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[Poutine] Les tentatives de chantage à l’égard de la Russie sont insensées

Saturday 18 October 2014 at 01:48

Interview accordée par Vladimir Poutine au quotidien serbe Politika le 15/10/2014.

Pas pour boire ses propos, mais pour comprendre le point de vue russe, et exercer notre esprit critique et de réflexion…

1/ Vous vous rendez à Belgrade pour participer aux célébrations du 70e anniversaire de sa libération des occupants nazis. Dans quoi réside l’importance de telles commémorations à l’heure actuelle ?

Il y a 70 ans nos peuples ont écrasé ensemble l’idéologie criminelle misanthrope qui menaçait l’existence de la civilisation.

Malheureusement le « vaccin » contre le virus nazi développé lors du tribunal de Nuremberg est en train de perdre de son efficacité dans certains Etats européens. Les manifestations ouvertes de néo-nazisme devenues habituelles en Lettonie et dans d’autres pays baltes en constituent un exemple flagrant. En ce sens, une préoccupation particulière est suscitée par la situation en Ukraine où un coup d’Etat anticonstitutionnel a été perpétré en février dernier et dont les nationalistes et d’autres groupes radicaux ont été la force motrice.

Aujourd’hui il est de notre devoir commun de faire face à la héroïsation du nazisme. De résister avec fermeté aux tentatives de révision des résultats de la Seconde guerre mondiale. De lutter avec esprit de suite contre toute forme et manifestation du racisme, de la xénophobie, du nationalisme agressif et du chauvinisme.

2/ Qu’avons-nous réussi à atteindre au cours de ces 20 dernières années et quelles sont vos attentes eu égard à la dynamique de la coopération russo-serbe ?

Pour l’heure les relations russo-serbes connaissent un essor. En 2013 le chiffre d’affaires de nos échanges a augmenté de 15 % pour atteindre 1,97 milliard de dollars et au premier semestre 2014 il a augmenté de 16,5 % jusqu’à 1,2 milliard de dollars. Nous escomptons un taux de 2 milliards de dollars à la fin de l’année.

Le montant total des investissements russes en Serbie a surpassé 3 milliards de dollars. Le gros de cette somme a été investi dans la branche énergétique ayant une importance stratégique. La mise en oeuvre du projet South Stream doit rapporter à la Serbie plus de 2 milliards d’euros de nouveaux investissements et renforcer notablement sa sécurité énergétique.

3/ Beaucoup a été dit à propos des réductions possibles des fournitures du gaz russe vers l’Europe à cause de la dette ukrainienne. Quel est l’avenir du projet South Stream dont la réalisation intéresse la Serbie ?

En tout premier lieu je tiens à souligner que la Russie honore entièrement ses engagements relatifs aux fournitures de gaz aux consommateurs européens.

Depuis les années 2000 nous sommes parvenus avec nos partenaires européens à réaliser plusieurs projets importants, Nord Stream compris, qui permettent de minimiser les risques liés au transit et d’assurer un approvisionnement ininterrompu des pays européens en gaz. Ces derniers mois Gazprom augmente à des rythmes accélérés les reserves de gaz dans les dépôts souterrains européens. Ces mesures visent à empêcher des perturbations du transit et à assurer les meilleures conditions pour surmonter la période de consommation de pointe en hiver.

Il va de soi que nous tenons compte des risques liés aux phénomènes de crise en Ukraine. Nous nous sommes vus obligés d’arrêter les livraisons dans ce pays en juin dernier car les autorités de Kiev avaient refusé de payer pour le gaz déjà reçu. A la fin de l’été et au début de l’automne une série de consultations trilatérales intenses a eu lieu entre la Russie, l’UE et l’Ukraine portant sur les dénouements mutuellement acceptables concernant le remboursement de la dette ukrainienne pour le gaz, la reprise des livraisons à l’Ukraine et le transit stable des hydrocarbures vers l’Europe. Nous sommes prêts à poursuivre les négociations constructives sur ces thèmes.

Il est évident que le problème de transit par le territoire ukrainien persiste. Une des solutions évidentes réside dans la diversification des itinéraires d’acheminement des fournitures. A cet effet, nous espérons que la Commission européenne va enfin régler la question sur l’utilisation à pleine puissance du gazoduc OPAL.

En outre il est nécessaire de débloquer la situation avec South Stream. Nous sommes convaincus que ce projet apportera une contribution sensible à la sécurité énergétique complexe de l’Europe. Alors tous seront gagnants : aussi bien la Russie que les consommateurs européens, la Serbie comprise.

 

(Lire ici sur ce projet)

4/ Quel est, à votre avis, l’objectif des sanctions économiques de l’UE et des Etats-Unis contre la Russie ? Dans quelle mesure peuvent-elles nuire à la Russie ?

Nos partenaires doivent prendre nettement conscience que les tentatives pour exercer la pression sur la Russie par le biais des mesures restrictives illégitimes unilatérales ne rapprochent pas le règlement et ne font que compliquer le dialogue. De quelle volonté de désescalade en Ukraine peut-il être question si les décisions sur de nouveaux paquets de sanctions sont introduites quasi simultanément avec l’adoption des accords faisant avancer le processus de paix ? S’il s’agit de vouloir isoler notre pays, cet objectif est absolument absurde et illusoire. Il est clair que c’est impossible bien qu’un préjudice non négligeable puisse être bien sûr causé à la santé économique de l’Europe et du reste du monde.

Pour ce qui est de la durée d’action des mesures restrictives, cela dépend également des Etats-Unis et de l’Union européenne. Il est évident qu’une baisse de la confiance mutuelle ne peut pas ne pas exercer un impact négatif aussi bien sur le climat des affaires internationales dans leur ensemble que sur l’activité des sociétés américaines et européennes en Russiepour lesquelles il sera difficile de réparer le préjudice réputationnel.

6/ Comment voyez-vous l’avenir des relations russo-ukrainienns ? Un partenariat stratégique sera-t-il rétabli entre les Etats-Unis et la Russie ou bien dans l’avenir les relations seront organisées autrement ?

Pour la Russie les relations avec l’Ukraine ont toujours joué et continueront de jouer un rôle très important. Nos peuples sont indestructiblement liés avec les racines spirituelles, culturelles et civilisationnelles communes.

L’étape actuelle des relations russo-ukrainiennes a beau être compliquée, mais nous sommes intéressés dans une coopération progressive, égale en droits et mutuellement avantageuse avec les partenaires ukrainiens.

Une possibilité réelle apparaît aujourd’hui d’arrêter la confrontation armée qui est, de fait, une guerre civile. Il est nécessaire d’engager le plus vite possible un dialogue pan-ukrainien réel avec la participation des représentants de toutes les régions et de toutes les forces politiques. Cette approche a été fixée dans la déclaration de Genève du 17 avril. Ce dialogue national doit donner lieu à une discussion détaillée de l’organisation constitutionnelle et de l’avenir du pays dans lequel tous les citoyens de l’Ukraine sans exception puissent vivre confortablement et en sécurité.

En ce qui concerne les perspectives des liens russo-américains, nous avons toujours aspiré à avoir des relations de partenariat ouvertes avec les Etats-Unis.

Il ne reste qu’à déplorer ce qui se passe depuis le début de cette année. Washington a activement soutenu Maïdan et quand ses créatures à Kiev ont plongé le pays dans une guerre civile il s’est mis à accuser la Russie d’avoir provoqué la crise.

Maintenant le président Barack Obama du haut de la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU cite « l’agression russe en Europe » parmi trois principales menaces à l’humanité à côté de la fièvre mortelle Ebola et le groupe terroriste Etat islamique. Vu les restrictions imposées à des secteurs entiers de notre économie, il est difficile de qualifier cette approche autrement que d’hostile.

Les Etats-Unis sont allés jusqu’à faire des déclarations tapageuses sur la suspension de notre coopération dans l’exploration de l’espace et dans l’énergie atomique. Ils ont gelé l’activité de la commission présidentielle russo-américaine créée en 2009 et comprenant 21 groupes de travail qui s’occupaient, entre autres, de la lutte contre le terrorisme et le trafic de drogue.

Nous espérons que les partenaires prendront conscience du caractère insensé des tentatives de chantage à l’égard de la Russie et qu’ils se souviendront de quoi la discorde entre les grandes puissances nucléaires est lourde pour la stabilité stratégique.

Pour notre part, nous sommes prêts à développer la coopération constructive basée sur les principes d’égalité en droits et de prise en considération réelle des intérêts réciproques.

Source : La Voix de la Russie

Source: http://www.les-crises.fr/poutine-les-tentatives-de-chantage-a-legard-de-la-russie-sont-insensees/


Revue de presse du 18/10/2014

Saturday 18 October 2014 at 00:16

Cette semaine, Sapir, les petits arrangements entre amis (“Démocratie”), les gesticulations côté pétrole/énergies, du mouvement sur l’internet, FMI et ACS/TISA main dans la main, les USA au top par Stiglitz… et un peu de radio sans oublier des livres.

Source: http://www.les-crises.fr/rdp-18-10-2014/


[Hallucinant] Comment le gouvernement s’apprête à baisser la mutuelle santé de 10 millions de salariés (+ ACTION)

Friday 17 October 2014 at 04:00

Allez, un mini-scoop, sur la faute politique de l’année voire du quinquennat, qui agite beaucoup le monde de la protection sociale mais n’a pas encore intéressé les grands médias…

Vous vous rappelez que nous avons longuement analysé sur ce site la folle loi soi-disant “anti-Amazon”(et anti-Fnac), qui, au prétexte d’aider le livre et les libraires, a augmenté cette été les prix des livres en ligne de + 5 %, augmentant le bénéfice d’Amazon d’au moins 15 %, sans qu’évidemment le passage d’un livre de 19 € à 20 € aide un seul libraire en France. Bref, un pur racket au bénéfice du vendeur en ligne. Merci au passage pour les 75 % de Français qui vivent loin d’une librairie… Exemple même d’une décision absurde : on aboutit au résultat exactement inverse au but recherché…

Eh bien là, la ministre de la santé fait très fort, avec, à mon sens, le pire projet que j’ai vu depuis 2012 : baisser fortement les complémentaires des salariés pour augmenter volontairement le reste à charge des Français malades !

I. Le problème

Comme vous le savez, il y a en France 2 mode d’exercice principaux des médecins, le Secteur 1 (où le médecin ne pratique pas de dépassement, et facture le prix fixé par la Sécu, alias le Tarif de responsabilité, soit 23 €) et ceux en Secteur 2 (où ils peuvent fixer le prix qu’il veulent, avec un dépassement d’honoraire, la Sécu ne remboursant que sur la base du tarif de responsabilité). Voici la répartition (toutes les sources viennent de la DREES) :

En 2013, dans les cabinets libéraux des praticiens de secteur 2, 15 % des dépassements sont dus aux omnipraticiens (= les généralistes) et 85 % aux médecins spécialistes. Parmi ces derniers, 3 spécialités concentrent à elles seules la moitié des dépassements : les chirurgiens, les gynécologues et les ophtalmologistes

On peut comprendre la présence de dépassements, car il est assez irréaliste de vouloir payer le même prix un médecin quel que soit sa zone géographique, sa spécialité, sa notoriété/compétence.

Le problème est qu’il y eu de plus en plus d’abus, avec une forte croissance des dépassements :

On note (à droite) que les dépassements ont augmenté de 3 % à 6 % par an depuis 2006.

Au final, les revenus des médecins ont fortement augmenté :

Tirés surtout par le haut de la distribution (les derniers point sont ceux des 10 % gagnant le plus) :

On trouve ici une étude complète sur les revenus de 2008 par spécialité :

(Q1 = limite de 25 % inférieurs ; Q2 = médiane = 50 % au dessus, 50 % en dessus ; Q3 : 25 % supérieurs ; D1 = 10 % inférieurs ; D9 : 10 % supérieurs)

Bref, face à ce problème, on se rend compte que, normalement, une bonne solution consisterait à demander à ce que la Sécu négocie avec les médecins un plafonnement intelligent des tarifs du Secteur 2, (notamment  en fonction du montant total des dépassements constatés l’année précédente, du lieu d’exercice du médecin, de sa spécialité, de ses titres ou de son autorité médicale…) pour éviter, sauf cas rares, des consultations à 120 €… Et en réfléchissant aussi à la revalorisation des tarifs de responsabilité, insuffisant dans certains endroits.

Bref, un sujet pas simple,  mais nullement insoluble – pour peu qu’il y ait un peu de courage politique.

Eh bien la Ministre de la Santé Marisol Touraine a choisi tout autre chose !

II. La vision de la Ministre

Fin 2013, la ministre indiquait au Quotidien du médecin qu’elle faisait « le pari de l’autorégulation » des médecins – ça a bien réussi, bravo à la vision libérale…

Elle a simplement poussé au projet usine-à-gaz de la dernière convention médicale : le Contrat d’Accès aux Soins, proposé librement aux médecins. Ce contrat demande aux médecins, moyennant quelques avantages, de ne plus augmenter leurs dépassements, et de rester en moyenne à des niveaux de dépassements inférieurs à 100 % (soit 46 € la consultation). Evidemment, ce contrat a fait un bide, seuls 30 % des médecins l’ayant signé – à peu près uniquement des médecins qui ne dépassaient pas 46 €…

Que faire alors ? La vision de la ministre est simple :

« Les complémentaires santé doivent s’engager dans une démarche de responsabilité. Vous avez des complémentaires plus généreuses que d’autres et les complémentaires trop généreuses finissent par entretenir des honoraires trop élevés. Je souhaite que nous arrivions à un cadre qui permette d’éviter cette course aux dépassements. » [Marisol Touraine, Radio Classique, 5 mars 2014]

C’est quand même TRÈS original de se dire que quand le patient sera peu remboursé, le médecin baissera gentiment ses tarifs – d’autant que beaucoup de patients sont déjà mal remboursés ! Et il a bonne conscience (et en partie à raison) en se disant que quand on peut payer 60 ou 80 € une coupe / brushing / teinture chez un CAP coiffure, on peut payer 100 € chez un cardiologue Bac + 12 qui vous sauve la vie…

C’est en effet vraiment méconnaître le fait économique élémentaire que la consommation de santé est la consommation désirée par excellence, sur laquelle le consommateur n’a aucune prise : si votre enfant va mal, vous paierez à peu près n’importe quel prix pour une consultation rapide d’un spécialiste compétent – quitte à vous endettez ou même voler… C’est ce qui justifie par essence d’avoir un système de soin socialisé et régulé, ainsi qu’une Sécurité sociale, les États-Unis montrant bien les abus d’un système trop concurrentiel.

Et en plus, c’est stupide, une étude de la DREES montrant bien ceci. Voici le financement des 20 Md€ des dépenses de médecine de ville :

Comme l’indique la DREES : « Le taux de prise en charge des dépassements d’honoraires de médecins par les Organismes Complémentaires est de 30 % en moyenne. Ainsi, sur 1,8 milliard de dépassements en médecine de ville, la part financée par les Organismes Complémentaires est de 560 millions tandis que celle des ménages s’élève à 1,3 milliard d’euros en 2013, ce qui représente 52 % du reste à charge des ménages sur les soins de médecine de ville. »

Bref, sur 100 € de dépassements, les mutuelles n’en remboursent que 30 €, ce qui montre bien que ce ne sont pas les niveaux de remboursement qui poussent à la hausse des tarifs !

En fait, ce chiffre est un peu biaisé, car une partie des Français est couverte par des mutuelles individuelles, qui remboursent généralement moins bien que les mutuelles d’entreprise.

Or, il se trouve que par l’Accord National Interprofessionnel du 11 janvier 2013, mal nommé   « pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l’emploi et des parcours professionnels des salariés », n’avait qu’un seul point un peu positif pour les salariés qui est la généralisation de la complémentaire d’entreprise d’ici 2017 (l’entreprise en finançant la moitié).

François  Hollande avait même indiqué en 2012 sa volonté de “généraliser l’accès à une couverture complémentaire de qualité” garantissant un “large niveau de couverture“. (Source)

Ainsi, avec cette décision, sur les 100 € de dépassements, les mutuelles seraient probablement montées à 50 ou 60 € de remboursements – et il n’y aurait eu qu’à légiférer pour diminuer les gros abus des médecins, pour avoir une solvabilisation des ménages avec un accès aux soins facilité…

Mais l’ANI, transposé dans la loi, impose aussi aux entreprises de souscrire des contrats dits “responsables”, c’est à dire remplissant un certain nombre de critères assez simples (comme ne pas rembourser le 1€ de reste à charge, etc), définis par décret.

