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[Reprise] Fais-moi mal, “Charlie”, par Delfeil De Ton

Tuesday 3 February 2015 at 03:55

Les-crises.fr condamne sans ambiguïté les attentats de Paris – tout comme toutes les incitations à la haine et tous les terrorismes – des forts comme des faibles.

Delfeil de Ton, 80 ans, chroniqueur à L’Obs depuis 1975, est un des fondateurs de Charlie Hebdo. Il était déjà des aventures de Hara-Kiri, puis de Hara-Kiri Hebdo, avant de participer à la création du « premier » Charlie, en 1970, puis du « deuxième », en 1992. Il s’en était allé au bout de quatre mois – « je m’ennuyais à mourir  avec Philippe Val », le nouveau patron, racontait-il à l’époque, avant de l’accuser plus tard d’entraîner Charlie dans un combat islamophobe.

Intéressant de voir que même Wolinski regrettait ces caricatures – ce qui est aujourd’hui une pensée blasphématoire…

Delfeil De Ton a vécu la grande aventure de l’hebdo satirique. Aujourd’hui, il pleure ses compagnons. Et enrage.
Par Delfeil De Ton

Delfeil de Ton

« Hara Kiri », février 1969 A notre mensuel, nous ajoutons un hebdo que nous appelons « Hara Kiri hebdo» et, peur de rien, nous sortons en même temps un second mensuel que nous appelons « Charlie », sous-titré « Journal plein d’humour et de bandes dessinées ». Qui aurait imaginé que quarante-six ans plus tard, « Je suis Charlie » serait proclamé sur quasiment toute la planète et que ce serait parce que « Charlie » aurait vu sa rédaction exécutée à l’arme de guerre par des croyants fanatisés ?

A cette époque-là, le grand danger pour la presse d’humour était la censure de l’Etat français. C’était la raison pour laquelle, « Hara Kiri hebdo » ayant été interdit par le pouvoir pompidolien (de Georges Pompidou, si si, il a existé), nous avons changé son nom en « Charlie Hebdo », simple subterfuge, c’était en fait le même hebdo, mais se présentant comme un complément, cette fois, à notre mensuel « Charlie ». « Hara Kiri hebdo » était donc mort, tué par la censure, « Charlie Hebdo » mourut à son tour, après une glorieuse carrière, mais de mort naturelle, trop de ses lecteurs l’ayant abandonné. Les mensuels « Charlie » et « Hara Kiri » disparurent ensuite, ce fut la fin d’une belle aventure de presse, sous la houlette de François Cavanna et du professeur Choron, qui avait duré un quart de siècle.

Ils étaient morts, laissant quelques dettes et beaucoup de regrets, puis un nouveau « Charlie Hebdo », ressuscité onze ans après le premier, est venu en 1992 réoccuper sa place que personne n’avait su prendre. Ses nouveaux collaborateurs, qui abritaient en leur sein nombre des anciens, prirent l’habitude de l’appeler « Charlie », tout court, puisque le mensuel qui portait ce nom avait disparu. Les croyants fanatisés dont nous parlions, après avoir assassiné huit personnes de sa rédaction et gravement blessé plusieurs autres, repartirent après avoir lancé «Allahou akbar » et annoncé qu’ils avaient « tué Charlie ».

La rédaction est décimée mais les survivants indemnes ont la bonne réaction, la même que nous avions eue lorsque Pompidou, à sa manière douce (vous voyez que vous vous y faites, à ce nom de Pompidou), avait voulu lui aussi tuer notre journal. « Charlie Hebdo » ressort une semaine après la tuerie, sans la moindre interruption. C’était la réponse à donner aux tueurs, comme ça avait été celle à donner aux censeurs. Bravo les gars et les greluches, et c’est peu dire que nous vous souhaitons longue vie et tout le succès.

Ce sera dur, surtout au début, mais vous avez vraiment beaucoup de monde avec vous. En 1970, nous avons eu le soutien de la profession. C’était beaucoup. Vous avez celui du gouvernement, de l’ONU, du Comité international olympique, le deuil national a été décrété en France pour honorer vos morts et le président de la République, parlant de vos camarades disparus, a déclaré : « Ce sont aujourd’hui nos héros. »

Je n’aime pas trop quand un chef d’Etat parle de morts comme de héros. C’est habituellement parce que ces citoyens-là ont été envoyés à la guerre et n’en sont pas revenus, ce qui est un peu le cas des victimes de l’attentat contre « Charlie Hebdo ». Cet attentat entre dans le cadre d’une guerre déclarée à la France mais aussi dans celui de guerres que mène la France, se mêlant d’intervenir militairement dans des conflits où sa participation ne s’imposait pas, où des tueries pires encore que celle de « Charlie Hebdo » ont lieu tous les jours, et plusieurs fois par jour, et auxquelles nos bombardements ajoutent des morts aux morts, dans l’espoir de sauver des potentats qui se sentent menacés, pas plus recommandables que ceux qui les menacent, dont le pouvoir s’est certainement assis sur le versement de beaucoup de sang et qui décapitent aussi bien que leurs adversaires, torturent et tranchent mains et pieds au nom d’Allah, comme leurs adversaires, et pourquoi donc, grands dieux, notre République, si fière d’être laïque, va-t-elle choisir entre ces sectateurs qui brandissent pareillement d’une main le cimeterre, de l’autre le Coran ?

Si Barack Obama n’avait pas retenu notre François Hollande, celui-ci partait en Syrie à la chasse de Bachar al-Assad, comme Sarkozy son prédécesseur est parti à la chasse en Libye de Mouammar Kadhafi, qu’il a éliminé, mais avec le résultat que l’on sait. Combien de Syriens la France aurait-elle tués et probablement tuerait-elle toujours ? Laisser les peuples disposer d’eux-mêmes, n’est-ce pas un principe sacré ? S’ils sont en guerre intestine, de quel droit nous en mêler ? Nous ne comprenons rien à leurs querelles, nous ne faisons que les faire durer davantage et il nous faut nous étonner, ensuite, s’ils les transportent sur notre sol ?

Wolin est mort dans l’attentat. Georges Wolinski. Quand sa mort a été confirmée, mes bras se sont mis à trembler. Cavanna l’aimait tant. Cavanna mort l’an dernier, 29 janvier, à qui je pense tous les jours et qui aurait été tué, lui aussi, s’il avait été encore là, et voilà qu’il me faut me réjouir qu’il soit mort de sa belle mort. «Aucune mort n’est belle, Delfeil », je l’entends qui me dirait ça. Un lecteur m’envoie une photo qu’il a prise ce printemps, c’était à Nogent-sur-Marne, sa ville natale qui célébrait le souvenir de Cavarma. De « Hara Kiri », étaient présents Wolin et moi. C’était dans la bibliothèque municipale, déjà de son vivant Bibliothèque François-Cavanna, elle était remplie de Nogentais venus nous écouter parler de lui. La photo montre Wolin lisant un texte de Cavanna et moi qui ris aux éclats. Dernière fois que j’ai vu Wolin. Les journalistes, quand on ne travaille pas dans les mêmes journaux, c’est toute une affaire de se voir. Après avoir été désagréable pour François Hollande, je vais être désagréable pour Charb.

Charb ? Le premier assassiné par les tueurs ? Celui qu’ils recherchaient nommément ?

Oui, celui-là. Je sais, ça ne se fait pas. J’ai trop de peine. Et quand je rencontrais Charb, je ne lui cachais pas ce que je pensais. Lui, tout pareil. Ce gars était épatant. Ce que j’appréciais le plus, c’était sa franchise. Je vais être franc avec lui et il m’écouterait, peut-être même, cette fois, serait-il d’accord avec moi, cette tête de lard. C’était une tête de lard.

Il était le chef. Quel besoin a-t-il eu d’entraîner l’équipe dans la surenchère ? Novembre 2011, premier attentat contre « Charlie Hebdo », incendie des locaux après un numéro surtitré « Charia Hebdo ». Je reprends les propos filmés de Wolinski, que je repris alors dans « l’Obs » : « Je crois que nous sommes des inconscients et des imbéciles qui avons pris un risque inutile. C’est tout. On se croit invulnérables. Pendant des années, des dizaines d’années même, on fait de la provocation et puis un jour la provocation se retourne contre nous. Il fallait pas le faire. »

Il fallait pas le faire mais Charb l’a refait. Un an plus tard, septembre 2012, après une provocation qui avait fait mettre nos ambassades en état de siège dans les pays musulmans, déployer toutes nos polices dans nos villes, je fus amené à écrire, m’adressant à Charb, toujours dans « l’Obs » : « Se situer à l’extrême gauche et s’entendre dire par le NPA qu’on “participe à l’imbécillité réactionnaire du choc des civilisations”, se définir écologistes et être traités de “cons” par Daniel Cohn-Bendit, ça devrait donner à réfléchir. Surtout quand dans le même temps on est applaudi par la famille Le Pen, Rioufol du “Figaro” et le Premier ministre de Sarkozy. »

Je posais la question à Charb : « Sous le titre “Mahomet : une étoile est née”, montrer un Mahomet nu, vu de trois quarts dos, en position de prière, couilles pendantes et vit gouttant, en noir et blanc mais avec une étoile en jaune à l’anus, tournez-le dans tous les sens, en quoi est-ce drôle, spirituel?» C’était ce qu’on voyait dans ce numéro de « Charlie Hebdo ».

La police avait alors arrêté un homme venu pour tuer Charb avec un couteau. Charb et un ou deux autres étaient protégés par des gardes. Tous ne l’étaient pas, et surtout pas Cavanna, qui se déplaçait dans son quartier Maubert avec son parkinson, devenu si fragile, et qu’une simple poussée aurait envoyé à l’hôpital et c’était sa fin. J’en étais malade. Charb disait à une journaliste du « Monde » : «Je n’ai pas de gosse, pas de femme, je préfère mourir debout que vivre à genoux. » Cavanna, qui haïssait la mort, écrivait, à l’âge de Charb : « Plutôt rouge que mort» Les rouges ne sont plus rouges, les morts sont toujours morts.

Tout le monde a vu le dernier dessin de Charb : « Toujours pas d’attentats en France ?» Et le djihadiste du dessin, armé comme celui qui a tué Charb, Tignous, Cabu, Honoré et les autres, répond : « Attendez ! On a jusqu’à la fin janvier pour présenter ses vœux… » Avez-vous vu le dernier dessin de Wolinski ? Il se termine par : « Je rêve de retourner à Cuba, boire du rhum, fumer un cigare et danser avec les belles Cubaines. »

Charb qui préférait mourir et Wolin qui préférait vivre. Je t’en veux vraiment, Charb. Paix à ton âme.

Delfeil de Ton

Source : L’OBS, N°2619, le 14/01/2015

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Les amis de la Liberté d’expression ont réagi :

Ces quelques lignes extraites de la dernière chronique de Delfeil De Ton, compagnon de route de Charlie Hebdo et proche compagnon également de son ancien patron de la rédaction, décédé dans la tuerie, Charb, publiée hier dans les colonnes de l’Obs , ont soulevé l’indignation, déclenché la rage de toute ou partie de l’équipe de « Charlie ».

Et en particulier de l’avocat et figure de l’hebdomadaire, Richard Malka, qui a eu un très violent échange avec Renaud Dély, rédacteur en chef de l’Obs, qualifiant « d’abjecte » cette chronique et plus « abjecte » encore, sa publication.

« Il s’agit d’une chronique, répond calmement Matthieu Croissandeau. Nous avons reçu ce texte, et, après débat, j’ai décidé de le publier ; dans un numéro sur la liberté d’expression, il m’aurait semblé gênant de censurer une voix, quand bien même elle serait discordante. D’autant qu’il s’agit de la voix d’un des pionniers de cette bande. »

L’avocat a tenté de joindre également mais en vain le patron de l’Obs, Mathieu Croissandeau, pour lui dire son dégoût et sa fureur, avant de se retourner dans un climat de très vive tension vers l’un des actionnaires du groupe, Mathieu Pigasse qu’il connaît bien.

Source

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Source: http://www.les-crises.fr/reprise-fais-moi-mal-charlie-par-delfeil-de-ton/


Le rouge et le tricolore, par Alain Badiou

Tuesday 3 February 2015 at 01:15

Par Alain Badiou (Philosophe, dramaturge et écrivain)

Le philosophe Alain Badiou en 2008 à son domicile parisien

Aujourd’hui, le monde est investi en totalité par la figure du capitalisme global, soumis à l’oligarchie internationale qui le régente, et asservi à l’abstraction monétaire comme seule figure reconnue de l’universalité.

Dans ce contexte désespérant s’est montée une sorte de pièce historique en trompe-l’œil. Sur la trame générale de « l’Occident », patrie du capitalisme dominant et civilisé, contre « l’islamisme », référent du terrorisme sanguinaire, apparaissent, d’un côté, des bandes armées meurtrières ou des individus surarmés, brandissant pour se faire obéir le cadavre de quelque Dieu ; de l’autre, au nom des droits de l’homme et de la démocratie, des expéditions militaires internationales sauvages, détruisant des Etats entiers (Yougoslavie, Irak, Libye, Afghanistan, Soudan, Congo, Mali, Centrafrique…) et faisant des milliers de victimes, sans parvenir à rien qu’à négocier avec les bandits les plus corruptibles une paix précaire autour des puits, des mines, des ressources vivrières et des enclaves où prospèrent les grandes compagnies.

C’est une imposture de présenter ces guerres et leurs retombées criminelles comme la contradiction principale du monde contemporain, celle qui irait au fond des choses. Les troupes et polices de la « guerre antiterroriste », les bandes armées qui se réclament d’un islam mortifère et tous les Etats sans exception appartiennent aujourd’hui au même monde, celui du capitalisme prédateur.

Diverses identités factices, se considérant chacune comme supérieure aux autres, se taillent férocement dans ce monde unifié des lambeaux de domination locale. On a du même monde réel, où les intérêts des agents sont partout les mêmes, la version libérale de l’Occident, la version autoritaire et nationaliste de la Chine ou de la Russie de Poutine, la version théocratique des Emirats, la version fascisante des bandes armées… Les populations sont partout sommées de défendre unanimement la version que le pouvoir local soutient.

Il en ira ainsi tant que l’universalisme vrai, la prise en main du destin de l’humanité par l’humanité elle-même, et donc la nouvelle et décisive incarnation historico-politique de l’idée communiste, n’aura pas déployé sa neuve puissance à l’échelle mondiale, annulant au passage l’asservissement des Etats à l’oligarchie des propriétaires et de leurs serviteurs, l’abstraction monétaire, et finalement les identités et contre-identités qui ravagent les esprits et en appellent à la mort.

