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Crise du capitalisme : André Gorz avait tout compris

Friday 12 June 2015 at 02:21

Tribune. Cinq ans après la mort de ce grand penseur de l’écologie politique, il est temps de réaliser qu’il avait prévu les crises que nous traversons, et peut nous aider à en sortir. Par Christophe Fourel et Olivier Corpet.

Né en 1923 à Vienne (Autriche) d’un père juif et d’une mère catholique, naturalisé français en 1954 sous le nom de Gérard Horst, ANDRE GORZ fut placé dans une pension en Suisse au moment de l’envahissement de l’Autriche par l’Allemagne nazie. Il rencontra Jean-Paul Sartre en 1946 venu faire une conférence à Genève. Ce fut le début d’une longue proximité au point que Gorz devint l’un des principaux animateurs de la revue “Les Temps Modernes” au début des années 60. En 1958, il fit paraître “Le Traître”, autobiographie existentielle préfacée par Sartre. André Gorz devint ensuite un intellectuel très écouté dans les milieux syndicaux, parfois davantage en Allemagne et en Scandinavie qu’en France. Journaliste sous le pseudonyme de Michel Bosquet à “L’Express”, puis au “Nouvel Observateur”, dont il fut l’un des fondateurs, il développa, sous la double influence d’Ivan Illich, de Herbert Marcuse, et des approches théoriques de l’École de Francfort, les premières bases de l’Écologie Politique. Sa dernière œuvre publiée de son vivant, “Lettre à D.”, retrace son histoire et dit publiquement tout son amour à sa femme Dorine – avec qui il avait conclu un pacte de fidélité qui les mena jusqu’à leur suicide commun en septembre 2007. Les archives d’André Gorz sont conservées à l’IMEC. (©Fonds André Gorz / Archives IMEC)

Penser la sortie du capitalisme avec André Gorz

Il y a cinq ans, le lundi 24 septembre 2007, une dépêche de l’AFP annonçait en fin d’après-midi que le philosophe André Gorz s’était suicidé en compagnie de sa femme. La nouvelle était presque passée inaperçue, même si le suicide d’un couple «main dans la main» n’est pas chose banale. Ce qui l’était encore moins, c’est qu’André Gorz avait eu la délicatesse de laisser entrevoir cette issue à ses lecteurs un an auparavant.

«Nous aimerions chacun ne pas avoir à survivre à la mort de l’autre», écrivait-il à l’automne 2006 dans «Lettre à D.» (éd. Galilée), cette longue et poignante lettre d’amour où Gorz disait toute sa reconnaissance à celle qui vivait à ses côtés depuis près de soixante ans. L’expression publique d’une telle gratitude d’un homme pour sa femme est suffisamment rare pour être une fois encore soulignée. On ne peut lire ce texte sans en être bouleversé. Il révélait aussi à cette occasion leur itinéraire et leur histoire peu ordinaires. Deux êtres déchirés et déracinés que les «blessures originaires» allaient conduire à s’unir jusque dans la mort. Sans elle, disait-il, il n’aurait pas pu assumer sa propre existence. Sans elle, le philosophe et le théoricien de la critique sociale qu’il fût n’aurait jamais produit son œuvre.

Or, il est fondamental de revenir sur l’œuvre d’André Gorz aujourd’hui. L’acuité de sa pensée, la perspicacité de ses analyses nous sont bien utiles alors que notre société est confrontée à une crise sans précédent. Celle-ci nous empêche d’entretenir un rapport clairvoyant avec notre futur. Les campagnes électorales du printemps ont été éloquentes à ce sujet. Nous semblons attendre misérablement de l’avenir qu’il nous restitue le passé. «Rendez-nous les frontières!»«rendez-nous la monnaie!», semblait clamer l’opinion. «Rendez-nous le capitalisme industriel!» qui permettait, bon an mal an, que le «prolétariat», dans son rapport de force avec le capital, obtienne quelques avancées. «Rendez-nous la société salariale!» dans laquelle les classes moyennes finissaient par s’épanouir. Etc.

Pour Gorz, il faut oser rompre avec cette société qui meurt et qui ne renaîtra plus. L’enjeu n’est pas la sortie de la crise. Pour lui, ce qui se joue désormais est bien la sortie du capitalisme lui-même. La crise financière actuelle, la crise du travail et la crise écologique forment un tout: elles traduisent l’épuisement du système économique dominant. Il n’est pas possible de les séparer ni de les hiérarchiser. Le capital semble avoir approché au plus près son rêve: celui de faire de l’argent avec de l’argent. Mais la menace d’effondrement du système est telle désormais que tout semble possible, le pire comme le meilleur. Il y a potentiellement, pour André Gorz, une «sortie barbare» ou une «sortie civilisée» du capitalisme. Seuls nos choix collectifs décideront de la forme qu’elle prendra et du rythme auquel elle s’opérera.

«On a beau accuser la spéculation, les paradis fiscaux, l’opacité et le manque de contrôle de l’industrie financière, la menace de dépression, voire d’effondrement qui pèse sur l’économie mondiale, n’est pas due au manque de contrôle; elle est due à l’incapacité du capitalisme de se reproduire. Il ne se perpétue et ne fonctionne que sur des bases fictives de plus en plus précaires. Prétendre redistribuer par voie d’imposition les plus-values fictives des bulles (spéculatives) précipiterait cela même que la crise financière cherche à éviter: la dévalorisation de masses gigantesques d’actifs financiers et la faillite du système bancaire.» (Revue «EcoRev’», automne 2007).

Parues dans son ultime texte, plus d’un an avant la faillite de la banque Lehman Brothers, ces phrases prennent cependant un relief plus saisissant encore lorsqu’on les met en regard des propos tenus par Gorz dans un entretien du début des années 1980:

«En ce qui concerne la crise économique mondiale, nous sommes au début d’un processus long qui durera encore des décennies. Le pire est encore devant nous, c’est-à-dire l’effondrement financier de grandes banques, et vraisemblablement aussi d’États. Ces effondrements, ou les moyens mis en œuvre pour les éviter, ne feront qu’approfondir la crise des sociétés et des valeurs encore dominantes» (*).

Vous avez bien lu. Qui pouvait seulement imaginer de tels scénarios il y a trente ans? «Cassandre!» s’écrieront certains. Pas du tout. Ce registre n’aura jamais été celui d’André Gorz. Pour s’en convaincre, quelques lignes supplémentaires de ce même entretien suffiront: «Pour éviter tout malentendu : je ne souhaite pas l’aggravation de la crise et l’effondrement financier pour améliorer les chances d’une mutation de la société, au contraire: c’est parce que les choses ne peuvent pas continuer comme ça et que nous allons vers de rudes épreuves qu’il nous faut réfléchir sérieusement à des alternatives radicales à ce qui existe.»

S’agissant de la crise écologique, qu’il avait anticipée dès le début des années 1970, il aurait aussi pu trouver une certaine satisfaction à voir confirmées ses prédictions. Mais l’écologie était, à ses yeux, inséparable d’une perspective de transformation des rapports sociaux visant l’abolition d’une organisation sociale qui poursuit la croissance pour la croissance.

Au moment où il écrivait ces lignes, la critique d’André Gorz semblait excessive; mais aujourd’hui, ne sommes-nous pas invités à y porter plus d’attention?

La gauche peine en effet à redonner une boussole à une société désorientée. L’exercice n’est pas facile et les obstacles semblent défier l’imagination. La «sortie barbare»? Nous pouvons déjà nous en faire une idée: elle prévaut dans certaines régions d’Afrique dominées par des chefs de guerre, les massacres et les trafics d’êtres humains. Pour en connaître les prolongements, il suffit, nous disait André Gorz, de revoir la série «Mad Max», ce film australien de George Miller, dont le premier épisode paru en 1979 était, selon lui, un récit d’anticipation.

Pour éviter un tel scénario, il nous faut élaborer une vision d’un avenir qui soit désirable par le plus grand nombre. Ce patient travail consiste avant tout à reconstruire ce que Gorz appelait «une culture du quotidien», c’est-à-dire des relations sociales et un milieu social qui favorisent le respect et l’entretien du bien commun. Car les évolutions des dernières décennies font que nos concitoyens ne se sentent nulle part chez eux.

Ils ne se sentent plus chez eux dans leur travail (quand ils ont la chance d’en avoir un), de plus en plus synonyme de pression et de menaces permanentes; ils ne sentent plus chez eux dans leur quartier, qui ne correspond bien souvent ni à la localisation de leur emploi, ni à celle où ils consomment et peuvent se distraire; ils ne se sentent plus chez eux dans leur rapport aux institutions puisque celles-ci leur apparaissent comme des machineries toujours plus complexes dont ils ne subissent que les contraintes sans pouvoir en percevoir le sens. On pourrait d’ailleurs étendre cette litanie à l’échelle de la planète toute entière, puisque même la terre leur semble de moins en moins habitable!

Bref, comme le soulignent avec pertinence les réflexions récentes de Patrick Viveret ou d’Alain Caillé sur le «convivialisme», l’issue de la crise de société que nous subissons depuis des décennies doit être cherchée dans à la fois moins de marché, moins d’Etat et plus d’échanges qui ne sont commandés ni par l’argent, ni par l’administration mais fondés sur des réseaux d’aide mutuelle et les initiatives de la société civile organisée.

Dans un texte de 2005, retrouvé dans ses archives laissées à l’Imec (Institut Mémoires de l’édition contemporaine), Gorz s’interrogeait sur le processus de vieillissement, celui des personnes comme celui des sociétés. «Le vieillissement, écrivait-il, gagne les sociétés de la même façon que les individus sociaux: par l’engluement dans une pratico-inertie de plus en plus encombrante. Les recommencements, les changements de cap, les refondations ‘‘radicales’’ sont interdites aux sociétés vieillies par la complexité pesante de leur machinerie et la nature de leurs connaissances. Elles ne sont plus capables de se penser par l’union de tous leurs membres ni de se projeter vers un avenir commun à tous.»

Puis il ajoutait un peu plus loin: «Nous savons que le moment est proche où le dernier quintal de combustible fossile sera consommé; que notre mode de vie n’est ni généralisable ni durable; et qu’il faudra inventer une civilisation planétaire radicalement nouvelle. Sciemment ou non, nous sommes en rupture avec notre passé. Nous sommes moins vieux que quarante ans plus tôt, et beaucoup plus jeunes par notre conviction qu’“un autre monde est possible”»(*).

Déjà, en 1983, dans «Les Chemins du paradis» (éditions Galilée), alors que la jeunesse avait largement contribué à porter la gauche au pouvoir, André Gorz nous poussait à l’imagination: «Il est des époques où, parce que l’ordre se disloque, ne laissant subsister que ses contraintes vidées de sens, le réalisme ne consiste plus à vouloir gérer ce qui existe mais à imaginer, anticiper, amorcer les transformations fondamentales dont la possibilité est inscrite dans les mutations en cours.»

Certes, envisager une autre économie, d’autres rapports sociaux, d’autres modes de production, et d’autres façons de vivre passe pour «irréaliste», comme si la société de la marchandise, du salariat et de l’argent était indépassable. «En réalité, disait-il, une foule d’indices convergents suggère que ce dépassement est déjà amorcé.» Gorz ne disait pas que ces transformations se produiraient. Il disait seulement que, pour la première fois, nous pouvons vouloir qu’elles se réalisent. C’est la raison pour laquelle il soutenait depuis longtemps les initiatives de l’économie solidaire. C’est pourquoi aussi il suivait attentivement les actions des hackers et le développement des «logiciels libres», capables, selon lui, de miner à la base le capitalisme en menaçant les monopoles. Pour Gorz d’ailleurs, «la lutte engagée entre les logiciels propriétaires et les logiciels libres a été le coup d’envoi du conflit central de notre époque. Il s’étend et se prolonge dans la lutte contre la marchandisation des richesses premières.»

Avant de nous quitter il y a cinq ans, en compagnie de Dorine et à l’âge de quatre-vingt-quatre ans, André Gorz affirmait que la sortie du capitalisme avait déjà commencé. Dans un même élan, il nous invitait à engager sans tarder «la sortie civilisée du capitalisme». Ce qu’on pourrait appeler «le scénario Gorz»…

Christophe Fourel est auteur (dir.) de «André Gorz, un penseur pour le XXIème siècle» (La Découverte). Olivier Corpet est directeur de l’Institut Mémoires de l’Edition Contemporaine (IMEC). 

(*) Le texte de cet entretien est reproduit dans «André Gorz, un penseur pour le XXIème siècle» (La Découverte).

A l’initiative de l’Imec et de la Revue du MAUSS, et avec le soutien deMediapart, du Nouvel Observateur, d’Alternatives Economiques, de NonFiction.fr et de Reporterre.net, un colloque sur l’actualité de la pensée d’André Gorz se tient les 15 et 16 novembre prochain à Montreuil (93) et le 17 novembre à l’Abbaye d’Ardenne, à Caen (14). Renseignements et inscriptions: www.imec-archives.com; 02.31.29.37.37.

Source : Christophe Fourel et Olivier Corpet, pour BibliObs/L’Obs, le 3 octobre 2012.

Source: http://www.les-crises.fr/crise-du-capitalisme-andre-gorz-avait-tout-compris/


Si Rémi Fraisse n’avait pas manifesté, il ne serait pas mort : la nouvelle logique de la répression étatique

Friday 12 June 2015 at 00:10

La commission parlementaire sur le maintien de l’ordre aboutit à des propositions faisant reculer le droit de manifester et couvrant les pratiques dangereuses des forces de police.

La dégradation continue de l’esprit démocratique se poursuit avec un cynisme ahurissant. Après l’émoi qu’avait causé l’homicide d’un manifestant écologiste, Rémi Fraisse, en octobre 2014, par une grenade lancée par un gendarme, une commission d’enquête parlementaire a été créée en décembre. Son titre : « Commission d’enquête sur les missions et modalités du maintien de l’ordre républicain dans un contexte de respect des libertés publiques et du droit de manifestation ». La motivation en était de comprendre comment les forces de l’ordre avaient pu tuer un manifestant et comment changer les modalités de leur action pour éviter de tels drames – que complète, hélas, le nombre croissant de manifestants blessés gravement par les projectiles policiers.

Ce rapport a été présenté le 21 mai (il ne sera publié que dans quelques jours sur le site de l’Assemblée nationale). Mais que dit-il ? Par un stupéfiant retournement de raisonnement, les députés qui l’ont adopté ont ciblé essentiellement les manifestants. Et leur principale proposition est de créer une interdiction de manifester pour les personnes signalées par les services de renseignement comme « individus connus en tant que casseurs violents ».

Sans jugement, les policiers seraient ainsi autorisés, avant tout acte donc tout délit, à empêcher telle ou telle personne de participer à une manifestation – un droit pourtant inscrit dans la Constitution et constitutif des libertés publiques. Par exemple, comme l’a indiqué le préfet de police de Paris, Bernard Boucault, lors de son audition« de les attendre à la gare et de les interpeller ». Croisées avec la loi sur le renseignement récemment adoptée, ces méthodes ouvrent la voie à une interdiction de manifester pour toute personne qui sera jugée indésirable, sur des critères incertains, par les services de police.

Une autre proposition vise à rendre obligatoire une concertation préalable sur les manifestations. Comme le souligne le député écologiste Noël Mamère, président de la Commission – et qui a dû s’opposer au rapport de celle-ci -, « il y aurait dès lors un contrôle a priori et systématique de toutes les manifestations, ce qui entraînerait une restriction manifestement disproportionnée du droit de manifester. »

La Commission a paru faire un progrès en préconisant l’abandon des Flashballs. Mais c’est pour proposer de les remplacer par des LBD 40 (Lanceurs de balles de défense) plus puissants et plus précis. Autrement dit, d’accroître l’arsenal des forces de police, qui ont déjà provoqué des blessures graves (telles qu’énucléation) chez au moins trente-six personnes. Cette attitude des députés est d’autant plus choquante que les policiers responsables de ces actes sont quasi-systématiquement absous par la justice.

Le texte, rédigé par le rapporteur PS Pascal Popelin a été adopté par tous les participants de la Commission à l’exception de Noël Mamère et de Marie-Georges Buffet (PC). Il marque un nouveau recul des libertés publiques.

Complément d’info :

Le rapport de la Commission parlementaire d’enquête “chargée d’établir un état des lieux et de faire des propositions en matière de missions et de modalités du maintien de l’ordre républicain, dans un contexte de respect des libertés publiques et du droit de manifestation, ainsi que de protection des personnes et des biens” .Télécharger ici :

PDF - 7.1 Mo

L’analyse du rapport par Noël Mamère. Télécharger ici :

PDF - 140.8 ko

Source : Hervé Kempf pour Reporterre, le 22 mai 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/si-remi-fraisse-navait-pas-manifeste-il-ne-serait-pas-mort-la-nouvelle-logique-de-la-repression-etatique/


Les vaches sacrées et le FMI

Thursday 11 June 2015 at 01:37

La croissance potentielle est une notion qui prend en compte les facteur de croissance (de la démographie aux investissements[1] et passant par la formation mais aussi les institutions du marché du travail) et qui cherche à anticiper l’évolution de la croissance dans un environnement macroéconomique « neutre » soit sans accélération ou décélération de l’inflation. Ce concept a été développé dans un cadre très inspiré par la forme moderne de la théorie néoclassique. Mais, l’inclusion d’éléments extérieurs à cette théorie ont abouti à introduire un élément de réalisme important dans cette notion[2]. Cette notion apparaît donc compatible, moyennant certains ajustements, avec la théorie hétérodoxe[3], comme on l’a montré dans un papier de 2012[4]. On peut retrouver, sous certaines conditions, des relations stables entre le capital productif et la croissance potentielle ainsi que cela avait été montré dès le début des années 1960[5].

Le Fond Monétaire International, dans le World Economic Report du mois d’avril 2015[6], exploite alors cette notion. Les résultats de cette étude (le chapitre 3) sont particulièrement intéressantes, parce qu’elles vont à rebours de bien des vaches sacrées du discours économique contemporain. Sans doute est-ce le moment de rappeler que c’est justement dans le cuir des vaches sacrées que l’on taille les meilleures chaussures pour avancer.

Croissance, croissance potentielle et impact de la zone Euro.

Le premier point qui ressort de cette étude est que, dans les économies développées, le déclin de la croissancepotentielle (et non nécessairement réelle) a commencé autour de 2000, et s’est amplifié depuis la crise de 2007-2009. Cette croissance potentielle se situait autour de 2,25% par an en moyenne sur 2001-2007 et atteignait les 2,5% par an sur 1996-2001 ; elle est tombée à 1,3% par an de 2008 à 2014, et ne devrait remonter que vers 1,6% par an pour la période 2015-2020[7]. La croissance potentielle semble donc s’être contractée de l’équivalent de 0,6% par an dans les pays développé et même de 0,9% si l’on compare le niveau avant 2000 avec celui qui est estimé pour les années à venir. A cet égard, le très faible rebond pour la période dite « post-crise » interpelle. Ceci constitue une nouveauté par rapport aux précédentes crises financières, pourtant marquées par de fortes contractions du crédit[8]. L’impact de la réduction de la croissance des investissements dans la zone Euro est ici à noter. Ceci correspond à l’ampleur des politiques d’ajustement fiscal[9].

