 4% de croissance. Mais ce que les Occidentaux ne comprennent pas, c’est que les Russes ont l’habitude de souffrir.

Cette volonté d’humilier la Russie ne risque-t-elle pas d’exacerber les tensions?

Les sanctions sont géopolitiquement contre-productives et moralement inacceptables. Plus l’Occident punit la Russie, plus le nationalisme russe en sort renforcé. Aujourd’hui, Poutine se retrouve piégé par la pression nationaliste, et apparait comme un modéré sur l’échiquier politique russe. L’opposition, bousillée, a été réduit à la dissidence.

L’opinion russe est-elle en train de se retourner contre l’Occident?

Les Russes sont aujourd’hui dans une mentalité post-versaillaise, comme les Allemands entre les deux guerres. Ils ont le syndrome de la citadelle assiégé, sont persuadés d’un complot occidental visant à leur nuire. Résultat: on a un retour esthétique, mental de l’URSS et de ses valeurs, qui aboutit à une négation de la réalité pro-

Les sanctions sont géopolitiquement contre-productives et moralement inacceptables.

occidentale de la classe moyenne russe qui était en train de naitre. Cela aura des répercussions en France, et pas qu’à Cannes et aux Galeries Lafayette!

Les russes sont de plus en plus antioccidentaux, et c’est une tragédie. Quand j’étais sur le char avec Elstine lors du putsh de 1991, l’opinion russe était à 90% pro-occidentale. Les Américains vivent sur l’illusion qu’ils ont gagné la Guerre Froide, mais c’est faux! C’est nous qui avons tué le communisme!

Le risque n’est-il pas, à terme de pousser la Russie dans les bras de la Chine et de l’Asie qui seront autant d’alliés et de marchés de substitution?

Bien sûr! La rupture historique avec Tchaïkovski, Dostoïevski et Tolstoï, cette Russie qui s’est construite en relation avec l’Europe, va pousser la Russie à faire une alliance économique avec la Chine , des alliances militaires avec les chiites (Iran).

La diplomatie américaine d’aujourd’hui n’est pas un chef d’œuvre de compétence. Obama a déclaré en juin que le monde n’avait jamais été aussi peu violent («The world is less violent than it has ever been»)! Un tel déni de réel, on dirait du Brejnev! Le monde n’a jamais été aussi dangereux!

Dans ce contexte international, si la Russie est repoussé dans son coin, il y aura des répercussions dans d’autres crises, notamment au Proche Orient. La Russie était un allié sûr en Orient. La vocation historique, civilisationnelle, et géopolitique de la Russie est d’être l’allié objectif de l’Occident contre l’islamisme radical.

Alors, quelle solution pour apaiser les tensions?

Je voudrais que se poursuive ce qui avait été ébauché lors de la rencontre pour la commémoration du Débarquement. «L’esprit de Normandie», cette diplomatie du dialogue qu’avait initié François Hollande était une attitude diplomatique plus intelligente que l’esprit de confrontation d’Obama.

L’urgence en Ukraine n’est pas politique, mais économique. Il faut absolument trouver 35 milliards d’euros pour sauver l’Ukraine avant l’automne où celle-ci basculera définitivement dans le chaos. Le magnat du chocolat Petro Porochenko doit trouver la force de se transformer en Nelson Mandela ukrainien pour apaiser les tensions, et permettre à nouveau aux deux Ukraine de coexister après cette guerre civile.

Source: http://www.les-crises.fr/les-sanctions-contre-poutine-renforcent-le-nationalisme-russe/


La Haye condamne la Russie à payer 50 milliards de dollars dans l’affaire Ioukos

Wednesday 30 July 2014 at 17:10

Un bel exemple encore, outre le fond du sujet, permettant de comparer l’information Médias Mainstream et Blogs…

50 Md$, c’est environ 70 % de l’impôt sur le revenu en France

LES ECHOS : La Haye condamne la Russie à payer 50 milliards de dollars dans l’affaire Ioukos

La Russie condamnée pour spoliation des actionnaires de l’ex-pétrolier. C’est le plus gros jugement arbitral de tous les temps.

C’est historique. Rendant le plus gros arbitrage international de tous les temps, le tribunal de La Haye a condamné l’Etat russe à payer 50 milliards de dollars aux actionnaires de l’ex-premier groupe pétrolier russe, Ioukos, démantelé , entre 2004 et 2007 pour des raisons dénoncées à l’époque comme politiques. Après vingt mois de délibérations, la cour a jugé qu’il s’agissait bien d’une expropriation au profit du pétrolier étatique Rosneft, qui avait hérité des actifs.

A l’époque, Vladimir Poutine avait présenté la manœuvre comme l’annulation d’une privatisation. Une de celles restées dans la mémoire collective russe comme une braderie au profit d’oligarques mafieux. Et Rosneft, bien qu’en majorité publique, est devenu par son volume de production le plus gros pétrolier coté au monde.

Mikhail Khodorkovski, le fondateur de Ioukos lors des grandes privatisations russes, ne touchera rien : il avait cédé ses intérêts à son partenaire Leonid Nevzlin. C’est la holding GML, regroupant quatre actionnaires majoritaires (60 %) de Ioukos, qui recevra les 50 milliards. Leonid Nevzlin, qui vit maintenant en Israël, possède 70 % de GML, le solde appartenant à parts égales à Platon Lebedev, Mikhail Brudno, Vladimir Dubov et Vasily Shakhnovsky.

Remporter cette victoire

Le cabinet d’avocats Shearman, qui a remporté cette victoire après dix ans de procédure (et touchera 75 millions de dollars d’honoraires) avait demandé 114 milliards… Néanmoins, « c’est une bonne valorisation, estime Emmanuel Gaillard, patron mondial de l’arbitrage chez Shearman et fer de lance du dossier. Le montant accordé est fondé sur la valeur de marché la plus récente des sociétés comparables, à commencer par Rosneft », valorisé 65 milliards de dollars, hier, à la Bourse de Londres.

Emmanuel Gaillard ne doute pas que la Russie paiera. Soit l’Etat russe se soumet à la sentence (ce qu’il n’a pas fait dans le passé pour d’autres condamnations), soit ses actifs à l’étranger seront saisis. « Il existe deux types d’actifs possibles, explique-t-il. Les actifs de l’Etat russe non couverts par l’immunité souveraine, c’est-à-dire ceux à but commercial, ou les actifs appartenant à des émanations de la Russie », en particulier des entreprises étatiques comme Gazprom et Rosneft, qui détiennent des actifs en direct mais aussi des participations dans des sociétés.