Identité française : la « République »

Dans cette guerre des identités, la France tente de se distinguer par un totem de son invention : la « République démocratique et laïque », ou « le pacte républicain ». Ce totem valorise l’ordre établi parlementaire français – au moins depuis son acte fondateur, à savoir le massacre, en 1871, par les Adolphe Thiers, Jules Ferry, Jules Favre et autres vedettes de la gauche « républicaine », de 20 000 ouvriers dans les rues de Paris.

Ce « pacte républicain » auquel se sont ralliés tant d’ex-gauchistes, parmi lesquels Charlie Hebdo, a toujours soupçonné que se tramaient des choses effrayantes dans les faubourgs, les usines de la périphérie, les sombres bistrots banlieusards. La République a toujours peuplé les prisons, sous d’innombrables prétextes, des louches jeunes hommes mal éduqués qui y vivaient. Elle a aussi, la République, multiplié les massacres et formes neuves d’esclavage requis par le maintien de l’ordre dans l’empire colonial. Cet empire sanguinaire avait trouvé sa charte dans les déclarations du même Jules Ferry – décidément un activiste du pacte républicain –, lesquelles exaltaient la « mission civilisatrice » de la France.

Or, voyez-vous, un nombre considérables des jeunes qui peuplent nos banlieues, outre leurs louches activités et leur manque flagrant d’éducation (étrangement, la fameuse « Ecole républicaine » n’a rien pu, semble-t-il, en tirer, mais n’arrive pas à se convaincre que c’est de sa faute, et non de la faute des élèves), ont des parents prolétaires d’origine africaine, ou sont eux-mêmes venus d’Afrique pour survivre, et, par voie de conséquence, sont souvent de religion musulmane. A la fois prolétaires et colonisés, en somme. Deux raisons de s’en méfier et de prendre les concernant de sérieuses mesures répressives.

Supposons que vous soyez un jeune Noir ou un jeune à l’allure arabe, ou encore une jeune femme qui a décidé, par sens de la libre révolte, puisque c’est interdit, de se couvrir les cheveux. Eh bien, vous avez alors sept ou huit fois plus de chances d’être interpellé dans la rue par notre police démocratique et très souvent retenu dans un commissariat, que si vous avez la mine d’un « Français », ce qui veut dire, uniquement, le faciès de quelqu’un qui n’est probablement ni prolétaire, ni ex-colonisé. Ni musulman.

Charlie Hebdo, en un sens, ne faisait qu’aboyer avec ces mœurs policières dans le style « amusant » des blagues à connotation sexuelle. Ce n’est pas non plus très nouveau. Voyez les obscénités de Voltaire à propos de Jeanne d’Arc : son La Pucelle d’Orléans est tout à fait digne de Charlie Hebdo. A lui seul, ce poème cochon dirigé contre une héroïne sublimement chrétienne autorise à dire que les vraies et fortes lumières de la pensée critique ne sont certes pas illustrées par ce Voltaire de bas étage.

Il éclaire la sagesse de Robespierre quand il condamne tous ceux qui font des violences antireligieuses le cœur de la Révolution et n’obtiennent ainsi que désertion populaire et guerre civile. Il nous invite à considérer que ce qui divise l’opinion démocratique française est d’être, le sachant ou non, soit du côté constamment progressiste et réellement démocrate de Rousseau, soit du côté de l’affairiste coquin, du riche spéculateur sceptique et jouisseur, qui était comme le mauvais génie logé dans ce Voltaire par ailleurs capable, parfois, d’authentiques combats.

Le crime de type fasciste

Et les trois jeunes Français que la police a rapidement tués ? Je dirais qu’ils ont commis ce qu’il faut appeler un crime de type fasciste. J’appelle crime de type fasciste un crime qui a trois caractéristiques.

D’abord, il est ciblé, et non pas aveugle, parce que sa motivation est idéologique, de caractère fascisant, ce qui veut dire strictement identitaire : nationale, raciale, communautaire, coutumière, religieuse… En la circonstance, les tueurs sont antisémites. Souvent le crime fasciste vise des publicistes, des journalistes, des intellectuels ou des écrivains que les tueurs estiment représentatifs du bord opposé. En la circonstance, Charlie Hebdo.

Ensuite, il est d’une violence extrême, assumée, spectaculaire, parce qu’il vise à imposer l’idée d’une détermination froide et absolue qui, du reste, inclut de façon suicidaire la probabilité de la mort des meurtriers. C’est l’aspect « viva la muerte ! », l’allure nihiliste, de ces actions.

Troisièmement, le crime vise, par son énormité, son effet de surprise, son côté hors norme, à créer un effet de terreur et à alimenter, de ce fait même, du côté de l’Etat et de l’opinion, des réactions incontrôlées, entièrement closes sur une contre-identité vengeresse, lesquelles, aux yeux des criminels et de leurs patrons, vont justifier après coup, par symétrie, l’attentat sanglant. Et c’est bien ce qui est arrivé. En ce sens, le crime fasciste a remporté une sorte de victoire.

L’Etat et l’opinion

Dès le début en effet, l’Etat s’est engagé dans une utilisation démesurée et extrêmement dangereuse du crime fasciste, parce qu’il l’a inscrit au registre de la guerre mondiale des identités. Au « musulman fanatique », on a opposé sans vergogne le bon Français démocrate.

La confusion a été à son comble quand on a vu que l’Etat appelait, de façon parfaitement autoritaire, à venir manifester. C’est tout juste si Manuel Valls n’envisageait pas d’emprisonner les absents, et si on n’a pas exhorté les gens, une fois qu’ils auraient manifesté leur obéissance identitaire sous le drapeau tricolore, soit à se terrer chez eux, soit à revêtir leur uniforme de réserviste et à partir au son du clairon en Syrie.

C’est ainsi qu’au plus bas de leur popularité, nos dirigeants ont pu, grâce à trois fascistes dévoyés qui ne pouvaient imaginer un tel triomphe, défiler devant un million et quelques de personnes, à la fois terrorisées par les « musulmans » et nourries aux vitamines de la démocratie, du pacte républicain et de la grandeur superbe de la France.

La liberté d’expression, parlons-en ! Il était pratiquement impossible, durant tous les premiers jours de cette affaire, d’exprimer sur ce qui se passait un autre avis que celui qui consiste à s’enchanter de nos libertés, de notre République, à maudire la corruption de notre identité par les jeunes prolétaires musulmans et les filles horriblement voilées, et à se préparer virilement à la guerre contre le terrorisme. On a même entendu le cri suivant, admirable dans sa liberté expressive : « Nous sommes tous des policiers. »

Il est naturel en réalité que la loi de notre pays soit celle de la pensée unique et de la soumission peureuse. La liberté en général, y compris celle de la pensée, de l’expression, de l’action, de la vie même, consiste-t-elle aujourd’hui à devenir unanimement des auxiliaires de police pour la traque de quelques dizaines d’embrigadés fascistes, la délation universelle des suspects barbus ou voilés, et la suspicion continue concernant les sombres cités de banlieue, héritières des faubourgs où l’on fit autrefois un carnage des communards ? Ou bien la tâche centrale de l’émancipation, de la liberté publique, est-elle bien plutôt d’agir en commun avec le plus possible de jeunes prolétaires de ces banlieues, le plus possible de jeunes filles, voilées ou non, cela n’importe pas, dans le cadre d’une politique neuve, qui ne se réfère à aucune identité (« les prolétaires n’ont pas de patrie ») et prépare la figure égalitaire d’une humanité s’emparant enfin de son propre destin ? Une politique qui envisage rationnellement que nos vrais maîtres impitoyables, les riches régents de notre destin, soient enfin congédiés ?

Il y a eu en France, depuis bien longtemps, deux types de manifestation : celle sous drapeau rouge, et celles sous drapeau tricolore. Croyez-moi : y compris pour réduire à rien les petites bandes fascistes identitaires et meurtrières, qu’elles se réclament des formes sectaires de la religion musulmane, de l’identité nationale française ou de la supériorité de l’Occident, ce ne sont pas les tricolores, commandées et utilisées par nos maîtres, qui sont efficaces. Ce sont les autres, les rouges, qu’il faut faire revenir.

Source : Le Monde, le 27/01/2015

Source: http://www.les-crises.fr/le-rouge-et-le-tricolore-par-alain-badiou/


[Reprise] Ciotti veut supprimer les allocations familiales en cas de non-respect de la minute de silence

Tuesday 3 February 2015 at 00:01

Alors que la minute de silence n’a pas toujours été respectée dans les écoles, le député UMP Éric Ciotti propose des mesures radicales.


Le député UMP Eric Ciotti propose de mettre en place un dispositif pouvant aller jusqu’à la suppression des allocations familiales aux familles d’élèves ayant perturbé la minute de silence en hommage aux victimes d’attentats en France. © KENZO TRIBOUILLARD / AFP

Le député UMP Éric Ciotti a proposé jeudi de mettre en place un dispositif pouvant aller jusqu’à la suppression des allocations familiales aux familles d’élèves ayant perturbé la minute de silence en hommage aux victimes d’attentats en France. “Les Français ont découvert avec stupéfaction” que cette minute de silence “avait été perturbée dans des centaines d’établissements scolaires”, ce qui “témoigne d’une défiance à l’égard de la démocratie, mais elle traduit également des failles majeures de l’autorité parentale”, écrit le président du conseil départemental des Alpes-Maritimes dans un communiqué. Il a donc “déposé ce jour une proposition de loi visant à rétablir le Contrat de responsabilité parentale supprimé en janvier 2013 par le gouvernement”.

Deux cents incidents dans les écoles

“Ce contrat aura pour objectif de rappeler aux parents qui se désengagent de leur responsabilité que le premier de leurs devoirs réside dans l’exercice de l’autorité parentale. Je propose ainsi l’instauration d’un dispositif contractuel équilibré et gradué d’accompagnement des parents d’enfants dont le comportement perturbateur aura été signalé par l’Éducation nationale au président du Conseil général en charge de la protection de l’enfance. Ce dispositif pourrait aller jusqu’à la suppression des allocations familiales.” “La suspension des allocations familiales doit donc être perçue avant tout comme une mesure de dissuasion pour faire prendre conscience aux parents de la gravité de la situation pour leur enfant”, ajoute M. Ciotti.

Quelque deux cents incidents liés aux attentats de la semaine dernière ont eu lieu dans les établissements scolaires, dont une quarantaine signalés à la police et la justice, a indiqué mercredi la ministre de l’Éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem.

Source : Le Point

Source: http://www.les-crises.fr/reprise-ciotti-veut-supprimer-les-allocations-familiales-en-cas-de-non-respect-de-la-minute-de-silence/


[Reprise] Manipulation à Paris, par Horace Campbell

Monday 2 February 2015 at 01:47

Racisme, islamophobie et crise du capitalisme en Europe
par HORACE G. CAMPBELL, professeur d’études Afro-Américaines et de Science Politique à l’Université de Syracuse

“Dimanche dernier, plus d’un million de personnes se sont jointes aux 40 présidents et premiers ministres dans les rues de Paris dans la démonstration la plus marquante de solidarité occidentale contre la menace de l’extrémisme islamiste qui se soit déroulée depuis les attaques du 11 septembre 2001. Répondant aux attaques terroristes qui tuèrent 17 personnes en France et captèrent l’attention du monde entier, des juifs, des musulmans, des chrétiens, des athées et des personnes de toutes races, âges et couleurs politiques, se sont regroupés en masse au centre de Paris sous un grand ciel bleu, appelant à la paix et à la fin de la violence extrémiste.”
- New York Times, lundi 12 Janvier 2015

C’est de cette manière que les journaux occidentaux ont commenté la gigantesque manifestation du dimanche 11 janvier à Paris où des millions de personnes se sont rassemblées en une manifestation de leur solidarité avec le pouvoir politique français. La Une du New York Times titrait : “Démonstration géante de solidarité à Paris contre le terrorisme”. Le Los Angeles Times mettait en gros titre “La France unie contre la terreur : plus d’un million de manifestants remplissent les rues de Paris pour honorer les victimes clamant : ‘Nous n’avons pas peur !’” Le même article rapporte que le président François Hollande aurait déclaré que “Paris est aujourd’hui la capitale du monde.”

Quelle est la signification de cette manifestation géante, censée être une réponse au massacre de 17 personnes durant la semaine du 5 au 10 janvier ?

Dans cet article, l’auteur se joindra à la condamnation de l’attaque de Charlie Hebdo et de l’assassinat de ses journalistes. Il doit ici impérativement être dit que cet auteur défend la liberté d’expression sans endosser le contenu du discours. De ce fait, je dénonce sans aucune équivoque ces tueries en France. L’usage de la satire pour camoufler une parole raciste et agressive est pour autant inacceptable et doit être dénoncé pareillement.

Il est également urgent que les forces progressistes travaillent à ce que les tueries et les manifestations de masse ne soient pas tournées en instruments de manipulation, visant à pousser la population laborieuse au racisme, à l’islamophobie et autres formes de chauvinisme et de nationalisme européen extrême. Même les principaux grands médias comme Reuters écrivent maintenant “Retombées de l’attaque sur Charlie Hebdo : le spectre d’un passé fasciste hante le nationalisme européen”. Ce spectre du fascisme doit être pris sérieusement en considération car le fascisme émerge toujours en situation de crise du capitalisme dans les moments où les éléments dirigeants incitent au chauvinisme et au racisme pour détourner l’attention des masses laborieuses afin de les empêcher de se mobiliser contre la classe capitaliste. Telle fut concrètement l’expérience vécue durant la dernière grande dépression du capitalisme.

La France, comme le reste de l’Europe, a été prise dans une triple crise – la crise bancaire, la crise de la dette souveraine et l’avenir de l’euro en tant que devise internationale viable. Ces trois crises ont engendré une quatrième conséquence mortelle, celle de la crise politique et du problème de la légitimité de l’actuel système politique et économique. Dans toute l’Europe, les gouvernements ont institué des mesures d’austérité qui obligent les masses laborieuses à supporter le coût de l’imprudence des banquiers. Jusqu’à présent, les mesures d’austérité visant à sauver le système bancaire ont échoué à stabiliser le système. L’Europe fait désormais face à une déflation et à l’aggravation de sa récession économique. Bien que le système en étages hiérarchisés de l’Europe, avec l’Allemagne, l’Autriche et les Pays-Bas à son sommet, ait cherché à présenter la crise de l’Eurozone comme une conséquence de problèmes liés à l’indiscipline fiscale des dirigeants du Portugal, de l’Irlande, de l’Italie, de la Grèce et de l’Espagne, les dirigeants politiques français avaient espéré que ses outils internationaux d’accumulation et d’exploitation en Afrique et Asie occidentale, sauveraient le système capitaliste en France. Depuis 2008, les trois principales banques françaises, le Crédit Agricole, BNP Paribas et la Société Générale, furent les institutions financières présentant le risque systémique le plus élevé en Europe. (1) Les études de l’index du risque systémique européen ont averti de la surexposition de ces banques et de la nécessité de milliards de dollars de nouveaux fonds propres pour préserver la solvabilité du système bancaire français, surexposé en Grèce.

