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[Reprise] La démocratie au XXIe siècle par Joseph Stiglitz

Sunday 5 October 2014 at 01:30

Par Joseph E. Stiglitz, Professeur à Columbia University, le 02 septembre 2014

Le dernier livre de Thomas Piketty soulève des questions fondamentales sur la théorie économique et sur l’avenir du capitalisme.

NEW YORK – L’accueil fait aux USA et dans d’autres pays avancés au récent livre de Thomas Piketty, Le capital au XXIe siècle, traduit une préoccupation croissante face à la croissance des inégalités. Ce livre donne encore plus de valeur aux éléments de plus en plus nombreux qui montrent que la montée des inégalités de revenus et des patrimoines bénéficie à une petite minorité au sommet de la pyramide.

Piketty jette également un regard neuf sur les quelques 30 ans qui ont suivi la Grande dépression et la Deuxième Guerre mondiale. Peut-être en raison de la cohésion sociale inhabituelle que peuvent susciter des événements cataclysmiques, il considère cette période comme une anomalie historique de croissance économique rapide durant laquelle la prospérité était partagée au bénéfice de tous, notamment des plus défavorisés.

Il éclaire autrement les idées de « réformes » vendues par Reagan et Thatcher dans les années 1980 en tant qu’accélérateurs de croissance qui devaient profiter à tous. Leurs réformes ont été suivies par davantage d’instabilité et une croissance plus faible qui a bénéficié seulement aux plus riches.

L’analyse de Piketty soulève des questions fondamentales à la fois sur la théorie économique et sur l’avenir du capitalisme. Elle met en évidence une importante hausse du rapport capital/production. La théorie standard associe une telle hausse à une chute des revenus du capital et une hausse des salaires. Mais aujourd’hui les salaires baissent, mais pas les revenus du capital. Aux USA par exemple, au cours des 4 dernières décennies le salaire moyen a baissé de 7%.

Bulle immobilière

L’explication la plus évidente est que l’augmentation du capital mesuré ne correspond pas à une augmentation du capital productif – et les données semblent en accord avec cette interprétation. Une grande partie de l’augmentation du capital tient à une hausse des prix dans l’immobilier. Avant la crise financière de 2008, il est apparu une bulle immobilière dans de nombreux pays ; et même aujourd’hui la « correction » n’est peut-être pas encore achevée. Cette hausse des prix est peut-être aussi  la conséquence d’une concurrence entre les riches pour des biens de prestige – une maison en bordure de plage ou un appartement sur la 5e avenue à New-York.

Il arrive aussi qu’une hausse du capital financier mesuré corresponde simplement à un déplacement du capital « non mesuré » au capital mesuré – un déplacement qui peut traduire en réalité une dégradation de l’économie. Si le pouvoir des monopoles s’accentue ou si des firmes (les banques par exemple) mettent au point des méthodes plus efficaces pour exploiter les clients ordinaires, cela se traduira par une hausse des profits, et après capitalisation, par une hausse du capital financier.

Quand cela se produit, il est évident que le bien-être général et l’efficacité économique diminuent, alors que l’on mesure officiellement une augmentation du capital. Cela tient à la non prise en compte de la diminution correspondante de la valeur du capital humain – le patrimoine des travailleurs.

Par ailleurs, si les banques parviennent à utiliser leur influence politique pour socialiser leurs pertes et conserver une part de plus en plus grande de leurs gains mal acquis, le capital mesuré du secteur financier augmente. De la même manière, si les entreprises réussissent à convaincre l’État de verser un prix exorbitant pour leurs produits (c’est le cas des grands laboratoires pharmaceutiques) ou si elles peuvent obtenir les richesses d’un pays à un prix inférieur à celui du marché (c’est le cas des compagnies minières), le capital financier mesuré augmente, tandis que la diminution du patrimoine des citoyens ordinaires reste invisible.