Les causes de ce déclin sont multiples. Ainsi, aux Etats-Unis, c’est la faiblesse des investissements à partir de 2003 qui en est la cause. Il faut y ajouter l’évolution de la structure démographique et les conditions de formations de la main d’œuvre. Néanmoins, il convient de distinguer la trajectoire des Etats-Unis (et du Canada) de celle de l’Europe. Pour cette dernière, et en particulier pour la zone Euro, le ralentissement de la croissance potentielle apparaît comme particulièrement sévère. Ceci implique que les effets négatifs de l’Union Economique et Monétaire se seraient manifestés au-delà de la croissance réelle, ce qu’avait déjà mis au jour le travail de Jorg Bibow[10]. Non seulement l’Euro aurait entraîné une torsion de la politique macroéconomique dans un sens défavorable à la croissance, ce que l’on mesure très directement[11], mais il aurait aussi eu des effets négatifs sur le potentiel de croissance ce qui implique un affaiblissement structureldes économies de la zone Euro[12]. La zone Euro apparaît plus mal placée que les autres économies développées même si l’on retire l’effet du cycle des affaires[13]. Le point est ici d’une grande importance. Il faut savoir que dans l’étude réalisée par le FMI, seuls 4 pays de la zone Euro apparaissent, l’Allemagne, la France, l’Italie et l’Espagne. Mais, ces pays réalisent à eux quatre environ 80% du PIB de la zone. Il est donc clair, et peut être considéré comme établi, que l’Euro a eu des effets négatifs non seulement sur la politique macro-économique (comme démontré par Bibow) mais aussi sur la croissance potentielle. Ici meurt sous nos yeux la première des vaches sacrées.

Quelles réformes pour quel potentiel de croissance.

Mais, l’étude du Fond Monétaire International ne s’arrête pas là. Elle considère l’impact de toute une série de mesures structurelles qui peuvent être décidées à court terme par les gouvernements sur la productivité totale des facteurs et donc sur la croissance potentielle. Le rapport examine leurs effets sur les divers secteurs de l’économie ainsi que sur la croissance potentielle totale.

Source : World Economic Outlook d’avril 2015, publié par le FMI, Chapitre 3, p. 38.

Le rapport classe donc 7 facteurs, outre les investissements en capital productif et les structures démographiques, qui sont susceptibles d’influencer la croissance potentielle :

Or, que constate-t-on ?

Tout d’abord qu’à moyen terme, les deux mesures qui sont susceptibles d’avoir le plus d’effet à moyen-terme (soit à un horizon de 5 ans) sont les investissements en recherche et développement et les investissements en techniques de communication et d’information. Ils signalent qu’i peut y avoir un effet cumulatif avec les investissements en infrastructures (ce qui se conçoit aisément). Les changements dans la réglementation du marché du travail (et ces changements sont naturellement des mesures de flexibilisation de la main-d’œuvre) ne donnent aucun effet. Plus intéressante encore ; si l’on considère maintenant un horizon de court-terme, soit dans l’étude de moins de trois ans, on constate que les mesures portant sur la flexibilisation et le changement des règles du marché du travail aboutissent à faire baisser la croissance potentielle.

Il faut alors rappeler que l’on défend depuis plus de 15 ans de telles mesures comme devant nécessairementaugmenter la productivité et la croissance potentielle. Rappelons qu’en France, telle est l’argumentaire du gouvernement pour faire avaliser par le parlement la trop fameuse « Loi Macron ». Rappelons aussi que c’est l’absence de telles mesures dans le programme de réformes soumis par le gouvernement grec à l’Eurogroupe qui est dénoncé par ce dernier, mais aussi (hélas) par le Premier-ministre français M. Manuel Valls et par le commissaire européen idoine (Pierre Moscovici). Or, si nous suivons le rapport du FMI, nous devons reconnaître que le gouvernement grec a eu raison de ne pas céder sur ce point.

Cela signifie que le discours sur les « réformes structurelles » dans le domaine du marché du travail n’est qu’un discours idéologique et même un modèle, comme celui du FMI, qui reste très imprégné d’économie néo-classique, se révèle incapable de montrer un quelconque effet positif de telles mesures. Ici meurt, sous nos yeux, la deuxième des vaches sacrées du discours économiques tel qu’il est tenu depuis au moins vingt ans. On ne saurait trop remercier les experts du FMI pour l’œuvre de salubrité publique qu’ils ont fait.

Mais on peut craindre qu’au lieu d’aller cacher leur honte (qui devrait être grande) et leur incompétence (qui ne l’est pas moins) les Valls, Macron et Moscovici ne continuent à pérorer et à nous affirmer, avec tout l’aplomb de bonimenteurs de foire (et avec toutes mes excuses pour cette profession) des énormités économiques.

Notes

[1] Sur la notion d’investissement productif, Beffy, Pierre-Olivier, Patrice Ollivaud, Pete Richardson, et Franck Sedillot. 2006. “New OECD Methods for Supply-Side and Medium-Term Assessments: A Capital Services Approach.” OECD Working Paper 482, Organisation for Economic Co-operation and Development, Paris.

[2] Voir en particuleir N.G. Mankyw et R. Reis, What Measure of Inflation Should a Central Bank Target, Harvard University, working paper, Decembre 2002, ainsi que G.N. Mankyw et R. Reis, “Sticky Information versus Sticky Prices: A Proposal to Replace the New Keynesian Phillips Curve” in Quarterly Journal of Economics, vol. 117, n°4/2002, pp. 1295-1328.

[3] R. Boyer et J. Mistral, Accumulation, Inflation, Crises , PUF, Paris, 1978 ; R. Boyer, (ed.), Capitalismes fin de siècle, Paris, PUF, 1986.

[4] Sapir J., Inflation monétaire ou inflation structurelle, un modèle hétérodoxe bi-sectoriel, FMSH, Working Paper n°14, juin 2012. http://halshs.archives-ouvertes.fr/FMSH-WP/halshs-00712645

[5] Jorgenson D.W. (1963), «Capital Theory and Investment Behavior», American Economic Review, vol. 53, n°2, May, pp.247-259

[6] World Economic Outlook d’avril 2015, publié par le FMI, voir Chapitre 3, rédigé par Patrick Blagrave, Mai Dao, Davide, Furceri (responsable du groupe), Roberto Garcia-Saltos, Sinem Kilic Celik, Annika Schnücker, Juan Y.pez Albornoz, and Fan Zhang, avec l’assistance technique de Rachel Szymanski, disponible à partir du 16 avril sur www.imf.org

[7] Idem, p.2.

[8] Claessens, Stijn, and M. Ayhan Kose. “Financial Crises: Explanations, Types, and Implications.” IMF Working Paper 13/28, International Monetary Fund, Washington, 2013. Claessens, Stijn, and Marco E. Terrones, “How Do Business and Financial Cycles Interact?” Journal of International Economics 87 (1), 2012, pp. 178–90.

[9] Baunsgaard T., A. Mineshima, M. Poplawski-Ribeiro, et A. Weber, “Fiscal Multipliers”, in Post-crisis Fiscal Policy, ed. by C. Cottarelli, P. Gerson, and A. Senhadji, Washington: FMI, Washington DC, 2012

[10] Bibow J., « Global Imbalances, Bretton Woods II and Euroland’s Role in All This », in J. Bibow et A. Terzi (dir.), Euroland and the World Economy: Global Player or Global Drag?, New York (N. Y.), Palgrave Macmillan, 2007

[11] Sapir J., Faut-il sortir de l’Euro ?, Le Seuil, Paris, 2012.

[12] World Economic Outlook d’avril 2015, publié par le FMI, op.cit., p. 23.

[13] Furlanetto, F., P. Gelain, et M. Taheri Sanjani. “Output Gap in Presence of Financial Frictions and Monetary Policy Trade-Offs.” IMF Working Paper 14/128, International Monetary Fund, 2014 Washington

Source : Jacques Sapir, pour son blog RussEurope, le 14 avril 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/les-vaches-sacrees-et-le-fmi/


Ukraine: que reste-t-il de Minsk ?, par Jacques Sapir

Thursday 11 June 2015 at 00:14

La situation en Ukraine et dans les zones insurgées du Donbass se détériore progressivement. Les combats de ces derniers jours, assurément limités, mais qui ont été les plus violents depuis janvier 2015 le prouvent. L’accord « Minsk-2 » est en train de ce dissoudre, et ceci largement du fait du gouvernement de Kiev. Cela était prévisible. Il faut donc revenir sur la situation pour tenter de comprendre comment on en est arrivé là.

Les ruptures du cessez-le-feu

Le cessez-le-feu décrété après les accords de Minsk-2 n’a jamais été parfaitement respecté. Les observateurs de l’OSCE insistent sur le fait que ces violations sont, le plus souvent, le fait des forces de Kiev. Les bombardements de fin mai sont progressivement montés en puissance, provoquant la « contre-offensive » des forces insurgées sur Mariinka. Mais, après avoir pris le contrôle de cette petite ville, d’où des observateurs guidaient les tirs de l’artillerie des forces de Kiev, les forces insurgées n’ont pas poussé plus loin leur avantage.

A - Carte

Le discours tenu le 4 juin par le Président Poroshenko à Kiev, devant le Parlement (laRada) où il évoque les milliers, voire les dizaines de milliers de soldats russes dans le Donbass doit être pris pour ce qu’il est : de la propagande[1]. Kiev a visiblement voulu jouer la carte d’une stratégie de la tension pour tenter de ressouder ses soutiens internationaux qui semble aujourd’hui se déliter. Le moins que l’on puisse dire est que cette tentative s’est plutôt retournée contre ses auteurs.

Ces ruptures du cessez-le-feu ne présagent pas à elles seules d’une possible reprise des combats. Elles ne sont significatives que dans la mesure où elles se situent dans un contexte de non-application de l’accord de Minsk-2. Rappelons que l’accord de Minsk-2 prévoyait un important volet politique en plus du volet militaire (cessez-le-feu, échange de prisonniers). Ce volet politique prévoyait une fédéralisation de fait de l’Ukraine et le respect de l’intégrité territoriale du pays, moyennant une très large autonomie conférée aux régions de Lougansk et Donetsk. D’emblée, le gouvernement de Kiev a montré de fortes réticences a mettre en œuvre le volet politique de l’accord. Or, si l’on ne procède pas à la mise en œuvre du volet politique, la question militaire resurgira nécessairement. C’est bien parce que nous sommes dans une impasse politique qu’il y a un risque de reprise généralisée des combats.

Le camp de la guerre

Il faut ici dire que, des deux côtés, il y a des personnes qui poussent à cette reprise des hostilités. Du côté des forces de Kiev, les différents groupes d’extrême-droite, voire ouvertement fasciste, poussent à l’évidence à une reprise des combats. Outre l’espoir d’obtenir des victoires sur le terrain, ces groupes ont compris qu’ils ne seront importants dans l’espace politique kiévien qu’en raison du maintien d’une atmosphère d’hostilités et de conflits. Que la tension retombe et ces groupes apparaîtront pour ce qu’ils sont, des bandes de dangereux excités et nostalgiques du nazisme. D’autre forces jettent de l’huile sur le feu : ce sont certains des oligarques, qui forment l’épine dorsale du régime de Kiev, et qui cherchent à prospérer sur l’aide militaire (en particulier américaine). Eux aussi ont intérêt à une reprise des combats.

Du côté des insurgés, il y a des groupes et des personnes qui regrettent que les forces de la DNR (Donetsk) et de la LNR (Lougansk) n’aient pu pousser leur avantage en septembre 2014. A ce moment là, l’armée de Kiev était en pleine déroute. Il eut été possible de reprendre Marioupol, voire d’aller vers Kherson. Si l’offensive des forces de la DNR et de la LNR s’est arrêtée là ou elle s’est arrêtée, c’est du fait de l’intervention russe. Le gouvernement russe a clairement fait comprendre aux insurgés qu’ils devaient s’arrêter. Et ici se place l’un des paradoxes de la crise ukrainienne : les pays de l’Union européenne, et les Etats-Unis, auraient dû prendre en compte cette attitude de la Russie. Il n’en a rien été, ce qui n’a pas peu contribué à persuade les dirigeants de Moscou de la mauvaise foi de leurs interlocuteurs. Si les relations sont tellement difficiles aujourd’hui entre ces pays et la Russie, c’est aussi le produit de leur attitude envers la Russie au moment où cette dernière faisait tout pour calmer la situation militaire.

Les relations de Moscou avec la DNR et la LNR sont complexes. Ceux qui veulent ignorer l’existence d’une autonomie de décision de Donetsk (plus que de Lougansk) commettent une grave erreur. Bien entendu, les dirigeants de la DNR et de la LNR cherchent à être dans de bons termes avec la Russie, mais leurs objectifs ne coïncident pas nécessairement.

La vie dans le statuquo

Faute d’une mise en œuvre du volet politique de l’accord de Minsk, la vie tend à s’organiser sur la base d’une indépendance de fait des régions de Lougansk et Donetsk. Et il est clair que cette vie est tout sauf facile. La population totale des zones sous le contrôle des insurgés est d’environ 3 millions d’habitants, dont environ 1 million est réfugié en Russie. La persistance des combats sur la ligne de front empêche tout effort sérieux de reconstruction pour l’instant, à l’exception du rétablissement de la ligne de chemin de fer entre Lougansk et Donetsk. Une des raisons, d’ailleurs, dans le maintien des combats et les violations incessantes du cessez-le-feu par les forces de Kiev, est la volonté ouvertement affichée par les dirigeants de Kiev de maintenir la population du Donbass dans une insécurité importante et dans une atmosphère de terreur.

Le gouvernement de Kiev a suspendu le paiement des retraites et pensions, ce qui équivaut d’une certaine manière à reconnaître qu’il ne considère plus Lougansk et Donetsk comme relevant de sa juridiction. Rappelons d’ailleurs que le gouvernement russe avait toujours maintenu le versement des retraites et des pensions en Tchétchénie dans la période ou Doudaev avait proclamé la soi-disant « indépendance » de cette république. Il n’est pas dit que les dirigeants de Kiev aient mesuré toutes les implications juridiques de leurs actions. L’un des points de l’accord de Minsk-2 était justement de veiller à la reprise de ces versements. Inutile de dire que Kiev continue de s’y opposer. La population est largement tributaire de l’aide humanitaire russe. Une production minimale continue de sortir des mines de charbons et de certaines usines. Cette production était vendue à Kiev jusqu’en décembre. Puis, à la suite de la destruction par les forces de Kiev de la ligne de chemin de fer, ces ventes se sont interrompues et ont été remplacées par des ventes à la Russie.

Insistons sur ce point : il entraine une progressive raréfaction de la Hryvnia dans le Donbass et la montée en puissance du Rouble russe. De plus, compte tenu de la meilleure solidité du Rouble par rapport à la Hryvnia, le Rouble est massivement devenu l’instrument d’épargne et l’unité de compte dans le Donbass. Or, la question de la monnaie qui circule est éminemment politique. Le choix, pour les autorités de la DNR et de la LNR, est donc entre trois solutions : conserver le Hryvnia (et reconnaître que la DNR et la LNR sont des républiques autonomes dans le cadre de l’Ukraine), basculer vers le Rouble, ce qui prendrait la dimension d’une annexion par la Russie, ou créer leur propre monnaie, et revendiquer leur indépendance. Cette dernière solution n’est pas impossible. Les Pays Baltes, avant d’adopter l’Euro, ont eu chacun leur monnaie. Mais, elle soulève des problèmes extrêmement complexes à résoudre. En réalité, autour de la question de la monnaie se déploie la question du futur institutionnel du Donbass. Les autorités de la DNR et de la LNR, pour l’instant, conservent la Hryvnia. Mais, la raréfaction des billets et la disponibilité du Rouble pourraient bien les obliger d’ici quelques mois à changer d’avis. On voit alors ce qui est en cause. Donetsk et Lougansk vont-ils avoir le statut de république autonome au sein de l’Ukraine, dont il faudra alors réviser la Constitution, ou s’oriente-t-on vers une indépendance de fait, qui ne sera pas reconnue par la communauté internationale ? La Russie, pour l’instant, pousse plutôt pour la première solution alors que les dirigeants de la DNR et de la LNR ne cachent pas leur préférence pour la seconde.

La position des occidentaux

Face à cette situation qui dégénère du fait de l’absence de volonté de mettre en œuvre une solution politique, on a noté ces dernières semaines une certaine évolution de la position tant des Etats-Unis que des pays de l’Union européenne.

Les Etats-Unis, par la voix de leur Secrétaire d’Etat, John Kerry, insistent désormais sur la nécessité pour Kiev d’appliquer l’accord de Minsk-2[2]. Très clairement, les Etats-Unis n’entendent pas porter le fardeau de l’Ukraine, dont l’économie se désintègre et qui pourrait dans les jours ou les semaines qui viennent faire défaut sur sa dette, comme semble l’annoncer l’échec des négociations avec les créanciers privés[3].

A - Dette Ukr

L’Ukraine, qui connaît depuis ces derniers mois une inflation galopante et dont la production pourrait baisser de -10% en 2015, après une baisse de -6% en 2014, a désespérément besoin d’une aide massive. Or, les Etats-Unis n’ont aucune intention de la lui fournir. Ils se tournent vers l’Union européenne, mais cette dernières est, elle aussi, plus que réticente. Bien sur, le secrétaire d’Etat à la défense, Ash Carter, insiste pour que de nouvelles sanctions soient prises contre la Russie[4]. Mais, ceci est plus à mettre sur le compte de l’inefficacité maintenant constatée des sanctions précédentes.

La position française a commencé à évoluer depuis ces derniers mois. Non seulement on commence à reconnaître au Quai d’Orsay que la question ne peut se résumer en un affrontement entre « démocratie » et « dictature », mais on sent, à certaines déclarations, une réelle fatigue devant les positions du gouvernement de Kiev qui ne fait rien pour appliquer les accords de Minsk. On commence à regretter, mais sans doute trop tard, d’être entré dans une logique diplomatique dominée par les institutions de l’UE, qui donnent de fait un poids hors de toute proportion aux positions des polonais et des baltes sur ce dossier. Le sommet européen des 21-22 mai qui s’est tenu à Riga a, de fait, sonné le glas tant des espoirs ukrainiens que de ceux de certains pays boutefeux au sein de l’UE[5].

L’Allemagne, elle aussi, commence à évoluer sur cette question. Après avoir adopté une position hystériquement anti-russe depuis des mois, elle semble avoir été prise à contre-pied par le changement de position des Etats-Unis. Très clairement, elle perçoit que si ces derniers réussissaient à faire porter le fardeau ukrainien à l’Union européenne, c’est l’Allemagne qui aurait le plus à perdre dans cette logique. Il est extrêmement intéressant de lire dans le compte rendu de la réunion de Riga que l’accord de Libre-Echange ouDeep and Comprehensive Free Trade Agreement (DCFTA) est désormais soumis dans son application à un accord trilatéral. Deux des parties étant évidents (l’UE et l’Ukraine) on ne peut que penser que la troisième partie est la Russie, ce qui revient à reconnaître les intérêts de ce dernier pays dans l’accord devant lier l’Ukraine à l’UE. En fait, on est revenu à la situation que les russes demandaient en 2012 et 2013, mais ceci après un an de guerre civile en Ukraine.