En Grèce et en Espagne, des mouvements populaires sociaux appellent à un nouveau contrat social, à de nouvelles formes de politiques et à l’abandon des mesures d’austérité visant à sauver les banquiers. Les présidents français, Nicolas Sarkozy et François Hollande, ont parcouru le monde en vue de créer des alliances contre les travailleurs de France tout en soutenant un climat de racisme, d’islamophobie, de xénophobie ainsi qu’un climat de peur et d’insécurité. Dans cet environnement politique, le parti d’extrême droite marginalisé appelé Front National s’est progressivement révélé comme une force dominante de la politique française.

A l’international, la France s’est retrouvée isolée suite à sa double politique étrangère, cherchant à monter la Chine contre les USA, la Russie contre l’Allemagne, les USA contre la Chine, puis en travaillant avec Israël, l’Arabie Saoudite et la Turquie contre les USA sur la question du nucléaire iranien. Les Français ont également été à l’avant-poste pour travailler avec les forces conservatrices en Arabie Saoudite et en Turquie afin de supprimer le régime d’Assad en Syrie. Ces différentes formes de manipulation sont devenues une impasse dès que les citoyens français ont pris conscience de la crise sociale et économique de la société européenne.

C’est dans ces moments-là, lorsque les passions et les émotions sont exploitées par les médias pour promouvoir la peur et un climat d’insécurité, que les journalistes progressistes et les journalistes d’investigation sont sollicités pour enquêter pleinement sur les diverses forces en jeu dans la nouvelle guerre déclarée contre l’Islam radical. Il doit y avoir une mobilisation internationale pour révéler les forces réelles derrière le meurtre des journalistes et de la vigilance de sorte que cette manipulation ne reproduise pas le fanatisme religieux nourri par les forces néoconservatrices en Amérique du Nord, en Europe et en Asie de l’Ouest. Il faut que la conscience politique des jeunes s’élève pour s’opposer au racisme et à l’extrémisme religieux afin qu’ils ne soient pas manipulés comme les frères Kouachi. Il faut également une mobilisation pour une alternative à ce système qui soutient les banquiers au détriment des travailleurs partout dans le monde. La lutte pour la liberté d’expression, la liberté de réunion, la justice sociale et la liberté économique ne devraient pas être réservées à une partie de l’humanité.

Le contexte : le Front National et la dominance dans la politique française

Depuis la crise financière massive de 2008, les travailleurs européens ont subi l’austérité infligée par les leaders politiques. En France, l’électorat a voté pour amener au pouvoir le Parti Socialiste conduit par François Hollande, en mai 2012, à la suite de Nicolas Sarkozy qui avait gouverné au nom des riches. Selon les médias, François Hollande a remporté le pouvoir en France dans le but d’inverser la tendance à droite et la xénophobie dans la politique européenne. Durant la campagne électorale, Hollande s’était engagé à transformer la gestion de la crise économique par l’Europe en luttant contre les mesures d’austérité menées par l’Allemagne. Ces promesses se sont volatilisées dès que Hollande est entré en fonction ; les “socialistes” ont poursuivi la même politique, rude et impériale, que les forces conservatrices de Sarkozy.

Au lieu de faire face aux banquiers, Hollande a institué des mesures d’austérité. Aux élections européennes de 2014, le parti d’extrême droite Front National qui était perçu auparavant comme un parti marginal a émergé comme le parti dominant. Le Front National mené par Marine Le Pen a fait campagne sur la délinquance, l’immigration et la xénophobie, en promouvant l’islamophobie. Ce fut également une force antisémite dans le corps politique français.

Ce parti a été fondé par Jean-Marie Le Pen qui avait fait partie des classes sociales terrorisées après les soulèvements de mai 68 à Paris. Jean-Marie Le Pen avait fait partie des forces françaises humiliées par le Vietnam à Dien Bien Phu en 1954 et faisait également partie des forces qui avaient dû faire retraite à Suez en 1956. Le Pen était un officier du renseignement dans l’entreprise infructueuse d’empêcher la décolonisation de l’Algérie. Ces expériences ont laissé une marque indélébile sur des citoyens tels que Le Pen, qui désiraient ardemment que la France revienne à son apogée comme puissance coloniale dans la politique internationale. A l’époque où le mouvement anti-apartheid global devenait une force politique dans le monde entier, le Front National restait un mouvement marginal, périphérique et extrême en Europe. Le Pen a été plusieurs fois condamné pour racisme et incitation à la haine raciale. En 1987 il a qualifié les chambres à gaz nazies de “détail de l’histoire de la deuxième guerre mondiale”. Le Front National était antisémite, antimusulman et raciste. En 2011, le père a transmis la direction à sa fille dont le plan était de présenter un visage plus aimable et plus doux pour une politique autoritaire et nationaliste de droite. En face de l’effondrement de la base du Parti Socialiste et de la faiblesse des forces de gauche en France, le Front National a exploité la peur des travailleurs français exploités et, aux élections européennes de mai 2014, il a émergé comme le premier parti politique.

Les résultats ont donné 25% des votes au Front National. C’était la première fois que le FN dépassait tous les autres partis dans un contexte électoral, arrivant en tête avec un quart des votes. L’opposition UMP de droite conservatrice qui avait été menée par Nicolas Sarkozy a obtenu 20%, et les socialistes au pouvoir sont arrivés en troisième position avec 14%. Les politologues, qui ont suivi les hauts et bas du système français, avaient prédit que le parti d’extrême droite FN de Le Pen pouvait gagner cette élection, mais une victoire à une telle échelle a fortement secoué la presse et la classe politique française. A Lisieux, le FN n’avait même pas de candidat aux élections européennes de 2009 du fait que le candidat d’extrême droite n’avait fait qu’un peu plus de 2%. Cette fois-ci le FN a fait 27,5%.

Les journaux rapportent qu’aux élections présidentielles prévues en mai 2017, Mme Le Pen pourrait faire une échappée victorieuse. La France s’est inclinée si loin vers la droite que le leader du parti socialiste est devenu encore plus impopulaire que Nicolas Sarkozy avec 13% de soutien de la population votante. Suite à sa première entrée au Sénat en automne 2014, il y a eu une vraie panique au sein de la classe dirigeante qui voulait présenter la France comme un modèle de tolérance et d’ouverture. Cependant, la crise sociale et économique réelle ne peut pas être passée sous silence.

Le système bancaire français survivra t-il ?

Dans cette lutte mortifère engagée entre les capitalistes français et allemands, ces derniers ont réussi à dominer la Banque Centrale Européenne et à s’assurer que l’euro serve les intérêts des banquiers et des industriels allemands. La France est restée un partenaire mineur de l’Allemagne et veille jalousement sur les réserves de 18 états africains afin de s’asseoir à la table des capitalistes européens avec une certaine autorité. Après 2007, quand la crise financière du capital global est survenue, les USA ont pu présenter l’image d’un rétablissement en maximisant le “privilège exorbitant” du dollar et en imprimant des dollars dans le cadre du système d’achat de bons du trésor alors appelé “Quantitative Easing” (“Assouplissement Quantitatif”). Les banquiers européens, sous la pression des forces conservatrices allemandes, n’ont pas été aussi brillants pour proposer des mesures de “relance” similaires afin de sauver les banques ; d’où les mesures d’austérité draconiennes déclenchées contre les travailleurs en Europe. Dans des sociétés comme la Grèce et l’Espagne, ces mesures ont créé des problèmes majeurs en impliquant des réductions drastiques des dépenses publiques. Le chômage en Grèce et en Espagne a bondi au-dessus de 25% quand les austères politiques néolibérales ont été promues par les établissements de l’Union Européenne (Conseil de l’Europe, Commission Européenne et Banque Centrale Européenne) et par le Fonds Monétaire International. Ces trois entités sont surnommées “la Troïka”.

Les banques françaises étaient surexposées en Grèce et en juin 2011 ces banques avaient détenu 93 milliards de dollars de dette grecque. Au point culminant de la guerre de l’OTAN pour sauver l’euro en Afrique du nord en 2011, le président Nicolas Sarkozy avait annoncé un plan de refinancement de la dette alors accepté par les banques françaises et qui pouvait fournir le cadre d’un plan international de plus grande ampleur, visant à faire respirer des banques percluses de dettes. C’était un plan de refinancement sur trois ans, et à la fin de l’année 2014 la France a dû se mettre en quête de nouvelles options, en particulier avec l’écroulement du gouvernement en Grèce.

En 2013, l’agence de notation de crédit de Wall Street, Standard & Poor, a publié un avis de dégradation de la note triple-A de la France. Les principales banques françaises qui avaient jonglé entre leur soumission à l’Allemagne et leur domination d’états africains, ont été averties que le capital globalisé voulait encore plus de mesures drastiques à l’encontre des travailleurs français. Suite à l’avis de Standard & Poor, dans une tentative de rassurer Wall Street et d’augmenter leur réserve de capital, les trois principales banques françaises ont détaillé des plans de restructuration importants. BNP Paribas SA, Société Générale SA et Crédit Agricole SA ont annoncé la suppression de quelques milliers d’emplois ainsi que leur intention de cesser plusieurs de leurs activités, et de fermer certaines de leurs filiales dans le monde.

Une étude de la JP Morgan a montré que la banque française Crédit Agricole était la plus exposée des banques commerciales européennes. Ce genre de pression a effrayé les spéculateurs et conduit les dirigeants politiques français à une diplomatie mondiale intense afin de sauver la forme actuelle du capitalisme français.

La diplomatie de Sarkozy et Hollande à la rescousse du système bancaire français

Quand les Français ont déclenché la guerre au peuple de Libye en 2011, le président français Nicolas Sarkozy avait fait la promesse suivante : “Nous nous battrons pour sauver l’euro”. Sarkozy s’est déplacé en Chine et a promis à cette dernière qu’elle aurait sa part du butin après la guerre tout en lui demandant d’investir dans les banques françaises en faillite. Sarkozy a fait des promesses qu’il ne pouvait pas tenir, cherchant à former une alliance avec les dirigeants chinois contre les États-Unis. Les élections de 2012 ont chassé Sarkozy à cause de sa politique clairement et ouvertement favorable aux plus riches en France.

François Hollande est devenu président en 2012 et a poursuivi les mêmes mesures d’austérité que Sarkozy en France, tout en intensifiant une politique étrangère pleine de duplicité. Là où Sarkozy évoquait des raisons géopolitiques pour une alliance avec le capitalisme chinois, Hollande a invoqué les liens « socialistes » entre le capital français et chinois. Lors de son premier voyage à Pékin, Hollande a promis de travailler avec la Chine à promouvoir un nouvel ordre international “multipolaire”. C’était un effort évident pour une alliance avec la Chine contre les USA. Hollande a imposé le retour des objets culturels pillés qui avaient été volés en Chine par les forces coloniales françaises en 1860. Ce geste de réparation a été apprécié, mais Hollande a quitté la Chine quasiment les mains vides.

Les Chinois planifient à long terme, sans la contrainte de mandats électoraux à renouveler, ils ont écouté avec politesse les suppliques de Hollande. Au Moyen-Orient, le même Hollande a travaillé avec l’Arabie Saoudite, Israël et la Turquie à « Otanosaboter » les négociations sur le nucléaire iranien. Conjointement avec Israël et l’Arabie Saoudite, la France s’est associée avec les djihadistes, qui devaient former l’Etat Islamique, pour créer des ravages en Syrie. Lorsqu’en 2013 les États-Unis ont refusé d’envoyer des troupes au sol en Syrie pour renverser le régime d’Assad, la France a flatté les saoudiens en vue d’un énorme contrat d’armement et cherchait à réaffirmer son influence au Levant (Liban, Turquie, Syrie). C’était la même France qui avait été à la pointe de l’opposition contre l’adhésion pleine et entière de la Turquie à l’Union européenne.

Hollande n’a cessé de voyager (Grande-Bretagne, Brésil, Allemagne, Russie et toute l’Afrique), recherchant des solutions à condition qu’elles ne signifient pas la nationalisation des banques et la rupture avec la troïka. Dans une visite d’état aux États-Unis en février 2014, François Hollande a supplié l’administration Obama de le soutenir, se référant à la longue alliance entre la France et les États-Unis depuis la guerre d’indépendance américaine. La France avait été tellement occupée qu’elle s’était isolée et qu’elle n’était pas certaine de sa position dans le cadre des discussions avec Washington. Le mécontentement et les différences entre les États-Unis et la France ont été clairement mis au jour au cours de la conférence de presse de la NSC, où la rhétorique habituelle sur le traitement des problèmes de sécurité en Afrique ne pouvait cacher le fossé profond entre l’impérialisme américain et l’opportunisme français.

Les tensions entre la France et les États-Unis ne pouvaient plus être masquées, même après que Hollande se soit rendu à Monticello (en Virginie) à la maison de Thomas Jefferson pour célébrer l’histoire des “valeurs communes de la démocratie”. Après avoir voyagé en Chine, en Inde, au Brésil, en Afrique du Sud en proclamant que la France voulait soutenir un nouveau monde multipolaire, quand est venu enfin le temps de proclamer cette nouvelle situation internationale, François Hollande s’est mis à plat ventre et a répété des platitudes sur le partenariat avec les États-Unis pour la sécurité internationale. Dans son discours, Hollande a déclaré : “Il y a dix ans, peu de gens auraient imaginé nos deux pays travaillant en étroite collaboration sur bien des aspects mais notre alliance s’est transformée au cours des dernières années. Depuis le retour de la France dans le commandement militaire de l’OTAN il y a quatre ans, en cohérence avec notre engagement continu à renforcer le partenariat OTAN-Union européenne, nous avons élargi notre coopération dans tous les domaines. Nous sommes des nations souveraines et indépendantes qui fondons nos décisions en fonction de nos intérêts nationaux respectifs. Pourtant, nous avons été capables de passer à un nouveau niveau d’alliance car nos intérêts et valeurs sont encore plus proches.”