La décision de la cour arbitrale est directement exécutoire au niveau des pays mais des recours contre les saisies sont à prévoir (si la Russie refuse de payer). Auquel cas, comme il n’existe pas de droit international pour les actifs émanant d’un Etat, l’affaire Ioukos sera l’occasion d’affiner les jurisprudences nationales… ce qui servira aux futurs litiges, maintenant que le tabou sur la mise en cause des grandes nations est tombé.

Une autre échéance

Les 50 milliards de dollars devront être payés d’ici mi-janvier 2015, date à partir de laquelle des intérêts de retard courront, et il existe peu de possibilités d’appel à la sentence, hormis auprès des tribunaux hollandais sur des fondements techniques. N’importe : la Russie, qui était représentée à la Haye par le cabinet américain Cleary Gottlieb Steen & Hamilton, tempête. Moscou « va contester les décisions de la Cour d’arbitrage devant les tribunaux des Pays-Bas et espère y obtenir un résultat équitable », selon un communiqué du ministère russe des Finances. Il estime par ailleurs que le tribunal arbitral n’était « pas compétent pour étudier la question qui lui a été soumise ».

Moscou a aussi une autre échéance : la Cour européenne des droits de l’homme s’apprête à juger la demande de 38 milliards de dollars de dédommagement déposée par l’ancien management de Ioukos contre la Russie au profit de l’ensemble des actionnaires…

Source : Les Echos

LIBERATION / AFP : La Russie devra verser de 50 milliards de dollars aux ex-actionnaires de Ioukos, la holding de l’opposant Mikhaïl Khodorkovski.

La Russie a été condamnée par la cour d’arbitrage de La Haye à payer une indemnité record de 50 milliards de dollars aux ex-actionnaires majoritaires de la compagnie pétrolière Ioukos, démantelée par Moscou il y a dix ans dans le cadre d’un procès controversé visant l’oligarque et opposant politique Mikhaïl Khodorkovski.

«Le tribunal a de façon unanime et spécifique confirmé que l’offensive de la fédération de Russie contre Ioukos, ses fondateurs, dont Mikhaïl Khodorkovski, et ses employés, était motivée par des raisons politiques», s’est réjoui Tim Osborne, directeur de GML, l’ancien actionnaire majoritaire.

La Russie a annoncé dans la foulée qu’elle ferait appel, tout en estimant que le tribunal arbitral «n’est pas compétent» pour rendre une telle décision. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a prévenu que Moscou utiliserait «toutes les options juridiques disponibles» pour défendre sa position.

Cette décision sans précédent intervient dans une période déjà tendue pour le pouvoir en Russie, qui fait l’objet de sanctions croissantes des Occidentaux pour son implication dans la crise en Ukraine. Bien que le Kremlin ait adopté ces derniers mois une attitude de défi dans l’affaire ukrainienne, des experts ont souligné qu’il serait difficile pour la Russie d’ignorer cette décision judiciaire sans appel. «Elle sera appliquée, que ce soit avec ou sans l’accord de la Russie. Ses avoirs à l’étranger peuvent être saisis», a averti le juriste Konstantin Loukoïanov, cité par l’agence de presse russe Itar-Tass.

«MAFIA LIÉE À L’ETAT»

Il s’agit donc d’une victoire pour les représentants de GML, dont deux filiales avaient porté plainte contre Moscou aux côtés d’un fonds de pension des ex-salariés de la compagnie pétrolière. Ils estimaient avoir été floués par le dépeçage de Ioukos, l’ex-numéro un du pétrole en Russie accusé par Moscou de fraude fiscale et escroquerie à grande échelle il y a une dizaine d’années.

Ioukos avait été placé en liquidation judiciaire en août 2006, à l’issue d’un procès retentissant largement considéré comme inspiré par le Kremlin pour contrecarrer les ambitions politiques affichées par son patron Mikhaïl Khodorkovski. Le principal objectif de Moscou dans cette procédure «n’était pas de récupérer des impôts mais de précipiter la banqueroute de Ioukos au profit de l’Etat», a souligné Tim Osborne, ravi que la cour d’arbitrage permanente de La Haye ait donné raison à GML.

Cette holding basée à Gibraltar appartenait à Mikhaïl Khodorkovski, oligarque milliardaire jeté en prison à l’époque avant d’être gracié à la surprise générale en décembre dernier par le président russe Vladimir Poutine, après une décennie passée derrière les barreaux.

Khodorkovski a salué lundi la décision de la cour de la Haye, «premier tribunal indépendant à s’être penché de façon pleine et entière sur le cas Ioukos»«Du début à la fin, l’affaire Ioukos a constitué un cas exemplaire du pillage sans réserve d’une entreprise brillante par une mafia liée à l’Etat», a-t-il ajouté sur son site internet. L’oligarque a toutefois cédé ses actifs dans GML dès 2005 à son ex-partenaire d’affaires et homme de confiance Leonid Nevzline et a réaffirmé lundi qu’il ne tirerait aucun profit financier du verdict.

L’avocat des actionnaires majoritaires de Ioukos, Emmanuel Gaillard, a salué une décision «historique et unanime» de la cour d’arbitrage de La Haye après «dix ans de bataille»: l’indemnité fixée représente 20 fois le montant le plus élevé jamais exigé par cette instance.

AFP

Une source difficile à trouver : Mikhaïl Khodorkovski sur Wikipédia !

Acquisition du groupe Ioukos

Sa première expérience dans la vie économique est la création, dans le cadre du Komsomol, d’un Centre d’innovation technique, pratiquant essentiellement des activités de conseil aux entreprises d’État, ainsi que du commerce de matériel technique (ordinateurs) occidental. Selon certaines sources, il aurait également créé un café coopératif vers 1985, en pleine perestroïka. Il aurait profité de ces structures pour faire de l’importation et de la revente de faux cognac et d’autres produits occidentaux. Ce trafic lui aurait permis d’amasser assez d’argent pour fonder, en 1988, Menatep, la banque qui deviendra par la suite le holding de son groupe.