Il semble donc bien que seule la Grande-Bretagne continue de soutenir une position agressive à l’égard de la Russie, alors que dans d’autres capitales c’est bien plutôt la lassitude devant la corruption, l’incompétence et le cynisme politique de Kiev qui domine.

La Russie en position d’arbitre

Les derniers évènements montrent que la Russie est en réalité dans une position d’arbitre sur le dossier ukrainien. La position officielle du gouvernement russe est d’exiger l’application complète des accords de Minsk-2. Mais, d’un autre côté, il sait que le temps joue pour lui et il pourrait être tenté de laisser pourrir la situation.

Incapable de se réformer, en proie à une crise économique dramatique, Kiev est d’ores et déjà en proie à des problèmes de plus en plus graves. La guerre des oligarques qui se poursuit dans l’ombre montre clairement qu’au sein de l’alliance au pouvoir à Kiev existent des divergences importantes. La nomination par le Président Poroshenko de l’ancien président géorgien, Mikhaïl Sakaachvili, l’homme qui fut responsable de la guerre en Ossétie du Sud et 2008 et qui est poursuivi pour abus de pouvoir dans son propre pays, comme gouverneur de la région d’Odessa montre bien que Kiev se méfie comme de la peste des grands féodaux ukrainiens qui sont susceptibles de changer d’allégeance du jour au lendemain. Un sondage réalisé récemment montre que la popularité de Poroshenko reste très différente entre l’Ouest et l’Est du pays. Les événements de ces 18 derniers mois n’ont nullement fait disparaître l’hétérogénéité politique et de population en Ukraine.

A - Sondage Ukr

La réalité du pays, une nation diverse et fragile, traversée de conflits importants, peut être masquée pour un temps par la répression et la terreur, comme ce fut le cas ces derniers mois. Mais, ces pratiques ne résolvent rien et les problèmes demeurent ?

Mais, surtout, même le gouvernement ukrainien comprend le rôle économique déterminant que jouaient les relations avec la Russie jusqu’en 2013. Sans un accord avec la Russie, l’Ukraine ne peut espérer se relever et se reconstruire. Cela, le gouvernement russe le sait aussi. La Russie sait donc qu’elle va gagner, que ce soit avec un gouvernement de Kiev devenant progressivement plus sensible à ses arguments ou que ce soit du fait de l’éclatement de l’Ukraine. Elle préfèrerait gagner au moindre coût mais, soyons en sur, elle ne mégotera pas le prix à payer pour cette victoire. Rappelons nous ces strophes du poème Les Scythes :

La Russie est un Sphinx. Heureuse et attristée à la fois,

Et couverte de son sang noir,

Elle regarde, regarde à toi

[1] Sur la question des forces russes au Donbass et la « menace » sur l’Ukraine, on se reportera à l’Audition du général Christophe Gomart, directeur du renseignement militaire, devant la commission de la Défense Nationale et des Forces Armées, 25 mars 2015,http://www.assemblee-nationale.fr/14/cr-cdef/14-15/c1415049.asp

[2] Helmer J., 19/05/2015, http://www.nakedcapitalism.com/2015/05/john-helmer-how-angela-merkel-abandoned-by-john-kerry-victoria-nuland-and-vladimir-putin.html

[3] Karin Strohecker et Sujata Rao, « L’Ukraine et ses créanciers loin d’un accord sur la dette », Thomson-Reuters, 6 juin 2015,http://fr.reuters.com/article/businessNews/idFRKBN0OM0B920150606

[4] http://www.challenges.fr/monde/20150606.REU6999/ash-carter-souhaite-d-autres-mesures-contre-moscou-sur-l-ukraine.html

[5] Voir la résolution finale, https://www.google.fr/search?client=safari&rls=en&q=joint+declaration+(http://www.consilium.europa.eu/en/meetings/internationalsummit/2015/05/Riga-Declaration-220515-Final_pdf/&ie=UTF-8&oe=UTF-8&gfe_rd=cr&ei=4QJzVdfFM9OkiAav1IFY

Source : Jacques Sapir, pour son blog RussEurope, le 6 juin 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/ukraine-que-reste-t-il-de-minsk-par-jacques-sapir/


[Tout arrive...] Saakachvili, sous mandat d’arrêt, nommé gouverneur d’Odessa…

Wednesday 10 June 2015 at 01:07

On est bien d’accord : en 2008, il y a un conflit armé entre la Russie et la Géorgie – dont le président a fini par faire tirer son armée sur des troupes russes… On ne va même pas chercher à détailler le pourquoi du comment à ce stade.

Et là, Porochenko vient tranquillement de donner la nationalité ukrainienne à l’ancien président géorgien, et de le nommer à la tête d’une région très sensible d’Ukraine, où des Russes ont péri brulés il y a un an (hmmm, et l’enquête au fait ?…. )

C’est moi, ou c’est un sacré message de paix aux Russes ça ?

Ukraine: le président géorgien accuse Saakachvili d’avoir “insulté” la Géorgie

Guiorgui Margvelachvili, lors d'une conférence de presse au palais présidentiel le 13 mai 2014 à Tbilisi

Guiorgui Margvelachvili, lors d’une conférence de presse au palais présidentiel le 13 mai 2014 à Tbilisi

Le président géorgien Guiorgui Margvelachvili a qualifié d’”insulte” à la Géorgie la décision de son prédécesseur Mikheïl Saakachvili d’accepter d’être nommé à la tête de la région ukrainienne d’Odessa, après avoir pris la citoyenneté ukrainienne.

“Ce comportement indécent est incompréhensible”, a déclaré M. Margvelachvili dans des commentaires télévisés diffusés dimanche soir. M. Saakachvili, 47 ans, qui s’était vu accorder le week-end dernier la citoyenneté ukrainienne, “a insulté notre Etat”, a-t-il dénoncé. “Il y a des valeurs plus importantes que la carrière, et parmi elles figure la nationalité de son pays”, a ajouté le président géorgien. Selon la loi géorgienne, un Géorgien qui accepte la citoyenneté d’un autre pays perd automatiquement sa nationalité géorgienne. Cette perte doit toutefois être confirmée par décret, ce qui dans le cas de M. Saakachvili n’a pas été fait pour l’instant. Il reste donc citoyen géorgien. “Que cela soit pour lui comme une épée de Damoclès. Cela sera une décision politique et nous la prendrons quand nous voudrons”, a déclaré la ministre de la Justice géorgienne, Tea Tsouloukiani.

Ennemi juré de Vladimir Poutine, M. Saakachvili a été nommé samedi gouverneur de la région stratégique ukrainienne d’Odessa, avec pour objectif d’y préserver la “souveraineté” du pays et de lutter contre la corruption.

Cette nomination a suscité la fureur de la Russie, accusée par Kiev et les Occidentaux de soutenir militairement les séparatistes prorusses dans l’Est de l’Ukraine, ce qu’elle nie. Président de la Géorgie de 2004 à 2013, Mikheïl Saakachvili, arrivé au pouvoir à l’issue de la “Révolution de la rose” – premier d’une série de soulèvements populaires dans des pays de l’ex-URSS -, a toujours été très proche des autorités pro-occidentales de l’Ukraine. M. Saakachvili est notamment crédité de progrès dans la lutte contre la corruption, mais a été accusé par ses détracteurs de dérives autoritaires. Il est poursuivi en Géorgie pour “abus de pouvoir”, et dénonce de son côté des persécutions politiques.

Source : Le Parisien, le 1er juin 2015.


Ukraine: le pouvoir irrite un peu plus la Russie en nommant Saakachvili à Odessa

Le président ukrainien a choisi de nommer Mikhaïl Saakachvili, ancien chef d’État géorgien, gouverneur de la région d’Odessa. Personnage éruptif et contesté, il avait endigué la corruption en Géorgie et engagé de nombreuses réformes. Jusqu’en 2008, quand la guerre en Ossétie du Sud en a fait la bête noire du Kremlin voire son ennemi n°1.

La nouvelle a été annoncée samedi 30 mai et aussitôt mise en ligne sur le site internet de la présidence d’Ukraine. L’ancien président géorgien Mikhaïl Saakachvili est nommé gouverneur de la région d’Odessa, dans le sud du pays, sur les bords de la mer Noire. La veille, il s’était vu octroyer, in extremis, la citoyenneté ukrainienne. Sa mission ? Préserver la « souveraineté » du pays et lutter contre la corruption. « Nous avons besoin de nouvelles règles, de nouvelles personnes, d’une nouvelle direction, afin d’attirer davantage de touristes et – ce qui est plus important – davantage d’investisseurs à Odessa », a déclaré Saakachvili lors de son investiture. Le nouveau gouverneur est allé jusqu’à annoncer son projet de faire de cette ville portuaire « la capitale de la mer Noire » et a promis de changer radicalement la vie dans la région.

Parmi les élus locaux, certains ont réagi positivement à cette nomination. Mais le maire d’Odessa, Guennadi Trukhanov, s’est montré sceptique, comme le rapporte le site d’information ukrainien ZN UA : « Nous avons vu le résultat des réformes que Saakachvili a pu mener en Géorgie dans un court laps de temps, mais je ne dirais pas que l’on peut reproduire l’expérience d’un pays à l’autre. » D’autres, comme le député Nikolaï Skorik, ancien gouverneur d’Odessa lui-même et aujourd’hui membre de l’opposition, ont vivement critiqué l’arrivée de Saakachvili. « Cela fait un an que les gens de son équipe travaillent pour le gouvernement. Et où est la réforme ? Elle n’est pas là. Eux-mêmes commencent à nous enliser dans des scandales de corruption. Je ne crois pas que Saakachvili va vaincre la corruption dans les douanes et réussir à faire appliquer la loi. Je ne crois pas à l’investissement. Dans un pays en guerre, l’argent ne vient pas. »

Si elle peut surprendre, la nomination de l’ancien président géorgien ne tombe pas du ciel. Saakachvili faisait partie des soutiens étrangers à la révolution du Maïdan depuis son commencement, et c’est un homme qui connaît bien l’Ukraine, pays où il a fait son service militaire à la toute fin de l’URSS et où il a suivi ses études, à cette époque où les citoyens soviétiques circulaient d’une république à l’autre. C’est d’ailleurs sur les bancs de l’université de Kiev qu’il avait rencontré Petro Porochenko, l’actuel président ukrainien, lequel fait appel à lui au lendemain de son élection, en mai 2014, pour le conseiller.

Quelques mois plus tard, Porochenko le nomme à la tête du « conseil international consultatif des réformes », un comité qui compte un Américain et plusieurs anciens ministres européens – des personnalités essentiellement issues d’Europe centrale, un Allemand… mais aucun Français. Saakachvili est donc aux premières loges du pouvoir ukrainien depuis déjà plusieurs mois et ce, en même temps qu’un certain nombre d’autres personnalités étrangères.

Petro Porochenko, en voulant s’attaquer à une corruption endémique dans un pays où intérêts des oligarques et stratégies politiques sont intimement liés, a cherché en effet des personnalités détachées du monde des affaires ukrainien. Ont ainsi été nommés en décembre dernier trois ministres étrangers, comme nous le racontions dans Mediapart : l’Américaine d’origine ukrainienne Natalie Iaresko au ministère des finances, le Lituanien Aivaras Abromavicius à l’économie, et le Géorgien Alexander Kvitachvili à la santé.

D’autres Géorgiens qui avaient gouverné aux côtés de Saakachvili dans les années 2000 ont également rejoint l’exécutif, comme Eka Zgouladzé, affectée au poste de vice-ministre de l’intérieur, qui n’est autre que la mère de la grande réforme de la police géorgienne, celle qui a imposé, dans un pays qui se relevait à peine de l’effondrement du bloc soviétique, une réduction drastique des effectifs, une nouvelle formation des policiers, une fusion des services de police avec l’ancien KGB, la fin des pratiques de corruption et une lutte acharnée contre le crime organisé. Les observateurs parlaient alors d’une « révolution culturelle » menée par une jeune ministre à peine trentenaire…

Enfin, d’autres Géorgiens ont rejoint ces derniers mois des institutions ukrainiennes, comme le parquet et le bureau anticorruption issu de la révolution du Maïdan. Figure également, parmi les proches conseillers du gouvernement à Kiev, Guiorgui Vashadzé, député géorgien et ancien vice-ministre de la justice.

Il faut dire qu’à l’image d’Eka Zgouladzé, les membres de l’équipe de Saakachvili se sont distingués pendant les années 2000 par des réformes poussées, s’attaquant notamment à la corruption et à la bureaucratie, et favorisant la libéralisation de l’économie. Le pouvoir à Tbilissi s’est également laissé aller à des dérives, il a cherché à museler l’opposition et les médias et a été fortement contesté, mais la lutte contre la corruption engagée alors par celui que les Géorgiens appelaient « Micha » fut l’un de ses principaux succès et il a été largement applaudi pour cela par différentes organisations internationales.

L’épouvantail qui osa défier l’armée russe

Ainsi, en 2012, un rapport de la Banque mondiale sur la lutte contre la corruption dans l’administration menée entre 2003 et 2011 en Géorgie saluait les progrès de Tbilissi, montrant que les autorités étaient parvenues à mettre fin à « un cercle vicieux de corruption endémique » avec des réformes « appropriées et décisives ». Il indiquait que la méthode employée par l’exécutif de Saakachvili gagnait à être appliquée dans d’autres pays de l’espace postsoviétique, tant sa politique mettait à bas le mythe d’une corruption inscrite dans la culture du pays. Le rapport soulignait que des progrès significatifs avaient été enregistrés dans l’administration fiscale, les services de police, les douanes, mais aussi l’université, le secteur énergétique, les pratiques des entreprises, et les rapports entre usagers des services publics et fonctionnaires.

Mikhaïl Saakachvili a présidé la Géorgie de 2004 à 2013. Il a tout pour être la bête noire du Kremlin : il accède au pouvoir à l’issue du premier des soulèvements populaires qui ont ébranlé, à partir des années 2000, le fragile équilibre postsoviétique. Atlantiste convaincu, passé par les universités américaines après sa formation en Ukraine, il mène en outre, parallèlement aux réformes, une politique ostensiblement pro-américaine. Il fait de son pays l’un des plus gros contributeurs à la coalition militaire en Irak, envoyant jusqu’à 2 000 hommes en 2007, joue la carte du rapprochement européen, espère une adhésion à l’Otan… Et il finit par aller au clash avec Moscou.

Août 2008. Des incidents éclatent à la frontière entre des séparatistes géorgiens soutenus par la Russie et l’armée de Tbilissi. Saakachvili lance alors l’assaut contre les forces militaires russes. Réaction immédiate du Kremlin : en huit jours, le sort de deux provinces frontalières est plié, Tbilissi obligé de reculer devant l’avancée des troupes russes, c’est un lamentable échec pour le président géorgien. La guerre éclair débouche sur l’« indépendance » de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, deux États aujourd’hui reconnus par Moscou.

Même si l’on apprendra quatre ans plus tard, de l’aveu de Vladimir Poutine lui-même, que le Kremlin avait en réalité planifié cette action deux ans en amont, pour Moscou, Saakachvili n’en est pas moins l’épouvantail qui osa défier l’armée russe. Rappelons cette heureuse formule que Vladimir Poutine avait eue à son sujet pendant ces quelques jours de Blitzkrieg : « Saakachvili, je vais le faire pendre par les couilles »

La guerre éclair de Géorgie, en août 2008, et la perte des deux provinces séparatistes © DR

Sa nomination à la tête de la région d’Odessa est-elle une provocation de la part de Kiev à l’égard de Moscou ? Tatiana Jean, chercheuse et responsable du centre Russie – Nouveaux États indépendants à l’Ifri, l’institut français des relations internationales, croit plutôt que c’est un « pied de nez », et que le facteur russe, cette fois-ci, n’a pas joué, ou alors « c’était le facteur 45 »

« Ce que montre cette nomination en réalité, explique la spécialiste à Mediapart, c’est qu’en Ukraine, le pool de managers efficaces, non corrompus, non liés à des intérêts économiques et financiers est extrêmement restreint. Certes, Saakachvili n’est pas le plus mauvais des managers. Mais cette décision étonnante, ambiguë, et qui ne peut évidemment qu’irriter Moscou, est avant tout liée au déficit de compétences dans le pays. »

Aucune manifestation de rejet n’a éclaté pour l’instant dans la ville portuaire ukrainienne. « C’est un signal fort, estime Tatiana Jean. C’est une façon de montrer qu’Odessa n’est pas une ville russe, de réaffirmer l’appartenance ukrainienne de la ville : voyez, on peut nommer Saakachvili gouverneur et personne ne proteste. » La nomination de Saakachvili, au fond, est un terrible aveu : celui de l’impossibilité de trouver, en interne, des personnes au-dessus de la mêlée pour mener les réformes. Mais c’est aussi la marque d’un certain isolement de Kiev. Si le pouvoir tend la main à des personnalités de l’Est, cela montre, en creux, la frilosité de l’Ouest européen à prêter main forte aux Ukrainiens dans la conduite des réformes.

Les soutiens de Porochenko, en tout cas, applaudissent. À les croire, la nomination de Saakachvili n’a aucune raison d’agacer le Kremlin. « Je ne vois pas comment les relations entre l’Ukraine et la Russie peuvent empirer, explique le député Oleg Goncharenko à Odessa, joint par Mediapart. Nous sommes déjà en guerre, les relations n’ont jamais été aussi mauvaises, Poutine n’a pas besoin de cela pour faire ce qu’il veut en Ukraine ! »

Ce député élu en novembre dernier sur les listes du « bloc Porochenko », et anciennement président du conseil régional d’Odessa, est convaincu que Saakachvili peut exporter son expérience en Ukraine. « L’oblast d’Odessa constitue l’une des plus grandes régions d’Ukraine, et c’est la plus longue frontière extérieure du pays. C’est une région pleine de ressources, qui a un gros potentiel. L’expérience d’un étranger comme Saakachvili peut non seulement améliorer la situation localement, mais fournir un exemple et contribuer ainsi aux réformes au niveau national. » L’élu le reconnaît pourtant, si les pro-Maïdan dont il fait partie nourrissent beaucoup d’espoir face à cette nomination, les pro-russes de la région ne s’en réjouissent absolument pas.

La région stratégique d’Odessa, si elle est restée à l’écart de la guerre qui a fait à ce jour plus de 6 200 morts dans le Donbass, est traversée par de vives tensions. Logée entre la Transnistrie, province sécessionniste de Modalvie où stationnent des troupes russes, et la Crimée, annexée par la Russie en mars 2014, la ville d’un million d’habitants en grande partie russophone a été aux premières loges des soubresauts qui ont suivi l’effondrement du pouvoir Ianoukovitch, l’an dernier.