Pour aggraver les problèmes du système bancaire français, la banque BNP Paribas a été condamnée à une amende de 10 milliards de dollars pour avoir enfreint la règle des sanctions américaines. Dans la concurrence acharnée entre les oligarques de la finance, la plus grande banque cotée de France avait été mise en examen par les autorités américaines pour non-respect des sanctions américaines, principalement sur le Soudan, l’Iran et la Syrie, entre 2002 et 2009. Lorsque la banque française a été condamnée, Hollande a protesté vigoureusement auprès d’Obama, jugeant l’amende disproportionnée. Un cas similaire contre la Royal Bank of Scotland (RBS) en décembre 2013 a obligé le groupe bancaire britannique à payer 100 millions de dollars d’amende.

Panique à Berlin et Paris

Lorsque, en Grèce, les mesures d’austérité ont provoqué une crise politique en décembre (2014) entraînant la chute du gouvernement et l’appel à de nouvelles élections, un vent de panique a soufflé sur toute l’Europe. Les banquiers et les financiers craignaient que l’élection d’un parti non impliqué dans les mesures d’austérité n’affaiblisse le capital mondial en Europe. Selon The Economist, “le marché boursier d’Athènes a baissé de près de 5% en une seule journée, les actions des banques chutant d’encore plus, les rendements obligataires grecs à 10 ans s’élevant à leur plus haut niveau pour 2014 à 9,5% (plus de sept points au-dessus des rendements italiens). La raison de cet énervement collectif est que les sondages indiquent une victoire électorale pour Syriza, le parti populiste d’extrême-gauche dirigé par Alexis Tsipras. Bien que M. Tsipras dise qu’il veut maintenir la Grèce dans la zone euro, il veut aussi amoindrir la plupart des conditions attachées à son renflouement, supprimant l’austérité, annulant les réductions du salaire minimum et des dépenses publiques, les ventes d’actifs dépréciés et en cherchant à répudier une large part de la dette. Un tel programme semble, pour le moins, ne pas coïncider avec la poursuite de l’adhésion de la Grèce à la monnaie unique”.

Les travailleurs grecs ont ressenti la même douleur que les travailleurs et paysans pauvres ressentent partout au Sud de la planète. Le chômage a atteint plus de 25 pourcent et les suicides ont doublé. Dans un livre publié en 2013, « Le Corps économique : Pourquoi l’austérité tue » de David Stuckler et Sanjay Basu, les auteurs dépeignent l’effondrement des services sociaux en Grèce et l’incroyable coût de l’austérité. Lorsque, en décembre, les élections grecques ont été décidées et que les sondages ont souligné la possibilité de la victoire d’un parti qui ne poursuivrait pas la politiques de la troïka, cela a déclenché la panique à Berlin et Paris.

La France et les djihadistes

Depuis les guerres coloniales d’Indochine et d’Afrique, les classes dominantes françaises ont compté sur le racisme et le chauvinisme pour gagner le soutien des travailleurs. En Afrique du Nord et en Asie de l’Ouest, la France a soutenu des djihadistes tout en proclamant que la guerre contre la terreur était au centre de ses préoccupations. Cette manipulation était évidente au Mali et en Afrique du Nord où la France a manigancé la montée des rebelles touaregs : ses seules fins étant de déclencher un exercice d’intervention militaire afin de combattre ces mêmes forces qu’elle avait mobilisées et soutenues. De même, la France et la branche des services de renseignements américains dirigée par le Général Patraeus ont repris la Libye et ont recruté des djihadistes afin qu’ils se battent en Syrie, alors même que l’on proclamait au monde entier que la France était opposée au terrorisme. Deux ans plus tard, en mars 2013, le gouvernement socialiste de Hollande a soutenu les rebelles de la Seleka en République Centrafricaine pour évincer le président François Bozize. En effet, la France avait accusé ce dernier d’avoir signé des contrats favorables à la Chine et l’Afrique du Sud. Moins d’un an plus tard, elle mobilisait le Conseil de Sécurité des Nations Unies pour combattre les rebelles de la Seleka. Ceux-là mêmes que la France avait assistés en 2013 dans leur conquête du pouvoir en Centrafrique.

C’est ce passif de duplicité qui rend la version française des événements du 7 janvier encore plus invraisemblable. Les autorités françaises voudraient nous faire croire qu’après avoir emprisonné les frères Kouachi (Cherif et Saïd) pendant plus de 10 ans, elles ont soudain cessé leur surveillance, six mois avant qu’ils n’aient prétendument attaqué les locaux de Charlie Hebdo. Encore plus étrange, le fait que le commissaire Helric Fredou se soit donné la mort la nuit des attaques en question. Helric Fredou, directeur adjoint de la police régionale de Limoges depuis 2012, était l’un des officiers supérieurs qui aurait pu attester la relation entre les services de sécurité français et les frères Kouachi. Les prétendus terroristes, tués par la police le 9 janvier, avaient eux mêmes fréquenté un des lycées de la région de Limoges. Le Commissaire Fredou avait donc envoyé une équipe de police sous sa responsabilité afin d’interroger les proches d’une des victimes de Charlie Hebdo et avait été informé des comptes rendus. Il a été déclaré dans les médias qu’immédiatement après en avoir eu connaissance, Fredou a commencé son rapport. Resté tard au siège de la police pour le rédiger, il a été retrouvé mort d’un coup de revolver à une heure du matin le jeudi. Le rapport qu’il était en train d’écrire n’a jamais été retrouvé.

Qui profite de l’intensification de l’alarmisme et de l’insécurité

La popularité de l’extrême droite en France et en Europe a conforté les banquiers dans l’idée que l’austérité pouvait être masquée par le racisme. La police tuant des pauvres, particulièrement des noirs et basanés aux États-Unis, a suscité un mouvement robuste prêt à défier le racisme des blancs dans la rue. En France, les classes ouvrières sont plus divisées et la montée du racisme envers les immigrants et les musulmans a atteint des sommets sans précédents. Le Premier ministre a rendu la situation encore plus alarmante le samedi 10 janvier lorsqu’il a déclaré que la France était en guerre avec l’Islam radical. L’islamophobie, l’austérité et les divisions font émerger ces mêmes forces qui interdisent la liberté d’expression dans d’autres parties du globe. Un des chefs d’état le plus opportuniste, présent en France dimanche dernier, était probablement le premier ministre de l’état d’Israël, actuellement en campagne pour sa réélection. L’occupation de la Palestine et la guerre criminelle d’Israël contre les citoyens désarmés de Gaza avait isolé les conservateurs israéliens des parlementaires européens, ces derniers votant pour la reconnaissance de l’Autorité Palestinienne. La semaine même des attentats contre Charlie Hebdo, les médias ont relaté que plus de 2 000 citoyens innocents avaient été massacrés à Gara, au Nigéria, par des membres de Boko Haram. Aucun mot de solidarité envers les défunts n’a été prononcé lors du grand rassemblement à Paris.

Deux jours après la tuerie à la rédaction de Charlie Hebdo, il y a eu la prise d’otage à l’épicerie casher. Voici qu’apparaît un nouvel individu qui était sous la surveillance des autorités françaises depuis des années. Ahmed Coulibaly, qui aurait pris en otage l’épicerie casher, était un autre “terroriste” sous surveillance depuis des années. Même après avoir été surveillé et accusé de frayer avec des terroristes, quelques mois avant son arrestation en 2010, Coulibaly a rencontré Nicolas Sarkozy lors d’une conférence à l’Elysée ayant pour thème “les jeunes privés de leurs droits”.

C’est la même personne qui, nous dit-on, était un dangereux terroriste. Coulibaly a été libéré de prison en mars 2014.

Vigilance et organisation

L’auteur condamne sans équivoque l’assassinat de journalistes et d’autres civils innocents. Il condamne le racisme, l’antisémitisme, l’islamophobie et la xénophobie. Mais condamner n’est pas suffisant. Les progressistes ne peuvent rester les bras croisés alors qu’une guerre religieuse attise les passions parmi les jeunes des classes populaires qui sont exploités et marginalisés. Ceux qui n’ont pas accepté la propagande de guerre massive pour sauver la liberté d’expression se demandent pourquoi six mois avant les attentats, l’appareil de sécurité français a mis fin à la surveillance de ces trois hommes. Pourquoi le commissaire de police qui connaissait le mieux ces trois hommes s’est-il suicidé ? Ou bien s’est-il vraiment suicidé ?

Que ce soit en étant aux côtés des djihadistes en Libye, en travaillant des deux côtés de la sale guerre en Algérie, en manipulant les Touaregs au Mali, ou bien en travaillant avec les saoudiens, les services secrets et la sécurité français ont travaillé en étroite collaboration avec des branches du renseignement et des militaires américains pour maintenir la flamme ardente de la guerre et de l’insécurité. Comme mentionné sur le blog du parti socialiste,

“Il n’est tout simplement pas crédible que les trois hommes soient capables d’imaginer et de réaliser un plan élaboré nécessitant des armes automatiques et des explosifs sans la complicité passive, voire active, d’éléments de l’appareil d’état. Plus étrange encore, la fuite apparente de l’amie de Coulibaly, Hayat Boumeddiene, qui est également recherchée afin d’être interrogée au sujet des attentats. Bien des détails restent flous, mais elle a évité toutes les mesures de détection dans sa fuite de France vers l’Espagne où elle a pris un vol pour la Turquie et a ensuite rejoint la Syrie.”

La collaboration ouverte et occulte des agences de renseignement et de sécurité avec les organisations islamiques extrémistes a une longue histoire. La France tient fermement à ses territoires coloniaux (comme la Martinique, la Guadeloupe et Cayenne) et à l’exploitation des populations pauvres. Mais la crise du système bancaire français a créé une situation sans précédent. Lors de la dernière dépression, la France pouvait transférer une partie des coûts de la crise sur les villages d’Afrique. Maintenant les mouvements d’indépendance africains s’opposent à la mainmise française sur leurs ressources tandis que la Chine empiète sur les alliés traditionnels de la France dans des endroits tels que le Cameroun, le Congo Brazzaville et la République démocratique du Congo.

Les élections à venir en Grèce et l’importante mobilisation des travailleurs et des étudiants en Espagne ouvrent la perspective de nouvelles politiques en Europe isolant l’extrême droite et les forces racistes. Alors que le projet européen se délite, la militarisation de la société afin de lutter contre le terrorisme peut rapidement être détournée vers une mobilisation des troupes contre les travailleurs, les étudiants et les paysans qui s’opposent aux mesures d’austérité. Si nous considérons l’expérience des autres pays occidentaux, le premier choix de la classe politique est de transférer le coût de la crise sur les épaules des travailleurs. Telle fut l’expérience concrète des USA depuis 2008. L’euro se délite et la décision récente de la Suisse d’abandonner l’euro est une manifestation évidente que l’expédient consistant à transférer les pertes des banques à la Grèce et à l’Espagne n’est plus tenable. La France va devoir soit nationaliser les banques et imposer des contrôles plus importants du 1% des plus riches, soit intensifier ses mesures d’austérité, de licenciement de fonctionnaires, de réduction des retraites, des dépenses de santé, d’éducation, de logement et d’équipement. Cette voie empruntée pour sauver les banques à risques intensifiera aussi la répression. Dans le cadre d’un tel choix, la militarisation en cours et la guerre contre les terroristes servira de répétition générale avant l’emploi de l’armée contre les étudiants et les ouvriers.

D’ici là, se mobiliser pour gagner les faveurs de ceux qui soutiennent actuellement le Front National ne fait que renforcer le racisme, la xénophobie et l’intolérance. La manipulation à Paris devrait être perçue comme une manœuvre préventive visant à renforcer une dérive militariste. Les progressistes doivent s’opposer à la montée des forces fascistes en Europe et au néo-conservatisme en Amérique.

Horace Campbell est professeur d’études Afro-Américaines et de Science Politique à l’Université de Syracuse. Il est l’auteur de “L’OTAN globale et le catastrophique échec en Libye”, Monthly Review Press, 2013.

Notes.
[1] Sid Verma French banks most systemically risky in Europe, June 10, 2013, http://www.euromoney.com/Article/3216880/French-banks-most-systemically-risky-in-EuropeHEC-Lausanne-study.html

Source : Counter Punch, le 19/01/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/reprise-manipulation-a-paris-par-horace-campbell/


[Reprises] La place croissante de l’Islam en banlieue et l’Islam du “9-3″ [2011]

Monday 2 February 2015 at 01:04

Allez, pour ne pas être accusé de sombrer dans l’angélisme…

La place croissante de l’Islam en banlieue [04/10/2011]


Voilà un constat qui va déranger. Dans les tours de Clichy-sous-Bois et de Montfermeil (Seine-Saint-Denis), les deux villes emblématiques de la crise des banlieues depuis les émeutes de l’automne 2005, la République, ce principe collectif censé organiser la vie sociale, est un concept lointain. Ce qui “fait société” ? L’islam d’abord. Un islam du quotidien, familial, banal le plus souvent, qui fournit repères collectifs, morale individuelle, lien social, là où la République a multiplié les promesses sans les tenir.

La croyance religieuse plus structurante que la croyance républicaine, donc. Vingt-cinq ans après avoir publié une enquête référence sur la naissance de l’islam en France – intitulée Les Banlieues de l’islam (Seuil) -, le politologue Gilles Kepel, accompagné de cinq chercheurs, est retourné dans les cités populaires de Seine-Saint-Denis pour comprendre la crise des quartiers. Six ans après les émeutes causées par la mort de deux adolescents, en octobre 2005, son équipe a partagé le thé dans les appartements des deux villes, accompagné les mères de famille à la sortie des écoles, rencontré les chefs d’entreprise, les enseignants, les élus, pour raconter le destin de cette “Banlieue de la République” – c’est le titre de l’enquête, complexe et passionnante, publiée par l’Institut Montaigne.

Le sentiment de mise à l’écart a favorisé une “intensification” des pratiques religieuses, constate Gilles Kepel. Les indices en sont multiples. Une fréquentation des mosquées beaucoup plus régulière – les deux villes (60 000 habitants au total) comptent une dizaine de mosquées, aux profils extrêmement variés, pouvant accueillir jusqu’à 12 000 fidèles. Une pratique du ramadan presque systématique pour les hommes. Une conception extensible du halal, enfin, qui instaure une frontière morale entre ce qui est interdit et ce qui est autorisé, ligne de fracture valable pour les choix les plus intimes jusqu’à la vie sociale.