Sympa le gars…

En 1995, lors de la privatisation des entreprises russes par distribution de parts aux habitants puis ventes aux enchères, Khodorkovski rachète le groupe Ioukos (en russe : Юкос) pour 360 millions de dollars lors d’une vente critiquée : les deux seuls acheteurs autorisés par le pouvoir de Boris Eltsine à participer aux enchères étaient des compagnies détenues à 51 % par la Menatep. En 2004, la valeur de Ioukos est estimée à 27 milliards de dollars, soit une multiplication par 75 par rapport au prix d’achat lors de cette vente controversée.

Ah, une bonne privatisation conforme aux “valeurs européennes”

Influence politique

Dans les années 1990, Mikhaïl Khodorkovski fait partie d’un groupe de sept oligarques, appelé Semibankirchtchina, qui aide et finance la réélection de Boris Eltsine en 1996.

Il finance le Président qui lui a fait faire fortune donc ? Ah comme on regrette le bon vieux temps d’Eltsine…

Affaire Ioukos

Investissements américains dans Ioukos

Au début des années 2000, Khodorkowski se rapproche des Etats-Unis. Il siège au conseil d’investissement du groupe Carlyle, groupe d’investissement américain dans lequel siègent entre autres la famille Bush, la famille Ben Laden et George Soros.

A la même époque, le groupe Ioukos noue des alliances avec le groupe américain Exxon Mobil.

En 2003, Exxon Mobil et Chevron Texaco étaient supposés racheter la majorité des parts de Ioukos. Cette vente de parts de Ioukos à hauteur de 20 milliards de dollars aurait mis l’une des plus importantes compagnies de ressources naturelles russe sous contrôle d’investissements américains.

Accusations de malversations financières

Durant l’été 2003, l’entreprise Ioukos est soupçonnée de malversations financières. Le numéro 2 de l’entreprise pétrolière, Platon Lebedev (en), est arrêté par la justice le 2 juillet 2003. Suite à cette arrestation, Khodorkovski est entendu comme témoin. Trois mois plus tard, le 25 octobre 2003, il est arrêté à l’aéroport de Novossibirsk, en Sibérie.

L’avocate de Platon Lebedev, associé de Khodorkovski, déclare qu’il est une victime politique pour s’être opposé au président Vladimir Poutine.

En particulier, le chef de la sécurité de la banque Menatep puis de Ioukos, Alexeï Pitchouguine, est condamné en 2005 à 20 ans de réclusion pour le meurtre de Sergueï Gorine, un dirigeant de la banque Menatep, et de sa femme Olga. En 2007, cette sentence est commuée en peine de prison à vie après qu’il eut été reconnu coupable de trois autres meurtres :

Vladimir Poutine a estimé que le chef de la sécurité de Khodorkovski n’avait sûrement pas agi de sa propre initiative, concluant que ce dernier avait « du sang sur les mains » et avait « tué des gens pour protéger les intérêts économiques de sa compagnie ». Dans les faits, il n’est jugé coupable que de délits financiers (blanchiment, évasion fiscale notamment) et condamné à quatorze années de prison. Les avocats de Khodorkovski ont critiqué l’ingérence et les pressions du président dans le procès.

Le 1er novembre, les agences de presse Reuters et AFP annoncent que le tribunal de Moscou venait de prolonger de trois mois l’enfermement de Khodorkovski, ce qui repoussait sa détention jusqu’au 14 février. Jugé au printemps 2005, il est condamné le 31 mai 2005 à 9 ans de prison. Il fait appel, et le tribunal de la ville de Moscou le 22 septembre de la même année, ramène sa peine à 8 ans fermes.

En décembre 2010, Khodorkovski est condamné à 6 ans de prison supplémentaires pour « vol de pétrole » et « blanchiment d’argent », puis à 5 ans en appel. Début août 2013, sa peine de onze ans de prison a été réduite de deux mois par la Cour suprême russe ; Khodorkovski dénonce alors à nouveau un procès honteux, selon lui motivé politiquement.

Source : Wikipedia

Donc on rappelle ses propos dans la dépêche AFP qui sert de sous titre : Du début à la fin, l’affaire Ioukos a constitué un cas exemplaire du pillage sans réserve d’une entreprise brillante par une mafia liée à l’Etat» .

Tout va bien, le peuple russe va apprécier…

Le verdict Yukos, ou l’inversion de la loi : l’“esprit de TAFTA”, par Philippe Grasset

Je m’étonnais de n’avoir lu nulle part ce lien évident avec TAFTA…

a Cour Internationale d’Arbitrage de La Haye a statué sur les plaintes (en 2004) d’actionnaires de l’ancienne société pétrolière russe Yukos et ordonné à la Russie de payer autour de $50 milliards. L’un des actionnaires principaux parmi les trois sociétés plaignantes est l’oligarque russe Khodorkovski, emprisonné pour fraudes diverses après le démantèlement (équivalent à une nationalisation) de Yukos en 2004 et récemment gracié par le pouvoir russe (voir le 24 décembre 2013). Depuis, le cas général a été l’objet de diverses procédures et batailles légales, au cours desquelles la position russe a été en général favorisée, – y compris pour le cas personnel de Khodorkovski, effectivement considéré par la Cour Européenne de Strasbourg comme un délinquant majeur et non pas comme une victime d’un pouvoir politique soi-disant oppressif comme lui-même a argué après sa libération, avec l’appui de tout l’appareil de communication-Système du bloc BAO. L’affaire fleure donc la politique et si la décision tombe aujourd’hui (hier), en pleine crise ukrainienne et peu après l’affaire du vol MH17, on sera pardonné de n’y pas voir qu’un coïncidence ; par contre, il est recommandé d’y voir un cas remarquable par sa pureté absolue de l’inversion totale de la notion de justice.

