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Primaires américaines : la Floride attend Donald Trump de pied ferme

Sunday 20 March 2016 at 02:57

Source : France TV info, 15-03-2016

Dans cet Etat, qui doit voter la nuit prochaine, les propos du candidat républicain ont été très mal perçus par la communauté latino, qui représente 20% des électeurs.

Donald Trump pourrait se prendre les pieds dans le tapis en Floride. L’Etat, qui doit voter dans la nuit de mardi à mercredi, compte une forte communauté de latinos, qui représente 20% des électeurs. Ils ont très mal perçus les propos du candidat à la primaire républicaine. “C’est un raciste, il n’aime pas ceux qui parlent espagnol”, explique un homme à France 2. Les votes vont plus facilement vers le sénateur Marco Rubio, l’enfant du pays.

Des propos chocs

Né de parents cubains, il a fait de la Floride sa terre d’élection. “Trump, il n’est là que pour animer le grand cirque des médias, il n’est pas au niveau d’une présidentielle”, dénonce une partisane de Marco Rubio. Donald Trumps’est notamment fait remarquer après avoir tenu des propos forts sur les Mexicains. Selon lui, tous sont des criminels. Une phrase choc qui pourrait bien lui faire mal, en Floride, pour l’élection.

Source : France TV info, 15-03-2016

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Bref, comme tous les sondages donnaient Trump vainqueur par 20 points d’avance :

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Logiquement, FranceTv nous a pondu cet article.

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Totalement visionnaire quoi…

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Source: http://www.les-crises.fr/primaires-americaines-la-floride-attend-donald-trump-de-pied-ferme/


Michel Raimbaud contre les Etats voyous et les grandes voyoucraties

Sunday 20 March 2016 at 01:01

Le mardi 6 octobre 2015

Michel Rimbaud

Michel Rimbaud

Le point de vue de Michel Raimbaud, un ancien ambassadeur de France s’inscrivant dans la tradition de notre diplomatie gaullienne, nous a paru intéressant à faire connaître dans la situation actuelle.

On le savait déjà, il y a désormais deux camps dans la communauté des nations : celui du droit international œuvrant en faveur d’un nouvel ordre mondial multipolaire en gestation, et celui de l’hypocrisie et de l’arrogance qui cherche à préserver son hégémonie en installant le chaos partout où il rencontre de la résistance.

L’univers arabe et musulman et ses abords d’Afrique, d’Asie ou d’Europe sont le lieu d’une entreprise de destruction et d’asservissement conduite conjointement par l’empire atlantiste sous haute influence israélienne et ses clients islamistes radicaux. La Syrie est devenue le centre de gravité et l’enjeu d’une guerre inédite et perverse, mais aussi, pour ses promoteurs criminels, une cible emblématique.

La « mère de la civilisation », qui combat en première ligne les terroristes sauvages du soi-disant « Etat Islamique » et du front Al Nosra/al Qaida, est donc présentée comme « l’Etat voyou » par excellence par ceux-là mêmes qui financent, arment et soutiennent le gangstérisme sanglant des djihadistes. Dans nos « grandes démocraties », l’inversion des rôles est devenu si naturel que nul ne songe plus à s’en offusquer : c’est la base même du « false flag », omniprésent dans la narrative atlantiste.

L’Assemblée Générale des Nations Unies a consacré la journée du lundi 28 septembre dernier à la Syrie. Les puissants de ce monde ont utilisé cette tribune pour réaffirmer leurs positions sur l’interminable conflit. A la lumière des déclarations, il n’y a pas photo.

Obama dénonce la logique (russe) consistant à soutenir un « tyran » sous prétexte que l’alternative « serait pire ». Le tyran, c’est Bachar Al Assad, qui « massacre des enfants innocents ». Kerry, colombe repentie, précise : « Après tant de sang versé et de carnages, il ne peut y avoir un retour au statu quo d’avant la guerre ».

Le Nobel de la Paix ne manque pas d’air : s’il a peut-être apaisé les relations avec Cuba et anesthésié jusqu’à sa fin de mandat le dossier nucléaire iranien, s’il a renoncé aux « frappes punitives » en Syrie en raison de ses réticences et/ou devant la détermination de l’adversaire, il a allumé ou entretenu au moins autant de conflits que George Debeliou et il est à la tête d’un Etat responsable de la mort de millions d’enfants et d’adultes, de la destruction d’Etats et de sociétés entières, de dizaines de millions de vies brisées, sans même remonter aux centaines de milliers de victimes d’Hiroshima et Nagasaki.

Heureuse Amérique, bienheureuses « grandes démocraties », toujours sûres de leurs valeurs, plus souvent boursières que morales !

41ljf7j6i-l._sx340_bo1_204_203_200_-7db20Il faut le répéter, il n’appartient pas aux maîtres occidentaux, à Erdogan l’apprenti calife, ou aux potentats pétroliers, de prescrire l’avenir de la Syrie après l’avoir détruite : c’est au peuple syrien et à lui seul d’en décider, sans ingérence étrangère. C’est ce principe de souveraineté que rappelle le Président chinois, Xi Jin Ping, clamant haut et fort que l’ère unipolaire est révolue et que le monde est désormais multipolaire.

Vladimir Poutine se place lui aussi dans le cadre de la légalité internationale et soutient l’Etat syrien et son gouvernement, ainsi que « les forces armées du président Al Assad qui sont les seules à combattre réellement l’Etat Islamique”. Il propose une « large coalition antiterroriste » en Syrie et en Irak, dans laquelle les pays arabes « joueraient un rôle clé » et qui devrait inclure le gouvernement syrien et l’Iran, son allié. Les décisions du Président russe suscitent la colère des Occidentaux, qui ont refusé la résolution déposée au Conseil de Sécurité par le Kremlin. Ils sont agacés par la référence appuyée à un droit international qu’eux-mêmes traitent avec légèreté.

Pour perpétuer leur hégémonie, les dirigeants atlantistes avancent à l’ombre des faux drapeaux de la démocratie, de la justice, de la morale et du droit. Ils diabolisent les pays qui font obstacle à leurs ambitions en les reléguant dans la géhenne des Etats « préoccupants » ayant vocation à être dépecés en entités « démocratiques » à la mode de l’Oncle Sam : en bref, les « Etats voyous ». Ce concept a joué un rôle essentiel dans la stratégie américaine plusieurs décennies durant, et c’est en jouant de cet épouvantail que les Etats-Unis, encourageant leurs alliés à faire de même, ont violé et violent systématiquement le droit international.