Les chercheurs prennent l’exemple des cantines scolaires, très peu fréquentées à Clichy en particulier. Un problème de coût évidemment pour les familles les plus pauvres. Mais la raison fondamentale tient au respect du halal. Les premières générations d’immigrés y avaient inscrit leurs enfants, leur demandant simplement de ne pas manger de porc. Une partie de leurs enfants, devenus parents à leur tour, préfère éviter les cantines pour leur propre descendance parce que celles-ci ne proposent pas de halal. Un facteur d’éloignement préoccupant pour Gilles Kepel : “Apprendre à manger, ensemble, à la table de l’école est l’un des modes d’apprentissage de la convivialité future à la table de la République.”

Car le mouvement de “réislamisation culturelle” de la fin des années 1990 a été particulièrement marqué à Clichy et à Montfermeil. Sur les ruines causées par les trafics de drogue dure, dans un contexte d’effondrement du communisme municipal, face à la multiplication des incivilités et des violences, les missionnaires du Tabligh (le plus important mouvement piétiste de l’islam), en particulier, ont contribué à redonner un cadre collectif. Et participé à la lutte contre l’héroïne, dans les années 1990, là où la police avait échoué. Ce combat contre les drogues dures – remplacées en partie par les trafics de cannabis – a offert une “légitimité sociale, spirituelle et rédemptrice” à l’islam – même si la victoire contre l’héroïne est, en réalité, largement venue des politiques sanitaires.

L’islam a aussi et surtout fourni une “compensation” au sentiment d’indignité sociale, politique et économique. C’est la thèse centrale de Gilles Kepel, convaincu que cette “piété exacerbée” est un symptôme de la crise des banlieues, pas sa cause. Comme si l’islam s’était développé en l’absence de la République, plus qu’en opposition. Comme si les valeurs de l’islam avaient rempli le vide laissé par les valeurs républicaines. Comment croire encore, en effet, en la République ? Plus qu’une recherche sur l’islam, l’étude de Gilles Kepel est une plongée dans les interstices et les failles des politiques publiques en direction des quartiers sensibles… Avec un bilan médiocre : le territoire souffre toujours d’une mise à l’écart durable, illustrée ces dernières semaines par l’épidémie de tuberculose, maladie d’un autre siècle, dans le quartier du Chêne-Pointu, à Clichy, ghetto de pauvres et d’immigrés face auquel les pouvoirs publics restent désarmés (Le Mondedu 29 septembre). Illustrée depuis des années par un taux de chômage très élevé, un niveau de pauvreté sans équivalent en Ile-de-France et un échec scolaire massif.

Clichy-Montfermeil forme une société fragile, fragmentée, déstructurée. Où l’on compte des réussites individuelles parfois brillantes et des parcours de résilience exemplaires, mais où l’échec scolaire et l’orientation précoce vers l’enseignement professionnel sont la norme. “Porteuse d’espoirs immenses, l’école est pourtant aussi l’objet des ressentiments les plus profonds”, constatent les chercheurs. Au point que “la figure la plus détestée par bon nombre de jeunes est celle de la conseillère d’orientation à la fin du collège – loin devant les policiers”.

Et pourtant, les pouvoirs publics n’ont pas ménagé leurs efforts. Des centaines de millions d’euros investis dans la rénovation urbaine pour détruire les tours les plus anciennes et reconstruire des quartiers entiers. Depuis deux ans, les grues ont poussé un peu partout et les chantiers se sont multipliés – invalidant les discours trop faciles sur l’abandon de l’Etat. Ici, une école reconstruite, là, un immeuble dégradé transformé en résidence. Un commissariat neuf, aussi, dont la construction a été plébiscitée par les habitants – parce qu’il incarnait l’espoir d’une politique de sécurité de proximité.

Le problème, montre Gilles Kepel, c’est que l’Etat bâtisseur ne suffit pas. Les tours ont été rasées pour certaines, rénovées pour d’autres, mais l’Etat social, lui, reste insuffisant. La politique de l’emploi, incohérente, ne permet pas de raccrocher les wagons de chômeurs. Les transports publics restent notoirement insuffisants et empêchent la jeunesse des deux villes de profiter de la dynamique économique du reste de la Seine-Saint-Denis. Plus délicat encore, la prise en charge des jeunes enfants n’est pas adaptée, en particulier pour les familles débarquant d’Afrique subsaharienne et élevés avec des modèles culturels très éloignés des pratiques occidentales.

Que faire alors ? Réorienter les politiques publiques vers l’éducation, la petite enfance, d’abord, pour donner à la jeunesse de quoi s’intégrer économiquement et socialement. Faire confiance, ensuite, aux élites locales de la diversité en leur permettant d’accéder aux responsabilités pour avoir, demain, des maires, des députés, des hauts fonctionnaires musulmans et républicains. Car, dans ce tableau sombre, le chercheur perçoit l’éveil d’une classe moyenne, de chefs d’entreprise, de jeunes diplômés, de militants associatifs, désireuse de peser dans la vie publique, soucieuse de concilier identité musulmane et appartenance républicaine.

Source : Luc Bronner, pour Le Monde


L’islam du “neuf trois” décrypté par Gilles Kepel


Le dernier ouvrage de Gilles Kepel, Quatre-vingt-treize (Gallimard), nous plonge au cœur de l’islam de France tel qu’il s’est construit dans le département emblématique de la Seine-Saint-Denis depuis 25 ans.

25 ans après son premier livre sur l’islam en France, Banlieues de l’islam, le politologue Gilles Kepel revient avec Quatre-vingt-treize, un ouvrage qui retrace un quart de siècle de présence musulmane dans le département emblématique de la Seine-Saint-Denis. Un livre qui est l’occasion pour le chercheur de faire ses “adieux à la scène de l’islam de France” et qui fait suite à la publication d’une enquête sur les difficultés d’intégration que rencontrent les habitants de banlieues populaires.Gilles Kepel distingue d’abord trois grandes phases de cette présence musulmane en France : l’islam des “darons” (des pères), l’islam des Frères (ou des “blédards”) et enfin l’islam des jeunes. Ces trois grandes phases sont par ailleurs caractérisées par deux moment, le premier qui dure jusqu’à la fin des années 80 et qui n’est encore qu’un islam en France, et qui se transforme dès le début des années 90 pour devenir un islam de France.La première grande phase, l’islam des darons, correspond à l’arrivée de travailleurs immigrés venus reconstruire la France après la guerre. Il s’agit d’un islam populaire, “qui cherche son inspiration dans la continuation des pratiques du pays d’origine dont les instances religieuses et politiques fournissent le personnel”. Cet islam, très ancré dans les modes de piété traditionnels du Maghreb principalement, s’avère dès les années 80 inadapté aux nouveaux défis qu’il rencontre.La deuxième grande phase, l’islam des Frères, correspond à l’arrivée d’étudiants venus “du bled” inspirés par l’islam politique des Frères musulmans et s’inscrit dans une volonté de l’Etat français de mieux contrôler et encadrer les institutions musulmanes sur le territoire. L’Union des organisations islamiques de France (UOIF), qui s’inspire clairement de l’idéologie des Frères musulmans et va mener pendant quinze ans le combat pour le port du voile à l’école, illustre cette nouvelle forme que prend l’islam français. Paradoxalement, cet islam des Frères qui se veut affranchi des influences extérieures, notamment du Maghreb, a été construit par des “blédards non représentatifs du tissu social des enfants d’immigrés”. Egalement, cette volonté des pouvoirs publics à trouver des interlocuteurs représentatifs a finalement “servi de palliatif, voire de cache-misère, à l’Etat français au moment où se posait le défi beaucoup plus vaste de l’entrée dans la citoyenneté […] des populations issues de l’immigration”. Il va donc subir la critique de la nouvelle génération.

La troisième grande phase, l’islam des jeunes, vient donc bousculer cet islam dit des darons, et est porté par la nouvelle génération de jeunes nés et élevés en France. “Ils se lancent à leur tour dans l’action religieuse et militante […], très ancrés dans le tissus social, ce sont des entrants « par le bas » dans l’univers politique, où leurs associations […] ont des mots d’ordres fortement revendicatifs”. Leur présence est très visible sur internet, et affiche, toute tendance confondue, “un islam décomplexé” qui se positionne clairement sur des questions emblématiques comme le port du voile, la laïcité ou encore l’islamophobie. Les revendications identitaires de cette nouvelle génération s’illustre par exemple, selon Gilles Kepel, sur la question du halal.

Parallèlement à ce passage de la deuxième à la troisième phase, est apparu en France un islam de type rigoriste et fondamentalisme, le tabligh, mouvement traditionaliste et apolitique, puis le salafisme, d’inspiration wahhabite saoudienne, qui reste minoritaire aujourd’hui mais constitue, note le politologue, une forme de religiosité musulmane inconnue en France il y a 25 ans.

Après avoir décrit les différentes phases et évolutions de l’islam en (puis de) France, Gilles Kepel, s’intéresse donc à ce qui constitue aujourd’hui un élément représentatif de cette nouvelle génération de musulmans français, à savoir le halal. Pour le chercheur en effet, le halal constitue “l’un des phénomènes les plus significatifs des transformations et de l’affirmation identitaire de l’islam de France depuis la première décennie du XXIe siècle”. Il s’agit en effet d’un marqueur identitaire fort, d’une façon de se positionner pour cette nouvelle génération de musulmans nés et éduqués en France. “L’enjeu, par-delà la viande et son marché, les critères du pur et de l’impur, l’exclusion ou l’inclusion dans le rapport à la société française globale, est le contrôle cultuel et politique sur la nouvelle génération des musulmans de France”. Une revendication identitaire emblématique qui s’inscrit dans le cadre plus large d’une religiosité nouvelle censée combler le vide laissé par l’échec de l’intégration républicaine.

Car au-delà de l’analyse transversale et historique de cet islam de la Seine-Saint-Denis, c’est bien la question sociale qui est au cœur de la problématique de l’islam de France. C’est d’ailleurs l’objet du rapport produit par Gilles Kepel et déjà mentionné, Banlieue de la République, qui analyse les échecs de l’Etat français en matière d’intégration et de représentativité de toute une partie de ses citoyens. “Combien de députés issus des milieux populaires notre Assemblée nationale, qui représente et symbolise la nation, va-t-elle compter en juin ? Combien de parlementaires issus des cités, nés Français, éduqués ici, et dont les familles sont venues, il y a deux, voire trois générations, d’Afrique du Nord et d’Afrique noire notamment, participent à la reconstruction de la France exsangue de l’après-guerre et y ont laissé leur santé ?” s’interroge et s’insurge ainsi Gilles Kepel dans une tribune publiée sur lemonde.fr.

Et en effet, lorsque la République semble faire comme si toute une partie de ses membres n’existait pas, quand la classe politique se focalise entièrement sur des problèmes mineurs (comme le port du niqab ou les prières de rue) au lieu de s’intéresser par exemple à la question du chômage des jeunes, massif dans ces quartiers, lorsque la représentativité des minorités demeure, élection après élection, inexistante, alors la “tentation du repli”, avec tous les dangers que cela comporte, peut devenir une alternative. “A laquelle ne peut répondre qu’une politique résolue d’intégration” conclut Gilles Kepel.

Source : Gilles Kepel, politologue et spécialiste de l’Islam, pour Le Monde des Religions

Source: http://www.les-crises.fr/reprises-la-place-croissante-de-lislam-en-banlieue-et-lislam-du-9-3-2011/


[Reprise] Après les attentats, la France tentée d’avoir sa propre NSA

Monday 2 February 2015 at 00:01

Après les attentats, la France tentée d’avoir sa propre NSA

Dans un contexte d’émotions, le gouvernement veut faire passer des textes réduisant les libertés, dans la lignée du modèle américain.

“A une situation exceptionnelle doivent répondre des mesures exceptionnelles.” Le message du Premier ministre Manuel Valls devant l’Assemblée nationale se veut tempéré mais ferme. Depuis l’attentat meurtrier contre le journal “Charlie Hebdo” et les attaques terroristes qui ont suivi, le gouvernement est sur le qui-vive pour démanteler et prévenir les filières djihadistes en France. Première cible : le web et les outils de communication numérique.

Manuel Valls a ainsi demandé au ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, de lui adresser “des propositions de renforcement” en matière de surveillance, en particulier “concernant internet et les réseaux sociaux qui sont plus que jamais utilisés pour l’embrigadement, la mise en contact, et l’acquisition de techniques permettant de passer à l’acte”.

Le modèle du Patriot Act américain

Le 26 octobre 2001, un mois et demi après l’attentat contre le World Trade Center, les Etats-Unis adoptent la loi pour unir et renforcer l’Amérique en fournissant les outils appropriés pour déceler et contrer le terrorisme, dite “Patriot Act”. Au programme : des lois d’exceptions renforçant considérablement le pouvoir des agences de renseignement et de lutte contre le terrorisme, du FBI à la CIA en passant par la NSA.

Les agences peuvent ainsi récupérer une masse d’informations personnelles sur les clients des opérateurs téléphoniques, des fournisseurs d’accès à internet, des hébergeurs de sites web et des géants du numérique. Le tout sans que les usagers soient au courant et sur simple soupçon. Cette loi d’exception n’a jamais été abrogée. Elle a mis en place un gigantesque réseau d’espionnage s’étendant jusqu’au téléphone d’Angela Merkel, et qui a été révélé par l’ancien consultant Edward Snowden.

Aujourd’hui, le gouvernement français est tenté de s’en inspirer. Pour Bernard Cazeneuve, pas de doute :

100% de précautions ne font pas le risque zéro, mais 0% de précautions font 100% de risques”, a-t-il lancé sur France Inter.

Le ministre de l’Intérieur plaide pour plus “de moyens” en particulier techniques afin de mieux lutter contre “un terrorisme [devenu] en libre accès à cause d’une numérisation de la société”. Cazeneuve comme Valls comptent ainsi renforcer les moyens humains et matériels des différents services de renseignement. La direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) va recruter 432 nouveaux agents (informaticiens, analystes, chercheurs ou interprètes), dont 140 seront recrutés cette année.

Les services pourront s’appuyer sur la loi contre le terrorisme adoptée, en novembre dernier, dont les derniers décrets doivent être publiés en urgence d’ici début février. Au programme : le blocage des sites “terroristes” et l’extension des écoutes, le tout sans passer par la case justice.