Le 2 mai 2014 en effet, un incendie embrase la Maison des syndicats… 48 militants pro-russes y périssent, sans compter les nombreux blessés. Pour l’heure, un seul activiste pro-Kiev a été inquiété dans cette affaire, l’enquête judiciaire semble au point mort, et de nombreux pro-Russes se disent persécutés, comme le raconte ce reportage du Monde publié le mois dernier. De leur côté, des citoyens, principalement des journalistes, ont formé le « comité du 2-Mai » pour mener leurs propres investigations, s’efforçant d’être le plus impartiaux possible. Leurs conclusions ont écarté le scénario du massacre prémédité, mais racontent l’enchaînement d’agressions mutuelles et l’impuissance et la passivité des forces de police ukrainiennes.

Le déclin du clan Kolomoïski

Aujourd’hui, l’atmosphère reste tendue. Des explosions éclatent parfois ici ou là dans Odessa, et si le soutien aux séparatistes de l’Est s’est en partie estompé devant l’ampleur du conflit, de nombreux habitants de la région s’estiment lésés et nourrissent une rancœur face à l’absence de condamnations, un an après le tragique événement. De nombreux anciens affidés au président déchu Viktor Ianoukovitch sont encore dans les rouages du pouvoir local et ne faciliteront certainement pas la tâche du nouveau gouverneur parachuté.

Odessa, ville portuaire au passé riche et aux nombreuses ressources, constitue un point d’autant plus sensible que si jamais le Kremlin décidait d’étendre les troubles en Ukraine, c’est sans nul doute dans cette direction-là qu’il regarderait après Marioupol, l’autre port de la mer Noire encore sous contrôle ukrainien. Odessa, comme Mediapart le relatait à travers un reportage en septembre dernier, fait partie du territoire de la Novorossia, cette « Nouvelle Russie » de l’époque impériale, invoquée depuis l’an dernier par Vladimir Poutine pour mieux asseoir les nouvelles ambitions de la Russie postsoviétique.

Le Kremlin n’a d’ailleurs pas manqué de railler les nouvelles fonctions de l’ancien chef d’État, tandis que la nouvelle a fait les choux gras des médias russes pendant le week-end. « Saakachvili à la tête de la région d’Odessa. Le numéro de cirque continue… Pauvre Ukraine », a tweeté le premier ministre Dmitri Medvedev. « Saakachvili accusé de crimes contre le peuple géorgien est nommé gouverneur d’Odessa où les néonazis ont brûlé des gens en toute impunité, a tweeté de son côté le délégué aux droits de l’homme du ministère russe des affaires étrangères, Konstantin Dolgov. C’est un symbole profond de la démocratie à la Kiev observée avec bienveillance par l’Occident. »

« Saakachvili à la tête de la région d’Odessa. Le numéro de cirque continue… Pauvre Ukraine », tweet de Dmitri Medvedev

Dans ce contexte, accepter le poste pour l’ancien président Saakachvili relève du défi. Voire d’un coup de folie. Un ancien ministre en poste à Tbilissi sous la présidence Saakachvili nous le confirme : l’ancien chef d’État a besoin d’être « dans le feu de l’action », de « se confronter à la difficulté », de « se sentir nécessaire ». Il témoigne d’un attachement particulier à Odessa. La ville présente en effet des points communs avec Batoumi, ce port géorgien de l’autre rive de la mer Noire, dont Saakachvili voulait faire une vitrine prospère de son pays. C’est sans doute cela qui l’inspire quand il parle de développer le port de marchandises ukrainien. Et c’est dans les rues d’Odessa, au début du XXe siècle, qu’est née cette chanson russe, Kostia Mariaka, « Konstantin le marin », que l’ancien président géorgien a souvent mentionnée comme son air préféré…

Mais il est peu question de sentiments ici. Ambitieux, le nouvel homme fort d’Odessa, qui espère bien retrouver un jour des fonctions politiques dans son propre pays, joue sur ce poste son avenir politique. « S’il se plante sur les réformes à Odessa, il sera fini politiquement. C’est lui – et non pas les Ukrainiens – qui porte tous les risques de cette nomination : risque d’échec sur les réformes, mais aussi risque vital pour sa personne ! », lâche un de ses anciens collaborateurs à Tbilissi.

© Saakachvili, “symbole profond de la démocratie à la Kiev observée avec bienveillance par l’occident” pour Konstantin Dolgov

Étant donné les vents contraires qui soufflent à Tbilissi depuis la fin de son second mandat, Saakachvili, de fait, n’a pas droit à l’erreur. Actuellement poursuivi en Géorgie pour recours abusif à la force lors des manifestations de contestation de son pouvoir, en 2007, il vivait en exil aux États-Unis avant d’être appelé par Porochenko.

À l’annonce de sa nomination à Odessa, la réaction de son successeur à Tbilissi n’a pas été tendre. Pour Guiorgui Margvelachvili, Mikhaïl Saakachvili est le traître à la patrie : « L’ancien président a insulté son pays et l’institution présidentielle. Je ne peux pas comprendre un tel comportement indigne », a-t-il déclaré à une radio russe. Selon la loi géorgienne, accepter la citoyenneté d’un pays tiers conduit, de fait, à la perte de la citoyenneté géorgienne. Mais cette perte doit être confirmée par décret, ce qui n’a pas été fait pour l’instant dans le cas de Saakachvili. Or si ce dernier se voyait privé de sa citoyenneté géorgienne, cela entraînerait la levée des poursuites judiciaires actuellement en cours contre lui : ce n’est pas forcément ce que souhaite l’exécutif en poste aujourd’hui à Tbilissi…

Détesté par Moscou, sous le coup de poursuites judiciaires dans son propre pays, sur le retour d’un exil aux États-Unis, Saakachvili est donc en train d’écrire une nouvelle page surprenante de son parcours. Côté ukrainien, cette nomination confirme le déclin amorcé ces derniers mois du clan de l’oligarque Igor Kolomoïski, l’ancien gouverneur de la grande ville de l’est de Dnipropetrovsk démis de ses fonctions en mars. Le gouverneur d’Odessa sortant est en effet le milliardaire Igor Palytsia, qui n’est autre que le bras droit de Kolomoïski, entré en fonctions l’an dernier après l’incendie de la Maison des syndicats.

Ces derniers mois, le gouvernement a engagé un bras de fer pour reprendre le contrôle d’actifs gaziers et pétroliers et réduire l’influence des oligarques. Kolomoïksi semble accepter le jeu – du moins officiellement. Il s’est retiré de ses fonctions politiques pour mieux se concentrer sur ses affaires et notamment sur son empire médiatique. Mais ce tacticien, 2e ou 3e fortune d’Ukraine, n’a certainement pas dit son dernier mot. Nul doute que d’importantes luttes d’influence continuent de se jouer en coulisses, dans l’ombre du conflit qui se poursuit, dans l’est du pays.

Source : Amélie Poinssot, pour Médiapart, pour les non-abonnés, le 3 juin 2015.


Bonus :

“La nomination de Mikheïl Saakachvili a été violemment critiquée par Moscou avant même d’être officielle. Le délégué aux droits de l’homme du ministère russe des affaires étrangères, Konstantine Dolgov, a ainsi écrit sur son compte Twitter : « Saakachvili accusé de crimes contre le peuple géorgien est nommé gouverneur d’Odessa où les néonazis ont brûlé des gens en toute impunité : c’est un symbole profond de la démocratie à la Kiev observée avec bienveillance par l’Occident ».”

Source: http://www.les-crises.fr/toru-arrive-saakachvili-sous-mandat-darret-nomme-gouverneur-dodessa/


Elise Lucet lance une pétition pour protéger le secret des sources

Wednesday 10 June 2015 at 00:15

Elise Lucet

La journaliste de France 2 s’inquiète d’une directive européenne qui permettrait d’attaquer en justice les journalistes et leurs sources par des entreprises.

Elise Lucet s’alarme d’une directive que le Parlement européen s’apprête à adopter le 16 juin prochain. Son but : protéger le secret des affaires des entreprises, notamment concernant les innovations en cours de développement et lutter contre l’espionnage industriel. Mais comme l’explique Elise Lucet, cela implique que « toute entreprise pourra arbitrairement décider si une information ayant pour elle une valeur économique pourra ou non être divulguée. » Ce qui mettrait dans l’illégalité un journaliste qui révèlerait des informations sensibles. La journaliste du 13 heures de France 2, qui anime également l’émission Cash Investigation, lance une pétition contre cette directive .

« Si une source ou un journaliste “viole” ce “secret des affaires”, des sommes colossales pourraient lui être réclamées, pouvant atteindre des millions voire des milliards d’euros, puisqu’il faudra que les “dommages-intérêts correspond(ent) au préjudice que celui-ci a réellement subi”», explique Elise Lucet. « On pourrait même assister à des peines de prison dans certains pays. »

Cette directive mobilise également contre elle une coalition d’ONG dont la Quadrature du Net ou le mouvement Public Citizen, mais aussi l’ensemble des syndicats français .

Une directive lancée en 2013

Lancée en novembre 2013 par la Commission européenne, cette proposition de directive définit le secret des affaires comme des techniques (procédés de fabrication, recettes, composés chimiques, etc.) ou des informations commerciales (listes de clients, résultats d’études de marketing, etc.) ayant une valeur économique pour l’entreprise. Son objectif n’est pas de créer un nouveau droit, qui existe déjà dans presque tous les États, mais de clarifier les définitions et procédures au sein du marché unique.

Comme l’explique le journal spécialisé Contexte, les Etats ont avancé rapidement sur le sujet , en proposant qu’une affaire pourrait être présentée à la justice dans un délai de six ans après l’infraction, au lieu du délai de deux ans initialement prévu. La commission des Affaires juridiques du Parlement européen doit décider le 16 juin de valider ou non le texte.

En France, une disposition de la loi Macron voulait également protéger le secret des affaires. Une mobilisation des journalistes et de syndicats avait forcé le gouvernement à la retirer le 30 janvier dernier . Mais si une directive devait être adoptée, elle pourra être appliquée dans l’ensemble des pays membres de l’Union européenne.

« Nous, journalistes, refusons de nous contenter de recopier des communiqués de presse pour que vous, citoyens, restiez informés. » lance Elise Lucet. « Et comme disait George Orwell : “Le journalisme consiste à publier ce que d’autres ne voudraient pas voir publié : tout le reste n’est que relations publiques”. »

Source : Les Echos, le 5 juin 2015.

Source: http://www.les-crises.fr/elise-lucet-lance-une-petition-pour-proteger-le-secret-des-sources/


Actu’Ukraine 09/06/15

Tuesday 9 June 2015 at 10:04

 

Merci à toutes celles et à tous ceux qui ont participé à cette Actu’Ukraine !

 

 

ACTU’UKRAINE DU 1er AU 7 JUIN 2015

FOCUS DE LA SEMAINE : LES COMBATS DU 3 JUIN 2015 A MARINKA

• Le contexte. La date du 3 juin n’est pas due au hasard. Les combats à Marinka interviennent dans une période d’anniversaires sanglants pour la Novorussie qui marquent le début réel de la guerre civile :  le début du siège de Slavyansk le 1er juin (youtube), le bombardement aérien de Lougansk le 2 juin 2014 et la bataille de Semenovka, près de Kramatorsk, le 3 juin 2014.

Il y a un an donc, les troupes de l’Opération Anti-Terroriste encerclent Slavyansk (youtube) et bombardent la ville. Un avion d’attaque Su-25 ukrainien lance ses bombes sur le bâtiment de l’administration municipale de Lougansk et le parc attenant, tuant sept civils dont cinq femmes (youtube, vidéo 18+ : youtube, fortruss, russia-insider). A Semenovka, au sud est de Kramatorsk, l’opération anti-terroriste devint réellement une guerre civile avec des bombardements aériens et d’artillerie et des attaques de blindés contre lesquels les novorusses n’avaient rien de similaire à cette époque pour résister (youtubecolonelcassad, googlemaps, fortruss).

Pour les ukrainiens aussi, ces dates sont hautement symboliques. Elles représentent des victoires, les seules du reste, remportées sur les novorusses, permettant de conquérir les villes de Slavyansk et Kramatorsk, puis Artemovsk et Lysychansk, réduisant de moitié le territoire plus ou moins contrôlé par les novorusses à l’été 2014.

Roses Have Thorns (Part 11) Airstrike in Lugansk City  (youtube)

Roses Have Thorns (Part 12) The Siege of Slavyansk I   (youtube)

Главный бой донецкой республики. 3 июня. 300 стальных стрелков (youtube)

 

• Marinka. Marinka est une ville limitrophe de Donetsk qui est située sur la ligne de front (googlemaps). Elle fait partie des lieux où des combats sporadiques ont lieu comme Peski et Shirokino. Les ukrainiens s’en servent pour bombarder Donetsk toute proche.

 

• Prémisses. Les responsables des DNR/RPD et de  LNR/RPL estimaient que les hostilités allaient reprendre sur tout le front dès la mi-avril (ridus.ru  à 09 h 15). Même si la date est quelque peu passée, cela semble se confirmer avec les récents bombardements sur Gorlovka et les  quartiers périphériques de Donetsk, sans parler de Shirokino où les combats n’ont  jamais cessé. Dans la soirée de lundi 1er juin, c’est encore Donetsk qui a souffert, en  l’occurence le quartier de Kirovsk, où des obus de mortier ont touché  deux maisons, heureusement sans faire de victimes  (dan-news.info).

Depuis la ville on entend des tirs d’armes lourdes. Rien d’étonnant à cela, puisque la mission de l’OSCE affirme n’avoir pas trouvé certaines armes lourdes ukrainiennes sur les lieux où elles devraient être stockées (osce.org). Les Cyber Berkut, de leur côté fournissent le 4 juin des images satellites des mois de mars à mai 2015, donc post Minsk 2, montrant des armes lourdes ukrainiennes dissimulées près du front : “04.06.2015   USA suppress the facts of the violation of the Minsk agreements by Kiev” (cyber-berkut.org).

• les bombardements du 2 et 3 juin 2015. Ce jour là, l’artillerie ukrainienne ouvre le feu sur la quasi totalité de la ligne de front avec la République de Donetsk et plus particulièrement à Donetsk, Shirokino, Gorlovka et Spartak. Le bombardement de Donetsk est de plus réalisé avec des armes lourdes (double violation des accords de Minsk 2). L’attaque touche des zones économiques  (youtube, dnr-news.com) et résidentielles (fortruss, youtube) et coupe l’alimentation électrique de la mine de charbon Skochinskiy, bloquant 375 mineurs au fond (dnr-news.com). En tout c’est trois mines qui sont privées d’électricité dans la région, bloquant presque 1000 mineurs au fond (rt.com). Ceux de la mine Skochinskiy ont pu être ramenés à la surface manuellement dans la journée du 4 juin (novorossia.today), nous n’avons pas d’information sur les autres. Ces bombardements font des victimes civiles et miitaires côté novorusse : “au moins” 19 morts et une centaine de  blessés (rt.com). Difficile d’avoir un bilan exact. Dans un seul hôpital de Donetsk on compte 60 blessés (fortruss).

 

Bombed houses burn in Donetsk – Exclusive drone footage  (youtube)

 

Drone footage: Sokol market in Donetsk after shelling (EXCLUSIVE)   (youtube)

 

Le ministre de la défense de la DNR (République de Donetsk) indique que : “Fire was opened on our positions across the front line: in Shirokino,  Elenovka, airports, Petrovsky district of Donetsk and pile up in  Marinka.  Applied 120 122 and 152 mm shells.  The enemy uses heavy artillery and rocket systems, heavy equipment and well-armed infantry.  For seven hours we conduct defensive operations ” (dnr-news.com).

 

• 3 juin 2015 : la bataille de Marinka.  Dans la nuit du 2 au 3, vers 4 heures du matin, des éléments novorusses s’infiltrent à Marinka pour faire cesser les tirs sur leurs positions et sur la ville de Donetsk. Ils prennent en partie les ukrainiens par surprise et les mettent en panique. Les novorusses poussent leur avantage. La ville est annoncée prise vers midi (fortruss, colonelcassad, dnr-news.com, fortruss, youtube.com). Praviy Sektor (Secteur Droit) s’alarme et parle d’un potentiel nouvel encerclement de troupes ukrainiennes (dnr-news.com) puis les combats s’intensifient quand les Ukrainiens amènent des renforts (dnr-news.com, colonelcassad) et les novorusses se replient sur leurs positions. A 19h00, des combats avaient encore lieu (colonelcassad, fortruss).

DPR – Militias expelled Ukrainian soldiers from Marinka, June 3rd | Eng Subs   (youtube)

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[18+] ДНР. Марьинка. Бой ведет подразделение «Пятнашка». Эксклюзив. 3 июня 2015   (youtube, fortruss)

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[18+] ДНР. Марьинка. Снайперская дуэль. Эксклюзив. 3 июня 2015  (youtube, fortruss)

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Dans une logique toute ukrainienne, l’état-major indique avoir dû utiliser des armes lourdes pour stopper l’attaque novorusse dont le but était d’arrêter les bombardements à l’arme lourde des ukrainiens : “To stop the enemy offensive and to avoid casualties among Ukrainian  troops, the command, warning all international partners, was forced  to use artillery which had previously been drawn back in accordance  with the Minsk agreements,” (sputniknews, dnr-news.com).

Au total c’est apparemment une bataille sanglante pour rien, la ligne de front n’a pas bougé. Apparemment, parce que Edouard Bassourine, représentant du ministère de la Défense de la DNR, déclare le 3 juin : “Le service des renseignements de DNR a constaté en début de journée des mouvements inhabituels sur les positions de l’armée ukrainienne. Ensuite les forces ukrainiennes de Krasnogolovka ont ouvert le feu sur les positions de DNR et sur leurs propres positions à Marinka. Soi-disant en réponse à ces tirs, l’artillerie ukrainienne à Marinka a ouvert le feu sur nos positions dans la banlieue de Donetsk. Ensuite l’artillerie de Krasnogorovka l’a rejoint. Comme résultats, nos positions dans le banlieue de Donetsk se sont retrouvés sous les tirs croisés“. Bassourine considère cela comme une provocation planifiée de Kiev : “A peine les obus ukrainiens ont touché nos positions en banlieue de Donetsk, que les média ukrainiens ont sorti les titres criards de soi-disant torpillage des accords de Minsk par l’armée de la DNR. Sous couvert de ces tirs massifs, les forces ukrainiennes ont transféré de Novoselovka à Marinka et à Krasnogorovka deux compagnies de chars et 300 soldats environ . Ils y sont toujours en ce moment, ainsi donc, l’objectif caché de cette provocation est l’accroisement des blindés et de l’artillerie lourde des FAU, interdits par les accords de Minsk, en banlieue de Donetsk en vue de préparer une nouvelle provocation samedi ou l’assaut de la ville.” (youtube, dan-news.info). Comme pour confirmer les affirmations de Bassourine, le 5 juin, Kiev déclare l’évacuation générale des civils dans les villes citées par Bassourine : Marinka et Krasnogorovka, au nord de Marinka (dnr-news.com).