Ce droit est fondé sur la Charte des Nations-Unies qui, dans son article 51, attribue au seul Conseil de Sécurité le pouvoir de prendre les mesures adéquates qu’il juge nécessaires au maintien de la paix et de la sécurité internationales « une fois constatée l’existence d’une menace contre la paix, d’une rupture de la paix ou d’un acte d’agression (…) ».

Mais les néocons de Washington se moquent de la légalité onusienne. Seules comptent « les menaces contre nos intérêts », qui sont le fait des « Etats voyous »et rendent nécessaires « des interventions militaires directes » et « le maintien de forces de projection considérables », particulièrement en direction du Proche-Orient. Pour ces faucons, le fondement du droit n’est pas la Charte de l’ONU, mais la Constitution américaine.

Selon Noam Chomski, « ce mépris de la primauté du droit est profondément enraciné dans la culture et les pratiques américaines ». Infiltrés au sein du « pouvoir profond », les néocons vont répandre chez les alliés occidentaux une idéologie dont le fondement reste simple : même si la guerre froide est terminée, les Etats-Unis conservent la responsabilité de protéger le monde face aux « Etats voyous ». En août 1990, Washington et Londres décrètent que l’Irak en est un, et ce ne sera que l’un des premiers d’une longue liste…

Une étude commandée en 1995 par le Strategic Command pose les « principes de base de la dissuasion dans l’après-guerre froide » : depuis que les Etats-Unis ont « remplacé l’Union soviétique par les Etats dits “voyous” », ils doivent projeter une image « irrationnelle et vindicative d’eux-mêmes », « certains éléments » du gouvernement apparaissant « comme potentiellement fous, impossibles à contrôler ». C’est une reprise de la « théorie du fou » de Nixon qui jugeait souhaitable que l’Amérique soit dirigée par « des cinglés au comportement imprévisible, disposant d’une énorme capacité de destruction, afin de créer ou renforcer les craintes des adversaires ».

Cette prose délirante justifie en quelque sorte la transformation des « grandes démocraties » en « voyoucraties », respectant les trois critères qui, selon l’un des « nouveaux historiens » israéliens, Avraham Shlaim, professeur émérite à Oxford, définissent l’Etat voyou, le « rogue state » des anglo-saxons :

C’est ainsi que Robert McNamara, ex-secrétaire américain à la défense (de 1961 à 1968), estime en juin 2000 (The International Herald Tribune) que les Etats-Unis sont devenus un « Etat voyou ». Noam Chomski fera de même au début des funestes « printemps arabes », constatant que son pays « se place au-dessus du droit international ».

A l’heure où le Grand-Moyen Orient est ravagé par l’extrémisme islamiste, patronné par les Occidentaux et leurs affidés régionaux, le débat sur l’éthique dans les relations internationales est pipé. Le conflit n’est plus entre un monde « libre »et un monde « totalitaire », mais entre les partisans du droit international et du respect mutuel entre nations et ceux qui se comportent en Etats voyous, guidés par la « théorie du fou » et la stratégie du « chaos innovateur ».

Conviction réelle pour les uns, leurre pour les autres, la référence au droit international n’a pas la même valeur pour les deux camps : les prêcheurs de guerre jouent avec l’idée d’un conflit mondial qui assurerait leur triomphe… sauf si l’équilibre militaire des forces rend leur victoire trop incertaine.

La Russie vient donc de bouleverser la donne en proposant sa « grande coalition » et en se lançant dans une lutte globale contre les terroristes, conformément aux résolutions du Conseil de Sécurité et à la demande du gouvernement de Damas, tout en recherchant une solution politique entre Syriens, en application de l’accord de Genève. C’est un pavé dans la mare où depuis un an s’ébat presque seule la coalition US, dont les frappes homéopathiques détruisent la Syrie sans beaucoup nuire aux terroristes de Da’ech. C’est un pas important en direction de la paix, conforme au droit international. Les Européens saisiront-ils la perche ?

On l’a entendu à la tribune onusienne, le représentant du « pays des lumières », François Hollande, est plongé tout entier dans ses menées obscures et nourrit une obsession pathologique qui a nom Bachar, lequel doit être « neutralisé » et exclu de toute transition politique : « On ne peut faire travailler ensemble victimes et bourreau. Assad est à l’origine du problème : il ne peut pas faire partie de la solution ».

Droit dans ses bottes tordues, le grand chef de guerre fait valoir qu’il n’est pas seul sur cette position intenable : « Barack Obama s’y refuse, d’autres dirigeants (on sait lesquels – NDLR) s’y refusent. Les Russes doivent en tirer les conséquences », conclut-il, impérial. Prend-on des gants avec le chef d’un « Etat-voyou » quand on est soi-même aussi populaire ?

Mou face aux problèmes de l’Hexagone, Hollande aura fait preuve d’un activisme forcené face à des affaires qui ne le regardent pas, le conflit de Syrie par exemple, où la France a déjà un bilan accablant : mauvaise évaluation de la solidité de l’État syrien, de la crédibilité de l’opposition offshore, appui inacceptable à la rébellion armée débouchant sur la couverture du terrorisme, obsession de « neutraliser »Bachar Al Assad, volonté manifeste de casser la Syrie rebelle et acharnement dans la destruction de son identité.

Qu’on le veuille ou non, notre pays est partie prenante dans l’entreprise criminelle et prédatrice de ses alliés atlantistes, de ses amis turcs, saoudiens et qataris et des mercenaires qu’ils instrumentalisent. Il est coresponsable du résultat : des millions de réfugiés, déplacés, sinistrés, morts et blessés, des millions de familles dispersées, de vies brisées, le démantèlement du patrimoine, des infrastructures, des entreprises…

Il aura aussi fait preuve d’une approche très floue de la légalité internationale et d’un certain déficit de cartésianisme, les terroristes étant traités en ennemis au Mali et « faisant du bon boulot » en Syrie.