La fausse bonne idée du blocage

Il y a eu des débats sans fin à l’Assemblée nationale, mais finalement nous l’avons fait”, s’est félicité Bernard Cazeneuve.

Le ministre plaide pour la possibilité de bloquer les sites web “provoquant à des actes de terrorisme ou en faisant l’apologie”. L’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC) sera chargé de lister les sites terroristes comme pédopornographiques, selon des critères d’appréciation inconnus. Fournisseurs d’accès à internet et hébergeurs devront alors les bloquer dans un délai de 24h. Ces intermédiaires techniques devront d’ailleurs “concourir activement à la lutte contre certaines infractions” en mettant en place un système de signalement par les internautes.

Le dispositif risque d’être contreproductif”, tranche le Conseil national du numérique (CNNum) dans un avis rendu en juin. “Les dispositifs de blocage sont facilement contournables par les recruteurs comme par les internautes puisqu’ils ne permettent pas de supprimer le contenu à la source.”

“L’installation en quelques minutes du logiciel Tor ou d’un VPN suffit à contourner un blocage”, confirme à “l’Obs” Adrienne Charmet, coordinatrice des campagnes de la Quadrature du Net, association de défense des libertés sur internet.

Pis, bloquer un site risque de bloquer d’autres sites (potentiellement parfaitement légaux) hébergés au même endroit. “Un même serveur pouvant héberger plusieurs sites ou contenus parfaitement légaux, leur blocage collatéral constitue une atteinte directe à la liberté d’expression et de communication”, pointe le CNNum. Par exemple, aux Etats-Unis, le blocage de 10 sites pédopornographiques par les autorités avait causé le blocage de 84.000 sites légaux partageant le même fournisseur de nom de domaine.

Des écoutes larges et massives

Un second décret doit également consacrer la possibilité pour les services de renseignement de placer des mouchards dans l’ordinateur ou le smartphone d’une personne ciblée afin de capter à toutes les données stockées et émises. Sont particulièrement ciblées les conversations émises sur internet en Voix sur IP (dite “VoIP”), avec des logiciels tels que Skype. Mais les autorités pourront aussi accéder à de nombreuses informations, comme l’ensemble des fichiers, les e-mails reçus et envoyés, les SMS échangés, la géolocalisation en temps réel… Le tout sans aucun contrôle d’une autorité judiciaire.

Cette nouvelle forme d’interception va de pair avec le dispositif d’écoutes dont le périmètre a largement été étendu par la loi de programmation militaire de 2013, en particulier à la “prévention du terrorisme”. Au passage, le texte a autorisé les services de renseignement à accéder aux données sur les internautes conservées par l’ensemble les fournisseurs d’accès et hébergeurs. Le tout sans nécessiter l’aval d’un juge, mais vérifié par la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS), qui toutefois ne dispose que d’un avis consultatif.

C’est exactement ce que fait la NSA !”, critique Adrienne Charmet de la Quadrature du net. “C’est la mise en place d’une collecte massive de données qui ne visera pas une seule personne mais également tout son entourage. On risque d’aller vers une surveillance généralisée de la population française.”

Mais déjà Bernard Cazeneuve souhaite aller plus loin. “Les moyens technologiques [sont] déterminants”, a-t-il estimé sur France-Inter, relançant l’idée d’étendre les durées de conservations des données sur les internautes afin que les autorités puissent y accéder plus longtemps. Pendant les débats à l’Assemblée, le ministre de l’Intérieur souhaitait porter de 10 à 30 jours la durée de conservation des données interceptées, mais la mesure avait été retoquée par le Parlement. “Aujourd’hui on se rend compte que nous étions dans la lucidité”, lance le ministre.

Facebook et Twitter mis à contribution

Enfin, Bernard Cazeneuve souhaite également mettre à contribution les réseaux sociaux et les géants du net. “Il faut aller plus loin dans une sensibilisation des grands opérateurs internet”, a-t-il estimé sur France-Inter. Il poursuit :

Ce qui m’a frappé [pendant la marche républicaine, NDLR], c’est la volonté de tous les ministres de l’Intérieur de faire en sorte que nous ayons un contact étroit avec Twitter, Google, Facebook et autres opérateurs, pour dire ‘attention, là il y a un problème particulier, il faut que vous vous mobilisiez avec nous’. Je me rendrai prochainement aux Etats-Unis pour rencontrer ces grands opérateurs d’internet”.

Des accords avec les géants du net qui évoquent les dispositifs mis en place par la NSA. Edward Snowden a en effet révélé que la NSA et le FBI disposent d’un accès direct aux serveurs de neuf sociétés internet, dont Google, Microsoft, Apple et Facebook. Sans ordonnance de justice, les services de renseignement américains peuvent notamment lire les e-mails et écouter les conversations des utilisateurs.

Néanmoins, le gouvernement français ne devrait pas aller jusque-là. La secrétaire d’Etat au Numérique Axelle Lemaire a évoqué la possibilité de mettre en place des modules permettant de “signaler directement les propos de haine” directement aux acteurs comme Facebook ou Twitter. “Le signalement communautaire respecte les mécanismes de fonctionnement des réseaux sociaux”, a-t-elle vanté devant l’Assemblée nationale. “Mais il doit être approfondi, en négociation avec les grandes plates-formes numériques, pour être rendu plus efficace et plus préventif, afin d’éviter de nouveaux actes de barbarie.”

De son côté, la ministre de la Culture, Fleur Pellerin, a plaidé pour un renforcement de la responsabilité des “intermédiaires techniques” – que sont des acteurs comme Google, Facebook et Twitter – dans la mise en ligne de contenus haineux sur internet. Une vieille rengaine que les acteurs concernés, réunis dans l’Association des services Internet communautaires (Asic), voient comme une manière “d’imposer un contrôle a priori des contenus et une censure généralisée des contenus diffusés sur internet”. Surtout qu’”engager la responsabilité des plateformes ne réduira pas le flot de violence et de haine déversé sur le web”, rappelle à “l’Obs” Merav Griguer, avocate spécialiste du numérique.

Divisions sur la réponse à apporter

Une NSA et un Patriot Act “à la française” ne font pas l’unanimité. La députée UMP Valérie Pécresse tranche : “Il faudra un Patriot Act à la française.”

Une position critiquée par François Fillon, pour qui “aucune liberté ne doit être abandonnée”.

Du côté de l’antiterrorisme, l’ancien patron du renseignement intérieur (DCRI) Bernard Squarcini le répète à l’envie : “Des lacunes existent et il faut plus de moyens légaux pour les combler.” Il pourrait être écouté par le gouvernement qui a accéléré la présentation et l’examen d’une loi-cadre visant à “donner aux services [de renseignement] tous les moyens juridiques pour accomplir leur mission”. Ce projet de loi, issu du rapport parlementaire des députés Jean-Jacques Urvoas et Patrice Verchère, est actuellement en “phase finale d’examen interministériel” et devrait être présenté au Parlement au deuxième trimestre.

Au grand dam du juge antiterroriste Marc Trévidic qui a expliqué au CNNum que, si “les dispositions de la loi sont insuffisantes pour contrer les contenus djihadistes sur internet, [...] le maintien d’un contrôle judiciaire reste indispensable”. Marc Trévidic estime ainsi que le blocage de sites djihadistes officiels pourrait tout simplement “rester dans le cadre de procédures judiciaires” classiques. Il souligne enfin que :

Le filtrage des réseaux sociaux, tâche extrêmement vaste et complexe, semble inefficace et très risqué pour le respect de la liberté d’expression des tiers.”

Limiter la liberté d’expression de la population est un dommage collatéral trop important pour justifier la lutte antiterroriste. “Sans juge, on risque de tomber dans une censure aveugle”, renchérit Adrienne Charmet de la Quadrature du Net.

Au-delà, elle craint que les “mesures exceptionnelles” promises par Manuel Valls “ne glissent rapidement de la prévention de la menace terroriste à la lutte contre les troubles publics. On sait combien la définition du trouble à l’ordre public est politique. Il suffit de voir que désormais certains écologistes radicaux sont désignés comme des ‘djihadistes verts’.” L’exemple américain se révèle frappant : sur les 11.129 demandes de perquisitions en 2013 dans le cadre du Patriot Act, seules 51 avaient trait au terrorisme, rapporte l’Electronic Frontier Fondation. Les autres demandes concernaient pour l’essentiel le trafic de drogue.

Des millions de personnes ont défilé en criant ‘liberté’ et le gouvernement répond en promettant plus de protection contre une réduction des libertés”, conclut Adrienne Charmet. Ça ne peut pas être décidé à la hâte dans un contexte émotionnel, il faut passer par une voie démocratique, par le Parlement par exemple.”

Si internet est largement pointé du doigt, il ne faut toutefois pas prendre l’outil pour la cause. “Les phénomènes de radicalisations demeurent des processus complexes qui ne commencent, ni ne se réduisent à Internet “, rappelle l’Asic. En effet, les frères Kouachi, responsables de l’attaque contre “Charlie Hebdo”, se sont radicalisés dans la vie réelle, au contact de mentors, et non sur internet.

Boris Manenti

Source : Boris Manenti, le Nouvel Obs


La lutte contre le “terrorisme djihadiste souffre d’imperfections”

“Il faut donner aux services de renseignement des moyens accrus”, plaide le procureur de la République de Paris, chargé de l’enquête sur les attentats à “Charlie Hebdo” et dans l’Hyper Cacher.

La lutte contre le “terrorisme djihadiste” souffre de “quelques imperfections” qui “nuisent à l’efficacité de l’action de la justice”, estime le procureur de de la République de Paris, François Molins, qui est chargé de l’enquête sur les tueries perpétrées à “Charlie Hebdo” et dans l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes, lundi 19 janvier. Aussi a-t-il suggéré d’améliorer sensiblement le dispositif de surveillance.

Partant du constat que le terrorisme islamiste “trouve sa source dans la radicalisation de croyances religieuses”, laquelle doit être “prévenue et combattue”, le chef du parquet de Paris préconise une “surveillance et une vigilance constante” de la pratique radicale.

Pour cela, “il faut donner aux services de renseignement des moyens accrus pour mieux détecter les signaux faibles”, a-t-il affirmé à l’occasion de l’audience solennelle de rentrée du Tribunal de grande instance de Paris, à laquelle assistait la ministre de la Justice Christiane Taubira.

Etendre les prérogatives des juges

Le procureur Molins estime que la “seule manière de surveiller en temps réel des communications cryptées de bout en bout” est d’étendre les prérogatives des juges d’instruction en leur donnant la “possibilité [de faire de la] captation des données à distance”, c’est-à-dire d’utiliser “des chevaux de Troie judiciaires” pour écouter les conversations des terroristes présumés.

Cette possibilité existe depuis la Lopssi 2 [Loi d'orientation et de programmation sur la performance de la sécurité intérieure, NDLR] du 14 mars 2011, mais ses conditions d’emploi, qui l’assujettissent à un régime d’autorisation administrative, font que ces dispositifs sont inadaptés et n’ont à ce jour, jamais pu être mis en œuvre”, a-t-il affirmé.

En clair, la paperasserie freinerait l’efficacité des écoutes téléphoniques et numériques.

Un décret issu de la loi contre le terrorisme, adoptée en novembre dernier, prévoit également la possibilité pour les services de renseignement de placer des mouchards dans l’ordinateur ou le smartphone d’une personne ciblée afin de capter à toutes les données stockées et émises. Les autorités pourront aussi accéder à de nombreuses informations, comme l’ensemble des fichiers, les e-mails reçus et envoyés, les SMS échangés, la géolocalisation en temps réel…

1.280 djihadistes français

Conscient que le “risque zéro” n’existe pas – et “n’existera jamais” -, le représentant en chef du ministère public s’est dit convaincu que la lutte contre le terrorisme “doit passer par une meilleure répression du financement du terrorisme”.

Sur ce point, nous avons peu de dossiers portant sur des faits de financement”, a-t-il déploré.

Précisant que “près de 25 % des radicalisés sont des convertis”, il a indiqué que ces derniers impliqués dans le djihad en Syrie étaient la semaine dernière au nombre de 1.280, “soit sur le départ, soit sur zone, soit sur le retour, soit déjà revenus sur le territoire français”. A ce jour 125 personnes sont mises en examen dans le cadre de 109 dossiers.

“Davantage à la période de sûreté”

Les “individus comme les Kouachy et Coulibaly”, auteurs des attentats à “Charlie Hebdo” et à l’Hyper Cacher, “déjà condamnés pour des faits de terrorisme” et ayant purgé leur peine “nécessitent une vigilance spécifique accrue”, a encore affirmé François Molins. “Ils sont certes moins nombreux mais posent un véritable enjeu en terme de sécurité s’agissant d’individus qui ont déjà fait la preuve de leur dangerosité.”

D’où l’attention particulière du parquet envers les “détenus radicalisés qui ont vocation à sortir un jour de la détention”.

Partisan d’une “grande sévérité” dans le prononcé des peines comme dans leur exécution, le procureur a considéré qu’il fallait “certainement recourir davantage à la période de sûreté”, laquelle interdit toute remise de peine, “pour les personnes condamnées pour terrorisme”.

Le parquet de Paris est depuis plusieurs mois particulièrement vigilant et restrictif dans son appréciation des demandes d’aménagement de peines qui sont présentées au juge d’application des peines”, a-t-il assuré.

Le procureur mise également sur l’éducation et la prévention de la radicalisation pour vaincre ce fléau, “comme l’ont fait certains pays”. En particulier pour les mineurs et les jeunes majeurs, placés sous contrôle judiciaire ou assignés à résidence sous surveillance électronique.

Denis Demonpion

Source : Denis Demonpion, le Nouvel Obs

Source: http://www.les-crises.fr/la-france-tentee-davoir-sa-propre-nsa/


Un dimanche à Paris : Ah tiens une manif … par Tristan Edelman

Sunday 1 February 2015 at 01:22

17 janvier 2015

Enfin on va avancer l’enregistrement de mon nouvel album, « Ministère Double joker ou le moins pire des mondes possibles ». Mon ingé son, Momo le grand fou, habite à Jacques Bonsergent, ligne 5, près de la place de la République. La mauvaise place au mauvais moment… Impossible d’arriver au studio : une manif. J’ai beau essayer de me frayer un chemin, de prendre un autre métro, de contourner, de rentrer chez moi même… pas moyen : tous les chemins mènent à la manif. J’ai vraiment pas envie. Je peux pas travailler, je peux pas rentrer chez moi, je peux pas m’exprimer librement à travers ma musique. J’essaye de passer en-dessous des cordons faits par la police, qui me rembarre. Je râle : « on peut même plus rentrer chez soi ! ». Un manifestant d’une quarantaine d’année, visiblement exaspéré par ma réaction, me répond « On peut pas tout avoir ». Qu’est-ce ça veut dire ? T’as une manif donc des filcs, pas de flic donc pas de manif. Ok le ton est donné : hyper quadrillé et au pas. Et d’ailleurs, me voilà dans une manif au rythme particulièrement régulier, bien rangé et en ordre. Tu peux même plus râler. « T’as qu’à pas habiter là, pauve con » J’ai compris. Pas le choix : je fais la manif. J’ai bien su les événements, mais n’ayant pas la télé, je n’ai pas vraiment d’opinion. C’est donc avec une certaine innocence que je traverse, bon gré mal gré, ce flot humain et de pancartes ; bien rangé.