Dans tous les cas, la Russie est condamnée au nom de l’article 26 de la “Charte énergétique” européenne, dans le cadre du traité de la CNUDCI que la Russie des années Eltsine a signé, mais a eu le réflexe salvateur de ne pas ratifier. Elle n’est donc pas légalement tenue d’appliquer les décisions prises dans ce cadre. Sur son siteRussiaPolitic, la juriste française résidant en Russie Karine Bechet-Golovko commente cette affaire le 28 juillet 2014. Elle reproche à la Russie d’avoir participé à ce procès, fait selon les normes anglosaxonnes, totalement manipulé dans ce sens, avec cabinets d’avocats anglosaxons, en langue anglaise, selon les habituelles procédures labyrinthiques US, etc., – c’est-à-dire, d’avoir complètement “joué le jeu” de ses adversaires anglosaxons sans avoir aucun moyen de le faire, sans détenir aucun atout à cet égard. On reconnaît là une critique qui s’adresse à l’obsession légaliste de la Russie poutinienne, et à sa tendance (peut-être en cours de révision avec la crise ukrainienne) à vouloir s’intégrer dans le système occidental du bloc BAO, tout en maintenant avec une grande force la souveraineté russe. Les deux, constate Bechet-Golovko, ne sont tout simplement pas compatibles : qui veut jouer le jeu anglosaxon, c’est-à-dire américaniste, c’est-à-dire le jeu du Système, celui-là laisse les principes au vestiaire, et notamment celui de la souveraineté.

«Sans entrer dans le fond de l’affaire, quelles leçons peuvent-être tirées ? Tout d’abord, si la Russie veut jouer selon les règles anglo-saxonnes, elle doit former ses propres juristes à cela. Quand une affaire est technique, il est possible de la “sous-traiter”. Ici et maintenant c’est du suicide. La preuve en est faite.

»Il est peut-être temps pour la Russie de sortir de sa traditionnelle position défensive pour être plus offensive. Pour cela aussi, elle a besoin d’avoir ses spécialistes à l’intérieur du pays. Mais elle doit surtout faire un choix. Car elle ne peut pas laisser jouer “les grands occidentaux” sur son dos, sans maîtriser ni le processus, ni les règles. C’est un renoncement de souveraineté et cela contrevient totalement à sa politique et à son discours souverainiste. Les effets s’annulent donc les uns les autres et entraînent une certaine confusion, notamment à l’intérieur.

»Les réactions peuvent être de contester en justice, mais en attaquant réellement cette fois-ci. Ou alors le moment est peut-être venu de sortir de certains organismes internationaux dont les processus sont de plus en plus politisés. Rappelons que les Etats Unis sont particulièrement réticents à reconnaître la juridiction internationale.»

Une autre intervention est intéressante à lire, qui est celle d’un gestionnaire de fonds énergétiques résidant à Moscou, Eric Kraus. Interviewé par Russia Today le 28 juillet 2014, il prend l’affaire du point de vue technique mais selon un arrière-plan politique marqué, et aussi développe le contexte politique et les conséquences politiques de cette affaire. Selon Kraus, la Russie ne payera pas, et aucun mécanisme juridique n’existe qui puisse l’y obliger. Mais au-delà, Kraus voit dans ce jugement, d’abord un acte d’agression indirect mais puissant du bloc BAO, spécifiquement les USA, contre la Russie, et d’autre part un point de rupture supplémentaire, et peut-être majeur, entre la Russie et le susdit bloc BAO.

Russia Today : «The International Arbitration Court in the Netherlands has ended a decade long case against Russia brought by shareholders in the defunct Yukos oil company. Why after so many years [did it crop up] today?»

Eric Kraus : «I think the timing is extremely suspicious. The entire judgment is rotten. Mr. Khodorkovsky was found guilty not only in Russian courts, but that guilty sentence for tax evasion and fraud was upheld by the European Court of Human Rights. It is an outrage that anyone should imagine that Russia is going to pay 50 billion dollars to these criminals.»

Russia Today : «How will the situation develop? Will Russia pay this sum?»

Eric Kraus : «How it is going to develop? Basically this is a judgment which is going to have no real consequences. The Russian state will never pay. The Russian Duma never ratified the treaty under which this judgment has been made. It is not a legally binding judgment. To get settlement from the Russian state is impossible. I would invite you to look at the attempts that have been made to enforce judgments against Argentina, which have failed.

»But this judgment is significant as it marks a true divorce between Russia and the West. I personally have been working for 17 years to build economic relations between Russia and the West and we have failed. Russia must now turn away from Western powers and look to the rising world, to the rising countries of the East.»

Russia Today : «Is there somebody behind such a sudden arbitration decision? Or the International Arbitration Court in the Netherlands has just finally examined the case to pronounce judgment?

Eric Kraus : «Personally I would put the responsibility with Washington, not with Europe. Europe is the tail, Washington is the dog. Europe has not been able to articulate a reasonable foreign policy response, and there are people in Washington who make very good careers out of creating trouble with Russia, out of portraying Russia as the enemy. Russia is not the enemy, but Russia is an independent state with its own needs, its own foreign policy and this obviously does not please Washington.»

Russia Today : «Is it a fair decision meaning how much fraud was conducted by the ex-Yukos and Menotep officials?

Eric Kraus : «It strikes me as a very political decision. The West manages to create this illusion of fair play, of rule of law, of fairness in the judicial process, and this is a bad joke. Russia will appeal it but even if they lose an appeal, there is essentially no way to enforce the judgment unless the Russian state decides to pay it, and I do not see the Russian state paying money to a group of murderers and fraudsters. The people who ran Menotep were the worst old-type oligarchs, and Russia is simply not going to pay. There is no mechanism that I am aware of for enforcing payment.»

Cette affaire Yukos-Russie apparaît comme archétypique, comme exemplaire des conditions nouvelles, post-postmodernes de l’affrontement en cours. Le Système (les USA) y tient une place essentielle, en utilisant tous les artifices des structures financières et juridiques étendues au niveau international d’une part, en utilisant ses alliés, les élites-Systèmes internationales corrompues, et, nouvel allié qui prend une place privilégiée avec tout ce qui gravite autour du centre de fusion ukrainien, le crime organisé du monde ex-communiste, les oligarques profiteurs de l’effondrement de l’URSS devenus internationalistes, etc. De ce point de vue, l’affaire Yukos est un acte de guerre, d’une guerre menée contre tout ce qui est structurant, contre les principes organisant cette structuration, dont le principe de la souveraineté d’abord. Il y est bien sûr question de la souveraineté des nations, de la légitimité des gouvernements, attaquées par la poussée de surpuissance-autodestruction du Système, ce qui nous ramène à l’affrontement Système versus antiSystème. Encore une fois, il est impératif, pour bien situer l’enjeu et les modalités de son opérationnalité, d’établir un lien serré entre ces divers événements, éléments d’une même crise, et, pour le cas qui nous intéresse ici, entre la crise ukrainienne et cette affaire du jugement sur le cas Yukos. Nous voulons dire par là que l’affrontement n’est pas d’essence géopolitique, même s’il emploie ici (en Ukraine) l’outil de la géopolitique, – mais aussi, on le voit bien, l’outil de la communication. Derrière les outils, c’est la lutte suprême du Système contre l’antiSystème, une lutte à mort qui se fait sans nécessité de savoir ce qui pourrait en résulter, y compris en cas de “victoire” de l’antiSystème, puisque tout tourne autour d’une seule question, d’un seul enjeu dont tout dépend et à partir duquel, si c’est l’issue de l’affrontement, tout sera différent, – dito, la destruction du Système et rien de moins.