III. Le projet de la Ministre

Fin juin 2014, la ministre a présenté le projet de décret d’application du PLFSS 2014. Le dossier de presse indique :

« Réguler les dépassements d’honoraires :

Désormais, les contrats responsables ne pourront prendre en charge les dépassements d’honoraires qu’à hauteur de 125%, puis de 100% en 2017, si le médecin n’a pas signé le contrat d’accès aux soins (CAS) instauré par l’avenant n°8 à la convention médicale conclu en octobre 2012, pour lequel il s’engage à modérer ses tarifs. La prise en charge demeurera en revanche illimitée si le médecin a conclu un CAS. »

Et en effet, le projet de décret envoyé à l’Unocam en septembre 2014 indique 2 choses importantes :

« 2° Dès lors que le contrat, le bulletin d’adhésion ou le règlement propose cette garantie, des dépassements tarifaires des médecins n’ayant pas adhéré au contrat d’accès aux soins prévu par la convention nationale mentionnée à l’article L.162-5, dans la double limite de 100 % du tarif de responsabilité et du montant pris en charge pour les dépassements des médecins ayant adhéré au contrat d’accès aux soins minoré d’un montant égal à 20 % du tarif de responsabilité […]

« Cette garantie [d’optique] s’applique, s’agissant des lunettes, aux frais exposés pour l’acquisition d’un équipement composé de deux verres et d’une monture, par période de deux ans, sauf pour les mineurs ou en cas de renouvellement de l’équipement justifié par une évolution de la vue où il s’applique pour les frais exposés pour l’acquisition d’un équipement par période d’un an. »

Le projet de décret est là :

Projet de décret Contrats Responsables publié par les-crises

On se rend compte que le décret indique, en clair, que :

  1. le remboursement total (Sécurité sociale + complémentaire) d’un assuré allant voir un médecin spécialiste n’ayant pas signé de CAS (contrat d’accès aux soins) sera désormais limité à 46 €. Donc si vous voyez des médecins qui dépassent ce seuil et que vous êtes un salarié, remboursé au delà de celui-ci, eh bien très prochainement (comme votre médecin ne signera pas le CAS) votre mutuelle plafonnera votre remboursement (Sécurité sociale comprise) à 46 €, tout le reste sera pour votre pomme !
  2. cerise sur le gâteau, le remboursement des lunettes est limité pour les adultes sans changement de vue à une paire tous les 2 ans (tous les ans pour les enfants), mais ne tient pas compte des cas de casse. Si vous cassez vos lunettes dans les 2 ans suivant leur achat, ce sera aussi pour votre pomme à 100 % ! Idem si votre enfant casse les siennes dans l’année qui suit l’achat.

Sympa quoi… Et le plus drôle, c’est que ceci n’aura pas la moindre conséquence sur la Sécurité sociale et les déficits publics - vu qu’il s’agit d’un problème qui relève purement du secteur privé.

Si on discute parfois de la bonne limite entre la Sécu et les mutuelles, c’est ici une décision qui va diminuer les remboursements des mutuelles pour les transférer… aux ménages malades ! Bref, l’exact contraire de la protection sociale…

Alain Madelin en a rêvé (et encore…), Marisol Touraine va le faire !

Le cynisme n’a pas de limite : le dossier de presse de la ministre s’intitule : « GÉNÉRALISER L’ACCÈS A UNE COMPLÉMENTAIRE SANTÉ DE QUALITÉ » – ce qui est étonnant puisqu’il vise donc à diminuer la couverture de la majorité des salariés qui en avaient une de bonne qualité… 

IV. Conséquences

Ce projet va induire de grosses difficultés d’accès aux soins, suivant les régions et spécialités. Par exemple, en Ile-de -France,  près de 70 % des gynécologues ou des pédiatres dépassent les 46 €…

Il est clair que la forte augmentation à venir des restes à charge risque de pousser de nombreux Français démunis à renoncer à certains soins et consultations, ce qui constitue un réel risque sanitaire.

Par exemple, un couple avec 2 enfants dans une zone avec dépassements serait frappé par un reste à charge annuel de plusieurs centaines d’euros s’il souhaitait maintenir les soins de sa famille à l’identique – ce qu’il ne pourra évidemment pas financer. En effet, avec simplement 1 consultation de gynécologue à 90 € et 3 de pédiatre à 65 €, on aurait déjà plus de 100 € de nouveau reste à charge annuel avec ce projet.

Pour donner une volumétrie, en se basant sur les chiffres du Crédoc, ce sont environ :

Mais le rapporteur socialiste du PLFSS disait bien l’année dernière :

“Si nous avons fixé un plafond à 100 %, c’est que nous souhaitons décrocher du taux de 150 %, qui constitue le seuil de l’abus, à partir duquel des sanctions sont possibles. L’idée qu’un contrat responsable pourrait aller jusqu’à 150 % (57,5 €) heurte les parlementaires de la majorité” (Source)

et un autre (Bapt) :

“Si on considère que le médecin est conventionné,un dépassement d’honoraires d’au-delà de 50 % du tarif opposable (34,5 €) pourrait être non remboursable par les assurances complémentaires.” (Source)

Les socialistes, une certaine idée de la protection sociale…

V. Les alertes

Elles n’ont pas manqué :

Les Institutions de Prévoyance ont indiqué :

“Le Centre technique des institutions de prévoyance (CTip) s’inquiète d’une perte de pouvoir d’achat des salariés provoquée par les réformes en cours dans la protection sociale complémentaire.[...]

Jean-Louis Faure craint que les aspects «positifs» de la généralisation de la complémentaire santé soient «occultés par la fiscalisation de la part patronale des cotisations et l’instauration de plafonds de remboursement». Dire que les salariés bénéficient encore d’un avantage est une «escroquerie intellectuelle», car la prise en charge patronale d’une partie de la cotisation de complémentaire santé fait partie du salaire, a expliqué le délégué général du CTip. La suppression de l’exonération fiscale de l’abondement patronal aux contrats collectifs, prévue par la loi de finances pour 2014, pourrait coûter de 0,3 à 0,5 point de salaire en surcroît d’impôt sur le revenu, surtout aux cadres, estime le CTip. [...]

A cette charge fiscale s’ajoutera l’impact de la révision du cahier des charges des contrats responsables. Prévue par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014, elle doit faire l’objet d’un décret en Conseil d’Etat fixant des planchers et des plafonds de remboursement, en particulier pour les consultations de soins de ville et l’optique. « On est sur une approche exclusivement quantitative », a déploré le délégué général du CTip, qui doute de l’efficacité de ce dispositif pour réguler les tarifs de l’optique et les dépassements d’honoraires.”

Les Assureurs et Mutuelles d’Assurance ont indiqué :

“La France peut se prévaloir d’un des restes à charge les plus faibles parmi les pays développés (le second derrière les Pays-Bas). En d’autres termes, en France, les mécanismes de solidarité (prise en charge publique) et de mutualisation (remboursements par les organismes complémentaires) permettent de garantir un accès large à la santé.

Complémentaire, l’assurance santé n’en est pas moins devenue indispensable à une protection de qualité contre les conséquences financières des problèmes de santé.

Sur la base de ce constat, les pouvoirs publics ont souhaité généraliser la complémentaire santé, d’abord à tous les salariés, puis à l’ensemble de la population. Prolongeant cette volonté du Président de la République, une réforme du cahier des charges des contrats « responsables » (96% des contrats commercialisés) est en cours. Elle a pour objectif de limiter les remboursements proposés par les contrats complémentaires en optique et pour les consultations chez les généralistes ou les spécialistes.

Les membres du CORA ont relevé les risques attachés à ce projet. Leur crainte majeure : que ce plafonnement des remboursements par les organismes complémentaires n’incite pas les professionnels de santé à limiter leurs tarifs ou leurs honoraires et fasse augmenter le reste à charge des ménages. L’accès aux soins pour tous serait alors fragilisé par une réforme dont l’objectif est, au contraire, de lutter contre les dépassements pour limiter la part des dépenses de santé restant à la charge des Français, après les remboursements de l’assurance maladie et des complémentaires.”

Les courtiers des entreprises ont indiqué :

Mais à l’heure d’envoyer sa déclaration sur le revenu, les Français découvrent avec amertume que les effets secondaires de cette généralisation seront financièrement très douloureux, et créateurs d’une médecine à 2 vitesses.

La 1ere étape a été franchie avec un effet rétroactif au 1er janvier 2013 : la part patronale servant au financement du régime frais de santé est devenue fiscalisée.Une vraie punition pour les salariés et les partenaires sociaux qui avaient négocié des couvertures et des prises en charge de l’employeur. L’impact moyen a été évalué à une centaine d’euros d’impôt à payer en plus par an.

La 2eme étape se joue ces jours-ci au niveau gouvernemental à travers des décrets en cours de rédaction. Ces effets dévastateurs ne se feront sentir qu’après le 1er janvier 2015. A cette date, les complémentaires frais de santé se verraient contraintes d’appliquer des planchers minimum de garanties et des plafonds maximum de remboursement, créant ainsi un tunnel de soins dogmatique.

Résultat, les restes à charge des ménages augmenteront plus que significativement : Sur les bases d’une étude menée sur 1,1 million de personnes protégées, le plafonnement des dépassements des honoraires à 100 % BR entraînerait une hausse du reste à charge moyen très conséquente (x 2,9) avec de fortes disparités régionales et par spécialités (x 3,2 pour les spécialistes, et x 4,6 pour les neuropsychiatres). Pour l’optique, plus de 80 % des montures adultes sont vendues à un prix supérieur à celui prévu dans le projet de décret (100 €).

Ces mesures coercitives qui toucheraient aujourd’hui les honoraires et l’optique, et peut être demain le dentaire, ne rapporteront directement rien à la Sécurité sociale mais coûteront très cher aux assurés.Au-delà d’une atteinte étonnante et assez doctrinaire à la liberté de contractualiser, elle va obliger les employeurs et les partenaires sociaux ayant négocié par le passé une complémentaire santé de qualité, à en réduire drastiquement les garanties.

N.B. Vous noterez au passage un point dont je n’ai pas parlé. Si vous êtes un salarié protégé par une mutuelle d’entreprise,  les députés ont supprimé l’année dernière l’exonération fiscale sur les cotisations des employeurs. Résultat, vos impôts ont augmenté cette année de 50 à 200 € à cause de ceci (regardez, votre brut à déclarer aux impôts à nettement augmenté par rapport à l’année dernière, alors que, bizarrement, vous n’avez pas été augmenté de ce montant…)

P.S. : Rendons à César : merci à Eric Verhaeghe qui a signalé l’affaire sur son blog : Quand Marisol Touraine nuit gravement à la santé des femmes

P.P.S. : dernier point, pour les mauvais esprits, ce billet n’a pas pour but de “défendre les mutuelles”. En effet, leur interdire de rembourser des dépassements élevés (ce que veut Touraine) a pour elles exactement les mêmes effets qu’interdire simplement ces dépassements abusifs (dans le cadre d’une réforme globale) – ce qui est ma position… :)

VI. Action !

Comme certains me l’ont suggéré, voici quelques actions qui pourraient être efficaces. Si vous êtes choqués, vous pouvez vous plaindre à :

Arrivés à 500 mails, ils regarderont de plus près le sujet…

Diffusez aussi largement l’info…

Source: http://www.les-crises.fr/baisse-couverture-sante/


[C'est encore pire...] Svoboda : “Nous sommes nés pour détruire Moscou !”

Friday 17 October 2014 at 01:30

Radio Svoboda : back to the 1930′s ?

ATTENTION : la radio Svoboda ukrainienne n’a rien à voir avec le parti du même nom. C’est une radio (“Liberté”) qui est en fait Radio Free Europe, financée par le Congrès des États-Unis

Elle a fait un petit montage en rapport avec Hennadiy Kernes, le maire de Kharkiv, vu comme un anti-Maidan (sans être follement pro-russe non plus).

Petit détail, on lui a tiré une balle dans le dos en avril 2014, auquel il a survecu. Il est retourné dans sa ville fin juin.

Autre détail, il est juif – important pour saisir certains aspects de cette image d’anthologie :

Les évènements du 14 octobre

Je rappelle que le 15 octobre correspondait au 55e anniversaire de l’assassinat de Stepan Bandera par le KGB…

Jolie synthèse de Bertrand sur son site, que je repompe honteusement (en revoyant la traduction), pour compléter le billet d’hier

Irina Farion, Kiev, le 14.10.2014

Certains d’entre vous se souviennent certainement d’Irina Farion, député de la Rada [P1]  suprême ukrainienne, numéro trois du parti pas-nazi-selon-béhachelle « Svoboda » et surtout « directrice adjointe de la Commission du conseil sur l’éducation et la science. » Ses multiples déclarations enflammées, ses appels au meurtre ou son obsession particulière pour la dérussification des prénoms d’enfants ukrainiens dans les écoles ont fait d’elle une figure amusante et populaire, véritable passionaria des « patriotes ukrainiens » [l’expression ukrainienne commune pour « nazis »].

Je ne résiste pas au plaisir de vous offrir ici quelques-uns des extraits les plus croustillants de son désormais mémorable discours du 14 octobre dernier à Kiev, devant tout son fan-club réuni pour célébrer « l‘Armée insurrectionnelle d’Ukraine » (UPA) créée en 1942 par Stepan Bandera et qui combattit les Soviétiques (les Russes).

Selon Irina Farion, les Ukrainiens qui crient des slogans nationalistes « Gloire à l’Ukraine ! Gloire aux héros ! » sont les seuls Ukrainiens libres. [P2] Ceux qui ne crient pas ces slogans sont des esclaves.

« Des pharisiens et des hypocrites ont repris ces slogans dans leurs sales bouches, nous devons être prudents, nous devons être sans pitié envers eux. Nous ne devons croire en aucun cas un seul mot de ce qu’ils disent. […] Je prie la Sainte Vierge : bénis nos plumes et nos épées, car seuls les peuples qui ont la Sainte Parole vivent avec dignité dans ce monde[P3] . »  

“Dieu et l’Ukraine au-dessus de tout!” (Kramatorsk, le 14 octobre 2014)

De droite à gauche : l’ancien chef de l’UPA dont on parlait hier,
Stepan Bandera et Konovalets (le montage avec Adolf est un faux)

 

« Cette guerre [elle parle de la guerre avec la Russie] était tout à fait inévitable en termes historiques.

Désolée, je ne cite pas volontiers Hitler ici, mais il avait raison quand il disait que les guerres sont gagnées avant le déclenchement des hostilités.

Les guerres sont perdues d’avance quand les enseignants et les prêtres ont déjà perdu. Les enseignants et les prêtres ont été défaits en Crimée, à Lougansk et à Donetsk. Il n’y avait pas de livres ukrainiens, pas de mots ukrainiens, de musique ukrainienne, d’idées ukrainiennes. C’est pourquoi Poutine y règne [P4] aujourd’hui.

Tout dans notre vie dépend de la façon dont nous pensons, des objectifs que nous nous fixons et à quel point nous sommes ukrainiens dans nos âmes. Méfiez-vous de ceux qui portent désormais la ‘vichivanka [chemise nationale ukrainienne, très prisée chez les nationalistes], car ces chemises brodées cachent l’absence d’âme ukrainienne. »

vishivanka matelassée spéciale “hiver post-maidan”

« Nous nous battons non seulement sur le front extérieur contre l’agresseur Poutine, ce qui est absolument inévitable. Une seule issue s’offre à nous : détruire Moscou. C’est pourquoi nous vivons, c’est pourquoi nous sommes venus en ce monde : pour détruire Moscou, ce trou noir dans le système de sécurité européen. Même s’il en va, bien sûr, avant tout de notre sécurité.

Nos plus grands ennemis ne sont pas les Russes qui se tiennent à nos frontières. Nos plus grands ennemis vivent ici, chez nous. Ils portent des noms ukrainiens typiques qui se terminent en « -enko », en « -tchouk », en « -youk », en « -ouk », en «-ichine »  [P5] ou en « -iv ». Voilà les janissaires, les voleurs, les lèche-culs, les opportunistes, les corrompus [P6] ! Mon vœu est d’abord que, lors des prochaines élections, nos bulletins de vote les abattent [sic] tous, chacun de ces déchets. D’abord avec nos bulletins de vote. » Puis elle répète : « abattez-les bientôt ! »

Et Irina Farion d’accuser les infortunées personnes affublées de ces patronymes [P7] de tous les maux de l’Ukraine depuis 1917.