Système politique défaillant

Ce que nous observons – une stagnation des salaires et une montée des inégalités accompagnées d’une augmentation du capital – ne traduit pas le fonctionnement normal d’une économie de marché, mais ce que j’appelle un succédané de capitalisme (l’ersatz capitalisme). Le problème ne tient peut-être pas à la manière dont les marchés fonctionnent ou devraient fonctionner, mais à notre système politique qui ne parvient pas à rendre les marchés concurrentiels et a conçu des règles qui encouragent les dysfonctionnements des marchés, permettant ainsi aux entreprises et aux riches d’exploiter autrui (ce que malheureusement ils font).

Certes, les marchés n’opèrent pas dans le vide. Il faut une règlementation, et elle doit provenir d’un processus politique. Trop d’inégalité économique dans un pays comme les USA (et de plus en plus dans ceux qui suivent leur modèle économique) produit des inégalités politiques. Dans un tel système, les chances de progrès économique et de mobilité sociale deviennent inégales elles aussi.

Les prévisions de Piketty quant au creusement encore plus marqué des inégalités ne reflètent pas les lois inexorables de l’économie. Des changements simples – une fiscalité plus importante sur les bénéfices du capital et sur les successions, des mesures pour faciliter l’accès à l’éducation, une application rigoureuse des lois anti-trust, une réforme de la gouvernance des entreprises qui limite les revenus des dirigeants et une règlementation financière qui empêche les banques d’exploiter le reste de la société – réduiraient sensiblement les inégalités.

Avec une législation appropriée, nous pourrions peut-être même restaurer la croissance économique rapide et partagée qui caractérisait les sociétés de classe moyenne au milieu du XXe siècle. La principale question à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui n’est pas celle du capital au XXIe siècle, mais celle de la démocratie au XXIe siècle.

Joseph Stiglitz est prix Nobel d’économie et professeur à l’université de Columbia à New-York. Écrit en collaboration avec Bruce Greenfield, son dernier livre s’intitule Creating a Learning Society: A New Approach to Growth, Development, and Social Progress (Comment créer une société de la connaissance : une nouvelle approche de la croissance, du développement et du progrès social).


Source : lesechos.fr

Joseph Stiglitz

Source: http://www.les-crises.fr/reprise-la-democratie-au-xxie-siecle-par-joseph-stiglitz/


Revue de presse internationale du 5/10/2014

Sunday 5 October 2014 at 00:15

Interrogations sur l’Allemagne, la pseudo-fin de la crise financière, les USA et les fonds vautours, la crise ukrainienne, et pour couronner le tout (pour l’occident) la veine de la Russie…

Source: http://www.les-crises.fr/rdpi-du-05-10-2014/


[Ça va mieux en le disant] “Je me bats depuis longtemps pour une vision libérale de l’économie”, par François Rebsamen

Saturday 4 October 2014 at 02:45

Le scandale du jour, détaillé ici : L’interview “libérale” de François Rebsamen retirée juste après sa publication

“MARCHE ARRIÈRE TOUTE – C’est l’histoire d’une interview de François Rebsamen, un entretien à un magazine bourguignon, Le Miroir, qui aurait certainement apporté son lot de polémiques : le ministre du Travail y présente sa “vision libérale de l’économie”, tance la retenue du Parti socialiste sur ce sujet et glisse quelques amabilités à Jean-Christophe Cambadélis et Michel Sapin. Mais l’interview a été dépubliée quelques minutes après sa mise en ligne, à la demande du ministre. [...]

Sur Twitter, l’attachée de presse du ministre est formelle : “Ce n’était pas une interview”. Contactée par Le Lab, elle précise :

Nous avons accepté un reportage sur la vie d’un ministre, où il habite, etc. Ce n’était pas destiné à être publié sous la forme d’une interview, c’était une discussion à bâtons rompus. Quand ils sont partis, je leur ai demandé de m’envoyer les citations, de m’envoyer l’article pour la version papier et ils étaient d’accord. Entre-temps, ils l’ont publié sans me prévenir. Il n’y a pas eu de relecture, or je n’accepte jamais une interview sans relecture.

Une condition très fréquente avec les responsables politiques, ministres de surcroît. L’attachée de presse assure par ailleurs que s’il s’était véritablement exprimé dans le cadre d’une interview formelle, “en tant que ministre du Travail”, il aurait “précisé” un certain nombre de choses. “Parfois, on dit des choses et quand on les relit, on s’aperçoit que ce n’était pas exactement ce qu’on voulait dire”, détaille-t-elle.