D’autre part, on a pu voir à l’œuvre, avec ce jugement, un avant-goût extrêmement prononcé de l’“esprit TAFTA”, ou de ce que deviendrait la situation des pays européens en cas de réalisation du monstrueux accord de libre-échange transatlantique TAFTA (TTIP en anglais). L’essentiel de cet accord ne porte pas sur le libre échange, sur le commerce, etc., mais sur la destruction assurée des principes de souveraineté et de légitimité, avec la réduction totale des gouvernements pour l’administration et le contrôle des pays qu’ils sont censés conduire, puisque ces gouvernements seraient à la merci de l’attaque permanente des grands groupes industriels transnationaux, souvent avec des organismes de “justice” absolument acquis à leur cause. Là aussi, le raccourci est saisissant, à partir de la crise ukrainienne, de la poussée hystérique de russophobie, et du lien véritable qu’il faut établir avec l’accord TAFTA/TTIP en cours de négociation. C’est dire également, avec ce dernier cas, combien le désordre est grand, puisqu’on voit qu’au jugement fondé de Kraus sur l’affaire Yukos («a true divorce between Russia and the West») se substitue une perspective plus complexe, également fondée, où l’“Ouest” lui-même se trouve agressé par ses propres productions-Système, – justifiant l’énoncé surpuissance-autodestruction de sa dynamique. (On peut même ajouter, pour renforcer encore la complexité, que TAFTA/TTIP est considéré avec une extrême méfiance, sinon avec hostilité par une grande partie du public US, et une partie importante de la représentation législative, notamment les démocrates du Sénat, et particulièrement le leader de cette majorité démocrate, Harry Reid. TAFTA/TTIP est bel et bien une production du Système.)

Source ; Dedefensa (pensez à soutenir ce site aussi, il a besoin de quelques euros d’ici demain)

Affaire Yukos: la Russie vient de s’offrir une leçon à 50 milliards de dollars, par Karine Bechet-Golovko

Il est des leçons qui coûtent cher, mais il peut être encore plus risqué de ne pas en tirer toutes les conséquences, aussi désagréables soient-elles. La Russie vient d’être condamnée en arbitrage international à payer plus de 50 milliards de dollar de compensation à trois actionnaires offshore de Yukos en violation des dispositions de la Charte européenne de l’énergie du 17 décembre 1994 dans le cadre de la CNUDCI, la Commission de l’ONU pour la mondialisation de la réglementation commerciale, qui s’est également trouvée dotée d’un mécanisme d’arbitrage international. Or, la Russie n’a pas ratifié cette Charte. Plusieurs questions se posent donc. Pourquoi la Russie a nommé un arbitre auprès d’un tribunal arbitral dont elle ne reconnaît pas la compétence? Pourquoi un tribunal arbitral peut être compétent dans une affaire quand l’Etat visé ne reconnait pas sa compétence? Pourquoi la Russie recours-elle à des cabinets d’avocats américains ? Quelles sont les conséquences? Peut-on réellement dire que la décision est politique?