Parce que ces opportunistes ont fait échouer l’indépendance ukrainienne en 1917. Ils ont démilitarisé la société ukrainienne. Ils ont renoncé à une armée ukrainienne forte. Ils ont parlé de prétendue « démocratie ». Le brillant Kotchoubinsky a dit à une occasion : « La démocratie est un mot risible, un mot romantique drôle.[P8]

En fait, notre gouvernement doit avoir une forte et puissante conscience militariste. Et c’est notre devoir à nous, l’authentique noyau ukrainien, contrairement à ces répugnantes âmes démo[P9] -libérales de tout acabit. »

« [Je souhaite plus] de pouvoir pour nous, la confiance, la foi, l’offensive, l’amour de soi et la haine de l’ennemi ! Gloire à la nation ! » S’adressant aux néo-nazis ukrainiens, Farion leur dit : « Vous êtes le noyau autour duquel doit tourner l’État ukrainien »[P10]  « Vous devez être sans pitié envers l’ennemi… nous devons lutter sur de nombreux fronts… Dans l’esprit et les mains de chacun de nous, il doit y avoir la compréhension que seule la force militaire sera capable de vaincre cette horde étrangère et intérieure. Sommes-nous prêts pour cela ? » [P11] La foule lui répond : « Oui ! »

Farion déclare ensuite que : « Le plus terrible poison, c’est le libéralisme. C’est pourquoi nous devons les [les libéraux] rejeter lors des élections hors de notre Histoire ! »

La foule lui répond : « Mort aux ennemis ! »

[P1]Ou le Conseil suprême (voir l’allemand Rat = conseil, en russe soviet…) http://fr.wikipedia.org/wiki/Rada_(Ukraine)

 [P3]Ou « sont dignes de vivre » (lebenswert) apparemment selon le site allemand une citation de la poétesse ukrainienne Lina Kostenko.

 [P4]En allemand plus neutre « est » (Poutine y est aujourd’hui). Mais l’ukrainien à l’audio semble bien ajouter « bottes ».

 [P7]Quasiment tous les Ukrainiens ont des noms qui se terminent en –enko, -youk, -iv, etc. Elles visent les « faux » ukrainiens qui ont des dehors ukrainiens (nom de famille, chemise brodée) mais qui sont russes de cœur (esclaves pour elles).

Le discours d’Iryna en V.O. ukrainienne sous-titrée par Vincent Parlier

Les meilleurs moments festifs de la journée à Kiev

Source: http://www.les-crises.fr/svoboda-nes-pour-detruire-moscou/


Maïdan 2.0 ? Ca se passe comme ça au parlement à Kiev…

Thursday 16 October 2014 at 04:00

Une excellente vidéo de Vincent Parlier sur les évènements dans et devant le Parlement ukrainien le 14/10.

Les députés devaient voter le statut d’ancien combattant aux membres survivants de l’UPA – l’armée des partisans nationalistes ukrainiens durant la guerre -, c’est une forte revendication des nationalistes, Svoboda en tête.

Mais pas que, le Président s’y est mis aussi comme on l’a vu dans ce billet :

Bien évidemment, si ce n’est toujours pas fait plus de 70 ans après les faits, c’est qu’il y a une raison…

On ne va pas aller bien loin, tout est dans Wikipedia :

80 000 civils massacrés par les “héros” de l’UPA…

Cf. le billet [U3-6] L’UPA en action et les Massacres de la Volhynie

Et voici le commandant de l’UPA Roman Choukhevytch :

Roman Choukhevytch dans le bataillon Nachtigall de la Wehrmacht en 1941 (en bas 2e à gauche)

Roman Choukhevytch en habit de la Wehrmacht en 1941

Les militants de l”UPA ayant en grande partie accompagné la Wehrmacht en juin 1941 dans l’invasion de l’URSS, avant de prendre le maquis plus tard, surtout contre les Soviétiques.

Bref, des “héros”, mais principalement dans l’idéologie des fascistes ukrainiens…

Voici donc la vidéo d’avant hier. Problème : dans la Constitution ukrainienne, il y a encore un peu de Démocratie (absente chez nous en l’espèce). Pour ce genre de lois, il faut avoir l’accord de la moitié des députés inscrits – et non pas simplement de la moitié des députés présents. Ce qui donne ceci (une bonne partie de l’opposition ne se risquant pas à venir pour ce genre de vote) :

Vous reconnaissez le Président du Parlement, proche de Timochenko, qui a été Président par intérim de l’Ukraine pendant 3 mois.

On sent le grand démocrate, avec une certaine idée du rôle du Président du Parlement…

Bah oui, Poutine tremble de la réhabilitation de 150 nonagénaires fascistes… Je pense que c’est même sa préoccupation en ce moment – tout comme ces députés dans un pays ne guerre civile et ruine économique. Cela en dit long…

Devant le parlement, pendant ce temps (cela ne vous rappelle rien ?) :

Tiens quelques balles ont été tirées dans les vitres du Parlement – normal quoi…

P.S. bien entendu, vous en avez entendu parler sur TF1 ou France Culture ?

Source: http://www.les-crises.fr/maidan-2-0-ca-se-passe-comme-ca-au-parlement-a-kiev/


Quelque chose va se passer, par Jacques Attali

Wednesday 15 October 2014 at 04:00

OUI, je reprends de nouveau un texte de Jacques Attali. Merci de ne pas lire si ça ne vous intéresse pas, et de ne pas écrire comme d’habitude que j’ai tort de le faire – on a compris merci.

NON, je ne partage pas toute la vision de Jacques Attali, en particulier à la fin sur l’Europe – pardon, l’Organisation du Traité de Lisbonne. MAIS je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas se féliciter de certaines diagnostics lucides – bien plus que celles de François Dernier et ses “la crise y’en a presque être finie”.

Faire bouger les choses, sensibiliser l’opinion est très complexe dans la chape médiatique du mainstream. alors quand un membre s’aventure – même un temps seulement – je pense qu’il faut le signaler, et non pas hurler dessus encore pire qu’un ministre PS néolibéral…

Pour chaque vision, pour chaque action, chaque soutien compte. Après, on peut aussi attendre le type parfait au pouvoir, mais on va attendre longtemps, et il risque même de ne plus y avoir de pouvoir du tout avant qu’il arrive…

Après, cela ne nous empêche pas d’exercer notre regard critique – et on ne s’en privera pas…

Il faut vraiment se voiler la face, comme le font trop de dirigeants politiques, pour ne pas voir que quelque chose de majeur va se passer en Europe, dans les mois qui viennent : l’une ou l’autre des multiples épées de Damoclès suspendues au ciel de l’Histoire tombera sur nos têtes :

Les divers mouvements terroristes qui agissent au Moyen-Orient et y forment des émules, pourraient déclencher sur notre continent les attentats dont ils nous menacent.

L’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest pourrait prendre des proportions majeures et finir par atteindre significativement l’Europe, entraînant un ralentissement significatif des échanges de toute nature.

La situation politique et financière de la Chine, de plus en plus instable, pourrait y entraîner une crise économique majeure, aux conséquences considérables sur l’économie mondiale et en particulier sur l’Europe.

La formidable fuite en avant des Etats-Unis par l’endettement et la planche à billets, pour ne réaliser qu’une maigre croissance, pourrait ne pas réussir à sauver un système financier totalement déséquilibré, avec, là aussi, des conséquences vertigineuses sur l’Europe.

Plus directement, la situation globale de l’Europe, qui s’enfonce dans la déflation, rend probable une faillite d’un des Etats européens, et non des moindres, devenu incapable de rembourser sa dette. Et la colère des Allemands, devant la dérive des autres, pourrait conduire ce pays à sortir, le premier, de la zone euro.

Par ailleurs, la décision attendue de la cour européenne de justice, sur les mécanismes audacieux de solidarité monétaire créés par Mario Draghi, provoquerait, si elle les déclarait contraires aux traités européens, la démission du président de la BCE et un effondrement de l’euro.

Plus spécifiquement, la France, dont le déficit budgétaire est désormais hors de contrôle et où les réformes tardent à venir, pourrait se trouver attaquée par les marchés et devenir à son tour insolvable.

L’une au moins de ces menaces a de fortes chances de se matérialiser dans les dix-huit prochains mois. Chacun le devine et s’y prépare, à sa façon. En particulier en France. Et pour cela, deux attitudes sont possibles :

La première, la plus fréquente, la plus probable, est dictée par la peur des autres ; elle conduit à la fermeture des frontières, au repli sur soi, au refus du nouveau et des autres, dans l’illusion d’échapper ainsi au chaos du monde. Elle conduira à un autre choc, en donnant le pouvoir en France, au Front National, dans une ou deux régions, lors des prochaines élections de juin prochain ; et comme ils n’amélioreront en rien la vie des nordistes ou des provençaux, ils expliqueront qu’ils ne peuvent rien sauf à gouverner la France toute entière, hypothèse chaque jour davantage probable. Pour le plus grand malheur du pays, car toutes les dérisoires digues qu’un gouvernement de la peur mettrait en place seraient vite balayées par le tsunami qui vient.

La deuxième attitude est celle qui consiste à anticiper sur tous ces risques, à comprendre que la peur est mauvaise conseillère, que le repli sur soi ne sera pas une réponse, que le refus des autres est suicidaire, que la richesse future de la France dépend de la maîtrise de sa dette, de la promotion de l’innovation et de la formation, de l’intégration réussie de ceux qui ont voulu la rejoindre ; qu’on peut, qu’on doit, d’urgence, organiser l’Europe de façon à lui donner les moyens de résister à ces crises, en la laissant prendre les moyens d’investir, en faisant baisser l’euro et en organisant un contrôle commun efficace de ses frontières.

Ne pas avoir peur de ses ennemis, tel est le véritable secret de l’avenir. Tel est le secret des peuples heureux.

Source : L’Express, 13/10/2014

Source: http://www.les-crises.fr/quelque-chose-va-se-passer-par-jacques-attali/


[Lucidité] La pièce de Bernard-Henri Lévy s’arrête brutalement

Wednesday 15 October 2014 at 02:00

Un nouveau flop retentissant pour BHL qui s’ajoute à une longue liste… Citons au hasard :

  • son film Le Jour et la Nuit en 1997, qui n’enregistra que 73 147 entrées en France dont 28 000 à Paris. L’œuvre avait pourtant bénéficié de 3,5 millions de francs de la Commission des avances sur recettes, organisme dont BHL était alors le président… Les Cahiers du cinéma ont qualifié Le Jour et la Nuit de « plus mauvais film français depuis 1945 », et Libération “Je suis allé à la séance de 18 h, deux heures plus tard, j’ai regardé ma montre : il était 18 h 20.” BHL déclara à l’époque “tous ceux qui nous huent sont des analphabètes ou des salauds !” et encore en 2010 : “Je le trouve absolument réussi. J’ai revu le film, et je ne vois pas où est le problème. Je le tournerais aujourd’hui, je ne changerais rien”. Du pur BHL.
  • son film Le Serment de Tobrouk en 2012. Dans Les Inrockuptibles, Serge Kaganski décrit le film comme un « documentaire de propagande empreint d’autoglorification ». Il ajoute : « À vrai dire, Le Serment de Tobrouk n’est pas tant un film sur la Libye ou sur la grandeur des révolutions qu’un autoportrait de l’auteur en Superman sauvant le peuple libyen, la démocratie et le monde libre. Bilan faramineux : après une semaine on ne comptait que 1 475 entrées sur un réseau de 15 salles en France, soit une moyenne de 98 entrées par écran…

J’avais été sidéré par la couverture médiatique autour de cette pièce sans grand intérêt, je me rappelle même un JT de 13h00 où on a parlé de la pièce à 2 moments différents !

FranceTvinfo écrivait pourtant : “Avec “Hôtel Europe”, BHL signe une pièce catastrophiste et sans relief ; On ressort de ce salmigondis en forme de soliloque doublement exaspéré : d’abord que BHL, à travers son grand barnum médiatique, nous ait roulés dans la farine en nous laissant croire à une vraie réflexion. Mais il y a pour nous encore plus désagréable : dans ce si joli théâtre de l’Atelier, sur cette exquise « piazzetta » comme il en est tant dans notre belle Europe, il est des amoureux des grands textes qui vont dépenser presque quarante euros en espérant partager quelques moments d’intelligence. Les décevoir, et même les consterner ainsi, ce n’est pas bien.”

Même la courageuse journaliste au Monde Fabienne Darge posait la bonne question, et écrivait en septembre :  ”Toutes les tribunes sont bonnes pour Bernard-Henri Lévy (membre du conseil de surveillance du Monde). Après une première tentative peu concluante en 1992 (la pièce s’appelait Le Jugement dernier, elle avait été mise en scène par Jean-Louis Martinelli), le voilà qui revient au théâtre avec cet Hôtel Europe dont on est sortie rêveuse, jeudi 11 septembre, à l’issue de la première, où le roi BHL avait réuni l’ensemble de sa cour, Arielle Dombasle en tête. Rêveuse, oui, se demandant comment la surface médiatique de certains personnages de notre petite comédie intellectuelle française peut être à ce point inversement proportionnelle à leur talent. [...] La pauvreté de l’écriture, son absence totale d epouvoir performatif, son simplisme dénonciateur ne laissent aucune chance au théâtre d’advenir. [...] ?Ne parlons pas de la mise en scène indigente. [...] Dans son genre, c’est une performance : le one-man-Bosnie-show. Qu’il nous soit permis de trouver cela obscène, en plus d’être boursouflé.”

Enfin, on saluera la profonde communion entre nos dirigeants et le gout des Français… Mais bon, n’ayez crainte, il reviendra, avec la même couverture médiatique…

Dernier point, peu connu et qui explique plein “d’amitiés” : ne vous inquiétez pas trop pour lui, il a une fortune héritée d’au moins 150 millions d’euros (BHL, une publicité vivante contre l’héritage). Source : RichesEtCelebres

 

Initialement prévue à l’affiche jusqu’au début du mois de janvier, “Hôtel Europe”, la pièce de Bernard-Henri Lévy s’arrêtera plus tôt que prévu, faute de public.

La pièce de Bernard-Henri Lévy ne passera pas l’hiver. Nicolas Sarkozy, François Hollande et Manuel Valls s’étaient pressés pour assister à sa représentation mais cela n’a pas suffit.

Bernard-Henri Lévy avait multiplié les apparitions télévisées mais ce battage médiatique n’a pas permis de remplir le Théâtre de l’Atelier et ses 563 places.

Contacté par les Inrocks, le Théâtre nous informe que la représentation de la pièce s’arrêtera brutalement le 16 novembre au lieu du 3 janvier, comme c’était initialement prévu.

“La pièce s’arrêtera plus tôt que prévu, confie-t-on à l’accueil du théâtre. Le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est très calme au niveau des réservations”.

Jacques Weber a perdu 30 kilos pour rien

La pièce racontait avec le lyrisme et la modestie que l’on connaît au philosophe et écrivain, l’histoire d’un homme qu’on devine être BHL, enfermé dans une chambre de l’Hôtel Europe, à Sarajevo.

Son sort est digne de Jack Bauer dans 24h chrono. Il a très précisément deux heures pour rédiger un discours solennel sur l’Europe et son futur.“Mais, au moment de prendre la plume, il se perd et se retrouve aux prises avec les contradictions de sa mémoire et de ce continent à la dérive”,précise le théâtre de l’atelier dans son synopsis.

Au moment de la première de la pièce, Jacques Weber avait confié au Figaro qu’il “avait perdu 30 kilos” pour interpréter ce rôle. Ce régime de spartiate n’aura donc servi à rien. BHL ne fait plus recette.

Source : Les Inrocks

En bonus – avec une pensée pour le grand Pierre (c’est vrai que les meilleurs partent les premiers, la preuve) :

Edit : finalement, je reprends toute la critique de FranceTvinfo, c’est trop drôle :

Avec “Hôtel Europe”, BHL signe une pièce catastrophiste et sans relief

Un homme dans une chambre d’hôtel le 27 juin 2014 à Sarajevo. Il est écrivain, vient prononcer un discours sur l’état de l’Europe cent ans après la première guerre mondiale. Il n’a pas le premier mot de son texte. L’Europe va mal et lui-même ne se sent pas très bien.

Jacques Weber sur scène est le porte-voix de BHL. La pensée de BHL, les combats de BHL, les rencontres de BHL, l’ego (et même la chemise) de BHL. Jusqu’à épuisement.

D’abord, comme on est à Sarajevo, la Bosnie. Va pour la Bosnie. Dispositif (habile) de projection sur grand écran des éléments que l’écrivain va chercher sur son ordinateur. Détails oubliés, anciennes photos, combattants amis peut-être morts. Et déjà un sentiment de malaise : aussi affreux que fût le cauchemar bosniaque, il semble plus important pour l’écrivain (enfin, BHL) que la boucherie de 14-18!