Dans les grands dossiers de ce début de millénaire – la glissade du Moyen-Orient vers le chaos, la déstabilisation de l’ex-glacis soviétique grâce à la sollicitude de l’Occident – la France est affaiblie comme jamais et a perdu sa crédibilité, car elle est en divorce avec les acteurs qui comptent. Son hypocrite diplomatie compassionnelle lui attire le mépris. Les écarts de langage font le reste. Des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour réclamer le départ de Fabius, condition nécessaire mais non suffisante pour se refaire une virginité.

Fabius et Hollande étant ce qu’ils sont, on peut craindre que la France tarde à coopérer avec la Russie, l’Iran et la Syrie pour rétablir une paix juste et durable, dans le cadre d’un ordre mondial nouveau. Mais notre pays devra bien sortir de la triple impasse dans laquelle il s’est enfermé : l’entêtement à rester internationalement hors-la-loi devra céder la place à une politique plus décente et moins destructrice. En d’autres termes, il s’agira de reprendre son rôle traditionnel de faiseur de paix et non pas de fauteur de guerre.

Les citoyens des « grandes démocraties » finiront-ils par s’inquiéter de la dérive « voyoucratique » de leurs élites dirigeantes qui fait peu à peu de l’Occident arrogant une minorité honnie et haïe par le reste de la planète ? Comme on dit : ça urge.

 

Source: http://www.les-crises.fr/michel-raimbaud-contre-les-etats-voyous-et-les-grandes-voyoucraties/


« Pourquoi j’ai quitté le cabinet El Khomri » par Pierre Jacquemain

Sunday 20 March 2016 at 00:50

Source : L’Humanité, Cyprien Boganda, 29-02-2016

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Photo : capture d’écran Dailymotion

Proche conseiller de la ministre du Travail, Pierre Jacquemain a choisi de claquer la porte mi-février, pour marquer son désaccord avec le projet de loi El Khomri. Pour la première fois, ce jeune homme issu de la gauche radicale (il a été collaborateur de Clémentine Autain), raconte les raisons de sa démission.

Quel poste occupiez-vous auprès de la ministre du Travail ?

Pierre Jacquemain : J’étais en charge de sa stratégie publique: je préparais ses discours et ses entretiens avec la presse. J’étais sa « plume », si vous voulez… J’ai été recruté par Myriam El Khomri en mai 2015, à l’époque où elle était secrétaire d’Etat chargée de la politique de la Ville. C’est une militante de gauche que j’ai toujours respectée. Elle a fait un excellent travail en tant que secrétaire d’Etat, elle s’est battue pour obtenir des arbitrages favorables et mener une politique digne de ce nom. C’est pourquoi lorsque, trois mois plus tard, elle m’a proposé de la suivre au ministère du Travail, je n’ai pas hésité. C’est un beau ministère, qui s’est malheureusement détourné de sa mission première : défendre les salariés, dans un contexte économique troublé. Au départ, je pensais que je serai utile.

À quel moment avez vous déchanté ?

Pierre Jacquemain: J’ai peu à peu compris que nous perdions la bataille. En réalité, la politique du ministère du Travail se décide ailleurs, à Matignon. C’est le Premier ministre qui donne le ton. Après le rapport Combrexelle, Myriam El Khomri avait pourtant une grande ambition. Elle a mené une concertation fructueuse avec les partenaires sociaux, qui a débouché sur de réelles avancées. Malheureusement, aucune de ces avancées n’apparait dans le projet de loi final. Le compte personnel d’activité n’est qu’une coquille vide, qui n’est que l’agrégation de droits sociaux déjà acquis. Par ailleurs, à qui veut-on faire croire que la dématérialisation des fiches de paie est une grande avancée sociale ?

Comprenez vous le tollé provoqué à gauche par ce projet de loi ?

Pierre Jacquemain. Oui. Ce projet de loi est une erreur historique. C’est une régression en matière de droits sociaux, dans la mesure où de nombreux acquis des travailleurs pourront être renégociés à l’échelle des entreprises, où le rapport de force est systématiquement défavorable aux salariés. C’est un non sens économique, parce qu’il n’est pas prouvé que cette loi créera de l’emploi. C’est enfin un non sens politique: quand on se dit de gauche, quand on s’estime progressiste, je ne vois pas comment on peut soutenir un tel texte.

Source : L’Humanité, Cyprien Boganda, 29-02-2016

Source: http://www.les-crises.fr/pourquoi-jai-quitte-le-cabinet-el-khomri-par-pierre-jacquemain/


Revue de presse internationale du 20/03/2016

Sunday 20 March 2016 at 00:01

Cette semaine petite tricherie sous le thème “Médiathèque” avec un spécial bashing en VF pour être dans les délais de rediffusion vidéo : Trump et Poutine… comme par hasard mais qu’on évitera de mettre dans le même sac. Et pour continuer dans le name dropping, des papiers de Stiglitz et Varoufakis, et comme d’habitude quelques traductions. Bonnes écoute et lecture.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-internationale-du-20032016/


[Vidéo] Désinformation, Media et Conflits Contemporains

Saturday 19 March 2016 at 03:40

Conférence du 2 mars 2016 à Genève

Cette table ronde a pour objectif de se pencher sur la désinformation dans les médias quand ils traitent des conflits contemporains. M. Gyula Csurgai présentera les composantes et caractéristiques de la désinformation. M. Arnaud Dotézac parlera des nouvelles formes du mensonge d’Etat et Mme Hélène Richard-Favre fera le point sur l’information et la propagande. (Source : Club suisse de la presse)

Intervenants:

M. Gyula Csurgai

Directeur de l’Institut d’Etudes Géopolitiques de Genève

Composantes et caractéristiques de la désinformation

M. Arnaud Dotézac

Directeur des rédactions – Market magazine

Les nouvelles formes du mensonge d’Etat

Mme Hélène Richard-Favre

Ecrivain

Information et propagande

 Modérateur : M. Guy Mettan

Directeur du Club Suisse de la Presse

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Source: http://www.les-crises.fr/video-desinformation-media-et-conflits-contemporains/


Lettre de Pérez Esquivel à Obama

Saturday 19 March 2016 at 02:00

Source : ALAI, Adolfo Pérez Esquivel, 06/03/2016

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A Monsieur Barack H. Obama, 

Président des Etats-Unis d’Amérique

Reçois un fraternel salut de Paix et de Bien. 