“C’est une histoire de fous”, explique pourtant l’auteur de l’article, Jérémie Lorand, au Monde :

J’ai bien précisé que c’était une interview. J’ai même tout enregistré. Nous connaissons bien François Rebsamen puisqu’il était maire de Dijon, nous n’avons jamais fait relire nos interviews.

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Cette interview, démentie par le ministre, mais confirmée par le journaliste, est donc désormais un élément important du débat démocratique.

Je décide donc de la publier, grâce au cache de Google. N’hésitez pas à la reprendre sur vos blogs pour qu’elle ne disparaisse pas.

Je ne commente pas…

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Pour l’opposition, il porte le nom de “ministre du chômage”. s’est enfin installé de manière définitive dans les locaux historiques du ministère du Travail au 127 rue de Grenelle à Paris. Proche, très proche du Président de la République, il a accepté un poste clé du gouvernement de , sans doute l’un des plus difficiles aussi.

Symboliquement pendu durant tout l’été par les du spectacle, il a fait une rentrée fracassante en septembre en s’attaquant aux “fraudeurs” de Pôle emploi. Désormais il revendique sa ligne libérale et reste intimement persuadé qu’il pourra être celui qui relancera durablement la croissance en France.

Quelques mois après son arrivée, nous sommes allés le rencontrer il y a quelques jours dans son ministère, à Paris.

François Rebsamen bonjour. Depuis un mois, vous avez rejoint le siège historique du ministère du Travail, celui de la Rue de Grenelle. C’est là qu’ont été signés les fameux Accords de mai 68. C’est là que sont passés Pierre Bérégovoy et Martine Aubry. Une force pour étouffer la grogne ?

Pour la gauche, ce ministère est historique. Alors nous ne pouvons avoir qu’en référence ces grands ministres qui sont passés par là : Jean-Michel Jeanneney, en mai 68, Jean Auroux, qui a signé les accords du même nom, Pierre Bérégovoy, qui était un ami ou encore Martine Aubry, qui a marqué le monde du Travail avec la réforme des 35 heures. Lors de la passation avec Michel Sapin [l'ancien ministre du Travail, NDLR], j’ai souligné la beauté de ce ministère. Je n’en mesurais pas encore la difficulté.

Justement, considérez-vous aussi qu’il s’agit du pire ministère du gouvernement ?

C’est surtout le ministère qui, tout au long du XXème siècle, a permis de former, d’organiser, de codifier le monde du travail, de protéger les travailleurs. C’est du ministère du Travail qu’émanent les grandes avancées sociales : Les Accords de Matignon en 1936, les seuils sociaux et la création des comités d’entreprise en 1945, sous le Général de Gaulle, la lutte contre le travail des enfants, contre le travail de nuit…

Désormais, nous sommes dans une autre phase : du ministère des avancées sociales, nous devenons ministère du dialogue social et des grandes protections collectives, nous devons désormais enregistrer des avancées sur les protections individuelles. C’est encore plus complexe. Il faut lutter contre le travail dissimulé, le travail illégal… C’est une forme d’esclavagisme humain et j’ai demandé aux inspecteurs du travail d’être plus vigilants sur cette question.

Il est très grave de voir des socialistes siffler un ministre lorsqu’il dit qu’il aime l’entreprise

Lorsque vous êtes arrivé au ministère, François Hollande promettait d’inverser la courbe du chômage, désormais, vous refusez de commenter les chiffres mensuels. Pourquoi ce changement de communication ?

Tout simplement parce que ce n’est pas le bon référentiel. Malgré l’amitié que je porte à Michel [Sapin], il s’est totalement trompé. On ne juge pas le chômage mois par mois, mais sur des périodes plus longues : un trimestre, un semestre. Il s’est mis des boulets aux pieds et les a laissés à son successeur.