 

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Il est possible que l’incursion novorusse le 3 au matin ait trouvé les troupes ukrainiennes en ordre de bataille, prêtes à l’attaque donc non préparées pour la défense, d’où la surprise et la panique quand elles ont été attaquées et prises pour cible par l’artillerie novorusse… ce qui serait compatible avec les pertes élevées chez les ukrainiens annoncées par Zakharchenko.

Il y avait apparemment déjà eu le 1er juin des tentatives ukrainiennes de percée à Marinka  (youtube).

 

ВСУ который день пытаются прорвать оборону ополченцев в Марьинке. Все попытки заканчиваются плачевно  (youtube)

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Dans tous les cas, les ukrainiens ont une nouvelle fois montré leur faiblesse face à des contre-attaques. Leurs troupes, le bataillon de volontaires “Kiev” en particulier, ont paniqué et fui en désordre. Ils ont dû faire venir des renforts, utiliser des armes lourdes et des chars d’assaut pour stabiliser la situation au prix de “lourdes” pertes selon les novorusses. Difficile d’avoir un bilan objectif là aussi. Alexandre Zakharchenko, chef de la DNR/RPD indique, le vendredi 5 juin, que les pertes ukrainiennes à Marinka sont de 400 morts, plus de mille blessés et environ 60 “unités techniques ” détruites (par là, on entend véhicules, pièces d’artillerie, chars, transports de troupes, etc.) (ria.ru, dnr-news).  Les Novorusses annoncent pour leur part une quarantaine de morts et une centaine de blessés dans leurs rangs (fortruss).

Le vendredi 5 juin, la DNR organise une conférence de presse à laquelle un soldat ukrainien capturé témoigne. Ce dernier corrobore partiellement les chiffres avancés par Zakharchenko : “De notre côté, les pertes sont élevées, dans mon groupe, il y a des “200″ (des tués) dans tout  Marinka, environ 200 tués et beaucoup de blessés “ (rt.com, dnr-news, youtube, youtube, colonelcassad). Il indique de même que les Ukrainiens avaient prévu de faire une percée dans les lignes novorusses et entrer dans Donetsk, ce qui va dans le sens de l’hypothèse évoquée plus haut. On notera également que ce combattant, fait prisonnier par les Novorusses lors d’une dure bataille, a eu plus de chance que Vitali Korobkov, le Novorusse auquel des combattants de Praviy Sektor ont coupé les deux index (voir news de jeudi ).

 

Cliquez sur l’image pour voir la video : version originale complète – 27 minutes (youtube)

 

Cliquez sur l’image pour voir la video : extrait avec sous-titres En et De – 1mn13 (youtube)

 

Côté ukrainien, c’est très différent. Kiev annonce 5 tués et 38 blessés parmi ses troupes (unian.info) et annonce avoir tué 80 séparatistes et blessé une centaine à Marinka (unian.info). Peut-on se fier aux déclarations de Zakharchenko ? D’une part, les autorités de DNR et LNR ont toujours été, sinon exactes, en tout cas crédibles, dans leurs déclarations ; d’autre part, l’état-major ukrainien a depuis le début proféré d’énormes mensonges (destinés à l’opinion publique) concernant les pertes humaines dans ses rangs. Ce fut le cas pour le chaudron du sud (juillet-août 2014), celui d’Ilovaïsk (août 2014), l’aéroport de Donetsk (hiver 2014-2015) et le chaudron de Debaltsevo (février 2015). Cela semble apparemment continuer. La vérité sortira peut-être d’ici quelques mois.

De plus, les Ukrainiens mettent toute la responsabilité des combats sur les Novorusses et ne parlent que des victimes civiles de leur côté de la ligne de front. Par exemple, un obus de mortier séparatiste est tombé sur une maison et Oukraïnskaïa Pravda (pravda.com.ua) titre “Trois civils tués et quatre blessés sous les tirs des “boïéviks” (le nom donné aux séparatistes)”. Chez “112.ua”, on préfère se focaliser sur les preuves de l’ingérence russe et les lourdes pertes novorusses  (112.ua) en citant une page Facebook : “Dans les combats autour de Marinka, pas moins de 4 spetsnaz  russes et 10 séparatistes ont été tués, plus de 80 ont été blessés.”. Chez Komsomolskaïa Pravda (kp.ua), la source est Twitter (twitter) : “Selon les données des FAU, 120 à 150 blessés chez les gens de “DNR et LNR”, Beaucoup d’entre eux se trouvent dans les hôpitaux de Donetsk. A l’heure actuelle, il est difficile de dire le nombre exact de tués et de blessés, car les corps sont dans un état affreux à cause des tirs d’artillerie“.

Bref, difficile d’y voir clair. Les bilans de pertes humaines et matérielles sont une information cruciale dans une guerre et une arme en soi.

• Les retombées des combats de Marinka : la réaction pavlovienne des USA et de l’UE. Remarquons d’abord que ces bombardements et ces combats interviennent également la même semaine que la réunion du G7 (sans la Russie) le 7 juin et d’une réunion de l’UE devant décider de la poursuite ou non des sanctions économiques contre la Russie (russia-insider). Pour la Commission Européenne, les combats sont une violation majeure des accords de Minsk 2 (sputniknews) et bien sûr la faute en revient aux Novorusses et aux Russes tout court (lefigaro.fr, lepoint.fr). Marie Harf, porte parole du département d’état américain, est très claire lors de sa déclaration préliminaire au briefing du 3 juin : “And lastly on Ukraine, we are disturbed by reports, including those from the OSCE  that combined Russian-separatist forces launched coordinated attacks  overnight against Ukrainian positions near Donetsk – near Donetsk city  in Pisky, Luhansk, and Maryinca. We are now seeing unconfirmed reports  that the town of Maryinca may have fallen. These attacks by combined  Russian-separatist forces are on the Ukrainian side of the ceasefire  line. They have reportedly utilized Grad rockets and other heavy weapons  that should have been withdrawn under the February Minsk plan, and  they’ve reportedly killed at least one and injured 20 Ukrainians. Any  new attack or aggressive action by combined Russian-separatist forces is  unacceptable and contravenes the Minsk agreements. Russia bears direct  responsibility for preventing these attacks and implementing a  ceasefire. Any attempts to seize additional Ukrainian territory will be  met with increased costs.” (vivreenrussie.1fr1.net, colonelcassad, dnr-news)

Donc tous les mots clefs y sont. Puis la porte-parole devient évasive et fuyante quand il s’agit de répondre aux questions des journalistes, notamment quand il est question des violations ukrainiennes du cessez-le-feu :

 QUESTION: Do you acknowledge that the Ukrainian Government too is violating the Minsk agreements? Yes or no.

MS  HARF: I think I just – I think I – we don’t do yes or no’s here. I  think I just answered your question when I said if a large majority is  the Russian separatist forces, then there’s a very small minority that  is on the other side. I think I answered your question…  

 

Daily Press Briefing – June 3, 2015  (youtube, transcript officiel state.gov)

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Une réunion d’urgence du conseil de sécurité est demandé par la Lituanie, le pays le plus hystéro russophobe de l’UE, pour le vendredi 5 juin (sputniknews, leparisien.fr). A noter qu’il reste quand même quelque chose de Sotchi, vu que ce ne sont pas les USA qui demandent cette réunion et que comme la Lituanie fait partie du conseil comme pays élu pour deux ans (un.org), cette réunion d’urgence ne peut être refusée.

Экстренное заседание Совбеза ООН по ситуации на Украине  (séance intégrale du conseil de sécurité doublée en russe youtube)

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Transcript de la déclaration de la Lituanie à la réunion d’urgence du conseil de sécurité (mission-un-ny.mfa.lt).

Officiellement, l’ONU “appelle une nouvelle fois au respect complet du cessez-le-feu” (un.org). L’UE en profite pour suggérer que les sanctions russes seront prolongées (tv5monde) et ce malgré que l’OSCE indique que Donetsk a été touché par 249 explosions en 9 heures (rt.com) !

Le 5 également, Porochenko discute avec Merkel (president.gov.ua) et Obama (president.gov.ua)

Petro Poroshenko and Angela Merkel discussed the escalation of the situation in Donbas (president.gov.ua)

President of Ukraine had a phone conversation with Federal Chancellor  of Germany Angela Merkel on the eve of the G7 Summit to be held in  Germany on June 7.

The parties discussed the escalation of the situation in Donbas,  particularly due to the attack of Russian-backed militants on Maryinka,  which became another gross violation of the Minsk agreements.

At the same time, Petro Poroshenko emphasized that Ukraine complied  with the Minsk agreements, particularly on the coordination with the  OSCE for the protection of lives of Ukrainian militaries and the return  to the delimitation line. He noted that the situation over the ceasefire  regime had deteriorated and there was no progress in the liberation of  hostages.

The President is hopeful that the leaders of G7 would demonstrate unity and decisive support for Ukraine.

The parties hope that the meeting at the level of political directors  of the foreign ministries within the Normandy format that will be held  in Paris on June 10 will be fruitful. They also discussed future  actions.

The interlocutors talked about the economic situation in Ukraine. The  Ukrainian President called for the discussion of additional financial  mechanisms to maintain macroeconomic situation and energy stability of  Ukraine and the EU.

 

President of Ukraine had a phone conversation with President of the United States (president.gov.ua)

President of Ukraine Petro Poroshenko had a phone conversation with President of the United States Barack Obama.

The Ukrainian and U.S. Presidents discussed the latest developments  in Donbas, particularly after the attack on Ukrainian forces near  Maryinka which is a gross violation of the Minsk agreements.

Petro Poroshenko and President Obama agreed that the full implementation of the Minsk agreements was the key to peace in Donbas.

The parties coordinated their positions on the eve of the meeting of  G7 leaders to be held in Germany on June 7.  They specifically discussed  the issue of continued pressure on Russia via sanctions with the aim of  making Russia and the militants it backs fulfill their Minsk  commitments.

President Obama took the opportunity to reiterate U.S. support for  the sovereignty and territorial integrity of Ukraine.  He also praised  President Poroshenko’s leadership in implementing reforms and achieving  tangible results in this sphere.

President Poroshenko thanked President Obama for the substantial U.S.  assistance in strengthening Ukraine’s defense capabilities via joint  training and called for further cooperation.

 

Le 6 juin, la représentante de L’OSCE pour l’Ukraine, Heidi Tagliavini (osce.org), démissionne devant ‘les désaccords entre les parties prenantes du groupe de contact sur la réconciliation”  (sputniknews).

• Les retombées des combats de Marinka : l’épuisement de la patience russe.  Le 3 juin 2015 est aussi le jour de la réunion à Moscou des ministres des affaires étrangères de l’Organisation de Coopération de Shangaï (OSC/CSO) (wikipedia.org).

Extrait de la conférence de presse de Lavrov à l’issue de la réunion (transcript officiel : mid.ru)

Question:  There are reports about the worsening situation in the conflict area in  Ukraine. Thus, the Ukrainian armed forces report that the self-defence  fighters have launched a large-scale offensive in the Matyinka area.  There is information about the deceased. Will there be a meeting of the  Contact Group or a meeting in the Normandy format to address this? Are  there grounds to qualify this as a bilateral wrecking of the Minsk  agreements?

Sergey Lavrov:  I don’t even want to assume that someone has decided to wreck the Minsk  agreements, although sometimes it seemed that there are plenty of  people in Kiev who would like to do this. This is evidenced by Kiev’s  attitude towards its commitments on conducting amnesty, constitutional  reform and elections by agreement with Donetsk and Lugansk. But the  aggravation of the military situation on the contact line is the most  urgent issue today. I don’t have precise information on this issue. We  have representatives in the joint Centre for Coordination and Control  that consists of Russian and Ukrainian officers and was established upon  the personal request of Ukrainian President Petr Poroshenko. Its goal  is to objectively assess the situation and help the OSCE Special  Monitoring Mission (SMM) identify violators of the agreements on the  ceasefire and the heavy weapons pullout. Judging by the information  accessible from what has now become the area of hostilities along the  contact like on both sides, we have long paid attention to the fact that  reports about the grave destruction of civilian facilities – hospitals,  schools, kindergartens and residential buildings – have only been  coming from the self-defence fighters. Civilians are killed on this side  alone. The side controlled by the Ukrainian Government only reports  military casualties.

To clear up this issue, we  asked the OSCE to instruct the SMM to report not only who shot and how  many times but also to identify the targets of these shootings and who  suffered – civilians  or combat units that engage in artillery fire at inhabited localities.  I’m convinced that this is a very simple task and the SMM must fulfil it  so that everyone has a full picture of what is really happening there —  who violates not only the Minsk agreements but also international  standards of humanitarian law by shelling populated localities with  enviable regularity. 

Let me repeat that the  joint Centre for Coordination and Control and the OSCE SMM are operating  there to curb all of this. We’ll be ready to meet in any format to call  on the sides to comply with the agreements. All of the required  mechanisms are in place. It is simply necessary to use them rather than  ignore or doubt their relevance. But the main thing is to see the entire  picture and realise that whoever is trying to aggravate the military  situation on the line of contact is willy-nilly blocking progress on all  other key political, economic and humanitarian aspects of the Minsk  agreements because if people are busy shooting they probably have a  pretext for not dealing with political reforms. I wish I were mistaken,  but this impression is being created and it is hard to get rid of it. 

But I’d like to finish my  remarks on a positive note.  Yesterday’s meetings of the working  subgroups in Minsk did not reach final results on each issue discussed  but there is some progress, for instance, on the demilitarisation of the  village of Shirokino and the inclusion of artillery pieces and mortars  with a caliber under 100 mm into the list of weapons subject to pullout.  There is also progress in some other areas, for instance, the  long-awaited beginning of direct consultations between Kiev, Lugansk and  Donetsk on the preparations for local elections. I don’t want to jump  ahead of myself but there are some steps forward and they are fairly  positive. Now it is important to bring everything that was agreed upon  to completion. New meetings of the relevant subgroups have already been  scheduled to prevent anyone from wrecking the budding fragile progress  with similar relapses of military activities.

 

 

Colonel Cassad titre le 3 juin que la Russie a “épuisé son potentiel de patience” (colonelcassad) et cite l’attaché de presse du chef du gouvernement russe, Dmitri Peskov : “La menace pour l’ordre mondial et l’ordre en Europe n’est pas la Crimée, mais le moment où l’Europe démocratique et éclairée a béni un changement de pouvoir violent dans un des pays européens, à savoir l’Ukraine. C’est un  tournant décisif dans l’ordre mondial et européen.”.  Le lendemain,  TASS et un média spécialisé publient une autre déclaration de  Dmitri Peskov : “Le président de la Fédération de Russie peut tirer parti de n’importe lequel de ses droits constitutionnels, au nombre desquels celui de demander l’autorisation d’utiliser les forces armées russes en Ukraine, mais étant donné la complexité de la situation dans le sud-est de ce pays, il est important d’éviter toute action de provocation.”  (bykvu). Techniquement, le président russe doit demander l’accord de la Douma (le parlement russe) avant d’utiliser la force armée.

Le 6 juin 2015, Poutine donne une interview à Moscou à des journalistes italiens (corriere.it, tass.ru, fortruss, transcript officiel : kremlin.ru). Pour la première fois, Poutine parle d’“autonomie pour les républiques non reconnues” et précise qu’elle est un processus inhérent eux accords de Minsk 2 mais dont Kiev “ne veux pas entendre parler”  : “Specifically, there  needs to be a constitutional reform to ensure the autonomous rights  of the unrecognised republics. The Kiev authorities do not want to call  it autonomy, they prefer different terms, such as decentralisation. Our European  partners, those very partners who wrote the corresponding clause in the Minsk  Agreements, explained what should be understood as decentralisation. It gives them  the right to speak their language, to have their own cultural identity  and engage in crossborder trade – nothing special, nothing beyond the civilised understanding of ethnic minorities’ rights in any European country. A law  should be adopted on municipal elections in these territories and a law  on amnesty. All this should be done, as the Minsk Agreements read,  in coordination with Donetsk People’s Republic and Lugansk People’s Republic, with these  territories. “

 

 

Extrait de l’interview ( transcript officiel : kremlin.ru)

Paolo Valentino: You say the situation got out of control. But is it not the right moment for Russia to seize the initiative, to find  a way to engage its American and European partners in the search  of solution to the situation, to show that it is ready to address this  problem?

Vladimir Putin:  That is exactly what we are doing. I think that today the document we agreed upon in Minsk,  called MinskII, is the best agreement and perhaps the only unequivocal  solution to this problem. We would never have agreed upon it if we had  not considered it to be right, just and feasible. 

On our  part, we take every effort, and will continue to do so, in order  to influence the authorities of the unrecognised self-proclaimed Donetsk  and Lugansk republics. But not everything depends on us. Our European  and US partners should exert influence on the current Kiev administration. We  do not have the power, as Europe and the United States do, to convince Kiev  to carry out everything that was agreed on in Minsk. 

I can tell  you what needs to be done; maybe I will anticipate your next question.  The key aspect of the political settlement was to create conditions  for this joint work, but it was essential to stop the hostilities, to pull back heavy weaponry. On the whole, this has been done. Unfortunately, there is  still shooting occasionally and there are casualties, but there are no largescale hostilities, the sides have been separated. It is time to begin  implementing the Minsk Agreements.

Specifically, there  needs to be a constitutional reform to ensure the autonomous rights  of the unrecognised republics. The Kiev authorities do not want to call  it autonomy, they prefer different terms, such as decentralisation. Our European  partners, those very partners who wrote the corresponding clause in the Minsk  Agreements, explained what should be understood as decentralisation. It gives them  the right to speak their language, to have their own cultural identity  and engage in crossborder trade – nothing special, nothing beyond the civilised understanding of ethnic minorities’ rights in any European country.

A law  should be adopted on municipal elections in these territories and a law  on amnesty. All this should be done, as the Minsk Agreements read,  in coordination with Donetsk People’s Republic and Lugansk People’s Republic, with these  territories. 

The problem  is that the current Kiev authorities don’t even want to sit down  to talks with them. And there is nothing we can do about it. Only our  European and American partners can influence this situation. There is no  need to threaten us with sanctions. We have nothing to do with this, this is not our  position. We seek to ensure the implementation of the Minsk Agreements. 

It is essential to launch economic and social rehabilitation of these territories. What has happened there, exactly? The current Kiev authorities have simply cut them off from the rest of the country. They discontinued all social payments – pensions, benefits; they cut off the banking system, made regular energy supply impossible, and so on. So you see, there is a humanitarian disaster in those regions. And everybody is pretending that nothing is wrong. 

Our European  colleagues have taken on certain obligations, in particular they promised to help restore the banking system in these territories.  Finally, since we are talking about what can or must be done, and by whom, I believe  that the European Union could surely provide greater financial  assistance to Ukraine. These are the main points.

I would  like to stress that Russia is interested in and will strive to ensure  the full and unconditional implementation of the Minsk Agreements,  and I don’t believe there is any other way to settle this conflict today.