Nous avons appris récemment que tu vas faire un voyage historique à Cuba et que bientôt tu viendras en Argentine pour resserrer des liens étroits de coopération avec le gouvernement récemment élu.

Nous suivons attentivement les avancées positives qui, grâce à l’intervention du Pape François, ont permis d’ouvrir les portes à l’espérance et au dialogue entre le peuple de Cuba et celui des Etats Unis.

Tu sais très bien qu’il reste encore un long chemin à parcourir pour parvenir à la levée du blocus de Cuba et à la fermeture de la base militaire que ton pays maintient à Guantanamo où l’on viole les droits humains des prisonniers, sans jugement et sans qu’il leur soit possible d’accéder à la liberté. Nous savons que des progrès ont été faits, malgré la forte opposition que tu rencontres dans le Congrès de ton pays.

Dans la lettre que tu m’as envoyée l’an dernier, tu as reconnu, à la différence de tous tes prédécesseurs, que ton pays viole les droits humains et tu as fait mention de ta volonté “d’en terminer avec ce chapitre de l’histoire des Etats-Unis”.

Il est important que tu saches que tu ne viendras pas en Argentine à n’importe quel moment. En1976, tu n’avais que 14 ans et ton pays fêtait les deux siècles de son indépendance; c’est alors qu’a commencé chez nous la période la plus tragique de toute notre histoire avec l’instauration d’un terrorisme d’état qui a soumis notre peuple à la persécution, à la torture, à la mort et aux disparitions forcées en lui enlevant son droit à la liberté, à l’indépendance et à la souveraineté.

C’est en tant que survivant de cette période d’horreur que je t’écris car, comme beaucoup d’autres, nous avons tous été victimes de persécutions, et condamnés à la prison et aux tortures, alors que nous défendions les droits humains face aux dictatures latino-américaines qu’avait imposé la “Doctrine de la Sécurité Nationale” et “l’Opération Condor”, toutes deux endoctrinées et financées sous la Coordination des Etats-Unis.

C’est pour cette lutte collective qu’on m’a attribué le Prix Nobel de la Paix que j’ai accepté au nom de tous les peuples d’Amérique Latine.

Tout ceci a eu lieu pendant que les Etats Unis formaient les Forces Armées latino-américaines dans les “Ecoles des Amériques” en leur enseignant les techniques de torture et de séquestration.

C’est alors qu’avec l’aide des élites locales, on pratiquait des politiques néo-libérales qui ont détruit les capacités productives du pays et ont imposé l’idée de la dette extérieure illégale et illégitime. Nous avons dénoncé cette façon d’agir tout en reconnaissant la solidarité du peuple des Etats-Unis et de quelques rares exceptions comme celle de l’ex-président Jimmy Carter et celle de Patricia Derian qui ont dénoncé cette façon d’agir de la dictature.

Tu viendras dans mon pays juste pour “le Jour National de la Mémoire pour la Vérité et la Justice”, le jour même des 40 ans du début de la dernière dictature génocidaire en Argentine et lors de l’année des 200 ans de notre indépendance nationale. Tu ne peux certainement pas ignorer que ton pays a encore beaucoup de dettes envers le nôtre ainsi d’ailleurs qu’envers beaucoup d’autres.

Si ton intention est de venir ici pour reconnaître au nom des Etats-Unis d’Amérique que ton pays a été complice des coups d’état du passé et du présent dans la région et pour annoncer qu’il va signer et ratifier le “Statut de Rome” et se soumettre à “la Cour Pénale Internationale”, ton pays ne sera plus le dernier pays d’Amérique à ne pas avoir encore ratifié la “Convention Américaine des Droits Humains”.

Si tu nous annonces que ton pays va fermer “l’Institut de Coopération pour la Sécurité Hémisphérique” (WHINSEC) et “l’Académie Internationale pour l’Accomplissement de la Loi” (ILEA), ces deux organismes imposés par l’Ecole des Amériques, et si tu nous dis que tu vas fermer les bases militaires US en Amérique Latine, alors, tu seras toujours le bienvenu en Argentine le jour où tu viendras.

Mais si tu viens avec l’intention de nous imposer les “Traités de Libre Commerce” pour défendre les privilèges des entreprises internationales qui dépouillent nos peuples ainsi que la Terre Mère, ou si tu viens pour avaliser les illégitimes réclamations des pays internationaux avec leurs “Fonds Vautour” ou “buitres” comme on les appelle ici, et qui prétendent nous spolier à travers la justice de ton pays. Ou si tu as l’intention de nous recommander la recette désastreuse de l’intervention des Forces Armées dans les affaires de sécurité intérieure sous le prétexte de la lutte contre le narcotrafic, tout en réprimant les mouvements populaires. Si c’est le cas, je ne peux que te rappeler les paroles du libérateur Simon Bolivar qui déjà nous alertait ainsi : “Les Etats-Unis paraissent destinés par la providence à infliger des misères à toute l’Amérique Latine au nom de la liberté”.

La puissance mondiale que tu représentes a toujours été et est encore derrière tous les essais de déstabilisation des gouvernements populaires de notre continent, particulièrement au Venezuela, en Equateur, en Bolivie, au Honduras et dans bien d’autres pays. A 200 ans de notre indépendance, je dois te dire que nous n’accepterons plus ni les anciens, ni les nouveaux colonialismes et que nous n’accepterons pas les nouveaux “Consensus de Washington” avec leurs réformes qui provoquent la faim et les exclusions.

Les peuples latino-américains, nous avons déjà mis en déroute le projet impérial de l’ALCA et nous affronterons aussi tous les nouveaux essais de semblables impositions.

Si ton intention n’est pas d’annoncer des réparations, pour éviter de nouvelles souffrances, alors, malheureusement ta visite sera reçue par la plus grande partie du peuple argentin comme un geste de provocation contre un axe central de notre identité nationale : la défense des droits humains et des droits des peuples.

Nous avons pour beaucoup d’entre nous fait très attention au communiqué officiel de ta visite qui annonce que tu viendras reconnaitre les contributions de Mauricio Macri (le président de l’Argentine) à la défense des droits humain dans la région. La première fois que Macri a défendu publiquement les droits humains, c’était en se référant à un autre pays qu’il ne connaissait pas, il parlait alors d’une manipulation contre le Venezuela qui banalisait les politiques des Droits Humains.