Le 2 novembre 2004, trois compagnies offshores situées à Chypres, Hulley, YUL et UPL, qui sont trois actionnaires de la OAO Yukos Oil Company, s’adressent au Président russe pour contester ce qu’ils considèrent être l’expropriation illégale de Yukos faite par l’Etat russe au profit de compagnies étatiques. La procédure amiable échoue et ces trois actionnaires s’adressent à l’arbitrage institué auprès de la CNUDCI.
En effet, cette procédure a la particularité, par rapport aux autres procédures d’arbitrage, de prévoir la possibilité, grâce à l’article 26 de laCharte énergétique, de permettre aux investisseurs – ici aux actionnaires – de défendre leurs intérêts en arbitrage, sans que l’Etat ne donne son consentement inconditionnel. C’est un pas phénoménal dans la lutte contre la justice étatique, ressentie comme un mécanisme de soumission du business à la souveraineté des Etats. Par ce renversement des valeurs, l’on met des compagnies internationales au-dessus des lois nationales, quasiment au même niveau que les Etats.
Or, si la Russie des années 90 a eu la faiblesse de signer cette Charte, elle a eu le réflexe de ne pas la ratifier. Cette Charte, quelle que soit son appellation, est un simple traité international. Il ne peut donc être opposable qu’après ratification, dans le cas contraire il ne peut produire aucun effet juridique envers l’Etat qui ne l’a pas ratifié.
Donc comment apprécier la compétence de la juridiction? Et en effet, la Russie a contesté pendant 4 ans cette question. Le 15 octobre 2005, elle rejette la compétence du tribunal arbitral, qui finira quand même par se reconnaître compétent lui-même en 2009. En effet, les investisseurs peuvent le saisir sans le consentement de l’Etat visé. C’est plus simple.
Etant dans une impasse, comprenant qu’elle peut de toute manière se faire condamner sans même avoir un arbitre pour la défendre, elle en nomme un, un américain. Donc concernant le droit russe, pour une affaire qui touche une société russe, qui se trouve en Russie, les règles de la Charte énergétique non ratifiée par la Russie seront appliquées contre elle par des “arbitres” dont aucun n’est russe.
Pour achever le tableau, la Russie recourt aux services de deux cabinets américains, Cleary Gottlieb Steen and Hamilton et Baker Botts LLP. La langue “choisie” est exclusivement l’anglais et le règlement se fait à La Haye.
Donc, la Russie accepte de jouer le jeu de cet arbitrage qu’elle ne reconnaît pas, selon des règles qu’elle ne maîtrise pas et sans reconnaissance de sa langue nationale comme langue de procédure.
Toutefois, si la Russie estime qu’une telle procédure est apte à être équitable, à respecter les intérêts légitimes de la Russie, pourquoi ne recourt-elle pas aux services de cabinets juridiques russes? Peut-on réellement penser qu’un grand cabinet d’avocats américains va réellement se battre pour la Russie dans une affaire aussi politique au risque de perdre en image? C’est absurde et naïf. Pourquoi aussi avoir choisi un arbitre américain? En définitive, l’affaire se joue “entre soi”, dans une logique exclusivement anglo-saxonne, à laquelle la Russie s’est alors pliée, soit par naïveté, soit par incompétence.
Ensuite, le déroulé du procès est intéressant. La personnalité des témoins-experts. D’un côté, l’on appelle, notamment, des personnalités à caractère politique en tant que témoins ou experts. Par exemple, Leonid Nevzlin, le numéro deux de Yukos qui est parti en Israel ou Andreï Illarionov, l’ex-conseiller du Gouvernement et l’un des symboles de l’opposition anti-Poutine. De véritables experts, en effet, d’une objectivité incontestable.
Face à cela, la position russe cherchant des experts juristes n’émettant qu’un avis “défensif” totalement décalé du contexte politique.
Résultat, la Russie est très lourdement condamnée. La somme est historique. L’agence Reuters affirme même que cela tombe dans une période de grande stabilité financière de la Russie et qu’il est possible qu’elle prenne fin. Surtout si l’on pense que dans quelques jours la CEDH va rendre une décision qui pèse également plusieurs milliards. La décision tant attendue apparaît juste après le crash du Boeing et dans le contexte de tension internationale que nous connaissons. Ce peut être le moyen de faire plier la Russie, si elle ne veut pas détruire son économie et renoncer à sa politique.
De plus, elle a 10 jours à compter du prononcé de la décision pour faire appel. Et comme le tribunal arbitral se trouve à La Haye, l’appel se ferait devant les juridictions nationales hollandaises. Après le crash, peut-on garantir une réelle impartialité?
Sans entrer dans le fond de l’affaire, quelles leçons peuvent-être tirées.
Tout d’abord, si la Russie veut jouer selon les règles anglo-saxonnes, elle doit former ses propres juristes à cela. Quand une affaire est technique, il est possible de la “sous-traiter”. Ici et maintenant c’est du suicide. La preuve en est faite.
Il est peut-être temps pour la Russie de sortir de sa traditionnelle position défensive pour être plus offensive. Pour cela aussi, elle a besoin d’avoir ses spécialistes à l’intérieur du pays. Mais elle doit surtout faire un choix. Car elle ne peut pas laisser jouer “les grands occidentaux” sur son dos, sans maîtriser ni le processus, ni les règles. C’est un renoncement de souveraineté et cela contrevient totalement à sa politique et à son discours souverainiste. Les effets s’annulent donc les uns les autres et entraînent une certaine confusion, notamment à l’intérieur.
Les réactions peuvent être de contester en justice, mais en attaquant réellement cette fois-ci. Ou alors le moment est peut-être venu de sortir de certains organismes internationaux dont les processus sont de plus en plus politisés. Rappelons que les Etats Unis sont particulièrement réticents à reconnaître la juridiction internationale.

Source : Russie Politics

Pourquoi la Russie doit-elle payer 50 milliards de $ de dommages-intérêts ?, par Kiergaard

e me propose dans cet article d’offrir une présentation un peu plus juridique que ce qu’on pourra en lire de la sentence rendue publique aujourd’hui par la Cour Permanente d’Arbitrage de la Haye.

 

Les trois juges qui ont rendu les sentences. De gauche à droite : M. le juge Stephen M. Schwebel (États-Unis), L'Honorable L. Yves Fortier (Canada),  Dr Charles Poncet (Suisse)

Les trois juges qui ont rendu les sentences. De gauche à droite : M. le juge Stephen M. Schwebel (États-Unis), L’Honorable L. Yves Fortier (Canada), Dr Charles Poncet (Suisse)

Voici une version PDF de l’article : Russie – Cour Permanente d’Arbitrage – 50 milliards de $.pdf

Communiqué de la Cour Internationale d’Arbitrage : 

Le 18 juillet 2014, les Tribunaux arbitraux constitués en vertu du Traité sur la Charte de l’Énergie ont rendu leurs sentences finales dans trois affaires impliquant des anciens actionnaires de OAO Yukos Oil Company (« Yukos ») et la Fédération de Russie.

Les arbitrages ont été introduits en 2005 par les anciens actionnaires de Hulley Enterprises Limited (Chypre), Yukos Universal Limited (île de Man) et Veteran Petroleum Limited (Chypre) («demanderesses »).

Les parties se sont accordées pour que les affaires soient entendues ensemble devant des Tribunaux arbitraux identiques. Les Tribunaux arbitraux étaient composés de L’Honorable L. Yves Fortier PC CC OQ QC du Canada (président), Dr Charles Poncet de Suisse et M. le juge Stephen M. Schwebel des États-Unis d’Amérique.

Dans les sentences finales, les Tribunaux arbitraux ont décidé à l’unanimité que la Fédération de Russie avait adopté des mesures ayant un effet équivalent à une expropriation des investissements des demanderesses dans Yukos et, par conséquent, violé l’article 13(1) du Traité sur la Charte de l’Énergie. En conséquence, le Tribunal arbitral a ordonné à la Fédération de Russie de verser aux demanderesses des dommages-intérêts à titre d’indemnisation.

Parallèlement, les Tribunaux arbitraux ont constaté certaines fautes secondaires de la part des demanderesses, ce qui a conduit les Tribunaux à réduire le montant des dommages-intérêts accordés.

Sentences du Tribunal d’Arbitrage

Sentence concernant Ioukos

Sentence concernant Hulley Enterprises Limited

Sentence concernant Veterand Petroleum Limited
N.B : Les analyses qui suivent ne peuvent pas reprendre l’intégralité du processus et du raisonnement du juge, les trois sentences font 1800 pages au total (3 fois la même de 600 pages). Cependant, j’essayerai d’être précis.

  • Un point central de procédure : Pourquoi la Russie est-elle condamné pour un traité qu’elle n’a pas ratifié ? 