Incidentally, the leaders of the self-proclaimed republics have publicly stated that under certain conditions – meaning the implementation of the Minsk Agreements – they are ready to consider themselves part of the Ukrainian state. This is a fundamental issue. I think this position should be viewed as a sound precondition for the start of substantial negotiations.

 

• Suite des combats de Marinka : Les bombardements ukrainiens à l’arme lourde continuent les jours suivants.  Le 4 juin, le village de Telmanovo (googlemaps) est bombardé par les Ukrainiens. Un enfant de 4 ans a été tué (youtube, youtube) . Parmi les impacts, un cratère de trois mètres de diamètre, probablement créé par un missile “Ouragan”, arme lourde devant normalement être loin de la ligne de front (youtube)…

 

 

Donbass, Telmanovo bombardé.  Un enfant de 4 ans tué (youtube)

 

Donbass, Telmanovo. Le petit Vania tué, sa tante meurt  emportée par la douleur   (youtube)

 

Срочно!!! Страшный обстрел Тельманово укрокарателями. 4 июня 2015 [18+]   (youtube)

cliquez sur l’image pour voir la video

 

Le 6 juin, Donetsk est de nouveau bombardé (twitter, rt.com, youtube) et c’est à nouveau un marché couvert qui est visé. La population est en colère et est prête à se battre (youtube, youtube)

 

 

 

Ukraine: Shelled Donetsk market left in smouldering ruins after huge blaze (youtube)

 

Donetsk 6 juin 2015. Marché frappé de plein fouet (youtube)

 

Donetsk  6 juin 2015. Sur les lieux de l’attaque (youtube)

 

Femmes de Donetsk prêtes à se joindre aux combats (youtube)

 

Le 7 juin, à Donetsk, le quartier de Kouibichev est à nouveau sous les tirs ukrainiens. Plusieurs personnes ont été blessés (gorod-donetsk.com).

 

 

LUNDI 1er JUIN 2015

• Saakachvili à Odessa. Dimanche 31 mai, un média allemand a publié un article très complet sur cette nomination. Saakachvili a été chaudement félicité par Vitali Klitshko, le maire de Kiev, et par Anton Geraschenko, conseiller du ministre de l’intérieur, qui fonde de grands espoirs sur Saakachvili : “Par son exemple, il va montrer comment il faut détruire la structure pourrissante du pouvoir local, qui repose sur le népotisme et la corruption”. Toutefois, il n’est pas certain que Porochenko ait fait le meilleur choix pour assumer cette tâche colossale, étant donné qu’en Géorgie,  Saakachvili est poursuivi pour un détournement de fonds de 5 millions de dollars, un abus de pouvoir dans la dispersion brutale d’une manifestation et le fait d’avoir commandité l’agression en 2005 contre le député géorgien Valeri Guelashvili. La première décision de Saakachvili a été d’organiser un concours afin de remplir les postes de fonctionnaires ou hauts fonctionnaires laissés vacants par la “lustration”, ce que Porochenko a trouvé  “très positif” (rian.com.ua). Cependant le concert de critiques et de jugements négatifs autour de cette nomination ne laisse rien présager de bon.

Pour Saakachvili  “le sort du gouvernement ukrainien se joue prioritairement à Odessa. Evidemment, à Kharkov aussi, à Kiev aussi et dans toutes les régions proches du front. Si l’Ukraine parvient à contenir la pression exercée par l’ennemi dans ces régions stratégiques,  elle fera des avancées significatives” (ukrinform.ua).

Le chef du Centre ukrainien d’analyses, Alexandre Okhrimenko, estime qu’il peut se produire, sous le gouvernorat de Saakachvili, un torpillage du travail des ports : “Il va probablement saboter l’activité des ports, il y aura des scandales retentissants, mais la contrebande va s’amplifier de plusieurs fois. La Géorgie, c’est un centre de contrebande. Après la réforme de Saakachvili, un nouveau flux de contrebande en direction de l’Europe et de la Russie passera par la Géorgie. Si c’était un autre gouverneur, cela ne signifie pas qu’il n’y aurait pas de contrebande. C’est une histoire d’argent… C’est intéressant pour lui (Porochenko) qu’il (Saakachvili) détruise un maximum de pratiques qui avaient cours sous l’ancien pouvoir, et ensuite il pourra renvoyer son gouverneur, qui est sous les ordres directs de Kiev. C’est un fonctionnement tout-à-fait normal” (rian.com.ua).

 

• Campagne et anti-campagne de communication autour de Saakachvili. Le 30 mai, il s’adresse aux Odessites… en russe (youtube) !

Первый брифинг Саакашвили на посту губернатора Одесской ОГА   (youtube)

 

Le 1er juin, il a les honneurs d’une interview de la BBC où il dit qu’il va “combattre la corruption et la criminalité”, c’est à dire, dans le contexte d’Odessa :  les réseaux politiques, les diverses mafias et les bataillons de volontaires (bbc)…

 

cliquez sur l’image pour voir la video

 

Le 6 juin, il écrit un éditorial dans Newsweek à la gloire de Porochenko (newsweek).

De son côté, Kolomoiski n’a pas digéré la perte du gouvernorat d’Odessa et sort un documentaire à charge contre Saakachvili (youtube). Documentaire supprimé du compte Youtube initial par ordre de Porochenko…mais qui réapparait ailleurs !

Грузинский гастролер  (“L’orateur de foire géorgien”) (youtube)

 

• Le jour international des enfants à Donetsk.  Minute de silence en mémoire des enfants morts au Donbass sur l’Avenue des Anges  (ridus.ru à 15 h 35 ).

 

• Interview ordinaire sur la ligne de front. En dépit du cessez-le feu, les FAU ne cessent de tirer sur Gorlovka. Dans cette vidéo parue le 01 06 2015 (ridus.ru à 13 h 35, youtube), le journaliste et le jeune soldat novorusse sont brusquement interrompus par une explosion toute proche, puis par une autre. Le soldat parle à plusieurs reprises du cessez-le-feu et des Ukrainiens qui ne le respectent pas.

Видео обстрела пригорода Горловки. Нарушенное перемирие. ТВ СВ-ДНР Выпуск 476 (youtube)

 

• Tentative de mobilisation forcée.  Le gouvernement de Kiev a de plus en plus de mal à mobiliser les hommes, il lui faut même avoir recours à des opérations de ratissage. Par exemple, à Zaporozhe, des militaires montent dans un bus de travailleurs en route pour le travail  afin de les recruter de force (youtube). La scène est filmée par un téléphone portable, on entend les protestations des gens. Les militaires – sans insignes – ont arrêté le bus exprès. Les ouvriers se rebiffent, ils font remarquer que les militaires n’ont ni insignes ni  documents prouvant leur appartenance aux services de recrutement.

Des experts expliquent cette mobilisation de masse par la nécessité de compenser les pertes et de renforcer les troupes de la zone de l’OAT afin de poursuivre le conflit et de soutenir un éventuel conflit en Transdnistrie, région séparatiste moldave protégée militairement par la Russie depuis 1992. D’autre part, certains supposent que les F.A.U. (Forces armées ukrainiennes) n’arrivent tout simplement pas à réaliser le plan de recrutement . Dans la presse ukrainienne, on trouve des informations concernant les sanctions prises à l’encontre de commandants de bureaux de recrutement qui ne sont pas parvenus à respecter leur quota. Enfin, il faut bien compenser les désertions massives auxquelles s’attend l’état-major en cas de reprise des hostilités (fortruss).

 

• Correspondance Soros Porochenko. Les Cyber Berkut publient des lettres et emails échangés entre l’hyper oligarche Soros et l’oligarche Porochenko (01.06.2015 George Soros: Wanna Buy Ukraine, No Price Matters. cyber-berkut.ru). en particulier 3 documents :

A short and medium-term comprehensive strategy for the new Ukraine (cyber-berkut.org)

Un brouillon de lettre pour le président des USA (cyber-berkut.org)

une lettre à Porochenko et Yatseniouk datant de décembre 2014 (cyber-berkut.org)

L’ info est aussitôt reprise par la presse russe et pro-russe (fortruss, rt.com, sputniknews, sputniknews) ainsi que Zerohedge (zerohedge), Politis (politis.fr) et le Ron Paul Institute (ronpaulinstitute.org). Ron Paul se demande pourquoi Soros veut étendre la guerre en Ukraine.

 

 

Soros Seeks to Expand War in Ukraine…Why? (youtube)

 

Le groupe de hackers Cyber-Berkuts a déjà réalisé quelques exploits et est très actif en ce moment. Le site (cyber-berkut.ru) publie en russe et en anglais. Ci-dessous la liste des posts du groupe entre novembre 2014 et aujourd’hui :

04.06.2015 USA suppress the facts of the violation of the Minsk agreements by Kiev (repris par colonelcassad)

04.06.2015 Plans of The Western world on carrying out of information wars   

01.06.2015 George Soros: Wanna Buy Ukraine, No Price Matters

30.05.2015 US Special Forces are preparing sabotage in Ukraine

23.05.2015 The Ministry of Finance of Ukraine is cracked : in the country there were only debts

30.04.2015 Security Service of Ukraine authorised liquidation of Oles Buzina

15.04.2015 Photos of the Western Military Inspectors in Ukraine

13.04.2015 The Western Military Inspectors all in considerable quantities arrive to Ukraine

11.04.2015 The list of staff of a battalion «Krivbas»

06.04.2015 The list of staff of a battalion of the Ministry of Internal Affairs of Ukraine «Tornado»

20.03.2015 Ukrainian Journalist: We Killed 10 Citizens Accidentally

19.03.2015 Ukrainian Ministry of Information Policy consists of ordinary fascists. 

06.03.2015 Mariupol “clean-up” operation and arrests of its residents are initiated by Ministry  of Information Policy of Ukraine.

05.03.2015 Message for the Mass Media, our followers and supporters

05.03.2015 Ukraine’s Information Troops are destroyed; recruit-bot Yuri Stets has been captured 

05.03.2015 Ukrainian «Skinheads» in large quantities perish in zone АТО

03.03.2015 CyberBerkut marks anniversary of creation!

27.02.2015 USA tries to convince Paris to send weapons to Ukrainethese weapons will be used by the “volunteers” from Private Military Companies

31.01.2015 CyberBerkut has blocked a site of the prime minister of Ukraine

31.01.2015 CyberBerkut has opened criminal activity of the deputy of the Supreme Rada andthe leader of Praviy Sector (Right Sector) D.Jarosh

28.01.2015 CyberBerkut gained access to Ukrainian Military Attorney’s PC

18.01.2015 CyberBerkut have access to classified documents Department of the security serviceof Ukraine in Donetsk area (concerne le bombardement du bus près de Volnovokha).

18.01.2015 CyberBerkut has blocked German Chancellor and the Bundestag’s websites.

30.12.2014 Westinghouse Electric Corporation use Ukraine as range for nuclear tests of production (ce qui aurait pu nous valoir un nouveau Tchernobyl, car les barres de carburant atomique américain chauffaient trop).

30.12.2014 In Ukraine enacted a ban on freedom of speech

25.11.2014 Cyb rBerkut gained access to the documents of Joseph Biden’s delegation officials

21.11.2014 For Joseph Biden’s visit 

08.11.2014 Punishers’ outrage evidence found on Ukrainian Prosecutor-General’s PC (ces documents, publiés en Ukraine sur les réseaux sociaux, ont mis en évidence le comportement criminel des membres de certains bataillons.

Nouvelle confirmée par la chaîne 13 UA : https://www.youtube.com/watch?v=6ITiF-xrzhA )

 

et des morceaux choisis des mois précédents :

14.08.2014 Army of CyberBerkut blocked sites of the President of Poland and the Warsaw StockExchange

04.07.2014 Address to the press (alerte sur l’incapacité de la Privatbank de Kolomoïski à protéger les données personnelles et bancaires de ses clients)

23.05.2014 The electronic system of the Ukrainian Central Election Commission has been destroyed 3 days before the elections (communication en deux parties, même date)

22.03.2014 How the USA organized the brown revolution in Ukraine (documents joints)

06.03.2014 Our regards to Yatsenyuk and Timoshenko! (avec la liste de tous les sites bloqués par les Cyber Berkuts. Très intéressante déclaration de guerre aux gouvernants ukrainiens et aux fascistes)

 

 

 

MARDI 2 JUIN 2015

• Interviews de Lavrov par la chaîne Bloomberg (video youtube, transcript officiel mid.ru) et Rossiya 24  (transcript officiel mid.ru).

Extraits de l’Interview à Bloomberg  (mid.ru)

Sur Sotchi

Question:  He is Vladimir Putin’s right hand man for foreign policy, and he is at  the helm of Russia’s diplomatic arm at a time, when relations with the  West are at a post-Cold War low. Sergey Lavrov, thank you very much for  joining. I want to start by asking you about your recent meeting with  the US Secretary of State John Kerry. You met with him for several hours  in Sochi. The two of you sat down together with the Russian president.  What is this? Is this the beginning of a thaw in relations between  Russia and the United States?

S.Lavrov:  I believe this is the realistic approach, getting the upper hand. I was  a bit surprised that people paid so much attention to the fact that  John Kerry spent several hours with the Russian leader and with his  counterpart. Because if you take 2014, the year of the crisis in  Ukraine, which was used by some people to try to derail the relations  between Russia and the West, last year John Kerry and myself, we met 17  times. More than any of my counterparts, I saw John Kerry. And every  time it was several hours. And it was a businesslike discussion on  Syria, Yemen, Iraq, Afghanistan, Ukraine of course. And the fact that  another round of talks took place on the Russian soil, it’s a welcome  sign, but more symbolic, rather than substantive.

 

Sur les négociations de Minsk 2

Question: So far all the talks when it comes to Ukraine that the Russian president has participated in have involved the German chancellor and the president of France. Do you think that – what we haven’t seen is president Obama at the table – do you think that that would help the peace process in Ukraine?

S.Lavrov: You mean the Americans at the negotiating table?

Question: Correct.

S.Lavrov: Well, we discussed this with John Kerry. I believe John Kerry and his team understand that the process is very fragile. The contact group, the subgroups in the four areas, Normandy format – look, if each and every participant of the contact group and the Normandy format is in favour of changing this we would not object. But I believe the Americans understand that it is so fragile that any newcomer could..

Question: …derail the process?

S.Lavrov: …unbalance this process, and we agreed, since the Americans no doubt have huge influence on the authorities in Kiev and on their behaviour, we agreed to keep a bilateral channel on a regular basis between Moscow and Washington to exchange our views and to see how we both can influence the parties on the ground in the direction of full and comprehensive implementation of the Minsk agreements.

 

Lavrov avait donné une autre interview le 29 mai dernier, soit 3 jours plus tôt, sur la chaine russe Rossiya 24 (transcript officiel mid.ru)

 

Extraits de l’Interview à Rossiya 24  (mid.ru)

 Question: The past year has been a serious test of strength for the UN and security structures in Europe due to the crisis in Ukraine and the confrontational context that emerged in the relations between Russia and the so-called West, to which Japan added its own sanctions against Russia. How sensible do you think our partners’ position is? Here is how things look on the outside – Ukraine declared war on Russia, yet continues to import Russian coal, gas and electricity, the embassy continues to operate, planes keep flying, and although Russia is not at war with Ukraine, it’s mostly us that the West reproaches for failures in the implementation of the Minsk agreements. Have you ever heard any serious reproaches of Ukraine for violating these agreements?

Sergey Lavrov: I think that by now all leading Western countries that have been following the situation and know the facts are perfectly aware that the Ukrainian government is the key obstacle hampering the implementation of the Minsk agreements. The reasons vary. Some fear that if the war comes to an end, if provocations and the shelling of the self-proclaimed DPR [Donetsk People’s Republic] and LPR [Lugansk People’s Republic] cease, military tensions will abate and they will be called to account for mishandling the economy and social sphere. Others fear that disobedient battalions, no more war for them in southeast Ukraine, will return to other regions and start practicing the skills they acquired during the war. Still others say that the more the military hysteria is whipped up, the easier it will be for the Ukrainian authorities to persuade the West to step up pressure on Russia.

The West’s position is as follows: if the Minsk agreements are implemented, sanctions against Russia will be lifted. As if Russia was the only country to sign the Minsk agreements and should, therefore, be the only one to implement them.

That’s not so. When asked how they will react to more and more instances of Kiev failing to honour its commitments, substantiated by evidence, our Western partners say nothing. I am convinced that deep in their minds, they give it a thought, and we know that they send signals to Kiev – so far, behind the curtain. Although, I feel that many Europeans are on the verge of doing so openly, as behind-the-curtain reprimands have produced no effect or result.

We can see that if we look at the text of the Minsk agreements, which is an open document approved by the UN Security Council. It says that consultations must begin with Donetsk and Lugansk on matters concerning local elections on the basis of Ukrainian law. But those consultations haven’t even begun, and instead they say: “No, let them (Donetsk and Lugansk) allow the OSCE in, and it will then determine how these elections should be held.” But that’s not what was agreed upon in Minsk. What is said in the agreements is that after – in the course of Kiev’s consultations with Donetsk and Lugansk – the parameters of local elections on their territory have been coordinated, the OSCE will monitor the elections. And now they are attempting to reverse this. That’s first.

Second, the Minsk agreements stipulate that the economic blockade must be stopped, social payments resumed and the banking system restored. None of that is being done.

Third, it’s amnesty for everyone involved in the events in southeast Ukraine. Without that, how can one expect participants in the elections to represent all social strata? It’s impossible.

 

Question: Meanwhile, they are planning to amnesty their own people, those who committed war crimes?

Sergey Lavrov: Certainly. But no general amnesty is in sight.

Fourth, the law on a special status for Donbass must be enacted. This law is ready and just needs to take effect. They adopted it, but later suspended it again, saying that it will not be applied until the territories of the DPR and LPR are fully “liberated” and Kiev’s control over them is completely restored, and up until then they will have the status of “occupied territories”. That, too, is a gross violation of Kiev’s obligations under the Minsk agreements.

And then, to be sure, there is the constitutional reform, which, as was agreed upon in Minsk, has to be coordinated with Donetsk and Lugansk. However, they have not even been included in a special constitutional commission that comprises 15 Western experts, but no one from Donetsk or Lugansk.

 

Question: All this was agreed upon with Ukrainian President Petr Poroshenko. Do we still consider him a partner? Is there someone to talk to? Is there any consolidated decision? Who are our negotiating partners?

Sergey Lavrov: Ukrainian President Petr Poroshenko is our negotiating partner. He continues contacts with us and we feel that he is striving to comply with what was agreed upon.

Probably he has to consider the existence of the “party of war” in Kiev, at least for the record and in practical actions. It exists no matter what the attitude toward it might be. Bellicose statements as regards Russia, Donetsk and Lugansk are being made on end. They are called “terrorists” or “separatists”. Given this approach, I am very pessimistic about the ability of the current Ukrainian authorities to implement what President Poroshenko signed with the support of Russia, Germany, France, the OSCE and the United States. At the Sochi meeting, US Secretary of State John Kerry unequivocally expressed the need for strict compliance with all aspects of the Minsk agreements.