Puis exécution en règle de Pamela Harriman, l’ancienne ambassadrice des USA en France. Rapport avec la Bosnie? Seul BHL le sait. Elle était (nous dit l’écrivain) incompétente puisqu’elle couchait avec tout le monde. Après cet accès ahurissant de machisme d’un autre âge, anecdote de l’écrivain (BHL ?) nageant seul dans la piscine d’un hôtel (le Ritz) avec Pamela, encore très belle à 70 ans; les gestes désordonnés de Pamela qui est en train de mourir d’une crise cardiaque et l’écrivain, finalement, qui regrette que le temps leur ait manqué du coup pour une brève aventure… aquatique ?

Deux heures à tourner en rond

Et l’Europe dans tout cela ? Ben justement… le moindre commencement d’idée (pas forcément originale, mais au moins une idée !) interrompue par le portable, la femme de chambre, la dulcinée restée à Paris, la bouteille de whisky, la fatigue migraineuse de l’écrivain. Deux heures à tourner en rond au milieu des obsessions de BHL (Poutine, l’antisémitisme, la Bosnie, Marine Le Pen et… Berlusconi dans la série « Tirons sur une ambulance »), de la vie mondaine de BHL (expliquant Platon à Henry Kissinger dans la pissotière d’un palace), de la misogynie (inédite ?) de BHL. Cibles : Carla del Ponte exécutée d’une pichenette (il nous semblait pourtant que l’ancienne juge au Tribunal Pénal International avait poursuivi opiniâtrement les criminels serbes Mladic ou Karadzic), Catherine Ashton, l’ancienne commissaire européenne aux Relations Extérieures,  surnommée « Catherine Atchoum » (bienvenue dans l’univers des blagounettes à deux balles). Et Pamela Harriman.

Approximations

Ah ! on oubliait : les approximations de BHL. L’Europe sombrant à Munich et en Espagne alors que c’était la démocratie qui sombrait puisque l’Europe de l’époque était à moitié aux mains des dictatures. Et l’affreux banquier allemand (et incompétent… puisqu’il fornique avec sa secrétaire !) qui veut ruiner les gentils grecs (sans jamais rappeler trente ans d’incompétence des gouvernements d’Athènes avec trucage des comptes généralisé). Derrière ledit banquier, d’ailleurs, pointe la coupe à frange d’Angela M. mais là BHL n’ose pas : on ne se fâche pas avec la femme la plus puissante du monde.

Parfois on se prend à espérer : la litanie des grands créateurs, Dante, Kafka, Goethe, Mozart, Diderot, Zweig mais réduits à devenir les membres d’un gouvernement assez amusant (« avec Mère Teresa aux  Finances ») au lieu d’être les hérauts d’une Europe qu’ils parcouraient avec une curiosité jamais lasse, se jouant des frontières et tissant de vrais échanges intellectuels malgré les obstacles politiques. Et cette identité commune en forme d’art de vivre des villes d’Europe, Rome ou Stockholm, Oxford ou Lisbonne, à la commune histoire, douloureuse et prodigieuse. Mais cela se réduit –pour l’écrivain- à une liste de chambres d’hôtel où il observe (et accompagne) sa fiancée en train de jouir.

On ressort de ce salmigondis en forme de soliloque doublement exaspéré : d’abord que BHL, à travers son grand barnum médiatique, nous ait roulés dans la farine en nous laissant croire à une vraie réflexion. Sartre, à qui il fait référence comme dramaturge politique, sait, lui, bâtir une intrigue et imaginer des personnages. Ensuite qu’il entraîne Jacques Weber dans ce naufrage: chapeau bas pour l’endurance de l’acteur mais que de fins de phrases qui tombent, que de mots savonnés, à la limite du bafouillage, que d’emphase hors de propos! Mais il y a pour nous encore plus désagréable : dans ce si joli théâtre de l’Atelier, sur cette exquise « piazzetta » comme il en est tant dans notre belle Europe, il est des amoureux des grands textes qui vont dépenser presque quarante euros en espérant partager quelques moments d’intelligence. Les décevoir, et même les consterner ainsi, ce n’est pas bien.

"Hôtel Europe", affiche

Source: http://www.les-crises.fr/piece-bhl/


Miscellanées du mercredi (Delamarche, Sapir, Béchade)

Wednesday 15 October 2014 at 00:01

I. Olivier Delamarche

Un grand classique : La minute de Delamarche : La croissance ne reviendra pas parce que Valls et Hollande l’appellent

Olivier Delamarche VS Marc Riez (1/2): Analyse de la baisse enregistrée sur les marchés – 13/10

 

Olivier Delamarche VS Marc Riez (2/2): Marchés: se dirige-t-on vers un retournement de tendance ? – 13/10

 

II. Philippe Béchade

La minute de Philippe Béchade : L’insouciance de la génération des traders post 2009 – 08/10

Bilan Hebdo: Philippe Béchade et Jean-Louis Cussac – 10/10

Philippe Béchade VS Sébastien Korchia (1/2): Marchés: Le signal baissier est-il enclenché ? – 08/10

 

Philippe Béchade VS Sébastien Korchia (2/2): Faut-il s’attendre à un krach sur les marchés ? – 08/10

 

III. Jacques Sapir

La minute de Jacques Sapir : La situation ukrainienne nuit grandement à l’Allemagne – 11/10


 

Images sous Copyright des auteurs. N’hésitez pas à consulter régulièrement leurs sites, comme les excellents Patrick Chappatte, Ali Dilem, Tartrais, Martin Vidberg, Grémi, ou les sites Soyons sérieux et Urtikan.

Source: http://www.les-crises.fr/miscellanees-15-10-2014/


Reuters : Des carences découvertes dans l’enquête ukrainienne sur le massacre de Maïdan

Tuesday 14 October 2014 at 01:28

C’est sûr que ce n”est pas l’AFP qui fera un tel travail (bien qu’imprafait, ne mentionnant pas que l’ancien procureur en question est membre de Svoboda…)

Ceci étant, sur le fond, on en parle depuis longtemps sur ce blog, comme ici avec la vidéo allemande (24 avril !), ou les déclarations du député chargé du suivi de l’enquête disant que les preuves avaient été escamotées (21 mai !) – qui n’ont été reprises par aucun grand média français…

Par Steve Stecklow et Oleksandr Akymenko, Reuters

Kiev, vendredi 10 octobre 2014, 6h12.EDT

(Reuters) – Pour des millions d’Ukrainiens, ce fut un crime contre l’humanité. En février, plus de cent manifestants ont été abattus lors du soulèvement de Maïdan, qui renversa le président Viktor Yanoukovitch. Les victimes sont connues maintenant sous le nom de “centurie céleste”.

De la fumée s’élève au-dessus des barricades en feu sur la place de l’Indépendance pendant les manifestations antigouvernementales à Kiev le 20 février 2014

En avril, les procureurs ont arrêté trois suspects, membres d’une unité d’élite au sein de la police anti-émeute “Berkout”. Le plus gradé d’entre eux, Dmytro Sadovnyk, 38 ans, un commandant décoré, était accusé d’avoir ordonné à ses hommes de tirer sur la foule, le matin du 20 février. Les trois suspects sont accusés d’avoir massacré 39 manifestants désarmés.

Le 19 septembre, l’affaire a rebondi, lorsqu’un juge a relâché Sadovnyk pour l’assigner à domicile – deux semaines plus tard, il avait disparu.

Les activistes de Maïdan ont été révoltés, convaincus qu’un système corrompu avait laissé échapper un tueur. Une enquête sur le juge fut ouverte. Le procureur déclara : « D. Sadovnyk, soupçonné d’avoir commis un crime extrêmement grave, a disparu de son lieu d’assignation à domicile dans le but d’éviter une sanction. »

Mais dans un pays où la justice souvent n’est pas aveugle, il y a une autre possibilité : Sadovnyk était victime d’un coup monté et a vu la fuite comme la meilleure issue. Au tribunal, le mois dernier, il a qualifié les accusations contre lui de « lynchage politique ». Les jours avant qu’il se volatilise, selon son épouse et son avocat, Sadovnyk et sa famille avaient reçu des menaces de mort.

L’ex-commandant du “Berkout” Dmytro Sadovnyk se tient dans une cellule en métal lors d’une audience de justice à Kiev, le 5 septembre 2014.

Un examen par l’agence Reuters des pièces du dossier sur les tirs de la place Maïdan – basé sur l’interview de procureurs, d’avocats de la défense, de manifestants, d’officiers de police et d’experts légistes – a révélé de sérieuses carences dans le dossier contre Sadovnyk et les deux autres officiers du Berkout.

Parmi les preuves présentées contre Sadovnyk, se trouvait une photographie. Les procureurs disent qu’elle représente l’inculpé, près de la place de l’Indépendance de Kiev, le 20 février, portant un masque et tenant un fusil à deux mains, avec ses doigts bien en évidence.

Le problème : Sadovnyk n’a pas deux mains. Sa main droite, selon les déclarations de son épouse à Reuters, a été arrachée par une grenade dans un accident lors d’un entraînement, il y a de cela six ans. Quand les procureurs présentèrent l’image lors d’une audience en avril dernier, a raconté Yulia Sadovnyk, son époux a ôté son gant et montré son moignon à la salle.

« Il ne peut pas vraiment tirer », dit Serhiy Vilkov, l’avocat de Sadovnyk. « L’accuser de ce crime est un calcul politique ».

Les recherches sur les meurtres ont été entravées par la disparition de preuves. De nombreuses armes, censées avoir été utilisées pour tirer sur les manifestants, se sont volatilisées. De nombreuses balles tirées ont été emportées à la maison comme souvenirs. Des barricades, des arbres perforés de balles et d’autres preuves ont été enlevés, d’après les avocats.

Un ancien commandant du berkout a déclaré à Reuters que des officiers du Berkout ont détruit des preuves écrites qui auraient pu permettre d’identifier les officiers responsables. Ils l’ont fait, selon lui, car ils craignaient que le quartier-général du Berkout ne soit attaqué par une foule de manifestants assoiffés de vengeance, après la fuite de Yanoukovitch en Russie.

L’ancien président n’est pas le seul personnage-clé manquant au tableau. Dans une interview donnée avant la disparition de Sadovnyk, le procureur général d’Ukraine, Vitaly Yarema, a déclaré que les enquêteurs avaient identifié 17 officiers du Berkout comme soupçonnés d’avoir participé aux tirs contre les manifestants, d’après des vidéos de surveillance et les localisations de téléphones portables. Sur les 17, dit-il, 14 avaient fuit en Russie ou en Crimée, y compris le Commandant en chef du Berkout à Kiev. Sadovnyk et ses deux co-accusés étaient les seuls suspects identifiés qui étaient restés.

MOMENT-CLÉ

La place de l’Indépendance était le point de ralliement à Kiev où s’est principalement développée la révolution anti-Yanoukovitch, entre novembre et février. Le mot “maïdan” signifie “place” en ukrainien. Les tueries qui s’y sont produites ont rapidement été considérées comme un moment-clé de l’histoire ukrainienne contemporaine, comme le maillon d’une chaîne d’événements qui ont déclenché un conflit séparatiste et des incursions russes qui ont secoué le pays jusqu’en sa structure.

Des vidéos et des photographies semblent montrer des officiers du Berkout tirant en directions sur des manifestants et les frappant à coup de bâtons. Sur une vidéo, les hommes du Berkout forcent un homme à se tenir nu dans la neige.

Le public demande des réponses et que justice soit faite. Mais les enquêtes mettent à l’épreuve la capacité de l’Ukraine à dépasser les échecs qui ont toujours été la plaie du pays depuis son indépendance de l’Union soviétique en 1991.

Contrairement à, par exemple, la Pologne, l’Ukraine n’est jamais devenue un État solide. Kiev a connu deux révolutions depuis son indépendance. Un cortège de problèmes endémiques (corruption politique, racket, division entre les ukrainophones et les russophones) l’a laissée faible et en proie à la division. L’une des plus grandes faillites de l’État, selon des observateurs étrangers, est un système judiciaire en miettes.

Sous Yanoukovitch et ses rivaux avant lui, les tribunaux et les policiers étaient des instruments politiques. Yulia Timochenko, l’adversaire de Yanoukovitch lors des élections présidentielles de 2010, a été emprisonnée par la suite dans une affaire dont le caractère politique a été largement critiqué.

Dans son rapport 2013 sur les droits de l’Homme, le Département d’État américain a cité la condamnation de Timochenko, en observant que les tribunaux ukrainiens “restaient vulnérables à la pression politique et à la corruption, étaient inefficaces et dépourvus de soutien populaire. Dans certains cas, les verdicts de procès apparaissent comme prédéterminés”.

Le gouvernement ayant succédé à Yanoukovitch l’a reconnu en juillet dernier, dans un rapport préparé avec le Fonds Monétaire International. « L’administration fiscale, la police, le bureau du procureur général, le service d’application des décisions de justice et le système judiciaire ont été relevés comme les institutions publiques ayant été traditionnellement considérées comme les plus corrompues », selon le rapport.

Le passé semble se répéter.

Les deux procureurs et un ministre du gouvernement, qui ont conduit les investigations sur les tirs de Maïdan, ont joué un rôle dans le soutien au soulèvement. L’un de ces responsables a déclaré à Reuters que les enquêteurs réunissant les preuves sont complètement indépendants.

Un autre problème dans l’enquête : à ce jour, personne n’a été appréhendé pour les tirs sur les policiers. D’après le ministère de l’Intérieur ukrainien, entre le 18 et le 20 février, 189 officiers de police ont été blessés par balles. Treize sont décédés.

Un membre des forces de police anti-émeute “Berkout” montre un bouclier prétendument endommagé par des tirs et un cocktail Molotov pendant les manifestations anti-gouvernementales à l’ancien quartier-général du “Berkout” à Kiev, 6 septembre.

En outre, l’ancien procureur général qui a supervisé les arrestations des trois officiers du  Berkout a déclaré à la télévision que ces derniers « avaient déjà été désignés coupables ». Cette déclaration, selon les experts juridiques, pourrait préjudicier l’affaire. L’Ukraine a signé la Convention européenne des Droits de l’Homme, qui mentionne que les accusés d’un crime sont présumés innocents jusqu’à ce que la preuve de leur culpabilité ait été faite.

« Une déclaration publique d’un procureur qui nie directement cette présomption est un déni de procès équitable », déclare Richard Harvey, un avocat britannique spécialisé en droit pénal international.

Même certaines familles endeuillées mettent en cause l’équité des procédures. Serhiy Bondarchouk, un professeur de physique, est mort d’une blessure par balle dans le dos, le 20 février au matin. Son fils Volodymyr Bondarchouk dit que son meurtre est l’un des 39 pour lesquels Sadovnyk et ses deux collègues sont suspectés. Volodymyr signala que, selon ses propres recherches, il doute que ces trois là soient responsables de la mort de son père.

« Ils essayent de boucler l’affaire parce que leurs patrons et la communauté veulent juste quelqu’un à punir », dit-il. « L’enquête ne contient pas assez de preuves pour prouver la culpabilité de ces trois hommes ».

Volodymyr Bondarchouk a récemment aidé à monter une association d’environ 70 familles de manifestants tués. « Le but principal pour nous est une enquête objective et précise », dit-il.

AIGLES D’OR

Le 20 février a été le jour le plus sanglant du soulèvement de la place Maïdan. Nombre de manifestants et d’officiers de police ont été tués. Le jour suivant, les chefs de l’opposition signaient un retour à la paix sous la médiation de l’Union européenne.

La pression publique s’est accentuée pour poursuivre les meurtriers. Au bout d’une semaine, Yanoukovitch, alors en fuite, a été inculpé pour l’assassinat en masse de manifestants. Le gouvernement intérimaire a dissous les Berkout, force qui comptait plusieurs milliers d’hommes, et dont le nom signifie « aigle d’or ».

Le 3 avril, les autorités ukrainiennes ont annoncé l’arrestation de plusieurs membres d’une unité spéciale d’élites du Berkout. L’un d’eux était Sadovnyk, le commandant de l’unité. Père de trois enfants, il a rejoint le Berkout en 1996 après avoir servi dans l’armée ukrainienne. Il a gagné par la suite de nombreuses distinctions pour ses services dans la police.

Deux autres officiers plus jeunes ont également été détenus : Serhiy Zinchenko, 23 ans et Pavel Abroskin, 24 ans.

Un document interne à la procédure d’accusation, étudié par Reuters, décrit la version des événements fournies par les enquêteurs. C’est un « avis de suspicion » concernant Zinchenko, datée du 3 avril.

Le document soutient que le 18 février, l’officier commandant en chef du Berkout, Serhiy Kusiuk, a donné l’ordre verbal à Sadovnyk de distribuer des fusils automatiques à son unité. Kusiuk est parmi les officiers du Berkout qui ont fui en Russie, selon les procureurs. Il n’a pas pu être contacté pour commenter cette information.