Nous espérons que cette précédente reconnaissance n’était pas une offensive déstabilisatrice de notre soeur la République Bolivarienne (proclamée par Chavez, l’ancien président du Venezuela).

Récemment le Venezuela a approuvé la “Loi Spéciale pour Prévenir et Sanctionner la Torture et les autres Traitements Cruels, Inhumains ou Dégradants” en augmentant les peines de ceux qui appliquent ces pratiques.

En Argentine nous sommes préoccupés par le fait que dans la seule année 2014, nous avons eu 6843 cas de tortures dans les prisons et que Macri, qui est actuellement notre président n’en a pas dit un seul mot. Ni avant, ni maintenant.

Les USA possèdent la plus grande quantité de prisonniers du monde (un prisonnier sur quatre est nord-américain) et de plus, ils ont des centres de détention et de torture dans bien d’autres pays comme l’a démontré l’information complète du “Programme de Détention et d’Interrogatoires de la CIA” du Congrès Nord-américain pour l’année 2014. Il est urgent pour nous de lutter contre ces pratiques dans le monde entier.

“La Paix est le fruit de la Justice” (c’est la devise du SERPAJ) et pour que cela devienne réalité, nous continuons tout au long de notre chemin, à nous engager auprès de ceux qui ont faim et soif de Justice pour garantir la pleine application des Droits des Personnes et des droits des Peuples, hier comme aujourd’hui. Ceci nous a permis en Argentine de juger et de faire condamner ceux qui ont commis des crimes contre l’humanité

Pour cela, il est important que tu saches que tous les 24 mars,(date du début de la dictature) aucun président ni aucune personnalité ne peut représenter le peuple argentin qui avec toute sa diversité s’est  toujours représenté lui-même à travers ses consignes et sa mobilisation pacifique dans toutes les rues et dans toutes les places du pays.

Comme l’a si bien fait remarquer le Pape François dans la “Rencontre des Mouvements Sociaux en Bolivie” : “Le futur de l’humanité n’est pas seulement entre les mains des grands dirigeants, des grandes puissances et des élites. Il est fondamentalement entre les mains des Peuples”.

 

Je vous réitère le salut de Paix et de Bien. 

 

Adolfo Pérez Esquivel
Prix Nobel de la Paix
Service Paix et Justice (SERPAJ
).

 

Source : ALAI, Adolfo Pérez Esquivel, 06/03/2016

Source: http://www.les-crises.fr/lettre-de-perez-esquivel-a-obama/


[Canada] Pourquoi Justin Trudeau nous fait “capoter”* ?

Saturday 19 March 2016 at 01:05

Le cri d’amour d’un ex-journal de gauche pour un libéral canadien

Alain Madelin est fait pour eux…

Source : Le Nouvel Obs, Celine Lussato, 10-03-2016

Le Premier ministre canadien, reçu ce jeudi à la Maison Blanche, soulève un enthousiasme proche de celui provoqué il y a quelques années par Barack Obama himself. Outre son charisme, c’est sa politique, à l’opposé de celle de nos dirigeants européens, qui séduit.

La photo fera date. C’est en effet la première fois en 19 ans qu’un Premier ministre canadien en visite officielle aux Etats-Unis est reçu à un dîner d’Etat à la Maison Blanche ce jeudi 10 mars. Smoking et robe de gala, sourires étincelants et poses décontractées devraient faire le tour du monde. L’engouement international pour Barack Obama, désormais dans la dernière année de son second mandat de président des Etats-Unis, n’est plus à souligner.

Celui pour Justin Trudeau ne cesse, lui, de progresser. Car si la popularité mondiale des premiers jours du mandat du jeune Premier ministre trouvait sa source, ne nous le cachons pas, essentiellement dans son physique avantageux, elle est bien davantage due aujourd’hui à ses premières décisions politiques, à contre-courant de la crispation identitaire et sécuritaire européenne.

Retour sur les cinq mesures qui font battre nos cœurs pour le libéral Justin Trudeau.

# Déchéance de nationalité

C’était une promesse de campagne et Justin Trudeau a tenu parole. Alors que la France veut constitutionnaliser la déchéance de nationalité, le premier ministre a supprimé cette sanction pour les binationaux condamnés pour actes de terrorisme ou crimes contre l’intérêt national.

“Tous les citoyens canadiens sont égaux devant la loi, qu’ils soient nés au Canada, aient été naturalisés au Canada ou possèdent une double citoyenneté”, a déclaré son ministre de l’Immigration John McCallum. “On ne peut faire son choix entre les bons et les mauvais Canadiens.”

# Accueil des réfugiés

“Sortis de l’avion ce soir en tant que réfugiés, ils ressortiront de l’aérogare en tant que résidents permanents au Canada avec un numéro de sécurité sociale, une carte de santé et une opportunité de devenir pleinement Canadiens”.

C’est ce qu’a déclaré Justin Trudeau en décembre dernier peu après l’atterrissage du premier avion militaire amenant au Canada des réfugiés syriens. Une déclaration qui a fait le tour du monde et forcé l’admiration des partisans d’un accueil de ces hommes et ces femmes qui fuient la guerre dans leur pays quand les chancelleries européennes ferment leurs frontières à double tour. “Le Premier ministre canadien Justin Trudeau vient juste de donner aux politiciens américains une leçon rafraîchissante de compassion”, avait alors titré le magazine “GQ“. Depuis, le Canada, qui a accueilli en 2015 26.000 réfugiés syriens a décidé de doubler ce chiffre pour le porter en 2016 à entre 51.000 et 57.000.

Lors de l'accueil des premiers réfugiés à l'aéroport (Sipa)

Lors de l’accueil des premiers réfugiés à l’aéroport (Sipa)

# Frappes en Irak

Le Canada s’illustre également dans la lutte contre Daech. L’armée canadienne a mis fin en effet aux bombardements du groupe armé État islamique (EI) en Irak et en Syrie. Outre que l’efficacité des frappes pour éradiquer l’EI a été remise en cause, celles-ci sont à l’origine de nombreux morts civils. Et ce désengagement n’en est toutefois pas un : Ottawa continue de soutenir ses alliés de la coalition internationale, mais en se consacrant d’abord et avant tout à des efforts de formation et d’aide humanitaire, dans le cadre d’une nouvelle approche.