On déboule dans une rue. Me voici immédiatement entouré de drapeaux bleu blanc rouge. Ca donne un peu le tournis : j’en avais jamais vu une telle concentration sur un si petit périmètre. J’ai dû tomber dans la mauvaise manif. Je demande, le plus neutre possible, à la petite dame à coté de moi : « C’est bien la contre-manif ici ? ». Elle me répond fermement, voire acariâtre : « Non : ici nous sommes dans la vraie ! ». A ce moment précis monte un chant : la Marseillaise. Je suis un peu confus. Je n’ose pas regarder la dame… bon j’ai dû rater un wagon…

Passe alors un groupement de femmes juives, avec comme pancarte couvrant leur corps : « Je suis Charlie, Je suis juive, je suis flic ». Je flippe un peu. Flic dans une manif pour la liberté d’expression, juif dans une manif laïque, religion et police avec Charlie, ça dissone de partout. J’aurais bien voulu parler un peu avec elles, mais vu leur regard noir, on imagine facilement des matraques derrière leurs affiches…

Ah tiens une main en carton ! Ah mais j’la reconnais, c’est « Touche pas à mon pote », le mouvement des années 80-90 qui a servi à rien sinon à faire la promotion du parti « socialiste » qu’on a maintenant… Qu’est-ce qu’il y a dessus ? « Touche pas à Charlie ». Ah oui… c’est sûr… mais c’est un peu tard, les gars…

Oh des petites pancartes… une phrase : « Même pas peur ». Ca me rappelle quand on était gosses, les virées en voiture avec mon oncle toxico, dans les Alpes au bord des précipices. Pour se donner du courage et espérer arriver vivant, on gueulait pareil « même pas peur ! »… Bon on a quand même fini par se prendre un arbre…

Une autre pancarte, un peu plus longue cette fois : « Le dialogue pour la compréhension, la paix et le respect. ». Je comprends pas très bien et je demande « Euh… quel dialogue ? ». Une grande dame à coté de moi me répond sur un ton prophétique. « On s’en fout. C’est pas grave. Le plus important c’est d’être dehors. Dehors tous ensemble ». On de la chance le temps est ensoleillé…

Le drapeau du PSG (Paris St Germain) ! Le stade dans la manif politique, à quand les manifs politiques dans les stades ? Ca rappelle de mauvais souvenirs…

Très rigolo : des jeunes italiens, visiblement exaltés, courent, sautillant, à travers la manif. Je finis par percevoir le beau drapeau gay multicolore avec écrit « PACE »(Paix). Je les regarde passer avec sympathie, et commence à me demander s’il ne s’agit pas là d’une nouvelle forme de carnaval, où tout s’inverse, le bas est en haut, le haut en bas, les valeurs se mélangent, se confondant pour une fête du non-sens. Peut être pour quelques vieux anars de Charlie, une fête du contre-sens…

Alors là… au milieu de drapeaux américains et français, un drapeau que je connais pas : bleu et jaune. Vous connaissez vous ? Comme d’hab j’me renseigne. Deux mecs d’une carrure de boxeurs poids lourds, avec vraiment une sale gueule, me répondent, comme à un abruti : « Ben c’est l’Ukraine ! ». A moins que ça n’ait changé depuis quinze jours, les neo-nazi ukrainiens soutenus par l’OTAN, ne sont pas des chantres de la liberté d’expression, me semble-t-il. Mais encore une fois j’ai dû rater un wagon…

D’ailleurs pas si loin, j’entends parler américain très très fort et avec conviction. Je me demande ce qu’ils foutent là. Je me retourne. Des jeunes nanas. Peut- être elles suivent Madonna. Y parait qu’elle est à la manif. « Hey all is fine ? Yes yes yes ? What are you doing ? Just to know… » Regard particulièrement méprisant. Je n’insiste pas. Je me dis qu’Obama aurait tellement de leçons à nous donner en ce qui concerne la liberté d’expression, et la liberté tout court, que ça vaut bien de fermer humblement sa gueule…

De superflu en superflu : « La satyre pas des tirs ». Bon ça rime…

Le new-age n’a pas été oublié dans l’affaire : « De l’humour et de l’amour. » il manque plus que nos stars de la variété pour se faire une promo mondiale. Peut-être y sont là en fait…

J’entends des gens apparemment spécialisés dans les mouvements de foule : « Le PS arrive ! Avec l’UMP qui court derrière ! Et le front de gauche ! Y s’courent après pour arriver les premiers ! ». La ballade des gens heureux, la grande messe cool du dimanche, elle est quand même un peu stressée. Pas facile de rester politiquement correct, quand y a autant d’enjeux et de marketing. Mais faut avouer, les gens s’en sortent très bien. A croire que c’est devenu une seconde nature le politiquement correct. Moi j’ai encore un peu de mal, mais j’vais regarder plus souvent la télé…

Je finis par regarder du côté des vagues d’applaudissements, qui se suivent comme une marée montante. Mais pour quoi ? Je regarde au ciel, des fois que j’aurais raté la Vierge Marie… et puis… j’percute… j’me frotte les yeux… mais non… c’est bien vrai… on applaudit au passage des cars de CRS ! On les embrasse même ! Alors là c’est l’pompon. La répression comme symbole de la liberté. Je ne demande rien à personne, parce que je sens que les gens sont devenus très susceptibles en ces temps de laïcité agressive ; et mes questions leur portent vite atteinte. Je fais un effort pour comprendre tout seul. Un flic est mort dans la « bataille », donc : « Je suis CRS ! ». Bon. Imaginons que ce jeune homme noir, musulman, sans papiers, qui a sauvé plusieurs personnes à Vincennes, en les cachant dans une chambre froide, soit un peu moins discret, qu’il ait été tué, et surtout, oui et surtout : qu’il ait été filmé. On aurait tous applaudi, et au passage, on serait devenus : 1- des jeunes hommes noirs (plausible), 2- des musulmans (plus difficile), 3- des sans-papiers (gloups…)… il faut avouer que dans l’état émotionnel où on est, on serait prêts à devenir tout et n’importe quoi…

Tout à coup, comme un funeste présage, j’entends un son de trombone, genre « bienvenu au cirque ». Mais juste un. Vite étouffé. Je me suis demandé si on avait pas demandé au musicien de fermer sa gueule, à lui aussi. C’est sur : ça va pas avec la marche funèbre, les sons du cirque…

Au milieu de cette marche débonnaire, et relativement silencieuse du coup, je vois des fantômes. Je vous jure : de vrais fantômes ! Un vieux noir avec des dread accompagné d’une petite femme à l’air très fatiguée. Ils tiennent à eux deux une banderole, blanche à la base, avec pleins de trucs écrits et pleins de ratures. Franchement on a pas envie de lire. En plus ils ont l’air dépité. Manque de bol, je me retrouve deux fois, pile devant eux. Je finis par lire leur banderole de récup : « Je ne suis pas Charlie, je ne vois qu’une Afrique pillée par l’OTAN qui favorise les pires terroristes. » Ils sont bien seuls, car partout autour : des sourires bienveillants des « Je suis Charlie ». Eureka ! Je comprends la phrase de la dame : « Le plus important c’est d’être dehors, ensemble ». On peut ne pas être d’accord, mais on est tous ensemble unis dans la même manif. Chacun a sa vérité. Pas de fanatisme. On se respecte. On marche ensemble. Respect de la différence. Liberté d’expression. Chacun son truc, mais on marche ensemble. Toutes les positions sont admises. Les gens de la manif ont la cool attitude. Tout se vaut. On est tous égaux. C’est beau. Ensemble dans la manif dans un consensus enfin national. Et en plus le monde entier nous regarde. On a enfin réussi à faire digérer des mots aussi antinomiques, grâce à la manif de la liberté d’expression, que l’OTAN et l’Afrique pillé par l’OTAN : même combat ! Cette petite banderole, au milieu du désert des sourires complaisants, rappelle que manifester pour la liberté d’expression contre le terrorisme, ça a quelque chose d’absurde. C’est comme manifester contre le sida. On peut réclamer plus d’argent pour la recherche et plus de facilités pour les médicaments, mais contre le sida, ca veut rien dire. Ben c’est pareil ici. Le symptôme, pas les causes ! Les causes du terrorisme et de la disparition de la liberté d’expression : on s’en fout ! Même mieux : les causes elles sont là, devant nous : les chefs d’Etat et leur politique, et en plus ils ont même réussi à foutre en l’air le sens de la manif. Et d’ailleurs ils le disent bien les causes : « C’est pas nous c’est les autres ! Et c’est quoi des causes ? C’est juste le chaos et on va remettre tout en ordre ! Tous ensemble ! Allez on frappe dans les mains ! » Les manifestants voient ça de loin, même si on frappe dans les mains. Ca donne le rythme. Comme ça on a une manif tranquille, douce, intelligente ; pas de vague. Un grand moment de paix. Une manif sans débordements. On est enfin mûrs en Occident : bien rangés, tous au même pas. Je me dis que finalement, les flics on en a plus vraiment besoin, on le fait très bien tout seul. Des temps bien étranges… j’ai dû louper tout le train…

***

Comment en est-on arrivés à défiler pour la liberté d’expression, avec comme guide, des chefs d’Etat venus redorer leurs tristes blasons, qui n’ont de cesse de nous normaliser à grands coups médiatiques et à petits coups répétés dans l’organisation de notre vie quotidienne ? Comment en est-on arrivés à soutenir passivement et massivement, ceux qui musèlent justement cette liberté (dont Charlie hebdo comme tant d’autres ont pâti, mais là ils vont pas se refuser de devenir journal officiel pour le prochain musée de la propagande…) ? Comment en est-on arrivés, d’un élan contre un acte inouï, à défiler sous les drapeaux français et un pacte républicain à verve nationaliste et européaniste, qui par ailleurs exclut 25% de la population française, que représente le FN ? Un pacte excluant à la base. A force de tomber à droite, Marine va finir au centre…

En tombant par hasard dans la manif, j’ai eu quelques bribes de réponse.

Malgré les apparences, chacun semblait isolé, tout comme dans le métro. Il est facile d’imaginer que dans cet Isolement, on croit qu’il suffit de penser librement, pour être libre, surtout dans une marche aussi formelle et volatile. Et en l’occurrence la liberté d’expression s’y prête bien : « Je m’exprime donc je suis libre ! » Ca coute rien comme liberté. C’est pas comme les retraites, la sécu, l’éducation, les hôpitaux et la concentration des richesses. Et puis si les autres pensent différent, on s’en fout, car d’ailleurs eux aussi s’en foutent de ce qu’on pense. Mais au moins on s’est tous exprimés. Il se trouve qu’en plus, on pense tous pareil. Facile : quand on est isolés, les médias, eux, s’occupent de nous occuper, et ils parlent tous le même langage, à peu de chose près. On pense tous pareil, ça veut dire on pense tous média. On est isolés puis réuni par l’idéologie des médias et leur censure silencieuse. C’est par cette déconnexion aux autres, qu’on arrive à faire une manif où on est connectés seulement par les medias, mais en se croyant dans l’expression, libre de sa pensée. Et dans la manif c’était plutôt effarant de déconnexion. Franchement proche de l’hallucination de masse. Mais une hallucination cool bobo. Tranquille quoi.

L’histoire 68 tard, critique, un peu anar de Charlie, à la trappe ! Le nationalisme, c’est pas grave, c’est pour la bonne cause ! Les chefs d’Etat qui récupèrent, faut pas leur en vouloir c’est leur boulot ! La vraie liberté d’expression, qui n’existe plus depuis des années, ah bon… mais on dit c’qu’on veut en France… la preuve : on est là à la manif ! Chacun est dans son monde tout puissant, persuadé que la récupération ne le concerne pas. Le miracle de l’expression libre, c’est de croire que le fait même d’aller manifester, au nom d’une liberté d’expression toute formelle, libère de toute récupération, alors même qu’on défile sous la bannière de ses propres censeurs. Mais la bannière dans le for intérieur du manifestant, elle est blanche comme la colombe, et le berger on le méprise vaguement. « On est pas si conc que ça ! ». Et puis les bannières, on finit par plus les voir, et le berger il vous envoie aux champs de bataille pour la nation, l’Europe et les USA…. au nom de Charlie ! C’est quand même miraculeux la liberté d’expression : il suffit de penser qu’on est pas d’accord, et le drapeau eh bien : il disparait ! D’ailleurs il n’a jamais existé ! Hallucination et déni de la réalité. Chacun dans sa toute puissance, cache, sous la bonne conscience du mot respect, la pire des censures : l’indifférence. Au fond on veut pas se le dire, mais on vend, on offre même, notre liberté et nos forces de pensée, à des bergers qui nous bercent de beaux mots. Eh oui, ça vaut cher les tours de prestidigitation et la dose d’hallucination…

Merci Charlie quel retournement, quel coup de théâtre tu nous as offert ! Quelle belle surprise : l’Union nationale autour des valeurs de la République, de l’Europe, de l’OTAN ! Ca y est le pacte transatlantique : validé ! A moindre frais ! Encore quelques terroristes avec des morts et tout le tralala, et on est prêts pour la guerre atomique ! Tant pis si dans le passé t’étais pas d’accord Charlie, maintenant t’es mort, et on parle à ta place : « Les absents ont toujours tort ! Et qui ne dit mot consent ! »

La suite on connaît : commandements contradictoires type pacte républicain excluant, dérive sécuritaire et de surveillance à la défaveur des citoyens, mini 11 septembre pour une politique étrangère agressive, manipulation des masses par la peur vers le nationalisme, mise en état de choc et diversion vers des valeurs abstraites et un bouc émissaire communautaire pour masquer les vrais problèmes créés par la folie du marché sauvage, et en prime, des citoyens isolés au cerveau retourné, qui sont tellement fragilisés par les attaques des médias, de la société de consommation, par l’addiction aux trois écrans, et la peur généralisée, qu’ils sont prêts à suivre n’importe quelle chimère.