Le matin du 20 février, plusieurs membres de l’unité de Sadovnyk ont été tués. Vers 9 heures, d’après le document, Sadovnyk a ordonné à ses hommes de tirer en direction de manifestants désarmés remontant la rue Instytoutska, au centre ville. Le document établit que les tirs ont duré presque deux heures et plus de neuf manifestants ont été tués.

Le document avance que l’ordre de tirer donné par Sadovnyk était un abus de pouvoir, « étant donné qu’il n’y avait pas de menace immédiate sur la vie des officiers de police ».

Vilkov, l’avocat de Sadovnyk, conteste ce récit. Alors que le document indique que Sadovnyk était sur place, Vilkov dit que son client ne se trouvait pas sur la rue Instytoutska lorsque les manifestants ont été tués, au matin du 20 février. Vilkov n’a pas souhaité révéler l’endroit où se trouvait Sadovnyk.

Lors d’une interview téléphonique le 30 septembre, Sadovnyk a dit à Reuters qu’il était en réunion au quartier général de la police de Kiev, au matin du 20 février. La réunion a commencé entre 8 heures et 8h30. L’ordre du jour, dit-il, traitait de rapports selon lesquels de nombreux manifestants armés arriveraient à Kiev suite à un appel à la mobilisation lancé par les leaders des manifestants.

Sadovnyk a dit qu’environ sept officiers et responsables de la police étaient présents, et il a donné le nom de trois d’entre eux. Reuters n’a pas été en mesure de joindre ces personnes pour recueillir leurs commentaires.

Au cours de la réunion, dit Sadovnyk, les participants ont entendu des coups de feu et des cris sur les radios de la police. Ces radios faisaient état de la mort d’un officier Berkout et d’autres policiers blessés rue Instytoutska.

Sadovnyk dit qu’à ce moment, il quitta la réunion et partit en voiture jusqu’au lieu des événements, à environ 15 minutes de là. Il a déclaré ne pas se souvenir de l’heure à laquelle il est arrivé, mais que les enquêteurs pouvaient l’établir en localisant son téléphone portable. Il a dit qu’il avait emporté un pistolet et son équipement de protection.

Lorsqu’il est arrivé, dit-il, il a trouvé un lieu presque désert, avec des officiers de police en train de courir et des balles qui ricochaient. Il affirma n’avoir ni reçu ou ni donné aucun ordre à son unité de tirer sur des manifestants – et n’avoir lui-même tiré sur quiconque.

« Je nie avoir tué », dit-il.

Vadim Ostanim, un avocat pour l’unité du Berkout de Kiev, a donné une version similaire à Reuters. Il a dit qu’une vidéo montre Sadovnyk assistant à la réunion du quartier général de la police. Ostanim dit que quand Sadovnyk arriva sur le lieu des tirs, les hommes de son unité battaient déjà en retraite.

« COUPABLE »

Le bureau du procureur général n’a pas souhaité faire de commentaire sur les arguments de la défense. Dans une déclaration, le bureau déclare qu’il dispose de nombreuses preuves contre Sadovnyk. Y compris la vidéo d’un homme armé tirant sur un manifestant. Le bureau pense que cet homme armé est Sadovnyk, en raison de « la manière spéciale » qu’a le tireur de tenir son arme. Dans une précédente déclaration, le bureau déclarait : « La question de la culpabilité, ou à l’inverse, de l’innocence des personnes mentionnées, sera résolue par le tribunal. »

Oleh Makhnitsky était le procureur général d’Ukraine jusqu’à juin dernier. Dans un entretien, Reuters lui a posé une question concernant la photo d’un Sadovnyk ayant ses deux mains, qui avait été produite lors d’une audience en avril.

Le but de cette audience, a déclaré Makhnitsky, n’était pas de juger de la fiabilité de la preuve mais de déterminer s’il y avait un risque que Sadovnyk ne s’enfuie. Il a déclaré que les preuves contre Sadovnyk seraient présentées lors d’un procès à venir.

Makhnitsky, aujourd’hui conseiller du Président Petro Poroshenko, a déclaré qu’il dirigeait un groupe d’avocats qui assistaient légalement les manifestants anti-Yanoukovitch pendant les manifestations de Maïdan. Il a dit que la politique ne jouait aucun rôle dans l’inculpation des trois officiers Berkout.

« Les enquêteurs sont dans un service distinct qui ne peut même pas être influencé par le procureur », a-t-il déclaré.

Le 30 mai, Makhnitsky a donné une interview à la télévision locale, à propos de l’arrestation des trois officiers. Il a déclaré que la culpabilité des suspects “était établie”.

Interrogé au sujet de ces déclarations, Makhnitsky a dit qu’il avait voulu dire que « suffisamment de preuves avaient été réunies pour prouver qu’ils étaient coupables ». Un tribunal décidera en définitive, dit-il.

La teneur des preuves de l’accusation contre les trois officiers restent floues. Les dossiers du tribunal ne sont pas publics dans ces affaires.

Les avocats des officiers Zinchenko et Abroskine ont dit que, pour autant qu’ils le sachent, nombre des preuves avancées contre leurs clients sont des vidéos qui, selon les procureurs, montreraient les officiers tenant des armes. Les avocats disent que les hommes sur les vidéos – qui portent des masques et des casques – ne sont pas leurs clients.

Sur l’une des vidéos, « on voit seulement les yeux et le nez, et ce type n’est pas en train de tirer, il fait demi-tour avec une arme et regarde autour de lui », déclare Stefan Reshko, un avocat d’Abroskine. Reuters n’a pas pu visionner la vidéo.

Oleksandr Poznyak, qui représente Zinchenko, a dit qu’il y a, parmi les preuves contre son client, la vidéo d’un homme masqué tenant un fusil. L’avocat a montré la vidéo à Reuters. L’homme armé et masqué, a t-il déclaré, est plus grand et a de plus grosses mains que Zinchenko, et il tient le fusil de sa main gauche. L’avocat a dit que, même si Zinchenko écrit de sa main gauche, il a des photos prouvant qu’il tire de sa main droite. Reuters n’a pas vu ces photos.

Les avocats de la défense pensent également faire valoir que les officiers du Berkout étaient en droit de tirer en légitime défense. Ils étaient en danger, comme le démontre le fait que leurs collègues se sont fait tirer dessus. Les procureurs arguent que les 39 manifestants que les trois hommes sont accusés d’avoir tués le 20 février étaient tous désarmés.

Les procureurs « représentent toute la scène comme une manifestation pacifique », a dit Sadovnyk à un juge lors d’une audition le 5 septembre. Mais, a t-il ajouté, « le 20, tôt le matin, et dans le cadre de cette manifestation si pacifique, quasiment 17 représentants des forces de l’ordre ont été tués ».

GRAPIN ET GRIFFE D’ACIER

Pour soutenir l’argument de Sadovnyk, plusieurs ex-officiers du Berkout qui servent encore dans la police de Kiev ont accepté de rencontrer un reporter et un photographe. Dans une petite salle de leur vieux quartier général, ils ont sorti une sélection d’armes qui ont été, selon leurs dires, saisies sur les manifestants.

Parmi celles-ci, il y avait un grapin fixé à une barre d’acier, des battes de bois accrochées à des chaînes et une griffe d’acier fabriquée avec quatre clous tordus. Les anciens officiers ont montré un bouclier de policier brûlé portant deux impacts de balle, disant qu’il avait été touché par un cocktail molotov.

A côté des armes se trouvaient des cadres portant les photos de deux officiers du Berkout qui, ont-ils déclaré, ont été tués pendant les manifestations.

Si ces responsables étaient justes, ils n’arrêteraient pas seulement des policiers, mais également les activistes de l’autre camp”, signala un ex-membre du Berkout.

Le 5 septembre, une foule tendue regardait pendant qu’un juge écoutait les arguments pour ou contre la libération et l’assignation à domicile de Sadovnyk. L’accusé observait depuis sa cellule en métal.

Le procureur, Oleksii Donskyi, a qualifié l’affirmation par Sadovnyk de son absence durant les échanges de coups de feu “de mensonge absolu”. Lorsque les juge se retirèrent pour délibérer, Youlia Sadovnyk marcha vers le siège du procureur et lui lança, visiblement exaspérée : “J’attends que votre procès capote”. Donskyi a refusé de donner un commentaire.

Le juge a ordonné que Sadovnyk reste derrière les barreaux. Deux semaines plus tard, un autre juge lui a accordé une assignation à domicile. Le parquet a fait appel. Vendredi dernier, Sadovnyk a été appelé à une audition destinée à déterminer s’il devait être remis en prison.

C’est là qu’il a disparu. Youlia Sadovnyk a dit qu’il avait quitté son appartement à 7 heures du matin vendredi dernier, signalant qu’il ne se sentait pas bien. Elle affirma qu’elle n’avait pas eu de ses nouvelles depuis.

L’avocat Vilkov dit que les Sadovnyks, leurs trois enfants et l’avocat lui-même ont reçu des menaces de mort dans les jours précédant l’audition. Youlia Sadovnyk a lu à Reuters un échantillon des messages qu’elle a reçus.

Sur l’un, on peut lire : “Hé, toi, salope du Berkout. Une mort horrible t’attend, toi et tes enfants. Gloire à l’Ukraine !”

Abroskine et Zinchenko sont toujours en prison. Aucune date n’a été fixée pour leur procès. Les trois hommes encourent la prison à vie.

(Enquête complémentaire d’Elizabeth Piper à Moscou. Edité par Michael Williams et Sara Ledwith.)

Source : Reuters, le 10/10/2014

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Une femme allume une bougie en mémoire des manifestants anti-Yanoukovitch tombés sur la place de l’Indépendance, le 23 février 2014.

Source: http://www.les-crises.fr/reuters-des-carences-decouvertes-dans-lenquete-ukrainienne-sur-le-massacre-de-maidan/


[Reprise] Interview du ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov

Monday 13 October 2014 at 00:10

Des informations intéressantes dans cette interview… A lire avec recul, comme toutes les déclarations russes et occidentales…

Interview du ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov à ITAR-TASS, 10 Septembre 2014

Question : Êtes-vous d’accord pour dire que vous avez été sous tension ces six derniers mois ?

S. V. Lavrov : Et ce n’est pas encore fini. D’une manière générale, la politique étrangère ne navigue plus en eaux calmes depuis longtemps…

Question : Ne vous arrive-t-il pas de désespérer ?

S. V. Lavrov : Pourquoi ? Pour quelle raison ?

Question : Ok. Imaginez que vous rencontriez un homologue étranger, vous concluez un accord, et puis il s’avère tout à coup que le gars a tout faux ou bien décide de faire machine arrière…

S. V. Lavrov : Non, jamais. Ce n’est pas le type de sentiment que j’entretiens dans le fond de mon cœur. Nous ne pouvons pas nous permettre le luxe du désespoir. Nous devons continuer à faire notre travail correctement.

Question : Mais parfois, on ne peut éviter d’atteindre un point critique.

S. V. Lavrov : Ce n’est pas bon non plus. Les deux choses vont de pair. Il n’y a qu’à un novice qui pense tout à coup se retrouver dans une impasse que l’on peut pardonner de perdre son sang-froid et de ne pas savoir quoi faire ensuite. Votre serviteur ici présent a eu l’opportunité de voir beaucoup de choses au cours des décennies dans le service diplomatique, Dieu merci. Il faut avoir de la patience, et dans notre profession cette qualité compte double. Toute tentative de me faire sortir de mes gonds est vouée à l’échec. Cela ne vaut pas la peine d’essayer…

Question : Pouvez-vous citer quelques durs-à-cuire qu’il vous est arrivé d’avoir en face de vous à une table de négociations ?

S. V. Lavrov : Voyons, comment pensez-vous que je doive me comporter dans ce métier ? Je pourrais en citer quelques-uns, mais tous les autres se sentiraient insultés… Tous étaient de vrais professionnels !

Question : Pas tous, je pense…

S. V. Lavrov : Pourquoi pas tous ? Bien sûr que si, tous. Mais chacun a ses points forts au plan professionnel. Certains sont très professionnels quand il s’agit d’aller à la tribune, de tout bloquer, de se soustraire à la recherche d’un compromis et d’éviter des réponses directes. Les personnes de ce genre poursuivent des buts très différents. Et la quasi-totalité d’entre eux n’ont pas de politique étrangère indépendante. Il n’y a que des instructions strictes de tel ou tel haut ministère qui doivent être suivies. Et ils s’y tiennent scrupuleusement.

Naturellement, vous vous attendez toujours à ce que vos partenaires soient cohérents dans leurs actions, qu’ils appliquent des normes communes. Après tout, les États-Unis et l’Union européenne ont toujours demandé à ce que tous les pays respectent les principes de la démocratie et la primauté du droit dans leurs affaires intérieures. Mais dès que nous arrivons à une échelle internationale, aucun d’eux ne parle plus de ces valeurs de base. C’est naturel, bien sûr. Un ordre mondial démocratique ne cadre pas avec les politiques que poursuit l’Occident ces temps-ci dans sa tentative de conserver son emprise séculaire. Mais c’est une tâche de plus en plus difficile. En d’autres termes, le système international est en état de choc, ses fondements ont été ébranlés et plutôt durement…

Question : Avec notre aide ?

S. V. Lavrov : C’est tout le contraire. La Russie a toujours encouragé la consolidation du droit international. Nous avons demandé le respect des accords conclus et la création de nouveaux instruments qui offrent des réponses adéquates aux défis actuels. Prenez, par exemple, notre proposition de codification du principe de l’indivisibilité de la sécurité en Europe, et de rendre ce principe juridiquement contraignant pour tous. Cette déclaration politique visait à prévenir des crises comme celle de l’Ukraine. Nos propositions sont restées sans réponse. On nous a dit qu’un traité supplémentaire était tout à fait inutile. Autrement dit, tout le monde affirmait que la sécurité en Europe était inviolable, bien sûr, et que, en termes de droit international, l’OTAN fournirait une protection adaptée à tous ses membres. Mais cela ne garantit pas la sécurité de tous ceux qui n’en font pas partie ! Le projet de base était probablement d’utiliser ce prétexte pour inciter tous les pays post-soviétiques à rejoindre l’alliance et amener ainsi les lignes de division plus près de nos frontières. Mais cette idée s’est avérée totalement infructueuse.

Question : Vraiment ?

S. V. Lavrov : L’expérience a montré que cette logique est pervertie et conduit à une impasse. L’Ukraine l’a pleinement démontré. Pour que l’OTAN, les pays de l’OTSC [Organisation du Traité de Sécurité Collective, NDT] et tous les pays neutres non affiliés à une alliance politique et militaire (je vous rappelle que l’Ukraine a proclamé son statut de non-aligné, tout comme la Moldavie) se sentent rassurés et en sécurité, un dialogue aurait dû être engagé exactement comme nous l’avions proposé il y a longtemps. Nous ne nous serions pas alors retrouvés dans la situation actuelle de bras-de-fer, où Bruxelles a demandé à l’Ukraine de choisir entre l’Occident et la Russie. Tout le monde connaît les causes profondes de la crise : personne n’a écouté ce que nous avions à dire, Kiev a été contraint de signer des accords avec l’Union européenne, accords qui avaient été rédigés en coulisses et dont il s’est finalement avéré qu’ils portaient atteinte aux obligations de l’Ukraine envers la zone de libre commerce de la CEI. Lorsque Viktor Ianoukovitch a temporisé pour regarder de plus près la situation, les manifestations de Maidan ont été mises en scène. Et puis il y a eu les pneus brûlés, les premières victimes et une escalade dans le conflit…

Question : Un de nos écrivains satiriques, Mikhaïl Zadornov, a fait à un certain moment cette triste remarque : l’Amérique est prête à mener une guerre contre la Russie jusqu’au dernier ukrainien.

S. V. Lavrov : Que peut-on dire dans ce genre de situation ? Le cynisme fait partie intégrante de la politique depuis longtemps. Peut-être est-ce propre à tous ceux qui écrivent et parlent de politique. Nous détesterions que l’Ukraine soit utilisée comme un pion. Hélas, il en a été tout autrement jusqu’ici - pas par notre faute et contrairement à la volonté de la Russie. Certains partenaires de l’Ouest – pas tous – ont essayé d’utiliser la crise de l’État ukrainien dans le but de « contenir » la Russie, pour nous isoler, et par là-même pour affermir leur emprise vacillante sur le système international. Le monde change, la part des États-Unis et de l’Europe dans le PIB mondial se réduit, de nouveaux centres de croissance économique et de puissance financière ont émergé, dont l’influence politique a flambé en conséquence. Il n’y aura pas d’arrêt à cette tendance. Certes, on peut tenter de s’y opposer – et des efforts sont faits dans ce sens – mais il est vraiment difficile de nager à contre-courant. C’est ce qui a provoqué bien des crises.