We agreed on the following approach – considering its influence on Kiev, the United States will use it to encourage moves toward the implementation of the Minsk agreements. We will do the same as regards the self-proclaimed DPR and LPR – we have never stopped doing this. They agreed and signed the Minsk agreements, having promised to remain part of Ukraine if all of them are fulfilled. This is the result of Moscow’s very serious efforts. Otherwise, they would have proclaimed independence. They did not even want to hear about any talks except those regarding the division of territory, the partition of property and something else.

However, now the chief thing that should be done by all means is work on the areas that I’ve mentioned. An opportunity for this opened with the formation in early May of the contact group of four working subgroups on political processes, security, the economy and humanitarian issues. There was a huge battle over this, as contrary to the Minsk agreements of which Donetsk and Lugansk were an inalienable part, Kiev tried to reduce the working subgroups to the Russia-Ukraine-OSCE trilateral format and invite the DPR and LPR when it sees fit just to inform them of the agreements reached. Obviously, this provocative approach does not work. Its only purpose is to create the impression that Russia is a side in the conflict as if it is not Kiev that is fighting with its regions and its people. Eventually, and we must give credit for this to our partners in OSCE and the Normandy format, the negotiators agreed on a formula that will ensure the fully legitimate and meaningful participation of Donetsk and Lugansk in all aspects of this work.

As a result of our efforts, a synchronous meeting of all four working subgroups has been scheduled for June 2. I hope that it will take place on that date. It is important to look at the course of the debates on the practical provisions of the Minsk agreements. Naturally, it is vital to curb attempts to violate the ceasefire, or play around with heavy weapons that must be withdrawn to permanent storage locations. We hope the subgroup on military issues and security will finally endorse the document on demilitarising the village of Shirokino. We made this initiative almost a month ago with the support of Donetsk and Lugansk. The Ukrainian side seems to show understanding, at least as represented by the joint Russian-Ukrainian Centre for Control and Coordination that was set up upon Mr Poroshenko’s request. Now the sides are dovetailing the details of this document. If supported by the self-defence fighters, it may become a very important result of the work by the subgroup on military issues. We are also suggesting that the sides should pull out heavy weapons not only with a calibre over 100 mm, but also with a calibre under 100 mm, including tanks and mortars.

 

Question: How sincere were the talks with US Secretary of State John Kerry on the difficulties in implementing the Minsk agreements and the unreliability of our Ukrainian partners? What is his reaction in this regard? There were reports that the Americans would also like to take part in the negotiating process on the Minsk agreements. Have they said this?

Sergey Lavrov: The Sochi talks were very frank. Apart from Ukraine, we discussed approaches toward the arrangement in Syria, the events in Yemen, and the status of Palestinian-Israeli settlement – we had many issues on our agenda. We worked for many hours, primarily at President Vladimir Putin’s residence with him.

Naturally, Ukraine occupied a special place. The discussion was open. There was no ambiguity or attempts to conceal what should be done and what each side thinks. Let me repeat that we felt the sincere striving of Secretary of State John Kerry to facilitate the implementation of the Minsk agreements. Yes, they think Russia can do more. There were some accusations that they repeated in public later on about the alleged presence of Russian troops and arms in southeastern Ukraine. We were handed very poor Xerox copies of what they described as satellite pictures. We are studying them. It is unclear what has been photographed there. No specific facts were quoted. As for the evidence of the presence of Russian troops, the Americans gave us a reference to Russian media, notably the newspaper Novaya Gazeta and the Dozhd television channel. There was a half-a-page report about some army serviceman who wrote some letters from there and about something that was found in his diary.

Let me repeat, we hear about 9,000-10,000 Russian army servicemen. I think it is indicative enough that despite all of their technical and technological equipment the Americans have not presented us a single convincing and specific fact all this time. But our conversation was frank. We discussed current formats of international efforts to settle the Ukrainian crisis. Considering the positions of not only Russia but also other participants in the process, the sides deemed it useful to establish a bilateral US-Russian mechanism of consultations and exchanging information with a view to understanding how the Americans influence Kiev and what results they achieve, and how we work with Donetsk and Lugansk. As a follow-up to this agreement, US Assistant Secretary of State Victoria Nuland visited Moscow and met with Deputy Foreign Minister Grigory Karasin. The conversation will be continued. I think this is the best form right now.

I’d like to use this interview to emphasise again what I consider a very simple thing if we are talking about facts, trying to establish the truth and what is really happening in Ukraine because there are too many lies and mere assertions. Russia-supported self-defence fighters are blamed for everything.

Reporters of many Russian television channels work on the ground. Every day, we see live reports on what is regrettably happening to the east of the contact line, in the territory controlled by self-defence fighters. In the last few days, Gorlovka was again subjected to shelling by heavy weapons. We see destroyed buildings, hospitals, schools, social facilities and civilians who are killed or heavily injured. A girl was killed the other day. Russian journalists who risk their lives there document all of his. In response to the indignation of Lugansk, Donetsk and normal people throughout the world Kiev says: “It is the self-defence fighters who start all of this. We merely respond.”

 

• Flux migratoires et déplacement de population en Ukraine. Selon un bulletin de l’OCHA (ONU), 2,2 millions de personnes ont dû quitter leur foyer suite au conflit en Ukraine (vzgliad.ru). En particulier, l’émigration des Ukrainiens d’origine juive a atteint un taux record en 2014. Le Président de l’ “European Jewish Association”, le rabbin Menachem Margulin, a écrit une lettre au Président de la Commission européenne jean-Claude Juncker expliquant que ce mouvement était provoqué par la montée de l’antisémitisme en Ukraine et le “revival” des traditions de l’Allemagne nazie (politrussia).

 

• Rapport de l’ONU “Report on the human rights situation in Ukraine – 16 February to 15 May 2015″ .  L’écrasante majorité des médias ukies ont commenté le rapport de l’ONU sur la base du premier article fait à ce propos par la BBC  et  en citant exclusivement les exactions commises par la L/DNR (paragraphes 35 à 39), sans donner de lien vers le rapport original (Rapport de l’ONU en anglais : ohchr.org ou reliefweb.int)… et en passant sous silence celles des Ukrainiens (paragraphes 40 à 49) (jpgazeta.ru).

 

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• Nettoyage romain. Les employés de l’ambassade d’Ukraine à Rome retirent les portraits d’Alexey Mozgovoi qui avait été affiché à Rome par la gauche italienne pour commémorer ses funérailles. L’ambassadeur d’Ukraine à Rome a demandé à la ville de les retirer, mais n’a pas attendu la réponse des services communaux (politnavigator.net).

 

 

• Passivité policière. Les habitants du village de Semipolki ( région de Kiev) ont protesté contre une augmentation sans précédent de la délinquance et une inaction de la police locale. Durant le seul mois de mai, dans ce village de 3500 habitants, il y a eu 35 vols et cambriolages. Les malfaiteurs prennent tout : outils de jardins, vieux électroménager, objets métalliques. La police n’enquête pas et souvent ne se déplace même pas à l’appel des villageois, alors ceux-ci ont mené leur propre enquête, mais la police reste toujours les bras croisés (youtube).

 

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MERCREDI 3 JUIN 2015

• Des nouvelles du Boeing malais MH17 abattu en Ukraine l’année dernière. Le fabricant russe des missiles BUK, après analyse de débris retrouvés dans l’avion, a conclu que c’était bien un missile BUK fabriqué autrefois par ses usines qui avait abattu l’appareil. Selon le PDG du groupe Almaz-Antaï, fabricant de ces missiles, M. Novikov, celui qui a touché le Boeing n’est plus fabriqué depuis 1999, n’est plus utilisé par les force armées russes, mais est toujours en stock dans l’armée ukrainienne. Le groupe a même proposé de mettre sur pied une expérience avec un de ses missiles frappant un avion. (ria.ru). Cela ne résout pas le problème de savoir qui a tiré ce missile. Un site britannique, Bellingcat (bellingcat) a publié une très longue démonstration à partir des photos utilisées par l’état-major russe lors de sa conférence de presse du 21 juillet 2014, parlant de photos falsifiées. Mardi 2 juin, la chaine de TV russe «Dojd’”» faisant référence au fondateur de Bellingcat, Elliot Higgins, a annoncé que des clichés falsifiés avaient été utilisés à la conférence de presse de Novikov. Higgins a écrit qu’on l’avait mal compris. En réalité, il voulait simplement dire que les endroits pointés sur les clichés présentés à la conférence de presse étaient les mêmes que sur les clichés falsifiés présentés précédemment dans la presse russe (twitter). Dans un article daté du 4 juin, un expert interrogé par le Spiegel démonte les arguments de Bellingcat (spiegel.de via russia-insider).

Quant au groupe Almaz-Anteï, son directeur réfute l’emploi de photos falsifiées, car celles qu’il a utilisées proviennent exclusivement du panel du service d’enquêtes néerlandais (ria.ru)…

Cela apparaît confus, et en fait ça l’est ! Difficile de s’y retrouver dans cette enquête opaque avec ces vraies et fausses informations et des pays parties prenantes de l’enquête, tous pro OTAN, qui ont signé des accords mutuels de non divulgation des résultats de l’enquête officielle…

 

Almaz-Antey unveils new evidence regarding MH17’s downing (ENGLISH FULL VERSION)  (youtube)

 

Le service russe d’investigations policières a, de son côté, publié les papiers d’un témoin qui assure avoir vu, sur la base aérienne où il servait, le retour de mission d’un pilote de Su-25. L’avion était armé au départ, il n’avait plus ses missiles au retour (rbc.ru). Cette thèse avait déjà été soulevée peu après l’accident (pour rappel: la conférence de presse télévisée du général Karpolov, le 23 juillet 2014 : youtube)

et ce témoignage avait été évoqué plusieurs fois l’année dernière.

Les papiers d’identité du témoin :

 

Cette information a été reprise par RT dans une vidéo en anglais (youtube.com).

 

MH17 crash: Russian investigators reveal identity of ‘key witness’ (youtube)

 

• Manifestation devant l’ambassade des USA à Kiev . 1000 personnes se sont rassemblées aujourd’hui avec des pancartes ” Bas les pattes de l’Ukraine !”,  “USA kills Donbass”, “USA Shame” (youtube, youtube).

 

 

 

• Kiev essaye de se réarmer en Bulgarie. l’Ukraine voudrait acheter 300 transports blindés allemands démilitarisés de modèle “Marder” (wikipedia.org) à un intermédiaire bulgare (fortruss). La Bulgarie est accusée depuis peu de faciliter le transfert d’armement vers l’Ukraine. Le Marder est un transport de troupes utilisé juqu’à peu dans la Bundeswehr. A 48 000 euros l’unité, cela ferait une facture de 14,4 millions d’euros.

 

JEUDI 4 JUIN 2015

• Ukraine, pays tranquille… et accueillant ? En effet, l’Ukraine ne figure pas dans une pourtant longue liste de pays à risques compilée par The International Crisis Group (crisisgroup.org). Lorsque l’on s’intéresse d’un peu plus près à ce  International Crisis Group l’on comprend mieux : “The International Crisis Group is an independent, multinational, not-for-profit organisation, based as a legal entity at 1629 K Street NW, Suite 450, Washington DC 20006.  International Crisis Group is registered as a not-for-profit organisation in Belgium, at 149 Avenue Louise, 1050 Brussels, Belgium as a branch of the U.S. entity with registration number 0872.781.947. This branch constitutes the international operational headquarters of International Crisis Group”

En novembre 2014, alors que la situation financière de l’Ukraine était encore acceptable et que les forces armées ukrainiennes pouvaient encore espérer quelques victoires, un média économique ukrainien annonçait que les hommes d’affaires et les entrepreneurs ukrainiens quittaient le pays, faute de perspectives d’avenir (vesti-ukr).

Pourtant le journal d’affaires ukrainien “Delo” annonce aujourd’hui qu’en un an, l’Ukraine a gagné 20 places dans une liste de pays classés selon l’attirance qu’ils exerceraient sur les investisseurs (delo.ua)… Information relayée par Oukraïnskaïa Pravda, un autre média ukranien (epravda.com.ua). Le tableau repose sur les données recueillies par le cabinet d’audit BDO International (wikipedia) conjointement avec l’institut d’économie mondiale de Hambourg (HWWI). Il est possible de télécharger l’étude sous format PDF – en allemand – (bdo-ibc.de).

cliquez sur l’image pour voir le rapport

 

• Discours annuel du président à la Rada “Sur la situation intérieure et extérieure de l’Ukraine en 2015” (video youtube, Transcript officiel president.gov.ua) Les députés du parti Radical d’Oleg Liachko avaient préparé une banderole, mais les membres du Bloc Porochenko ont empêché son déploiement. Elle portait l’inscription, “L’Ukraine ou l’usine Roshen”, pour faire comprendre au président qu’il devait choisir entre le bien de son pays et ses intérêts personnels (tass.ru).

Pour la petite histoire, Porochenko a donné en cadeau aux députés des clés USB contenant son discours avec un porte-clé patriotique. Le député Gennadi Krivosheya l’a aussitôt mis en vente au prix de 1000 hrynias, soi-disant pour une vente de charité (rusvesna.su).

dans son discours, Porochenko a pour la énième fois promis devant la Rada la croissance économique et le régime sans visa pour 2016 (interfax.ru). L’ennui est qu’il a en même temps annoncé que les dépenses “pour la défense” allaient augmenter, rappelant que les effectifs de l’armée passeront de 50 000 à 250 000 hommes à la fin de l’année, équipés de matériel moderne (tass.ru). Porochenko compte sur la baisse des dépenses pour le gaz qui seraient induites par l’ouverture du marché à 10 nouveaux fournisseurs (comprendre, qui remplaceront Gazprom), afin d’assurer “l’indépendance énergétique” (tass.ru). Porochenko a aussi promis de combattre la corruption en dérégulant… C’est à dire en supprimant des lois (fortruss)…

Il se targue aussi d’avoir créé la “meilleure” armée du continent et d’avoir arrêté dans l’est la “plus formidable” armée du continent (comprendre l’armée russe)… Et, bien sûr, “le monde entier est avec nous”…

LIVE: Poroshenko makes annual speech to Ukraine’s Rada   (youtube)

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Et il sort le 6 une vidéo de promo à son honneur sur son compte Youtube : “Рік, що змінив Україну” , l’année qui a changé l’Ukraine (youtube) …

 

 Рік, що змінив Україну   (youtube)



• Pot-pourri de mesures diverses.  A part cela, Kiev continue sur sa lancée de lois tout azimut :

Le député ukrainien Mikhail Gavriliouk a récemment (fin mai) suggéré de libéraliser la prostitution pour “faire comme les autres pays” (unn.com.ua). En particulier, le député a fait remarquer que la prostitution était déjà légalisée dans de nombreux pays du monde et qu’une décision analogue protègerait les Ukrainiens des maladies vénériennes. “J’estime qu’il faut faire comme à l’étranger. Chez eux, il est plus facile aux femmes de moeurs légères d’être surveillées médicalement dans les maisons publiques, afin de ne pas tomber malade. L’auteur de la proposition (unn.com.ua). La rada publie une liste de 162 films et séries russes interdites de diffusion (novosti.dn.ua).

 

• Et lois anti-Minsk 2.  La  Rada a adopté trois lois en opposition majeure avec Minsk 2 : un projet de loi autorisant la fourniture à l’Ukraine d’armes létales (lifenews.ru), un autre qui permet l’incorporation de militaires étrangers dans les unités des FAU (Forces armées ukrainiennes) (thekievtimes.ua) et un autre potentiellement dangereux : l’autorisation d’accueillir des troupes étrangères de maintien de la paix sur le territoire ukrainien (mais plutôt des troupes OTAN que russes…) (unian.info, dnr-news, sputniknews). Les deux dernières lois sont en totale infraction avec le point 10 des accords de Minsk 2.

 

• Echange de prisonniers. Dmitri Kulish a été échangé contre Vitali Korobkov. Ce dernier est revenu de captivité chez les ukrainiens avec les deux index en moins (les doigts qui servent à presser la détente d’une arme à feu, ce qui revient à l’empêcher de se battre à nouveau)  (colonelcassad). Il avait été fait prisonnier près de Peski au nord-est de Donetsk, par un bataillon du Secteur Droit. Un néo-nazi, appelé ou surnommé Yashka Tsigankof, avait publié sur sa page Facebook des photos du prisonnier avec les doigts fraichement coupés  (liveleak, facebook). Au 6 juin 2015, le post sur la page Facebook avait été “liké”  par plus de 350 personnes et accumulé 1194 “partages”. Rappelons au passage que le chef du Secteur Droit, Dmitro Yarosch a pourtant interdit à ses hommes de pratiquer la torture des prisonniers (youtube).

 

 

Ukraine forces cut fingers off of a POW that is in the Donetsk Army & a local from Donbass   (Interview de Vitali Korobkov) (https://youtu.be/Vkft8ZhdoL8 )

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• L’eau potable comme arme de guerre et de génocide. Le gouverneur de l’oblast de Lougansk sous contrôle ukrainien coupe l’approvisionnement en eau potable à la République populaire de Lougansk (unian.info, fortruss, kyivpost). Le déficit en eau est critique. Conférence de presse du directeur du service de l’eau de la république de Lougansk (youtube).

 

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Une telle pratique avait été employée l’été dernier avec la Crimée pour l’eau d’irrigation cette fois afin de détruire toutes les récoltes criméennes. L’armée russe vient de terminer la mise en place d’un pipeline d’eau pour ravitailler la Crimée (sputniknews)

 

• Xavier Moreau : L’héritage bolchévique en Russie et en Ukraine (youtube).

 

VENDREDI  5  JUIN  2015

• La schizophrénie persistante de l’OTAN. D’un côté, le chef de l’état-major US propose de déployer des missiles nucléaires en Europe, bien que les USA ne possèdent aucune information sur un déploiement analogue en Russie, laquelle dément toute violation des accords de 1988 (interfax.ru). De l’autre  le secrétaire général de l’OTAN parle de “collaboration” avec la Russie (sptnkne.ws).

Au passage, voici l’infographie des exercices OTAN à proximité de la Russie depuis 2014 (sputniknews)

 

 

• Pas de “Mistral” pour la Russie, mais du matériel “Thalès” pour l’Ukraine. Des combattants séparatistes on capturé un tank ukrainien dans les faubourgs de Donetsk. Ce char, selon leurs déclarations, s’est trouvé pris sous des tirs de mortier. Bien qu’ayant été endommagé, il a pu être remis en marche. C’est un T-72 de fabrication russe, ce qui est le cas de tous les tanks ukrainiens. De plus c’est un tank de commandement, équipé d’électronique occidentale : caméras thermiques et système de visée nocturne de la firme française Thalès, système de reconnaissance ami-ennemi, moyens modernes de communication, navigation par GPS, moniteurs à cristaux liquides donnant des informations sur la position du tank sur le champ de bataille. Les séparatistes pensent pouvoir le réparer rapidement et s’en servir pour intercepter les communications des miltaires ukrainiens (youtube).

 

Ополченцы танк Украина 05.06.15 (youtube)

 

• “99% de mes amis et connaissances là-bas haïssent l’Ukraine”. Extrait de l’émission de Savik Shuster “Shuster LIVE”, le plus grand talk-show ukrainien. Kiev, le 5 juin 2015 (youtube).