Le gouvernement Trudeau entend ainsi tripler sa mission de formation et d’assistance aux forces de sécurité irakiennes et du personnel médical des Forces armées canadiennes offrira notamment de la formation à l’armée irakienne pour la prise en charge des blessés. La nouvelle approche prévoit aussi 840 millions de dollars en aide humanitaire au cours des trois prochaines années dont 270 millions pour améliorer les services de base offerts aux réfugiés (eau potable, éducation, santé, services d’hygiène, etc.).

# Droits des LGBTIQ

Si les droits des LGBTIQ (lesbiennes, gays, intersexuels ou queer) progressent lentement dans le monde, Justin Trudeau a, lui, fait de cette cause un engagement personnel et a annoncé sa prochaine participation à la Gay Pride de Toronto. Il a fait cette annonce sur Twitter en postant une photo de lui formant un cœur avec les mains sur un fond rose, avec le logo de l’événement. “Je suis très heureux de participer à nouveau, cette fois en tant que Premier ministre”, a-t-il déclaré. Justin Trudeau a déjà participé à cet événement mais c’est la première fois qu’un Premier ministre se déplace à une marche des fiertés au Canada.

Le directeur de l’événement de Toronto s’est déclaré très heureux :

“Non seulement parce qu’il est probablement le politicien le plus sexy du monde, mais aussi parce qu’aucun dirigeant d’un pays n’a encore participé à une parade (…) C’est une belle façon d’entrer dans l’histoire”.
A la marche des Fiertés de Toronto en 2015 (Sipa)

A la marche des Fiertés de Toronto en 2015 (Sipa)

# Légalisation du cannabis

Autre promesse électorale que le Premier ministre canadien souhaite tenir durant son mandat, et autre sujet éminemment polémique : la légalisation de la marijuana. Lors d’une rencontre publique fin décembre, Justin Trudeau a même évoqué la possibilité de mettre en place une telle mesure rapidement, en 2016 ou 2017. “L’important pour moi, c’est de le faire comme il faut”, a-t-il répondu à une jeune fille de 15 ans qui l’interrogeait sur sa promesse. Il a d’ailleurs confié le dossier début 2016 à un ancien chef de la police de Toronto, élu sous la bannière libérale lors des dernières élections fédérales. Affaire en cours.

Céline Lussato

Source : Le Nouvel Obs, Celine Lussato, 10-03-2016

Source: http://www.les-crises.fr/canada-pourquoi-justin-trudeau-nous-fait-capoter/


Revue de presse du 19/03/2016

Saturday 19 March 2016 at 00:50

La sélection de la semaine avec notamment du nucléaire un peu partout ; Europe, du Brexit au Frexit ; la Russie de maîtres à élèves ; la belle entourloupe fiscale des USA ; Madame Cosse qui s’accroche et un repas cher surtout pour ceux qui n’y sont pas. Merci à nos contributeurs.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-19032016/


Pourquoi les Occidentaux doivent faire de la Turquie un allié, par Jean-Sylvestre Mongrenier

Friday 18 March 2016 at 03:00

Le collabo du jour…

Source : Challenges, Jean-Sylvestre Mongrenier, 18-02-2016

Pour le géopolitologue Jean-Sylvestre Mongrenier, les pays occidentaux doivent considérer la Turquie comme un véritable partenaire et allié.

Turquie Burhan Ozbilici/AP/SIPA

Turquie Burhan Ozbilici/AP/SIPA

L’offensive russo-chiite contre les groupes syriens opposés à Bachar Al-Assad et les bombardements d’Alep ont provoqué de nouvelles vagues de réfugiés qui se précipitent sur la frontière turco-syrienne. L’opération militaire en cours et l’éradication des forces tierces, entre le régime de Damas et l’« Etat islamique », pourraient mettre sur les routes des centaines de milliers de personnes. En regard des réalités humaines et géopolitiques, la virulence des critiques à l’encontre du gouvernement turc appelle une réflexion d’ensemble.

Voilà en effet un pays, qui accueille 2,6 millions de réfugiés syriens, accusé ne pas ouvrir immédiatement ses frontières aux malheureux fuyant les bombardements russes et la politique de la terre brûlée, inspiré par le précédent tchétchène. Simultanément, il lui est reproché de ne pas fixer ces populations sur place, afin de préserver l’Europe de nouvelles arrivées. De surcroît, les « aficionados » de Poutine et Assad remettent en cause le principe même d’une aide de l’Union européenne (UE), pour permettre à la Turquie de faire face à ce drame de grande ampleur, au risque de déstabiliser ce pays clef sur le plan géopolitique. Mais peut-être est-ce là l’effet recherché, sans claire conscience de toutes les conséquences pour l’Europe.

Une puissance de statu quo

Outre le fait qu’il est simultanément demandé à la Turquie d’ouvrir grand ses frontières à l’Orient et de les cadenasser à l’Occident, d’aucuns expliquent que la question kurde relève du fantasme géopolitique. Au prétexte que les Kurdes combattent l’« Etat islamique », mais aussi les groupes rebelles non djihadistes, les dirigeants turcs devraient abandonner toute préoccupation quant à l’intégrité territoriale de leur pays, objectivement menacée par les développements de la situation. Enfin, il leur faudrait fermer les yeux sur les violations répétées de leur espace aérien par l’aviation russe. A ces conditions seulement, la Turquie pourrait être considérée comme un bon allié de l’Occident. Autisme stratégique ou mauvaise foi patentée?

D’autres vont plus loin. Ils suggèrent que la politique « néo-ottomane » de Recep. T. Erdogan et l’interférence dans les affaires syriennes seraient à l’origine de la guerre en Syrie et du chaos qui menacent le Moyen-Orient dans son ensemble. Il faut ici rappeler que ce néo-ottomanisme, théorisé par Ahmet Davutoglu, aujourd’hui Premier ministre, ne recouvrait pas une politique étrangère bien définie. Il s’agissait d’une rhétorique liée à la poussée commerciale turque sur les marchés voisins, doublée de manœuvres dans les interstices du statu quo régional, pour y développer l’influence de la Turquie. N’y voyons donc pas un grand complot ourdi en collaboration avec les Etats du golfe Arabo-Persique et les Frères musulmans: tout comme l’Arabie Saoudite, la Turquie est au plan international une puissance conservatrice (un status quo power), bousculée par les effets du « Printemps arabe », qui réagit plus qu’elle n’agit.