Question : L’histoire remettra chaque chose à sa place, mais pour l’instant l’Occident a tendance à rendre la Russie responsable des tensions actuelles. Il soutient que c’est nous qui avons commencé. En Crimée.

S. V. Lavrov : Notre pays a empêché qu’un bain de sang ait lieu là-bas. Nous avons ainsi évité qu’éclate le même type de manifestations et de guerre qu’à Maidan, et qui s’est produit plus tard dans le Sud-Est. Comme vous vous en souvenez peut-être, lorsque les affrontements à Kiev ont atteint leur point critique, les parties en conflit ont conclu l’accord du 21 février. Parmi les priorités, il y avait la création rapide d’un gouvernement d’union nationale qui devait être suivie d’une réforme constitutionnelle et d’élections générales avant la fin de 2014. Le document a été signé par Ianoukovitch, ainsi que Iatseniouk, Klitschko, et Tyagnibok, qui représentaient alors l’opposition du moment et qui maintenant forment la coalition au pouvoir. Les ministres des Affaires étrangères de l’Allemagne, de la France et de la Pologne ont agi en tant que témoins de cet accord.

Question : Pas la Russie, remarquez.

S. V. Lavrov : Nous en avons parlé au cours d’une réunion du Conseil de Sécurité, et nous avons décidé que notre signature n’était pas nécessaire, étant donné qu’à partir du moment où le président de l’Ukraine d’alors, Viktor Ianoukovitch, avait donné son accord à ce document, il avait en fait consenti des concessions colossales, l’équivalent d’une capitulation des autorités. Mais pour l’opposition, les avantages récoltés n’étaient pas suffisants encore, et après les attaques contre la résidence du Président et d’autres édifices gouvernementaux à Kiev, ils ont déclaré, le 22 février, qu’il n’y aurait pas de gouvernement d’unité nationale et qu’ils allaient plutôt créer un « gouvernement de vainqueurs », que Ianoukovitch avait soi-disant fui et qu’ils réclamaient le pouvoir. Nous avons demandé à nos homologues occidentaux comment cela avait été possible. N’avaient-ils pas signé le document censé restaurer le calme ? En réponse, nous avons entendu que Ianoukovitch n’étant plus à Kiev, l’accord ne tenait plus. Quelle logique remarquable ! D’abord, à ce moment, il était dans l’est de l’Ukraine, dans son pays. Ensuite, il s’est avéré que la tâche de réconciliation nationale tenait entièrement à la personnalité de Ianoukovitch et à son déboulonnage, n’est-ce pas ? C’est cela, les valeurs de l’Europe ? Nous n’avons pas eu de réponse à ce jour. Aujourd’hui, l’Occident agit à l’unisson - avec un zèle tout particulier des USA et de la Grande-Bretagne - pour soutenir unilatéralement le régime actuel de Kiev. Ils déclarent que la paix en Ukraine ne sera possible que quand ceux qu’ils appellent séparatistes et terroristes du sud-est auront été éliminés.

La Crimée se serait embrasée, elle aussi. J’en suis convaincu. Nous avons enregistré des tentatives d’émeutes du même type que celles à Maidan. Des militants du Secteur Droit ont tenté d’entrer dans la péninsule. Il y a eu des fauteurs de trouble dans la République.

Question : À ce moment-là, les « gens polis » sont apparus au grand jour.

S. V. Lavrov : Ils ont toujours été présents. La marine russe n’a pas que des installations dans la seule Sébastopol. Nos troupes avaient le droit de se déplacer parmi eux. Tout s’est fait dans le respect des accords passés avec l’Ukraine. Il est vrai qu’à un moment, la Russie a augmenté le nombre de ses troupes en Crimée, mais permettez-moi de le redire : nous n’avons pas dépassé le quota autorisé par le traité russo-ukrainien pour la base navale.

Question : Au fait, les t-shirts à l’effigie des « gens polis » sont très à la mode en ce moment. Est-ce que vous en avez un ?

[NdT : en février 2014 les Spetznaz ont pris le contrôle de la Crimée, on les a d’abord appelé les « gens verts » du fait des tenues de camouflage vertes puis « les gens polis » ou « les hommes courtois ». Tout s’est produit sans affrontements, d’où le surnom « d'hommes polis » donné à ces hommes armés.]

S. V. Lavrov : J’en ai reçu quelques-uns en cadeau. J’aime tout particulièrement le modèle kaki avec l’image de trois hommes portant des masques et des lunettes. Une très belle œuvre d’art. Je pense que si certains prennent les choses avec un peu d’humour, sur des points fondamentaux de politique, c’est une bonne chose… Même si les opinions à ce sujet diffèrent.

On nous a accusé d’avoir annexé la Crimée. Nous répondons : la Crimée est passée par un référendum qui n’a pas pu être faussé. Beaucoup de journalistes, même étrangers, qui faisaient leur travail dans la péninsule à ce moment-là en conviennent. Il est vrai que certaines personnes, en particulier des membres des Mejlis des Tatars de Crimée, sont opposées à la réunification de la Crimée et de la Russie. Mais aujourd’hui, les Tatars de Crimée ont obtenu ce dont ils n’auraient même pas pu rêver s’ils étaient restés en Ukraine : un statut pour leur langue et l’allocation de terres. Toutes les causes de tensions entre les Tatars de Crimée et le reste de la population de la péninsule sont en train de disparaitre. Lorsque nos partenaires de l’Ouest nous font ces reproches, nous leur répondons que leur politique au Kosovo a été complètement différente.

Il n’y a pas eu de référendum. Il n’y avait pas non plus eu de crise avant qu’une partie de la Serbie ait été déclarée indépendante. Il n’y avait pas de menaces contre la population du Kosovo. Au contraire, Belgrade et Pristina étaient engagées dans des négociations et progressaient lentement mais sûrement. Ensuite, les pays occidentaux ont arbitrairement choisi la date et établi une date-butoir artificielle pour l’aboutissement d’un accord. Les Albanais du Kosovo ont joué très habilement cette partie. Après quoi l’Europe et les États-Unis ont hypocritement fait semblant d’être réduits à l’impuissance : puisque vous avez échoué à parvenir à un accord dans le délai imparti, nous reconnaissons le Kosovo unilatéralement. Point barre. Lorsque nous avons commencé à demander « comment cela se peut-il ? », on nous a dit qu’il y avait eu trop de sang versé au Kosovo. Dans la même logique, il aurait fallu d’abord attendre un bain de sang en Crimée pour qu’ensuite les États-Unis et Bruxelles daignent autoriser les survivants de Crimée à choisir leur propre avenir.

Question : Mais les habitants de Donetsk et de Lougansk ont tenu leurs référendums, eux aussi. Je pense que ceux qui ont été aux urnes croyaient que les mêmes « gens polis » en uniforme kaki apparaîtraient bientôt dans le Donbass. Au lieu de cela, les civils locaux ont vu les bombes pleuvoir sur eux…

S. V. Lavrov : Je crois que la Crimée était un cas très particulier, un cas unique à tous points de vue : historique, géopolitique et patriotique, si vous voulez. La situation dans le sud-est de l’Ukraine est différente. Il n’y a pas cette unanimité que nous avons vue en Crimée. Certains voudraient voir leur pays réapparaître sous une nouvelle entité territoriale appelée Novorossia, tandis que d’autres souhaitent rester en Ukraine avec des droits élargis. En fait, nous avons reconnu les résultats des référendums et appelé à leur application à travers un dialogue entre Donetsk, Lougansk et les autorités centrales de Kiev. Malheureusement, notre appel n’a pas donné de résultats. L’utilisation de snipers place de l’Indépendance à Kiev, l’enquête sur les violences à Odessa et Marioupol et les circonstances de la catastrophe de l’avion de la Malaysian Airlines, tout cela est occulté. Ce silence fait suspecter que Kiev et ses sponsors ont beaucoup à cacher. Ce sont les maillons d’une seule et même chaîne. Leurs mensonges continuels et leur incapacité totale à négocier sont vraiment consternants. J’ai l’impression que certains de nos partenaires occidentaux ne sont pas très à l’aise, mais ils ont néanmoins opté pour une politique de soumission aux ambitions du « parti de la guerre » à Kiev. Les Européens sont de plus en plus conscients du fait qu’ils sont impliqués dans un projet géostratégique des États-Unis. Au détriment des intérêts fondamentaux de l’Ancien Monde. J’espère que la signature du protocole de Minsk du 5 septembre, qui fait suite à l’initiative des présidents russe et ukrainien, va modifier la situation et que les accords entre Porochenko et les chefs des républiques populaires de Donetsk et de Lougansk vont être mis en œuvre, sans aucune tentative pour en perturber le processus.

Question : Croyez-vous que cette chance existe ?

S. V. Lavrov : J’y crois presque. L’accord doit être maintenant utilisé dans toute sa mesure. Un dialogue national avec le Sud-Est a été lancé après plusieurs mois de refus et le bon sens semble prendre le dessus. De toute évidence, on pouvait difficilement s’attendre à ce que le cessez-le feu soit respecté à 100% dès les premières heures, et il a fallu du temps pour que ceux qui s’affrontaient armes à la main reçoivent les messages, d’où des incidents sporadiques tout à fait prévisibles. Ce qui compte, c’est qu’ils ne se sont pas multipliés et n’ont pas débouché sur de nouvelles hostilités. Nous soutenons la proposition des dirigeants de la RPD et de la RPL de déploiement rapide d’observateurs de l’OSCE dans les territoires engagés dans le conflit. Ce point a été inclus dans les accords de Minsk du 5 septembre et il acquiert maintenant une importance cruciale.

Question : Mais nombreux en Ukraine sont ceux qui prétendent qu’il ne s’agit pas seulement d’une lutte contre les séparatistes, mais d’une guerre avec la Russie. Que faire à ce propos ?

S. V. Lavrov : Kiev interprète les événements de cette manière parce que c’est la volonté des États-Unis. Les électeurs se sont vu offrir des slogans électoraux très simples, et personne ne prend la peine d’analyser la situation. Ils persistent à coller des étiquettes politiques – « Ploucs stupides », « séparatistes ». Ils continuent à dire que le Donbass aurait été calme et paisible s’il n’y avait pas eu la Russie, qui devrait retirer ses armements et ses troupes régulières… Quelles troupes ? Venant d’où ?

Question : Mais des gens portant des passeports russes et des armes à feu sont certainement présents là-bas.

S. V. Lavrov : Et aussi des gens avec des passeports suédois, polonais et lituaniens… Il y a même des gars noirs. Avec leur inimitable accent américain. Je ne prétendrais pas que ce sont des instructeurs ou des mercenaires. Les zones de trouble attirent toujours les volontaires, les casse-cous et toutes sortes d’aventuriers. Mais nous ne discutons pas d’eux en ce moment. Une guerre à grande échelle est en cours dans le Donbass. J’ai lu une interview tout à fait intéressante du général Ruban dans la presse ukrainienne, il n’y va pas par quatre chemins : à Donetsk et Lougansk, les autorités de Kiev sont engagées dans une guerre contre leur propre peuple.

Question : Vladimir Ruban est un négociateur, il arrange l’échange des prisonniers de guerre.

S. V. Lavrov : Vous avez vu juste. Le général Ruban connaît la situation de l’intérieur et fait un travail très spécifique : il sauve la vie des gens et son but est d’en finir avec la guerre. Les fonctionnaires à Kiev refusent obstinément d’admettre qu’ils devront négocier non pas avec nous, mais avec leurs propres citoyens, y compris les résidents du Sud-Est. Le plan de paix Porochenko avait été proposé comme la seule alternative jusqu’à tout récemment. Nous l’avons accueilli favorablement, car il a appelé à l’armistice et de ce point de vue a joué un rôle positif. Mais, d’une part, l’armistice a été déclaré pour un temps très court et, d’autre part, la condition suivante a été mise en avant : celui qui n’est pas passé dans la clandestinité sera confronté aux conséquences de ses actes. Soit les milices utilisent ces quelques jours pour déposer les armes, et les autorités de Kiev accorderont peut-être une amnistie à certains d’entre eux, s’ils découvrent que ceux qui se sont rendus ne sont pas responsables de graves crimes contre le régime, soit tout le monde sera exterminé.

Le voilà, le plan de paix.

Ensuite, nous devrions réfléchir à la façon de rétablir le Donbass. L’Union européenne a déclaré dans ses derniers documents concernant l’Ukraine qu’elle appelait tout le monde à agir selon le plan de paix de Porochenko. Nous avons demandé plus d’une fois: que pensez-vous des accords de Genève qui reflètent le consensus des quatre partis ? Nous avons été informés qu’ils ont aussi été pris en compte, mais qu’il n’était pas utile de souligner cette évidence. C’est le genre de discours infantile que nous avons entendu en réponse… Ce n’est que maintenant, suite à l’initiative de paix en sept points de Vladimir Poutine, qu’il est devenu possible d’avancer sur le chemin des négociations à Minsk et d’adopter le protocole du 5 septembre. Le président russe a exhorté les deux parties à mettre fin aux opérations offensives dans le Donbass, à repousser les forces ukrainiennes à une distance suffisamment grande pour que le risque de bombardement de villages et des villes soit écarté, à convenir d’un échange « tous-contre-tous » de prisonniers de guerre, à ouvrir des couloirs humanitaires, à envoyer des équipes de réparation pour restaurer les infrastructures et à organiser une surveillance internationale du respect du cessez-le-feu…

Question : Vous avez lu l’interview de Ruban, alors vous devez avoir entendu parler de la controverse sur le concert de Andrei Makarevich dans Svyatogorsk…

S. V. Lavrov : Cela ne regarde que lui et sa propre conscience. D’une part, le sport et l’art doivent rester en dehors de la politique et la mission des acteurs de la culture est de rétablir et de renforcer les liens entre les peuples dans les moments difficiles. D’autre part, les artistes, les acteurs, chanteurs et musiciens sont tous des citoyens. Chacun d’eux a sa propre position et toute personne est libre de l’exprimer à voix haute. Lorsque plusieurs centaines de travailleurs culturels russes ont exprimé leur attitude vis-à-vis de la Crimée et de la situation dans le sud-est de l’Ukraine, certains d’entre eux se sont vu refuser l’entrée à un certain nombre de pays de l’Union européenne.

Question : C’est ce que la Lettonie a fait avec Kobzon, Gazmanov et Valeria.

S. V. Lavrov : C’est triste. L’identité nationale est fortement déformée. Je me souviens de la façon dont l’Union européenne et l’OTAN se sont étendus il y a une dizaine d’années : non seulement les pays de l’Est qui étaient autrefois membres du Conseil d’assistance économique mutuelle (COMECON) et de l’Organisation du Traité de Varsovie, mais aussi les trois républiques baltes, ont été faits membres à la hâte. Je laisse de côté l’Union européenne – il s’agit d’économie. S’il n’y a pas atteinte à l’exécution des obligations envers d’autres États et organisations, qui peut être contre ? Quant à l’OTAN, nous sommes profondément convaincus que l’alliance a perdu sa raison d’être, et en recherche fébrilement une nouvelle. Après l’Afghanistan, il est devenu clair que ce sujet ne consolide plus l’alliance, donc Bruxelles a joyeusement sauté sur l’occasion de jouer la carte de la Russie en nous présentant comme une menace. À présent c’est l’idée qui est mise en avant, y compris au dernier sommet de l’OTAN à Newport.

Nous avons à plusieurs reprises demandé à nos collègues occidentaux : est-il nécessaire d’étendre l’OTAN ? Ne vaudrait-il pas mieux garder à l’esprit l’OSCE, la sécurité égale et indivisible pour tous ? On nous a dit : Vous voyez, les pays baltes ont des phobies après avoir fait partie de l’URSS, ils aspiraient à l’indépendance, enfin ils l’ont obtenue, mais ils ont encore peur de vous. Une fois incorporés à l’OTAN, ils vont se calmer et vos relations s’éclairciront d’un seul coup. Alors, où en sommes-nous ? Dix ans ont passé, le cadre de l’alliance a été ouvert aux pays baltes, mais se sont-ils débarrassés de ces peurs fantômes ? Au contraire ! Par exemple, sur de nombreuses questions fondamentales de la coopération pan-européenne, la Lituanie devance même les États-Unis. Et maintenant, les pays baltes, ainsi que la Pologne, demandent à l’OTAN de pointer son système de défense antimissile contre la Russie ! Quelle personne sensée peut aujourd’hui parler sérieusement de notre invasion de l’Europe? C’est exclu !

Question : Oui mais certains en parlent. Maintenant, à cause de nous, l’Ukraine a la même phobie. Dans ce pays, il n’y a jamais eu une attitude de masse à considérer les Russes comme des ennemis, et maintenant c’est fait.