 

Chef du bataillon ukr.: “99% de mes amis du Donbass haïssent l’Ukraine” (youtube)

 

• Humour russe (fortruss).

A toy for Obama

 

“And what should we do when we see the Russians?”

“Run, you fool”

 

Another gas bill arrives

 

It Kills

 

 

• Humour ukrainien involontaire : la guerre ukrainienne contre la Station Spatiale Internationale. Vrai ou faux, peu importe, nous sommes dans la registre de l’humour. Ce sont donc des soldats ukrainiens qui tous les soirs tirent au canon anti-aérien sur un “tout petit drone” qui passe dans le ciel. Sauf que ce n’est pas un drone, mais la Station Spatiale Internationale fortruss)…

 

 

 

SAMEDI  6  JUIN  2015

• L’UE et l’information “vraie” (lire “non pro-russe”). Un journaliste tchèque ex de “Hospodarske Noviny”, Jakub Kalenski a été nommé à la tête de l’organisme de l’UE chargé de répondre à “la propagande russe” : “The new section for strategic communication countering Russian  anti-Western propaganda is forming at Mogherini’s office, the European  External Action Service (EEAS)” (praguemonitor.com,  Vzgliad en citant “Ceske Noviny” : vz.ru/).  Vzgliad rappelle que Tusk avait chargé Mogherini  de créer un tel organisme en mars dernier.

 

• Grande Manifestation à Kiev.  Environ 3.000 personnes ont bloqué une artère principale pour exiger un changement de pouvoir (dialog.ua, russia-insider, youtubeyoutube, rt.com). Sur les pancartes, on pouvait lire “Porochenko – empeachment!”, “Dégagez ces autorités incompétentes!”, “Augmentez les retraites! “, la foule scandait “On a faim!”, “Seigneur, sauve nous de ces dirigeants!”, “A bas les étrangers au gouvernement!”, “Arrêtez l’Holomodor 2015!” .

 

Kiev :  Des milliers de manifestants exigent la démission du gouvernement  (youtube repris par youtube, sous-titre français : youtube)

 

DSC 8737 (youtube)

 

 

La police anti-émeute étant massivement présente, il ne risquait pas d’y avoir de gros débordements (cdn.itar-tass.com)

 

• Kiev, ou l’art de démolir son propre pays.  Ria Novosti commente une interview que Vladimir Poutine a donnée au journal italien “Corriere della sera” (rian.com.ua) et déjà évoquée dans le focus de la semaine (corriere.it, transcript officiel : kremlin.ru). Le journal a bien noté un des points essentiels, la déclaration de Poutine disant “Ce n’est pas moi l’agresseur”, reprise dans le titre. Le journal rapporte également les remarques concrètes de Poutine: “La Russie est un excellent débouché commercial pour les marchandises ukrainiennes, mais beaucoup sont interdites d’exportation par les Ukrainiens du fait d’une procédure unilatérale. Par exemple, nos hélicoptères militaires recevaient à 100% des moteurs ukrainiens – leur fourniture est arrêtée. Nous avons déjà construit une usine à Saint-Petersbourg, et cette année une seconde va suivre, mais en Ukraine, cette production va être totalement supprimée, parce que ni en Italie, ni en France, ni en Allemagne ils n’ont besoin de moteurs de ce genre et n’en auront besoin. Il n’est pas possible de reconvertir quelque chose de ce genre en une autre production, il faut investir des milliards ” . 

Chacun sa spécialité : les Ukrainiens se retrouvent avec des moteurs d’hélicoptères sur les bras et nous avec deux “Mistral”…

 

• Gay pride à Kiev :  plus de journalistes et de policiers que de manifestants… et  des affrontements.  La veille, Vitaliy Klichko a appelé à annuler cette “Marche de l’égalité” par mesure de sécurité (russia-insider). “Pravyi Sector” et d’autres organisations radicales avaient promis de faire tout leur possible pour empêcher cet événement. De son côté, l’armée avait menacé de distribuer des ordres de mobilisation aux manifestants (fortruss). Malgré tout, la communauté LGBT a refusé d’annuler l’événement (dnr-news). Le Président Poroshenko, quant à lui, avait précisé vendredi qu’il ne voyait pas d’objection à cette marche et a promis d’en assurer la sécurité. 300 personnes ont donc manifesté sous les drapeaux arc-en-ciel, entourés par un millier de policiers (dnr-news). Malgré cela, l’accrochage n’a pas pu être évité (fortruss, vz.ru, kyivpost, unian.net, vesti-ukr). Les activistes radicaux de “Najdak”, “Modnyi prigovor” et “Smertch” ont jeté des bâtons et des cailloux sur les manifestants, les armes blanches, bombes lacrymogènes et les pistolets traumatiques ont été également utilisés par les radicaux contre la police. Bilan : 5 policiers blessés dont un gravement. 25 personnes ont été arrêtées (kiev.pravda.com.ua, youtube). La marche a duré une heure, et à la fin, selon les consignes de la police, les manifestants se sont dispersés par petits groupes. Les journalistes ont repéré les bus du Pravyi Sector aux alentours de la manifestation (vesti-ukr.com).

A noter qu’en 2012 et en 2014 les “Kievpride” ont été annulées à cause des menaces des radicaux ultra-droites et du refus de la police d’assurer la sécurité conforme.

 

 

Ukraine radicals clash with police, LGBT activists at gay pride rally in Kiev (youtube)

 

Yarosh, le leader des Secteurs Droits se fend d’un long post sur Facebook à propos de la marche LGBT (facebook). Quelques extraits “significatifs” :

 * Les “LGBT” se positionnent, en général, en tant que défenseurs de «victimes innocentes» souffrant de «l’homophobie». En fait, ils pratiquent une idéologie très agressive qui ne tolère aucune dissidence.

* Dieu merci, nous demeurons une nation plutôt conservatrice. La plupart des ukrainiens sont chrétiens. … … les chrétiens considèrent l’homosexualité comme un péché et une maladie mentale. 

 *quelques mots sur “LGBT” et l’intégration européenne. La propagande de l’idéologie homosexuelle est renforcée par le support de l’Occident, via leurs organisations  gouvernementales et non-gouvernementales. Et c”est  très symbolique! En plus de financer les organisations et les programmes, l’Occident fait une forte pression sur les autorités actuelles de Kiev, afin de les forcer à mettre en œuvre activement une idéologie du «LGBT». Maintenant, réfléchissez à savoir si l’Ukraine a besoin de cette intégration, quand quelqu’un vous impose sa volonté ? … … Certaines forces en Occident nous imposent une idéologie pervertie. Il suffit de se rappeler que les principaux initiateurs de cette «trêve» en cours, dans laquelle nous continuons à perdre des territoires, sont la France et l’Allemagne, et ils sont des partenaires stratégiques de la Russie.

 Aucune force étrangère n’a le droit de nous imposer sa volonté.

 La guerre avec la Russie nous a montré que nous devons d’abord rechercher une alliance avec nos voisins en Europe centrale et Europe de l’Est – la Pologne, la Roumanie, les pays Baltes. Nous ne resterons pas dans une admiration servile pour ce colosse aux pieds d’argile – l’UE dans son ensemble.

 

DIMANCHE 7 JUIN 2015

• Réunion du G7 sans la Russie.  Dans le “Spiegel”, qui n’avait pas été le dernier à tirer sur Poutine comme tous ses confrères européens, on constate un net revirement. D’abord, un vote des lecteurs (spiegel.de) donne plus de 79% d’avis “C’est une erreur de n’avoir pas invité Poutine au G7″. Un peu plus de 17% en sont encore restés au dogme “Avec son agression en Ukraine, il a perdu le droit d’être invité, C’est bien ainsi.” Pour 2,60%, cela n’a pas d’importance. Ces chiffres datent du 2 juin à 13 heures et concerne environ 28.000 votants.

Deux anciens chancelliers sont également de cet avis…

Pour Gerhard Schröder, c’est une erreur de n’avoir pas invité Vladimir Poutine (spiegel.de). Lors d’une rencontre à Düsseldorf, il a parlé  avec Michaël Bröcker, rédacteur en chef du journal “Rheinische Post” : “C’est justement quand on a des positions divergentes qu’il est important d’en discuter. Cela aurait pu être fait lors du sommet. La Russie a une alternative à l’Europe, l’inverse n’existe pas. L’avenir de l’Europe, c’est avec la Russie.

Pour Helmut Schmidt, c’est également une erreur  : “Je vois bien que Poutine est blessé de ce que l’Ouest, d’après lui, ne le prenne pas suffisamment au sérieux… Poutine est l’homme qui, après les années far-west sous le Président Boris Eltsine, a restauré l’Etat russe. C’est, à ses yeux, sa tâche essentielle.” “ (saarbruecker-zeitung.de).

Le journal Die Zeit (zeit.de) qui tirait auparavant à boulets rouges sur la Russie et sur Poutine, s’est radouci et rapporte l’avis de Schröder.

Der Spiegel, le dimanche 7 juin (spiegel.de) :  Le président de Russie, depuis l’annexion de la Crimée, est ‘persona non grata’ dans le cercle des chefs de gouvernement. Mais la récente escalade de violence en Ukraine orientale soulève une fois de plus la question de savoir si l’exclusion de Poutine est judicieuse – savoir si, justement en période de crise on ne pourrait pas tirer parti de ce forum pour exercer des pressions à huis clos. Une pression qui, au sein d’un cercle aussi restreint, pourrait presque être ressentie physiquement.

En outre, certains grands problèmes ne peuvent absolument pas être traités sans la présence de la Russie, que ce soit le conflit syrien, ou le combat contre le terrorisme, qui sont tous deux des thèmes du G7. Même sans Poutine. Les Américains ont déclaré d’avance qu’une poursuite des relations avec la Russie est pour eux le thème central de ce sommet – ce qui ne devrait pas plaire du tout à Merkel.”

Ceci n’empêche pas le camp russophobe de continuer sur sa lancée. Le président de l’UE, Donald Tusk, déclare à Elmau : “Nous préférerions tous voir la Russie à la table de ce forum, mais ce ne sera pas le cas tant qu’elle agira de manière agressive envers l’Ukraine.” (tass.ru). UNIAN annonce que David Cameron “fera tout pour convaincre ses collègues du G7 de ne pas relâcher la pression sur la Russie” (unian.net) et le premier ministre canadien Harper a déclaré qu’il espérait que le G7 discuterait de la livraison d’armes à l’Ukraine  (lb.ua, radio-canada.ca). Obama, quant à lui, plaide pour le maintien des sanctions contre la Russie  (rt.com, sputniknews)… Mais laisse les entreprises américaines faire des affaires avec la même Russie (ria.ru) !

 

• Le danger permanent des mines dans la zone ATO. Hier, dans l’oblast de Lougansk sous contrôle ukrainien, le tracteur d’un cultivateur qui allait travailler dans ses champs a sauté sur une mine (unian.net). L’homme a été blessé et est hospitalisé. L’article se contente de dire qu’il s’agit d’une mine qui avait été posée “en période d’intenses opérations militaires”. Il oublie de dire que seules les forces ukrainiennes posent des mines, pas les Novorusses. Ces derniers sont d’ailleurs contraints à déminer systématiquement les zones  qu’ils conquièrent. Ainsi, une brève datant de mars 2015 indiquait que :”D’ici Pâques, tous les cimetières de Lougansk seront déminés”, a déclaré Vitali Kiselev, commandant en second du corps de la milice populaire de l’oblast de Lougansk (12 03 2015  ridus.ru à 17 h 22).

 

• Manifestation contre Poutine à Moscou. “Manifestation anti-poutine au centre de Moscou” (В центре Москвы проходит антипутинский пикет) titrait UNIAN (unian.net) : en fait, quelques personnes réclamant surtout la libération d’une vingtaine d’opposants arrêtés en 2012 lors de manifestations et de heurts à l’occasion de l’investiture de Poutine pour son mandat actuel. A comparer avec les manifestations à Kiev le 3 et le 6 juin (voir plus haut).

 

• Une vedette des garde-côtes ukrainiens explose en Mer d’Azov. Une brève a été postée cet après-midi sur la page Facebook du service de presse de l’OAT (“Opération anti-terroriste” ukrainienne) (facebook), mentionnant un incident en mer d’Azov : Сьогодні о 14.20 в Азовському морі неподалік Маріуполя за невстановлених поки причин підірвався катер Державної прикордонної служби України UMC-1000. На борту катера перебувало 8 осіб. Щодо кількості та стану здоров’я постраждалих інформація уточнюється. Катер зазнав значних пошкоджень. Наразі відбувається рятувальна операція. (Aujourd’hui à 14 h 20 dans la mer d’Azov pas loin de Marioupol  pour des raisons encore non établies, un bateau UMC-1000 du service des garde-côtes ukrainiens a explosé. À bord du bateau se trouvaient 8 personnes. Concernant le nombre et l’état de santé des victimes, les informations seront précisées ultérieurement. Le bateau a subi des dommages considérables. Maintenant vient l’opération de sauvetage.)

La nouvelle est confirmée vers 17 h. par interfax (interfax.ru) puis reprise un peu partout (sputniknews, lefigaro.fr, fortruss). Les causes de l’explosion ne sont pas connues. Six personnes ont été blessées dont une est décédée en réanimation. Le capitaine de l’embarcation a disparu, les recherches se poursuivent (nv.ua).

 

• Manifestation sur la Place de l’Indépendance à Kiev. Des activistes ont dressé des tentes et exigent que Porochenko rende des comptes pour les résultats de son année au pouvoir (nv.ua)

(sur la pancarte : grève de la faim)

L’initiative n’a pas duré longtemps. Dans la nuit de dimanche à lundi, des éléments masqués arborant le drapeau rouge et noir de Praviy Sektor attaque le camp et disperse les activistes (rt.com, youtube, sputniknews).

 

Ukraine: Unknown assailants storm Maidan, break up activist camp site (youtube)

• Fronde dans les médias ukrainiens? Sept journalistes ont refusé une décoration de l’ordre “Pour services rendus” décernée par le président Porochenko. Ces journalistes s’appellent Anastasia Stanko et Natalia Goumeniouk, de la chaîne télévisée “gromadske”, le correspondant photo de  Lb.ua Maksim Levine, le correspondant photo d’Associated Press Pетrо Zadorozhniy, le correspondant de “Radio Svoboda” Lievko Sтек (telekritika.ua, nv.ua).

 

 


Source: http://www.les-crises.fr/actuukraine-090615/


Todd sur Europe 1

Tuesday 9 June 2015 at 01:42

Source: http://www.les-crises.fr/todd-sur-europe-1/


-Jean Claude Juncker, le président de la Commission qui manquait à l’UE…

Monday 8 June 2015 at 00:40

Voici notre fantastique Président bis de l’UE en grande forme – et à la hauteur du “projet européen”… (merci au Petit Journal, honte aux médias qui ont tu ceci…)

Je comprends mieux son surnom de “Juncker the drunker”… (qui, je rappelle, a été choisi par Merkel contre le français Michel Barnier…)

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Un petit complément…

Europe, dans le cœur du réacteur – par Jean-Claude Guillebaud

L’épisode aura été à la fois passionnant et inattendu. A Bruxelles, j’ai eu la chance de participer à un long débat avec une vingtaine de confrères accrédités auprès de la Commission européenne. Il y avait là des Français, des Allemands, des Britanniques, des Américains et même une impétueuse consoeur venue d’Albanie et naturalisée belge. Tous ces journalistes avaient en commun d’avoir choisi de suivre la construction européenne et, pour cela, de s’installer à Bruxelles. Ils sont depuis des années dans le cœur du réacteur. Pro-européens au départ, ils ne peuvent être taxés d’euroscepticisme ou de populisme. A plusieurs reprises, ce jour-là, ils ont tenu à nous affirmer qu’ils y croyaient encore.

Admirable est la foi ! Pourquoi ? Parce que, au fil des échanges, nos confrères, parlant sans détour, nous ont décrit un univers kafkaïen, opaque, bureaucrtique, corseté par un fonctionnement étouffant et procédural.

Les conférences de presse, par exemple, sont si minutieusement codifiées qu’elles n’ont plus beaucoup de sens. Les porte-parole ne répondent aux questions des journalistes que s’ils y ont été expressément autorisés, par écrit. Même dans ce cas, dès qu’une actualité un peu plus chaude est en jeu, le porte-parole se contentera de lire le texte écrit que sa hiérarchie lui a préparé.

Ce qu’à l’échelon national nous appelons langue de bois acquiert à Bruxelles une opacité plus impénétrable encore. Le formalisme et le culte du secret paraissent avoir peu à peu asphyxié le fonctionnement de cette Commission européenne censée incarner, aux yeux du monde, la démocratie vivante du Vieux Continent et l’Etat de droit. C’est fou !

Prenons un tout petit exemple, il parle à lui tout seul. Le nombre de journalistes accrédités auprès de la Commission était de 900 voici deux ou trois ans. Aujourd’hui, ce chiffre n’est plus accessible. Il a été classé top secret, pour de prétendues raisons de sécurité. Formule commode. En fait, tout laisse penser qu’il diminue chaque année, le projet européen perdant son attrait médiatique. Inutile de crier cela sur les toits.

Nous avons débattu d’autres sujets, comme la puissance des lobbies. Elle est indéniable à Bruxelles. Elle court-circuite allègrement les logiques démocratiques de base, enlisées dans la pratique obligatoire du compromis. Alors que nous échangions à ce sujet, un confrère américain présent parmi nous est intervenu sur un ton amicalement rigolard :

« Il faut comprendre que le lobby le plus puissant ici, c’est l’Amérique du Nord elle-même. »

Devant notre surprise, il a renchéri en disant que les Etats-Unis chaperonnaient avec vigilance l’Europe en devenir. « Vous ne le saviez pas ? » a-t-il ajouté.

Une consoeur française a exprimé sans détour sa stupéfaction devant ce qu’elle entendait : « Ce que vous décrivez là, c’est une dictature douce en construction. Ce n’est plus du tout une démocratie. » Tout le monde s’est récrié poliment, pour la forme.

Parmi ces correspondants accrédités était présent le doyen, le patriarche, le chouchou de Bruxelles : Quentin Dickinson, directeur des affaires européennes à Radio France. Il a suivi stoïquement nos conversations, sans intervenir. C’est une estimable figure de la profession, mais ce n’est pas lui faire injure d’ajouter qu’il est plus militant que journaliste. Il s’est d’ailleurs présenté en mars 2014 aux élections européennes sous l’étiquette UDI – Modem. Les 9 % obtenus par les centristes n’ont pas été suffisants pour qu’il soit élu au Parlement européen. Il est donc redevenu journaliste. Assurément, lui y croit encore.

Bref, en quittant cette confraternelle réunion, nous étions à peu près tous convaincus qu’un (possible) naufrage était annoncé. Le pire n’est jamais sûr, je sais. Admirable est la foi, en effet …

Jean-Claude Guillebaud.

Source : sudouest.fr, 07/06/2015