Quant à la Syrie, c’est la répression sanglante du pouvoir qui décida la rupture du « partenariat stratégique » développé dans la seconde moitié des années 2000. Les dirigeants turcs et syriens multipliaient alors les rencontres et affirmaient vouloir conjuguer leurs efforts, afin de fonder un grand marché commun moyen-oriental possiblement élargi à l’Iran (les puissances occidentales s’en inquiétaient). Il aura fallu cinq mois de répression sanglante et de vains appels d’Erdogan à son « frère », Bachar Al-Assad, pour que le premier ministre turc prenne enfin  acte de la situation et se mette dans le sillage des puissances occidentales, elles-mêmes à la remorque des événements.

Obsédées par les erreurs commises en Irak, ces puissances se préoccupaient plus du « jour d’après » (voir la mise sur pied du Conseil national syrien, en septembre 2011) que de mettre en place d’une zone d’exclusion aérienne en avant des frontières turques, destinée à l’abri des réfugiés et des groupes rebelles. Sur le terrain, leur soutien aura été minimal et elles n’auront pas véritablement œuvré à la chute du tyran de Damas. Nous subissons aujourd’hui les conséquences des atermoiements des gouvernements occidentaux en général, de l’Administration Obama en particulier, l’actuel président des Etats-Unis abandonnant les conflits syro-irakiens à son successeur (si les développements de la situation lui en laissent la possibilité).

A rebours de ceux qui préconisent la liquidation des alliances occidentales dans la région, laissant place à un axe géopolitique russo-chiite dominant le Moyen-Orient, il nous faut insister sur l’importance de la Turquie comme alliée et partenaire de l’Occident. La chose est évidente dans le domaine de l’immigration et de la crise des réfugiés: les Européens ne pourront prétendre reprendre le contrôle des flux migratoires sans une forte coopération avec Ankara, et cela aura un coût financier. Le poujadisme n’est pas une option stratégique et le « chacun pour soi » conduit à l’impasse: lorsque les réfugiés arrivent à nos frontières, il est déjà trop tard pour réagir.

Un nécessaire soutien occidental

Au plan géopolitique, la Turquie est un pont énergétique avec le bassin de la Caspienne, et le « corridor méridional » (le réseau de gazoducs entre Europe et Azerbaïdjan) contribuera à la sécurité énergétique de l’Europe, en diversifiant les fournisseurs de gaz. Comparable à un « balcon nord » qui surplombe la Méditerranée orientale et le Moyen-Orient, ce pays est aussi riverain de la mer Noire. Il fait face à la Russie de Poutine qui transforme la Crimée, qualifiée de « bastion méridional », en une plate-forme géostratégique utilisée afin de projeter forces et puissance dans le bassin pontico-méditerranéen (voir l’engagement militaire russe en Syrie).

Bref, la Turquie retrouve la fonction de flanc-garde qui était la sienne pendant la Guerre Froide – l’hostilité de Poutine à son encontre, décuplée depuis qu’un bombardier russe a été abattu par des F-16 turcs, le 24 novembre 2015, en témoigne -, et elle constitue un Etat-tampon, confronté aux ondes de choc en provenance du Moyen-Orient, une région menacée de déflagration générale. L’éventuelle faillite de l’Etat turc, au sens de Failed State, constituerait une catastrophe géopolitique pour l’Europe, dès lors privée d’« amortisseur » sur ses frontières sud-orientales. Les contempteurs de la Turquie en sont-ils conscients?

En conséquence, le soutien à la Turquie ne doit pas être compté. L’initiative germano-turque visant à déployer des navires de l’OTAN en mer Egée, pour lutter contre les passeurs, est heureuse ; plus encore le fait que les Alliés se soient accordés sur cette question (Bruxelles, le 11 février 2016). L’opération viendra compléter le « plan d’action commun » et le dispositif financier (un fonds de 3 milliards d’euros) négocié entre l’UE et Ankara, le 29 novembre 2015, qui reste à mettre en place.

A l’encontre des manœuvres russes visant à impressionner la Turquie, la présence militaire renforcée des Alliés sur le territoire turc, et dans ses eaux, devrait matérialiser les garanties de sécurité apportées par l’OTAN: il ne faudrait pas que Moscou s’y trompe et sous-estime la force de l’article 5 du traité de l’Atlantique Nord. En revanche, le redémarrage des négociations sur l’adhésion de la Turquie à l’UE laisse circonspect. L’islamo-nationalisme de l’AKP et les atteintes à l’Etat de droit d’une part, la fragilité du Commonwealth paneuropéen et l’état d’esprit général de l’autre, rendent invraisemblable une telle perspective.

A l’évidence, la pratique des « ambiguïtés constructives » n’est plus de mise et les doubles discours sur la relation turco-européenne alimentent l’anti-européisme. Il nous faut donc sortir du « tout ou rien », et explorer la voie d’un partenariat géopolitique de haut niveau, fondé sur la claire conscience des intérêts mutuels. Au vrai, les Turcs eux-mêmes pensent-ils encore pouvoir entrer dans l’UE? Le veulent-ils seulement? La candidature d’Ankara est surtout utilisée comme un moyen de pression sur Bruxelles et les capitales européennes (à charge pour elles de résister).

Dans le présent contexte géopolitique, la logique de guerre froide qui est à l’œuvre dans l’Est européen (la « guerre hybride » en Ukraine, la situation en Moldavie et la pression russe sur les Baltes) s’étend au Moyen-Orient, et l’Occident doit pouvoir maintenir de solides points d’appui régionaux. Encore faut-il savoir prendre en compte les intérêts de ses alliés et faire preuve d’empathie stratégique. A défaut, on mettrait en péril les alliances et ouvrirait la voie à de dangereuses puissances révisionnistes, avec d’inévitables chocs en retour et de graves conséquences géopolitiques.