S. V. Lavrov : Pas à cause de nous. Ce sont plutôt des tentatives pour nous montrer ainsi. Vous savez, quand les médias audiovisuels, Internet et la presse écrite sont remplis de propagande anti-russe, une propagande généralement grossière, fausse et éhontée, il est difficile de s’attendre à un résultat différent. Nos chaînes de télévision en Ukraine sont bloquées, toutes les informations sont présentées d’une manière biaisée, partiale. Mais cela ne signifie pas que tout le monde a subi un lavage de cerveau. Je parle à des Ukrainiens, j’ai rencontré des réfugiés de Lougansk et de Donetsk et j’ai la connaissance directe qu’il y a des politiciens honnêtes à Kiev qui souhaitent mettre un terme à cette hystérie.

Je crois que les tentatives pour diviser nos peuples vont échouer, bien que dans l’ensemble ce soit l’objectif principal. Quelqu’un est visiblement réticent à la restauration de la fraternité historique entre Russes et Ukrainiens. Des erreurs ont probablement été commises par les deux parties, mais nous, au moins, essayons d’être honnête ; nous ne recourons pas à des mensonges et nous n’utilisons pas le « deux poids, deux mesures ».

Je voudrais aussi parler du Moyen-Orient. Lorsque le printemps arabe a commencé, nous avons proposé à nos collègues des États-Unis et d’Europe de nous réunir et d’analyser le plus sérieusement ce qui se passait, pour communiquer avec la Ligue des États arabes et mettre en place un processus multilatéral qui nous permettrait d’échanger nos évaluations de la situation et d’avancer conjointement. Cela n’a pas été suffisant. Rappelons-nous l’Egypte, où le président Moubarak, qui avait préservé les intérêts des États-Unis au Moyen-Orient pendant 30 ans, a été placé dans une cage après avoir abdiqué, et, à peine vivant, trainé en salle d’audience, encore et encore. Personne n’a même pris la peine d’expliquer à ceux qui étaient arrivés au pouvoir au Caire qu’ils devaient agir différemment, d’une manière civilisée, s’ils souhaitaient préserver et renforcer leur pays. Puis il y a eu la Libye – l’un des états de la région les plus socialement prospères. Certes, il y avait un régime autoritaire, certains le qualifiaient de dictatorial, mais qu’avons-nous aujourd’hui ? Le pays n’existe désormais plus. Il est divisé en principautés semi-féodales dirigées par des terroristes. Et l’Occident ne sait pas quoi faire.

Mon collègue français a reconnu publiquement que sous le règne de Kadhafi, Paris a fourni des armes à l’opposition au mépris de la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies qui l’interdisait. Ces gens se sont ensuite déplacés au Mali, et les Français ont dû y envoyer un contingent armé pour les combattre. J’ai demandé à mon collègue s’il ne trouve pas ce comportement étrange. Il a ri et a répondu: « C’est la vie ». Si ceci est une forme de politique, je ne l’apprécie pas.

En Syrie, le drame n’est pas encore terminé. Dans ce cas, là encore, nous n’avons pas cessé d’appeler les Américains et les Européens à résoudre cette question avant que le problème ne déborde sur les pays voisins. Il aurait fallu dire clairement : la communauté internationale soutient le gouvernement syrien légitime dans sa lutte contre les insurgés, il n’y a pas de place pour eux dans le système existant. En guise de réponse, nous avons eu droit à un « n’exagérez pas ». Puis le groupe se faisant appeler l’État Islamique d’Irak et du Levant est apparu. Les tentatives de la Russie pour le déclarer organisation terroriste et l’inclure dans les listes respectives de l’ONU se sont heurtées aux objections des États-Unis. C’est seulement après que cette organisation ait pris un tiers de l’Irak et qu’un citoyen américain ait été exécuté publiquement que Barack Obama a reconnu : « Oui, ce sont des terroristes ». Aujourd’hui, les Américains vont les bombarder sur le territoire irakien, mais ils ne font rien contre eux en Syrie, parce que là, ils se battent contre Bachar-el-Assad, que les États-Unis veulent renverser. C’est la logique du « deux poids, deux mesures » : les terroristes peuvent être bons s’ils apportent de l’eau au moulin géopolitique approprié.

Question : Certains diplomates plaisantent en faisant courir la rumeur que Bachar-el-Assad se prosterne et prie pour remercier Allah des manifestations de Maidan.

S. V. Lavrov : Vous voulez dire que les évènements en Ukraine ont détourné l’attention de Damas ? Dans un certain sens, l’ironie peut être vraie, mais nous sommes convaincus qu’oublier d’œuvrer pour la fin des hostilités envers la Syrie serait une erreur. Washington et ses alliés européens étaient d’une intransigeance totale, mais ils ont depuis dérivé vers une position plus proche de la nôtre. Il y a un an, tout d’un coup, quelques-uns de nos partenaires occidentaux se sont mis à dire que le risque d’avoir des terroristes à la tête de la Syrie et de la voir devenir un camp d’entraînement pour militants était bien plus sérieux que le maintien d’Assad au pouvoir.

Question : Que répondriez-vous à ceux qui affirment que les répercussions des événements ukrainiens sur les affaires politiques mondiales ont été exagérées hors de toutes proportions ? Il y a aussi le terrorisme islamiste au Moyen-Orient, le virus Ebola en Afrique et l’éternelle crise dans la bande de Gaza…

S. V. Lavrov : Le problème ukrainien est certainement le plus important pour nous. Vu d’ailleurs, cela peut sembler exagéré, mais c’est parce que les États-Unis voient l’Ukraine comme le théâtre d’un conflit géopolitique où se joue le sort du monde. Les Occidentaux, conduits par les États-Unis, seront-ils en mesure de conserver leur position dominante, ou devront-ils négocier avec d’autres centres de pouvoir ? J’ai demandé à John Kerry et à plusieurs ministres européens des affaires étrangères pourquoi l’Ouest préconisait rapidement un cessez-le-feu et des accords nationaux dans pratiquement tous les conflits (Soudan, Yemen, Afghanistan, Palestine) mais n’en faisait pas de même en Ukraine. Le plan de paix de Porochenko, ou rien. Il s’avère qu’il est possible de négocier avec les Talibans ou le Jihad Islamique, mais complètement impossible d’avoir un quelconque contact avec ceux qu’ils ont appelés des séparatistes de la RPD et de la RPL.

Pourquoi a-t-on dénié au peuple du Sud-Est ukrainien le droit d’être entendu ? C’est au-delà du bien et du mal ! Tout comme le fait que le premier convoi humanitaire de Russie a été dans l’incapacité d’accéder à Lugansk deux semaines durant, alors que la ville connaissait déjà depuis longtemps des problèmes d’approvisionnement en eau, en électricité et d’accès à de nombreuses denrées de première nécessité. Kiev remettait sans cesse au lendemain de toutes les manières possibles et imaginables, sans jamais nous laisser une chance de tendre la main vers ceux qui en avaient le plus besoin. Les autorités ukrainiennes avaient apparemment compris que sans ce genre de comportement, il leur serait plutôt compliqué de présenter notre pays en agresseur. En mai dernier, nous avons proposé au ministre ukrainien des Affaires étrangères une assistance humanitaire pour le sud-est du pays. Notre proposition a été rejetée. La question a de nouveau été débattue en juillet, débats au cours desquels nous avons reçu un accord de principe suivi d’une longue et ennuyeuse discussion sur les détails. Dans un premier temps, Kiev a proposé une route, avant de changer d’idée et d’en proposer une autre. Ce n’étaient pas des négociations, mais une partie de ping-pong sans fin.

Cette lutte a duré plus de deux semaines. Au bout du compte, nous avons perdu patience et, le 22 août, après en avoir informé la partie ukrainienne et la Croix Rouge internationale, le convoi est entré dans la région de Lugansk. L’attente n’était tout bonnement plus possible, la situation défiait les règles du bon sens. Immédiatement, il y a eu toute une série de mensonges sur la roublardise de la Russie. On pouvait avoir l’impression que c’était une provocation délibérée visant à nous attirer dans un conflit.

Question : Selon vous, Sergueï Viktorovitch, il n’existe pas de temps calmes en matière diplomatique ; vous êtes, après Sergeï Choigou, le ministre en exercice depuis le plus longtemps, et vous avez une grande expérience. Est-il nécessaire de rappeler l’année 2008, la guerre avec la Géorgie et votre cinglante réflexion, adressée à Mikhail Saakachvili, le qualifiant de « gros taré » ?

S. V. Lavrov : Ce n’est pas moi qui ai dit cela. L’histoire est la suivante. Suite aux événements en Ossétie du sud, mon homologue européen avait visité Tbilissi, et, sur le chemin du retour, avait demandé à être reçu à Moscou. Au cours d’une conversation privée, il m’avait raconté ses discussions avec Mikhail Saakashvili, discussions qui lui avaient fait se dresser les cheveux sur la tête, et c’est à cette occasion qu’il avait employé cette expression. Je l’ai répétée à l’ancien Secrétaire britannique des Affaires étrangères, David Miliband, qui m’avait appelé pour blâmer la Russie d’une prétendue offense causée à la pacifique Géorgie et à son président. Je n’ai pas ajouté un seul mot insultant à l’égard de Saakashvili. Mais quelques trois mois plus tard, les conseillers de Miliband ont fait fuiter l’épisode dans les médias, pour une raison quelconque, tout en le déformant fortement.

Question : Cependant, il y eut alors une remise à plat des relations avec l’Amérique, les relations avec l’Occident ont été réévaluées, alors maintenant, avec « la Crimée-est-à-nous », on ne peut que rêver de cela…

S. V. Lavrov : Si cela n’avait pas été la Crimée et le Sud-Est de l’Ukraine, l’Occident aurait inventé quelque chose d’autre. L’objectif était de déstabiliser la Russie à n’importe quel prix. La mission a été élaborée il y a longtemps. Prenez la Syrie, par exemple. Il y a quelques années, ils se sont tournés contre nous, nous accusant de protéger un dictateur qui tyrannisait son propre peuple. A ce propos, il a été dit à l’époque qu’Assad utilisait la famine comme arme. Pour en revenir à la catastrophe humanitaire actuelle dans le Donbass, peut-être que l’idée était d’affamer tout le monde jusqu’à la mort et puis de repeupler les territoires vidés avec de vrais Ukrainiens ?

Question : Vous conviendrez que si nous nous reportons à l’hiver dernier, tout avait l’air d’aller très bien pour la Russie : un succès pour le sommet de l’APEC à Vladivostok, des Jeux Olympiques à Sotchi triomphants, la présidence du G8, puis…

S. V. Lavrov : Je le répète : quand on veut, on peut. Le fait que Washington et certains pays européens aient décidé d’isoler la Russie ne date pas d’hier.

Question : Et par conséquent nous sommes maintenant engagés dans une guerre de sanctions.

S. V. Lavrov : La Russie réplique. C’est le cas typique où les autres ont commencé les premiers. On écrit beaucoup maintenant sur ce que nous aurions dû faire ou ne pas faire. Vous savez, quand vous êtes puni comme un élève coupable à l’école… La Russie ne peut pas rester indifférente à cette situation. Mais quelle que puisse être l’attitude envers l’interdiction des importations de produits alimentaires de l’Union européenne, de la Norvège, de l’Amérique du Nord et de l’Australie, et j’ai entendu différents jugements, je ne pense pas que ce soit une tragédie. Tout peut être résolu. Il est important à ce stade d’être rapide : lorsque l’offre d’un pays prend fin, un remplacement adéquat est nécessaire par un autre importateur ou un producteur russe. Je crois que personne ne niera que les fruits et légumes de l’Azerbaïdjan, de l’Arménie et des républiques d’Asie centrale sont plus savoureux et de meilleure qualité que ceux qui arrivent d’Europe. En tout cas, moi je les préfère.

Question : La victoire sur certains restaurants McDonald’s rapprochera-t-elle la Russie d’un triomphe géopolitique ? Juste avant le début de contrôles en masse dans les points de vente McDonald’s à travers la Russie, la société a diffusé un spot TV annonçant un nouveau hamburger avec du parmesan sanctionné…

S. V. Lavrov : J’ai depuis longtemps cessé de m’y rendre. Cependant, je suis allé au premier restaurant McDonald’s qui a ouvert sur la place Pouchkine en 1990, avec ma fille. Le Vice-Premier ministre Dvorkovitch a déjà dit que personne ne prévoit d’interdire cette chaîne de restauration rapide. Les contrôles nécessaires seront effectués, les normes sanitaires seront remises en ordre… Pour ce qui est du parmesan, n’importe quel type de fromage peut être produit si on y investit efforts et savoir-faire. Ce n’est pas un problème.

Question : Le tout étant de ne pas pousser la situation jusqu’à l’absurde.

S. V. Lavrov : Oui, mais on ne veut pas être pris pour des idiots non plus. Rosselkhozbank, qui offre des crédits à nos producteurs agricoles, est parmi ceux que visent les sanctions. Cela signifie que les agriculteurs nationaux devront faire face à des difficultés de financement et leurs produits seront moins compétitifs que les importations en provenance de l’Union européenne, qui obtient on ne sait combien de milliards en subventions. Nous ne pouvons que rêver de telles subventions. Et il y a encore autre chose. Les pays qui ont imposé ces sanctions, et ceux-ci sont pour la plupart des pays membres de l’OTAN, prétendent de plus en plus souvent que la Russie n’est plus leur partenaire, mais un adversaire. Et nous devons réfléchir à ce que veulent dire ces déclarations. Est-il logique que la sécurité alimentaire d’un état, la fourniture de nourriture à la population - même si c’est autour de 20 à 30 pourcents - dépendent de ceux qui nous considèrent comme un ennemi ? Mais la Russie ne peut pas devenir l’otage des plans que d’autres montent pour faire pression par des sanctions. Que se passera-t-il si l’Union européenne et les États-Unis décident de mettre plus de pression sur nous, et sont même d’accord pour allouer beaucoup plus de milliards de dollars ou d’euros sous forme de subventions à leurs agriculteurs ? Nous ne connaissons pas leurs plans secrets.

Question : Mais jusqu’à présent, ils n’ont rien fait de tel. Nous avons interdit les importations nous-mêmes.

S. V. Lavrov : Mais je le dis encore une fois : il y a beaucoup de pays qui rêvent de remplacer les Européens et les Américains sur notre marché. L’Argentine et le Brésil, par exemple, se vantent de produire une excellente viande.

Question : L’avoine ne coûte pas cher, mais les bateaux sont chers. Sagesse proverbiale.

S. V. Lavrov : Non, les prix seront absolument raisonnables. Les Sud-Américains veulent obtenir un quota dans notre marché. Cela se fait dans le cadre de possibilités offertes par l’OMC.

Question : En d’autres termes, vous ne sentez pas de gêne dans votre travail, Sergueï Viktorovitch ?

S. V. Lavrov : C’est ainsi. Je réponds en toute sincérité. D’abord, il s’agit d’un défi professionnel, si vous voulez. Ensuite, ce sont plutôt mes homologues qui se sentent mal à l’aise quand ils doivent donner des explications obscures, par téléphone ou via nos ambassadeurs, pour se justifier de la raison qui les pousse à retarder une visite à Moscou qui avait été programmée. Au nom du Ciel ! L’amour ne se dicte pas. Lors de différents forums internationaux, les ministres des pays qui ont imposé des sanctions à la Russie viennent me voir un par un, me prennent à part et me demandent, tout gêné, de prendre cela du bon côté, d’être compréhensif, disant qu’ils ne veulent pas, mais qu’ils sont obligés. Le consensus, la solidarité… Ce sont les arguments de la très grande majorité des états, qui ont compris qui orchestre ces processus sans aucun dommage pour lui-même, et qui satisfait ainsi ses ambitions géopolitiques.

Peut-être que des périodes de tension dans les relations internationales sont inévitables. Mais elles finissent tôt ou tard. Et celle-là passera. Mais avant tout, tous doivent s’habituer à l’idée que le monde ne sera pas unipolaire plus longtemps. En attendant, nous allons assister à des rechutes et des regains belliqueux.

Question : Peut-on considérer que le non-alignement adopté par la Russie lui confère une position privilégiée ?