C’est un fait, la Russie a signé le Traité sur la Charte de l’Énergie (texte - informations synthétiques sur l’accord) en 1994 (contrairement aux États-Unis et au Canada, l’une des raisons pour laquelle ce sont un juge américain et canadien je pense) mais ne l’a jamais ratifié. Cela a d’ailleurs parfois été une pomme de discorde entre l’UE et la Russie, pomme de discorde jugée superficielle dans un rapport d’information sénatorial de 2006 d’ailleurs.

Pourquoi donc est-elle concernée par cette décision ?

L’interprétation des dispositions de l’article 45 a constitué le point central lors de l’examen de la recevabilité de la requête (page 88 à 145), le premier examiné par le Tribunal. En vertu de l’article 45.1 du Traité (Application provisoire) : « Les signataires conviennent d’appliquer le présent traité à titre provisoire, en attendant son entrée en vigueur pour ces signataires conformément à l’art. 44, dans la mesure où cette application provisoire n’est pas incompatible avec leur Constitution ou leurs lois et règlements ». Le point 2. de l’article prévoit un second cas Le point 3. a), b) et c) de cet article dispose également que : «a) Tout signataire peut mettre un terme à son application provisoire du présent traité en notifiant par écrit au dépositaire son intention de ne pas devenir partie contractante au présent traité. La fin de l’application provisoire prend effet, pour tout signataire, à l’expiration d’un délai de 60 jours à compter du jour où le dépositaire reçoit la notification écrite du signataire. – b) Lorsqu’un signataire met fin à son application provisoire en vertu du point a), l’obligation qu’il a, en vertu du par. 1, d’appliquer les parties III et V à tout investissement réalisé dans sa zone au cours de l’application provisoire par des investisseurs des autres signataires reste néanmoins valable, en ce qui concerne ces investissements, pendant vingt ans à compter de la date effective de fin d’application, sauf disposition contraire du point c). - c)  Le point b) ne s’applique pas aux signataires énumérés à l’annexe PA. Tout signataire est retiré de la liste figurant à cette annexe dès qu’il a adressé une demande à cet effet au dépositaire ». 

La Russie n’a pas eu le nez creux lors de la signature de l’accord et n’a pas suivi le même régime juridique que l’Allemagne, la République-Tchèque, la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie et la Lituanie qui ont refusé de se voir appliquer l’article 45, point 3, b). Concernant la Russie, cela signifie que les parties III (Promotion et Protection des Investissements), IV (Dispositions Diverses) et V (Règlements des Différends). Concernant la Partie V, c’est l’article 26 qui règle la question des différends entre investisseurs et états.

Concernant l’interprétation de l’article 45, le Tribunal écarte le moyen, invoqué par les requérants,  tiré du lien automatique entre la déclaration exigée à l’article 45.2 et la protection potentiellement offerte à l’État à l’article 45.1. Il écarte ensuite l’argument tiré de la nécessité d’une déclaration formelle pour que l’état estime que l’application provisoire de certaines dispositions est incompatible avec sa Constitution, ses lois ou ses réglements. Tout le débat s’est donc focalisé sur l’interprétation de la portion de phrase suivante : “Les signataires conviennent d’appliquer le présent traité à titre provisoire, en attendant son entrée en vigueur pour ces signataires conformément à l’art. 44, dans la mesure où cette application provisoire n’est pas incompatible avec leur Constitution ou leurs lois et règlements“. Le Tribunal a estimé que cette phrase devait se lire, non pas comme s’il fallait interpréter chaque article du traité pour voir si l’application provisoire de telle ou telle disposition était compatibles avec les règles nationales, mais comme si le principe de l’application provisoire de l’ensemble du Traité était compatible avec les règles nationales. Cette approche “tout ou rien” est défavorable aux états. Cette interprétation étant posée, la Russie s’est retrouvé relativement démunie pour contester que l’application de l’ensemble du traité pouvait être en soi contraire à ses règles nationales. On le voit clairement à partir de la page 122 de la sentence sur la recevabilité. In fine, on renvoyait uniquement à la question de savoir si la Russie avait bien signé le traité.

Le tribunal a néanmoins pris la peine de préciser que le fameux article 26 n’était pas incompatible avec les règles nationales russes dans le contexte de l’affaire. La conclusion (page 146) était que le Traité s’appliquait à la Fédération de Russie en entier en ce qui concerne les investissements réalisés en Russie. (Dans la foulée de cette décision elle a cessé l’application  provisoire des dispositions du traité).

  • Quelles ont été les autres points pour conclure à la recevabilité de la demande ?

Je passe rapidement :
- Le Tribunal a conclu que les requérants étaient des “investisseurs protégés” qui “possédaient ou contrôlaient” un “investissement” au sens du Traité sur la Charte de l’Énergie.

- Concernant l’interprétation de l’article 17 (Non application de la partie III dans certaines circonstances). Le Tribunal adopte tout d’abord une interprétation du point 1 de cet article s’opposant à une application rétroactive par la Russie. Ensuite elle estime que la détention du demandeur (la société) par des trusts de Gibraltar et Guernesey les rattache au Royaume-Uni et ne permet pas de le considérer comme un “ressortissant d’un pays tiers” au sens de l’article 17, point 1. De même, la Russie n’était pas un état tiers.

- Le Tribunal écarte rapidement les autres moyens ou renvoi au stade ultérieur de l’arbitrage.

N.B : À la dernière page de la décision sur la recevabilité, on trouve un schéma de la structure de la Holding Ioukos qui n’est pas inintéressant.

  • Quel verdict ? 

La Russie est accusée d’avoir reconnu coupable d’avoir violé ses obligations au titre de  l’article 13 du Traité sur la Charte de l’Énergie, notamment le point 1 qui prévoit que : « Les investissements d’un investisseur d’une partie contractante réalisés dans la zone d’une autre partie contractante ne sont pas nationalisés, expropriés ou soumis à une ou plusieurs mesures ayant des effets équivalents à une nationalisation ou à une expropriation, dénommées ci-après «expropriation», sauf lorsque cette expropriation:

a) est effectuée pour des motifs d’intérêt public;
b) n’est pas discriminatoire;
c) est effectuée avec les garanties prévues par la loi, et
d) est accompagnée du prompt versement d’une compensation adéquate et effective.

Cette compensation équivaut à la valeur marchande équitable de l’investissement exproprié au moment qui précède immédiatement celui où l’expropriation ou l’annonce de l’expropriation a été officiellement connue et a affecté la valeur de l’investissement, ci-après dénommé «date d’estimation» (…) ».