Tristan Edelman

Source : www.legrandsoir.info

Source: http://www.les-crises.fr/un-dimanche-a-paris-ah-tiens-une-manif-par-tristan-edelman/


[Reprise] Aucun Américain à Paris dimanche : “Rien ne peut excuser cette absence”, par Vincent Jauvert

Sunday 1 February 2015 at 00:29

Énorme papier du journaliste du Nouvel Obs

Seule l’ambassadrice des Etats-Unis en France représentait l’administration américaine dimanche. Ni Obama, ni Kerry, ni Holder. Une absence qui laissera des traces. Editorial.

Connaissez-vous Jane Hartley ? C’est une femme d’affaires et de médias, PDG d’une société de conseil à Manhattan. Très riche, elle a été l’une des grandes donatrices de la campagne de Barack Obama en 2012. En remerciement, il l’a nommée, en octobre dernier, ambassadrice des Etats-Unis en France. Elle était la seule représentante de l’administration américaine dimanche 11 janvier à Paris dans la marche républicaine historiqueOui, la seule.

On espérait que, bravant les risques que tous les chefs d’Etat présents à Paris encourraient, Obama ne se contenterait pas de sa visite, certs symbolique mais insuffisante, le 8 janvier, à l’ambassade de France à Washington et déciderait de venir au dernier moment, par surprise, ou à défaut, son vice-président Joe Biden. On se serait contenté du secrétaire d’Etat, John Kerry. Même le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, qui n’est pas un grand fana des manifs, est venu.

Las, il a fallu faire avec Jane Hartley, que personne dans la foule et à la télévision n’a reconnue, et pour cause : personne ne la connaît. Merci tout de même Mme Hartley, d’avoir sauvé l’honneur du plus vieil allié de la France (à ce que l’on répète en tous cas).

A Washington non plus…

Le ministre de la Justice, Eric Holder, était bien à Paris pour une réunion sur le terrorisme. Mais il n’a pas souhaité marcher avec les Français et la cinquantaine de chefs d’Etat et de gouvernement qui ont eu le courage d’être là (on aurait préféré que certains s’abstiennent, il est vrai…). N’a pas souhaité non plus se joindre à eux le secrétaire adjoint à la sécurité intérieure des Etats-Unis, Alejandro Mayorkas, qui assistait à la même réunion, dans des bureaux ultra-protégés de la capitale française.

Tenez-vous bien : pour la première fois dans l’histoire, le secrétaire d’Etat américain (John Kerry) et son adjoint (Antony Blinken) sont parfaitement francophones et prétendument ultra francophiles. Beau-fils de Samuel Pisar, Blinken a même vécu en France plusieurs années et Kerry vient régulièrement à Paris pour voir sa famille. Eh bien, répétons-le, aucun des deux n’a marché avec les Parisiens.

“Rien ne peut excuser l’absence de grandes personnalités américaines à Paris”, s’insurge le spécialiste américain (et démocrate) de politique étrangère, Aaron David Miller.”

Après un (émouvant) discours en Français, Kerry a préféré rester à New-Dehli, signalant une fois pour toutes que l’Amérique se tourne vers l’Asie. Et Blinken s’est seulement fendu d’un tweet, dimanche.

Ces “grandes personnalités” n’ont même pas participé dimanche à la marche de solidarité organisée à Washington, à quelque pas du Département d’Etat. Pas plus qu’Obama, évidemment. Ni Joe Biden. Ni aucun membre du gouvernement américain.

Le seul officiel présent dans la capitale américaine auprès de la communauté française était la sous-secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, la célèbre Victoria Nuland. Merci Mme Nuland !

Cynisme

On se souvient que le 12 septembre 2001, au lendemain des attentats, ce fut la France, par la voix de son représentant à l’ONU, Jean-David Levitte, qui fit voter – à l’unanimité ! – une résolution autorisant l’Amérique à user d’un droit de légitime défense. Et quelques jours plus tard, Jacques Chirac fut le premier chef d’Etat occidental à se rendre à New York. Un sacré allié. Bien mal aimé en retour.

Ça se soigne…

On espérait le même soutien pour notre “11 septembre culturel”, comme le dit Gilles Kepel.

1500 morts à Gaza, 4 000 morts en Ukraine, 2 000 au Nigéria là, mais bon, faut aussi s’occuper de nous dare dare… !!!!

Ce n’est pas la première fois qu’Obama laisse tomber la France. On se souvient du 31 août 2013 quand tout était prêt pour frapper le régime Assad, coupable d’avoir utilisé l’arme chimique contre son peuple.

Mensonge, on ne sait pas qui a utilisé les armes chimiques, et encore moins si c’est Assad qui l’ait demandé (un peu couillon de bombarder au gaz des quartiers civils qui vous sont fidèles, mais bon…)

Les avions étaient en l’air. Au dernier moment, Obama a flanché.

Bah oui, une guerre de plus, ce serait bien…

Et il a donc flanché à bombarder le type qui combat l’État islamique, on a bien compris ?

Et pourquoi Hollande n’a pas attaqué seul alors ?

Pour se faire pardonner, il avait invité François Hollande à dîner à la Maison Blanche en tête à tête. Cela ne mange pas de pain, si j’ose dire.

Ca a dû tellement l’ennuyer d’avoir abandonné notre bon Hollande…

Il y a plus cynique encore. Le président américain a décidé de détourner à son profit l’émotion mondiale suscitée par l’attentat à “Charlie Hebdo.

Non faut arrêter, ça n’a pas fait plus que ça la une en Inde, en Chine, etc. C’était une émotion occidentale… Tout comme peu d personnes connaissaient les attentats de Bombay de 2008 par exemple (180 morts)

Le lendemain, il a convoqué une réunion internationale sur la lutte contre le terrorisme mi-février… à New YorkChez lui. Et bien protégé.

Tout cela laissera évidemment des traces. Profondes.

VOUI, on va être indépendants des USA maintenant, NA !!!!

Bon, ou pas…

Et ce n’est pas la visite de rattrapage de John Kerry, jeudi prochain, à Paris, qui va suffire pour panser les plaies. Il faudra d’autres gestes d’amitié forts, concrets.

Sinon la famille transatlantique va définitivement se disloquer.

AH AH AHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHA

Vincent Jauvert, grand reporter au service Monde du Nouvel Observateur.

PS : faute avouée… La Maison Blanche vient de reconnaître son “erreur”. Lors d’un point presse, son porte-parole a déclaré que l’Amérique regrettait, qu’à la marche de dimanche, elle n’ait pas été représentée par un responsable de plus “haut rang” que l’ambassadrice. Il a néanmoins été incapable d’expliquer pourquoi le ministre de la Justice Eric Holder n’a pu participer au défilé historique.

Ben ils ont déjà envoyé le Ministre pour l’Europe – pourquoi pas le ministre de l’agriculture aussi…

Source : Nouvel Obs

 

Source: http://www.les-crises.fr/reprise-aucun-americain-a-paris-dimanche-rien-ne-peut-excuser-cette-absence-par-vincent-jauvert/


[Juste pour rire] L’AFFAIRE de la fresque de la salle de garde à l’internat du CHU de Clermont-Ferrand…

Sunday 1 February 2015 at 00:05

NON !!!!!! On ne va pas parler longuement de cette histoire ridicule de fresque. C’est plus l’analyse qui en est intéressante.

Je rappelle en 2 mots le contexte cependant : dans cette salle de garde (non ouverte au public) figurait depuis 15 ans une fresque orgiaque – comme souvent. Des médecins farceurs avaient collé quelques feuilles pour faire des sortes de bulles, pour se moquer de Marisol Touraine et de sa réforme.

Au vu du buzz, la fresque a été effacée.

Comme il a été dire dans un commentaire :

Non il ne s’agit pas d’une scène de viol mais d’une orgie. Dans la plupart des salles de garde il y a ce type de fresques. Certaines sont d’ailleurs de toute beauté. A chaque fois toutes les personnes représentées (ce sont souvent des profs de la fac de médecine) ont l’air consentantes et prennent plaisirdans leurs actes. Et c était aussi le cas de la wonder woman. De l’humour carabin classique.

Ce qui, à la limite, pouvait paraître choquant, ce sont simplement les textes contenus dans les bulles ! Et qui ont été collés juste ces derniers jours. Je rappelle que cette fresque avait 15 ans, ce n’est pas la ministre qui était représentée initialement. Et pas dans une position de viol je le répète. Tout au plus puvait on simplement retirer les bulles …

2 choses intéressantes :

1. On est en janvier 2015, on a un pays meurtri, des lois liberticides en cours, des juges qui embastillent comme des gorets, une économie chancelante, une monnaie en état de coma dépassé, MAIS on trouve le temps de parler d’une fresque de ”la salle de garde (non ouverte au public) à l’internat du CHU de Clermont-Ferrand”…

2. c’est surtout ce long billet dans L’Obs qui m’a fait réagir, de Francoise Degois; “Présidente de l’agence citoyenne” :

“Ils sont minables, osons le dire, ces carabins qui se cachent derrière leur tradition (et quelles traditions, mes aïeux !) pour justifier l’injustifiable : cette fresque, d’une facture assez grossière sur le plan pictural qui met en scène un “gang bang”.”

…. ce qui rappelle les zeures sombres de notre Histoire…

“J’emploie cette expression à dessein celle d’”incitation au viol ” étant, semble t-il d’une telle violence pour ses pauvres petits internes, tellement choquante pour leur pauvre petit cœur fragile, qu’il faudrait donc édulcorer, comme si, entre vous et moi, le gang bang était une pratique courante, usuelle et parfaitement acceptable.”

Disons que je pense que juridiquement, ça va quand même être dur d’interdire les orgies (consentantes), mais bon…

Ça n’a rien à voir avec la liberté d’expression

Certains vont même jusqu’a crier “Charlie est mort une seconde fois”. Grand dieux ! Oser comparer l’assassinat de sang froid de 17 personnes à la kalachnikov à l’offense faite à la liberté de ces étudiants en médecine.

On peut se retrancher derrière des mots mais cette fresque, modifiée volontairement pour cibler Marisol Touraine, cette fresque fait bel et bien l’apologie du viol.

Et nulle tradition ne peut justifier cette outrance, venant de citoyens dont le métier consiste à respecter la vie, à célébrer la vie, à lutter corps et âme pour la vie.

Ah oui, en prison, alors, zou !!!

Mais plus grave encore de mon point de vue, les commentaires sur la page Facebook “Les médecins ne sont pas des pigeons”.

Plus glaçant, un certain Pascal R. (lui aussi futur médecin) : “Hélas non, Florence, Daech est aussi en grève   :) ”, en réponse à une certaine Florence F. qui se désolait ainsi : “Personne pour la chopper et la massacrer à la sortie de ses interviews ?”

Oui, vous lisez bien.

Cette jeunesse qui n’a pas l’air d’être née dans des quartiers déshérités, ne semble pas être manipulée par des imams dégénérés, cette jeunesse peut tranquillement sur facebook, invoquer l’État islamique, appeler au passage à tabac d’une ministre de la République et la traiter de chienne.

La liberté d’expression est encadrée en France. Elle fixe les limites du droit à l’outrance.

Ah, c’est bien d’arrêter avec les slogans à la noix “La liberté d’expression ne doit pas avoir de limites”. En fait, c’est “La loi met des limites à la liberté d’expression”, et donc “Mais que doit-on mettre dans la loi” ce qui déjà pose bien mieux le débat – et lui permet même d’exister.

Bon en l’espèce, elle veut clairement une police de l’humour nase. Intéressant…

Pas de compromis avec la haine

Notre pays se remet à peine de dix jours absolument épouvantables qui ont démontré une solidarité, une puissance populaire jamais vue, mais aussi une libération de la parole raciste, antisémite, terroriste, sur les réseaux sociaux. La justice a frappé fort pour l’exemple.

Est-il acceptable que de tels propos, depuis retirés, aient pu arriver sur la toile en toute impunité, sans aucune sanction pour leurs auteurs ? Non, ça ne l’est pas.

Ah oui, en prison, alors, zou !!!

J’entends déjà le procès fait aux féministes, les rires bien gras – souvent masculins – et cet air de commisération, généralement ponctué d’un “Mais t’as pas d’humour ma pauvre fille” avant d’ajouter “Regarde Charlie”. Pardon mais “Charlie” n’a jamais fait l’apologie du terrorisme encore moins du viol,

malgré le goût prononcé de ses caricaturistes pour les croquis sexuels et souvent très drôles.

Pas plus que “Charlie” n’a fait appel, même en riant, à l’État islamique.

Accepter d’en rire et refuser de s’en offusquer équivaut à faire des compromis avec la haine et la pulsion de mort, même déguisés en fresque ratée et en réactions aussi irresponsables que dangereuses sur les réseaux sociaux.

Le mur des cons était minable, la fresque de Clermont et certains des commentaires qui l’accompagnent sont honteux et dangereux.

Et qu’on ne vienne pas nous parler de politiquement correct et de gauche ou droite morale ! Appelons un chat un chat, pour une fois, sans barguigner et se cacher derrière des justifications aussi fumeuses que lâches.

En parlant d’apologie et de fumeux, je voudrais bien voir ce que les bobos diraient si l’UMP votait dans 2 ans le crime “d’apologie de la drogue ?”

Quant à l’islamophobie…

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MAIS BREF, en fait, ce qui m’a vraiment donné l’envie de ce billet, c’est ça – vous ne notez rien de bizarre ? :

Zut, moi qui avais cru comprendre qu’un dessin / fresque c’était toujours de l’humour et ça ne pouvait jamais blesser ou être nocif…

Donc “Oui à la liberté d’expression des gens qui disent et font des choses qui me plaisent ou ne me déplaisent pas, mais non quand ça me choque”…

Source: http://www.les-crises.fr/juste-pour-rire-la-fresque/


Revue de presse internationale du 01/02/2015

Sunday 1 February 2015 at 00:05

Cette semaine sous le thème Vue d’ailleurs, le lien vers une revue de blogs sur l’actualité brésilienne traduite en français. Outre cela, le blog propose des entrées vers ses articles par mois et par thème pour ceux qui souhaitent s’intéresser à la vision du Brésil et sur le pays. Bonne lecture.

Source: http://www.les-crises.fr/rdpi-01-02-2015/