S. V. Lavrov : Vous savez, les alliances classiques de l’époque de la guerre froide ont fait leur temps. J’ai déjà mentionné le flottement de l’OTAN, en quête d’une raison d’être. Nous avons l’Organisation du Traité de Sécurité Collective, notre propre alliance militaro-politique. Mais il n’y a pas de politique du bâton. Parfois, nous entendons : Regardez comme les membres de l’Alliance de l’Atlantique Nord sont unis dans leur vote à l’ONU - les États-Unis ont donné les ordres et tous ont levé la main (mais tout le monde sait qu’on a « tordu le bras » à nombre d’entre eux avant). Quant aux représentants des pays membres de l’OTSC, ils peuvent soutenir l’initiative de la Russie ou s’abstenir, ou tout simplement manquer une session, comme lorsque l’Assemblée générale des Nations Unies a examiné une résolution après les événements de Crimée. Ma réponse est toujours simple : oui, nous nous attendons à ce que nos alliés respectent les accords des pays membres de l’OTSC sur une ligne de politique étrangère commune, mais nous comprenons aussi que le monde d’aujourd’hui est multi-facettes et multi-vectoriel et c’est pourquoi nous ne cherchons pas à interdire à quiconque d’avoir des nuances dans les approches pour le règlement de tel ou tel problème, et nous ne faisons certainement pas de chantage ni ne forçons la main à personne.

Question : Prenez le Kazakhstan et la Biélorussie, par exemple, ils sont nos partenaires de l’Union douanière, mais ils ne soutiennent pas l’embargo de la Russie sur la nourriture…

S. V. Lavrov : C’est leur droit. Oui, ils ont dit qu’ils ne se joignaient pas aux sanctions, mais ont souligné qu’ils ne permettront pas que leur territoire serve à violer les règles établies par la Russie. C’est ce qui distingue les anciennes alliances des nouvelles. Les alliances d’aujourd’hui doivent être souples. Par ailleurs, nos partenariats stratégiques ne sont pas limités à l’OTSC. Nous devons mentionner les BRICS, qui réunissent le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, ainsi que l’Organisation de coopération de Shanghai. Dans les deux cas, en dehors des intérêts économiques mutuels, nous parlons de pays qui partagent une vision similaire des questions fondamentales sur l’ordre mondial.

Question : Que signifie notre préparation à nous retirer unilatéralement des accords internationaux ?

S. V. Lavrov : C’est écrit dans la plupart des documents internationaux. C’est une procédure standard : en règle générale, un pays doit officiellement notifier son souhait aux autres parties du traité et aux dépositaires avec six mois d’avance. Et c’est tout. Une approche civilisée. Il peut y avoir différents traités et l’attitude envers eux peut changer. Il faut comprendre à l’avance ce que ce changement va entraîner. Lorsque les États-Unis et l’Union soviétique ont signé le Traité sur les missiles anti-balistiques au début des années 1970, tout le monde s’est rendu compte que c’était une vraie contribution à l’arrêt de la course aux armements. Si vous renoncez à la protection totale de votre territoire, vous êtes moins tenté d’attaquer un ennemi.

Et l’opposant se comporte de la même manière. Sous George W. Bush, les USA ont décidé de se retirer du traité, et je me souviens que Vladimir Poutine avait demandé à son homologue s’il était vraiment nécessaire de saper ce gage de stabilité. Bush a répondu que la défense anti-missile n’était pas dirigée contre la Russie, mais servait à contrôler l’Iran, et c’est pourquoi la Russie pouvait prendre toutes les mesures qu’elle souhaitait pour assurer sa sécurité. Si l’on remonte un peu dans le temps, Bismarck avait dit que dans l’art de la guerre, ce ne sont pas les intentions qui comptent, mais les potentiels. Autre exemple : prenez le Traité sur les forces conventionnelles en Europe. Il a été signé au moment où l’Union Soviétique et d’autres pays du pacte de Varsovie s’opposaient à l’Otan. Après la fin du bloc socialiste, le document a été changé, adapté à de nouvelles réalités. La Russie l’a ratifié, mais l’Occident a dit qu’il ne le signerait qu’après le départ de nos soldats de la paix en Transnitrie. Pourquoi donc ? Il n’en est fait aucune mention dans le traité. Résultat, le document est devenu inutile à cause du refus de l’Otan de s’y joindre.

Question : Je me demandais : est-ce que vos itinéraires ont beaucoup changé ces derniers temps ?

S. V. Lavrov : Je ne dirais pas cela. C’était Berlin avant Minsk, et Paris un peu avant. Et en ce moment, l’Afrique, un sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai à Douchanbé, et puis New York.

Question : Quelle sera votre humeur lors de votre prochaine réunion de l’Assemblée générale des Nations unies ?

S. V. Lavrov : Je n’ai pas encore pensé à ce voyage, il y a tellement d’autres choses avant… Une session de l’Assemblée générale de l’ONU, c’est un événement familier. Un représentant de chaque pays montera sur l’estrade pour dire quelque chose.

Question : Mais l’humeur sera sûrement différente cette fois.

S. V. Lavrov : Nous écouterons d’abord, puis nous en tirerons des conclusions.

Question : Est-ce que vous avez eu des annulations de visites ces derniers temps ?

S. V. Lavrov : Les miennes n’ont pas été annulées. L’homologue japonais avait prévu de visiter Moscou en avril, mais pour des raisons techniques, il a demandé à remettre la visite à plus tard… Voilà une autre chose très surprenante : des représentants de pays qui n’ont rien à voir avec l’Union européenne et les sanctions contre la Russie disent que les ambassadeurs américains, partout, sont allés voir les autorités nationales pour leur demander de geler leurs relations avec Moscou ! N’allez pas les voir, ne les recevez pas. Est-ce normal ? D’une certaine façon, c’est assez amusant de travailler dans une situation où les Américains ont recours à ce type de méthode. Franchement, je n’aurais jamais imaginé qu’un pays généralement respectable puisse se comporter de cette façon !

Question : Est-ce que vous avez dit ça en face à John Kerry ?

S. V. Lavrov : Bien sûr, nous discutons de différentes questions avec le secrétaire d’État Américain.

Question : Vous n’êtes jamais à court de mots, Sergueï Viktorovitch. Des rumeurs secrètes prétendent qu’il y a une pierre sur l’une des rives de la rivière Katun dans le territoire de l’Altaï. Un texte gravé sur cette pierre dit qu’à cet endroit même, le ministre Lavrov a dit à son collègue britannique, Jack Straw, d’aller se faire voir. Le texte est suivi de la date.

S. V. Lavrov : Les rumeurs secrètes vous ont égaré. La pierre n’est pas sur la rive de la rivière Katun, mais dans mon sauna. Je l’ai emmenée chez moi comme souvenir. Voici ce qui s’est passé. J’étais avec d’autres personnes, principalement mes anciens camarades d’études de l’Université MGIMO [Institut d'État des relations internationales de Moscou, NDT] et comme d’habitude, nous faisions du rafting sur la rivière. Un soir, nous avons atteint une étape où bivouaquer. Nous traînons les radeaux, montons des tentes, allumons un feu pour cuire le dîner. Tout se passait comme d’habitude. Avec un téléphone satellite, j’ai appelé Moscou et demandé comment les choses se passaient en général. On m’a indiqué que Jack Straw, avec qui nous avions établi de très bonnes relations, avait demandé à être joint rapidement.

Vous savez, les batteries de téléphone ne durent pas éternellement, je devais économiser ma batterie et nous avons convenu que Londres allait me rappeler une demi-heure après. J’ai allumé mon téléphone exactement après cette période de temps. Les Britanniques m’ont appelé et dit que Straw était occupé à ce moment là. Ils m’ont demandé s’ils pouvaient me rappeler dans dix minutes. Après dix minutes la situation s’est répétée, et puis encore et encore jusqu’à ce que je demande - poliment - de dire à Jack que je ne pourrais pas parler avec lui ce soir-là. C’est tout ce dont il s’agit. Un de mes amis a entendu le dialogue et puis a laissé une interprétation très libre de tout cela gravée dans la pierre.

Question : Il semble que le représentant permanent de la Russie à l’ONU, Vitali Tchourkine, soit votre véritable compagnon en termes de capacité à s’exprimer clairement. Il est également capable d’exprimer tout très clairement.

S. V. Lavrov : Vitali est mon vieil ami. En avril 1992, nous avons tous deux été promus à des postes de vice-ministre des Affaires étrangères de Russie et depuis lors, nos chemins se sont souvent croisés. Par exemple, quand il a travaillé dans les Balkans, j’étais responsable de cette zone.

Question : Il se dit que vous avez activement essayé de convaincre Vladimir Poutine de nommer Tchourkine à l’ONU ?

S. V. Lavrov : C’était ma proposition et j’ai mis en avant des arguments en sa faveur. Compte tenu de l’importance de la position, j’ai demandé au président de recevoir Vitali avant sa nomination pour lui parler personnellement.

Question : Depuis combien de temps êtes-vous proche de Poutine ? Et comment avez-vous été nommé au poste de ministre ?

S. V. Lavrov : Nous nous sommes rencontrés à Moscou en Novembre 1999, Vladimir Vladimirovitch était à la tête du gouvernement de l’époque, et j’étais l’envoyé permanent à l’ONU. J’avais pris l’avion pour Moscou pour la visite d’un vice-premier ministre irakien, dont la réception avait eu lieu sur les berges de Krasnopresnenskaya. Elu président en 2000, Poutine est arrivé à New York pour le sommet du Millénaire. Nous nous sommes vus plus d’une fois depuis lors.

Le 6 mars 2004, j’ai reçu un coup de téléphone de la part du chef de l’administration présidentielle, Dmitri Medvedev, qui m’a invité à Moscou. Je suis parti le jour même. Le jour suivant, Vladimir Vladimirovitch m’a reçu et m’a offert le poste de ministre. Depuis, je maintiens un contact de travail permanent, pratiquement au quotidien.

Question : Quand vous menez des négociations hors de la Russie, avec quelle fréquence consultez-vous le président ?

S. V. Lavrov : Avant les voyages, je parle de la position à laquelle je compte me tenir, et après avoir reçu des instructions, je maintiens le cap qui a été décidé. Je ne vais pas révéler tous nos secrets, mais en règle générale, nous avons plusieurs options pour nos actions. Malgré tout, il y a parfois des cas essentiels où les compromis sont écartés d’office. Dans ces cas, je l’explique franchement à Vladimir Vladimirovitch. Dans les cas très sérieux, quand des textes doivent être remaniés et que leur contenu pourrait impliquer des doubles sens, je l’appelle au téléphone et je l’en informe. C’est comme ça que nous sommes arrivés à un accord sur les armes chimiques en Syrie. Le document contenait des points discutables, et de notre mission de Genève, j’appelais régulièrement le Kremlin.

Question : Je sais que vous utilisez un téléphone cellulaire. Vous différez des autres, qui préfèrent n’utiliser que des téléphones à cadrans rotatifs.

S. V. Lavrov : Mais la communication par cellulaire n’est pas appropriée pour contacter le Président et parler du travail en cours. Nous ne l’utilisons que pour les questions d’organisation, qui, où, quand…

Question : Comment est-ce qu’Edward Snowden et Julian Assange ont changé le monde d’aujourd’hui, à votre avis ?

S. V. Lavrov : Nous n’avons rien appris de fondamentalement nouveau. Si je me souviens bien, quand j’ai commencé à lire les informations révélées par Assange, je n’ai pas trouvé de révélations sur des caractéristiques personnelles de telle ou telle personnalité de l’arène mondiale, ou concernant la description des méthodes de travail utilisées par les gouvernements ou les services secrets. Nous savions déjà tout ça.

Question : Quid des mémoires d’Hillary Clinton ? Les avez-vous lues ?

S. V. Lavrov : J’ai feuilleté le livre. Il comprend un index alphabétique et j’ai cherché les sections qui parlaient de moi, de mes confrères de l’administration de l’ONU et d’un certain nombre de pays d’Europe. C’était intéressant.

Question : Le Secrétaire d’État américain précédent était très pointu dans ses descriptions de Poutine.

S. V. Lavrov : Très ! En Occident, c’est considéré comme indispensable à n’importe quel programme. Malgré tout, des opinions sensées s’expriment aussi, mais elles sont généralement le fait de diplomates et de politiciens à la retraite. Ceux qui sont employés au gouvernement ou veulent accéder à de hautes fonctions doivent se tenir à la ligne du parti et, parce qu’ils visent à appliquer le dernier agenda américain, ils font finalement de la surenchère.

Question : Vous avez dit avoir des contacts de travail permanents avec Poutine. Comment est-ce que ça marche ?

S. V. Lavrov : Nous parlons pendant les visites à l’étranger, au cours desquelles j’accompagne toujours le président, nous nous rencontrons avant de recevoir les chefs d’état étrangers en visite en Russie. Vladimir Poutine a une capacité d’écoute exceptionnelle. Ce n’est pas un compliment, ni une flatterie, mais la constatation d’un trait de caractère fondamental. Poutine offre toujours une possibilité de s’exprimer et ne recourt jamais à des ultimatums. Aucune idée sensée, susceptible d’offrir une solution constructive à un problème, que ce soit dans le domaine de l’économie ou dans le cas d’une crise comme celle de l’Ukraine, n’échappe à son attention.

Question : Vous est-il déjà arrivé de le faire changer d’avis ? On sait qu’avant la signature de l’accord nommé « Loi Dima Yakovlev », vous avez vu Poutine et avez contre-argumenté.

S. V. Lavrov : J’avais fait un rapport sur mon évaluation des aspects juridiques et les conséquences possibles après l’adoption du document. Il est entré en vigueur en décembre 2012, quelques mois plus tôt, nous avions signé à Washington un accord avec les Américains en matière d’adoption d’enfant, cela a demandé beaucoup d’efforts parce que nous avions de plus en plus de problèmes avec les enfants russes adoptés aux États-Unis qui étaient abusés, violés et même assassinés. Le Département d’État a dégagé sa responsabilité, arguant que, selon les lois américaines de tels cas relèvent de la compétence du système judiciaire de chaque état. En conséquence, nous avons obtenu l’adoption de l’accord intergouvernemental, et lors de la déclaration de Vladimir Poutine en décembre 2012, j’ai suggéré que la dénonciation ne soit pas incluse dans la loi « Dima Yakovlev » parce que j’espérais que cela nous permette de vérifier plus tôt la situation des enfants adoptés.

Tout au long de 2013, l’accord est resté en vigueur, et pour parler franchement, j’ai trouvé mon évaluation de la capacité du gouvernement américain à tenir ses engagements trop optimiste. Il n’y a eu aucun progrès sur les questions soulevées devant le Département d’État, y compris le fameux Ranch pour enfants, un orphelinat dans le Montana qui a admis des enfants abandonnés par leurs nouveaux parents américains. Au cours de trois années nous n’avons pas réussi à y aller.

Question : On dit que lors de votre confirmation au poste de ministre des Affaires étrangères, vous avez discuté avec le Président pour valider le droit de faire annuellement du rafting entre amis sur les rivières de montagne et sans gardes de sécurité. Est-ce vrai ?

S. V. Lavrov : C’est une demande qui a été soutenue par Vladimir Vladimirovitch.

Question : Avez-vous fait du rafting cette année ?

S. V. Lavrov : Début août, mais c’était court. Je n’avais pas beaucoup de temps.

Question : Est-ce que ce sont vos amis qui vous ont surnommé « l’ Élan »?

S.V.Lavrov : Le surnom m’est resté depuis mes études. Quand j’étais au MGIMO, chaque été, pendant les quatre années que j’y ai passées, je participais aux « brigades de construction étudiantes ». On a commencé en Khakassie, puis on a continué en Touva, la troisième année, on était en Extrême-Orient, et la quatrième, en Yakoutie. J’étais chef d’équipe, j’épuisais tout le monde, et c’est probablement pourquoi on m’a donné ce surnom. Je ne l’ai pas contesté.

Question : Mais avant les brigades de construction, vous creusiez déjà le sous-sol du centre de télévision.

S. V. Lavrov : Oui, avant l’entrée à l’Université, on nous envoyait à Ostankino, on creusait les fondations des bâtiments qui allaient abriter le centre de télévision.

Question : Le téléviseur dans votre bureau de la place de Smolensk n’est pas qu’un meuble, non ? Vous l’allumez ?

S. V. Lavrov : De temps en temps. Je regarde toutes les chaînes russes, CNN, BBC, et Ukraine News1.

Question : Comprenez vous l’ukrainien ?

S. V. Lavrov : Je le comprends en gros, mais pas toutes les subtilités. Littéralement et au figuré.

Question : Pratiquez-vous encore votre première langue étrangère, le cingalais ?

S. V. Lavrov : J’ai appris l’anglais à l’école. J’ai commencé le français et le cingalais au « MGIMO ». Je peux écrire en cingalais, mais je ne suis pas sûr de pouvoir encore le parler. Je n’ai pas eu l’occasion de le pratiquer depuis bien longtemps. Depuis mon départ du Sri Lanka en 1976, en fait.


Source : Sergueï Lavrov, Ministère russe des Affaires étrangères, 10/09/2014.

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Sergueï Lavrov

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