En conséquence, la Russie doit (hors coûts judiciaires) verser 40 milliards de dollars à Hulley Enterprise Limited, 8 milliards de dollars à Veterand Petroleum Limited et 1.8 milliards à Yukos Universal Limited (arrondi).

  • Quelle motivation des juges ?

Je vais à nouveau la faire brève :

La Tribunal estime que les requérants (Ioukos et actionnaires etc…) ne pouvaient pas s’attendre à une telle réaction de la Russie dans l’application de sa législation fiscale, même au regard de l’incertitude pesant sur la légalité de nombreuses opérations de l’entreprise. Les arrestations et le montant des amendes ne pouvait pas être anticipé par les requérants (point 1578).

- Le Tribunal estime, comme d’autres tribunaux avant lui, que “l’objectif premier de la Fédération de Russie n’était pas de collecter des taxes, mais plutôt de mettre en faillite Yukos et de s’approprier ses actifs précieux“. Cette conclusion est déduite du traitement judiciaire infligé aux requérants. On ne parle pas ici des conditions de détention ou autre, mais principalement du montant de recouvrement de TVA infligé à YNG (Yugansneftegaz) (13 milliards de dollars) et de sa mise aux enchères à un prix minime. Cependant, le tribunal relève que pour ses actions, justifiées ou non, Yukos aurait été en mesure de payer sans avoir à être mise en faillite et liquidée.  Le tribunal précise entre parenthèses : “à moins que la Fédération de Russie ait eu pour but sa liquidation et ait trouvé de nouveaux motifs supplémentaires pour parvenir à cette fin, ce que le second procès criminel de Messieurs Khodorkovski et Levedev suggère en effet“.

- Le Tribunal estime que les mesures prises par la Russie s’analyse comme des mesures ayant un “effet équivalent à une expropriation” au sens de l’article 13 du Traité sur la Charte de l’Énergie.

- Les 4 conditions cumulatives prévues à l’article 13 ne sont pas remplies :
1° L’intérêt public de la “destruction” de la première compagnie pétrolière russe est “profondément questionnable”.
2° Le traitement de Yukos aurait pu être discriminatoire eu égard au traitement des autres compagnies, mais aucune des parties n’a pu prouver ou infirmer de manière satisfaisante cette assertion.
3° Les mesures prises par la Russie n’ont pas été effectuées avec “toutes les garanties prévues par la loi” notamment eu égard au traitement des accusés et au fait qu’il semble que le tribunal se soit plié à la volonté du Kremlin en mettant en faillite la compagnie, en assignant ses actifs à une entreprise contrôlée par l’état et en incarcérant un homme qui donnait des signes de devenir un opposant politique.
4° Il n’y a pas eu de compensation juste et équitable.

La responsabilité de la Russie est donc établie. 

Le Tribunal a cependant reconnu des fautes secondaires de la part des requérants. Fautes secondaires dont le Tribunal a néanmoins estimé qu’elles ont contribué à 25% du préjudice qu’ils ont éprouvés du fait de la destruction de Yukos (point 1637). Proportion qualifiée de juste et raisonnable par le Tribunal (le mode de fixation étant laissé à l’appréciation des juges).

  • Mode de calcul du dommage subi

Le mode de calcul exact du dommage est relativement complexe au niveau des estimations (voir annexes), mais assez simple dans sa logique :

Pourquoi la Russie doit-elle payer 50 milliards de $ de dommages-intérêts ?

Le cadre général de détermination du dommage est fixé par l’article 26, point 8 du Traité sur la Charte de l’Énergie et par les articles 34 à 39 de la Résolution 56/83 de l’AG de l’ONU sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite. Plusieurs experts ont été engagés pour discuter de la fixation des montants, les juges ont appréciés plusieurs travaux de la doctrine etc… La méthode retenue à été d’appliquer au montant de titres détenus par les requérants un intérêts égal à la moyenne des taux à 10 ans des Bons du Trésor américain (c’est un peu plus compliqué en réalité, le montant des dividendes perdus etc… est pris en compte).

Le Tribunal laisse à la Russie une période de grâce de 180 jours avant que des intérêts supplémentaires ne soient appliqués en cas d’absence du paiement. 

Le montant du dommage et donc des dommages-intérêts aurait pu être diminué de près de la moitié sans la pratique habituelle des tribunaux d’arbitrage de laisser le requérant choisir entre la valorisation boursière à la date de l’expropriation ou celle à la date de la décision (division par 2 du montant). 

Pour simplifier, le montant total est le suivant : Montant des titres détenus par les requérants estimés à la date de la décision (30 milliards de dollars) + Montant des dividendes et intérêts sur dividendes qui aurait été payé sur la période (36 milliards de dollars !). Cette somme totale étant minorée de 25% en raison de la reconnaissance d’une responsabilité dans le préjudice subi par la victime de 25% = 50 milliards de dollars.
La Russie doit rembourser également près de 60 millions de dollars en frais de procès sur toute la période (!) soit 75% du montant total mobilisé. 

Conclusion 

On pourrait dire que les détails d’un accord juridique international ont mené la Russie à perdre un procès en raison d’agissements relevant de ses affaires intérieures. C’est très probablement ce que l’on doit penser en ce moment même à Moscou en se maudissant de ne pas avoir pris plus de précautions au moment de la signature de cet accord jamais ratifié. 

On peut également s’inquiéter de cette nouvelle démonstration de la puissance des investisseurs privés au sein des tribunaux arbitraux qui n’hésitent pas à s’appuyer sur les clauses les plus techniques des traités internationaux pour mettre en difficulé des états-souverains. Dans le contexte de la négociation du TTIP et de la discussion sur les mécanismes de règlement des différends investisseurs-états, la question va se poser surtout quand on connaît la puissance financière des holdings américaines. 

L’affaire étant couverte par les articles 1049 et 1050 du Netherlands Arbitration Act de 1986, un appel est possible devant un second tribunal arbitral (il me semble)

P.S : Contrairement à la dépêche AFP, la Russie n’a pas été condamnée à une “amende” mais à indemniser des parties. 

Source : www.points-de-vue-alternatifs.com

 

Source: http://www.les-crises.fr/la-haye-condamne-la-russie-a-payer-50-milliards-de-dollars-dans-laffaire-ioukos/