Par Jean-Sylvestre Mongrenier, chercheur à l’Institut Thomas Morev

 

Source : Challenges, Jean-Sylvestre Mongrenier, 18-02-2016

Source: http://www.les-crises.fr/pourquoi-les-occidentaux-doivent-faire-de-la-turquie-un-allie-par-jean-sylvestre-mongrenier/


J’ai révélé la vérité sur le président Erdoğan et la Syrie. C’est pour cela qu’il m’a mis en prison, par Can Dündar

Friday 18 March 2016 at 02:00

Source : The Guardian, le 28/12/2015

Le régime turc a non seulement fait entrer clandestinement des armes en Syrie, mais a utilisé l’excuse de la « sûreté d’État » pour emprisonner les journalistes qui l’ont rapporté.

Le President Erdogan

‘Le Président Recep Tayyip Erdoğan ne pouvait réfuter l’article ; au lieu de cela, il a donc choisi de censurer la publication et de menacer le journaliste responsable, qui n’était autre que moi.’ Photographe : Kayhan Ozer/AP

En Turquie, un débat aussi vieux que le gouvernement lui-même revient à l’ordre du jour. Cette fois, c’est le transfert secret d’armes par le gouvernement turc vers la Syrie qui a relancé le sujet.

Au début de l’année 2014, un camion considéré comme appartenant au service de renseignement turc (MIT) fut arrêté près de la frontière syrienne. La gendarmerie et les agents secrets qui contrôlaient le convoi dégainèrent leurs armes les uns contre les autres. Là, les deux factions rivales dans le contrôle de l’État se trouvèrent face à face. Le camion fut fouillé. Sous un camouflage de boîtes de médicaments, on trouva des armes et des munitions. Le camion fut retenu un moment, mais un passage sécurisé lui fut octroyé vers la Syrie, à la suite de l’intervention des autorités gouvernementales.

Le gouvernement a immédiatement limogé le procureur et les gendarmes qui ont intercepté le convoi, et les a arrêtés. Il fut déclaré que les camions contenaient de l’aide humanitaire. Cet événement, qui a alimenté les craintes que le gouvernement du président Recep Tayyip Erdoğan ne soit en train d’intervenir dans la guerre civile en Syrie, a rapidement été étouffé.

Malgré cela, en mai 2015, Cumhuriyet, le quotidien dont je suis rédacteur en chef, se procura les enregistrements de cet événement. On y voyait clairement que le camion était chargé d’armes. Ainsi était-il avéré que le service de renseignement faisait illégalement passer des armes à la guerre civile qui faisait rage dans un pays voisin. C’était une information très importante. On a alors publié des détails de l’opération, avec des photos, et on a mis la vidéo sur notre site.

Erdoğan était dans le pétrin. Il ne pouvait pas réfuter le reportage, alors il a choisi de censurer le journal et de menacer le journaliste responsable, c’est-à-dire moi. Dans une émission en direct sur une chaîne de télé d’État, il a dit : “La personne qui a écrit cet article le paiera cher ; je ne le laisserai pas s’en tirer impuni.” Il ajouta que l’enregistrement vidéo était un “secret d’État”, et le fait de le publier un “acte d’espionnage”. De surcroît, comme pour confirmer que ce n’était pas un secret d’État mais son secret à lui, il déposa une plainte en son nom au bureau du procureur.

La peine qu’il exigeait pour moi était la double perpétuité – pour “trahison” et pour “acquisition et publication d’information confidentielle, dans le but d’espionner”. Cela annonça l’arrestation de ceux d’entre nous qui avons conscience que les désirs du président de la République sont considérés comme des ordres par les juges de la cour criminelle. Aussi, le 26 novembre, j’ai été arrêté en même temps que Erdem Gül, le chef de notre bureau d’Ankara, qui avait publié le rapport de gendarmerie “Oui, les camions avaient des armes”. Dix jours à peine avant mon arrestation, j’avais reçu de Reporters Sans Frontières un prix de la liberté de la presse, pour Cumhuriyet.

A la suite de critiques sur les arrestations, de la part d’organisations de la presse et des droits de l’homme tant en Turquie qu’à l’étranger, le ministre de la Justice déclara que “la sécurité est un domaine sensible pour tout pays” et cita en exemples les cas de Julian Assange et d’Edward Snowden. L’ambassadeur des E-U en Turquie réagit en déclarant : “Nous pourchassons ceux qui ont divulgué une information, pas ceux qui l’ont publiée.”

Ce commentaire a constitué un nouveau coup pour le régime oppressif d’Erdoğan, qui a dégringolé dans le classement de la liberté de la presse. Il a aussi suscité des questions, qui avaient de temps à autres fait surface à l’occasion de nombreux scandales, de l’affaire Iran-Contra au Watergate, des “papiers du Pentagone” [7000 pages du document United States-Vietnam Relations, 1945-1967: A Study Prepared by the Department of Defense, révélées par Ellsberg, Chomsky, Zinn et Russo via le New-York Times en 1971, NdT] à l’affaire Clive Ponting [celui-ci révéla que le navire argentin “Belgrano” avait été coulé pendant la guerre des Malouines en mai 1982 alors même qu’il quittait la zone de combat, NdT]. Quand les besoins de sécurité d’un pays entrent en contradiction avec le droit du public à être informé, où est la priorité ? Est-ce qu’une menace pour la sécurité peut donner une bonne excuse aux tentatives gouvernementales de museler la presse ? Quand le tampon “Secret d’État” jette un voile sur les sales transactions des administrations, un journaliste n’a-t-il pas le devoir de les mettre au jour ? Qui doit déterminer quelles actions servent au mieux les intérêts de la société ?

En tant que journaliste détenu en isolement dans une prison d’Istanbul, accusé d'”espionnage”, j’ai tenté de trouver des réponses à ces questions. Je parviens à la conclusion qu’aucun tampon “Secret d’État”, et qu’aucun motif de “sécurité nationale” ne justifie un crime d’État. Aussi me défendrai-je en reprenant ces mots de Winston Churchill : “La loi sur les secrets officiels a été conçue pour protéger la Défense nationale… et ne devrait pas être utilisée pour protéger des ministres qui ont fortement intérêt à titre personnel à dissimuler la vérité.”

Source : The Guardian, le 28/12/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/jai-revele-la-verite-sur-le-president-erdogan-et-la-syrie-cest-pour-cela-quil-ma-mis-en-prison-par-can-dundar/