Je tente de renverser la compréhension des choses : le taux de chômage est différent du nombre d’inscrits et il permet les comparaisons internationales. Le taux de chômage en France métropolitaine est de 9,7% de la population active au sens du Bureau international du travail. C’est beaucoup, mais il y a déjà eu plus. Si on ne s’y attarde pas, les citoyens seront persuadés que nous avons un taux de chômage qui a explosé. Pour parler clair : je tente de m’enlever un boulet, assez plombant, en changeant de stratégie.

Vous vous êtes finalement réjoui que le chiffre de 150 000 emplois d’avenir ait été atteint fin septembre. Des emplois subventionnés, n’est-ce pas artificiel pour enrayer la hausse du chômage ?

Ce n’est absolument pas artificiel. C’est même le contraire. À la différence des emplois jeunes qui s’adressait à un public qualifié, les emplois d’avenir sont proposés aux jeunes des quartiers issus de la politique de la ville. Ils sont 80% à ne disposer d’aucun diplôme, à être très loin de l’emploi. Les acteurs de l’insertion demandaient du temps : le contrat peut donc durer trois ans et le taux de rupture est très faible, proche des 10%. En revanche, le taux de réussite est certain, car le contrat propose une formation. Ceux qui vont sortir du dispositif, à la fin du contrat, seront qualifiés pour décrocher un emploi. En quelque sorte, nous préparons une partie de la génération de décrocheurs à aller vers l’emploi lorsque la croissance reviendra.

Il y a tout de même 900 000 jeunes sans diplômes. Où trouver les marges de manœuvre ?

Nous faisons beaucoup de choses pour eux. De nombreux dispositifs existent. Parlons déjà de l’apprentissage. Dans les têtes, c’est une voie de garage alors qu’il faut le voir comme une voie d’excellence, qui permet la réussite. Les chefs d’entreprise adorent l’apprentissage, mais ne prennent personne en alternance. La prime qui avait été supprimée – c’était une erreur – est désormais doublée. Il n’y a donc plus d’excuse. À partir de l’année prochaine, nous allons développer la garantie jeune. Une procédure qui concernera les jeunes qui n’ont ni emploi ni stage, ni formation ni éducation, leur permettra de suivre un parcours d’insertion sociale. Il y a en aura 50 000 l’année prochaine.

Nous faisons donc feu de tout bois. Mais on ne remplace pas la croissance, il faut que la machine économique reparte. Ce qui crée l’emploi, c’est l’entreprise. Dès lors, nous pouvons préparer les jeunes, les former ou empêcher qu’ils sombrent.

[Note OB : Relire d'urgence l'excellent billet Les entreprises ne créent pas l’emploi, par Frédéric Lordon]
Ce que vous dites c’est que la pédagogie, que vous avez appelée de vos vœux lors de la première partie du quinquennat, n’est peut-être pas si simple ?

J’essaye d’être pédagogue. Nous sommes dans un pays qui a du mal à accepter les choses. Si nous voulons sauver le modèle social français, il doit être irréprochable : les droits et les devoirs de chacun doivent être bien définis. Les Français sont attachés à ce modèle social, mais il faut l’adapter. Ce sont ces adaptations que nous devons expliquer, détailler.

Mais cette pédagogie n’est-elle pas trop tardive ? Nous sommes déjà à mi-mandat.

Il n’est jamais trop tard pour faire les choses. Le parti socialiste est en pleine mue idéologique. Moi je l’ai effectuée depuis longtemps. Il faut donc l’expliquer. Il est très grave de voir des socialistes siffler un ministre lorsqu’il dit qu’il aime l’entreprise. Franchement, c’est quoi le socialisme ? Ce n’est pas la richesse pour chacun. Ah bon, certains socialistes doutent que ce soit l’entreprise qui crée des richesses ? L’entreprise, c’est des salariés.

Lors de la campagne des municipales, vous aviez affirmé qu’il ne fallait pas tout céder au Medef.

Alors le Medef c’est une chose. Ce n’est pas la vie des entreprises. J’ai trois niveaux d’interlocuteurs : le niveau interprofessionnel national, la posture, avecle Medef, la CGPME et les autres ; ensuite les branches et au bout les entreprises. Au niveau local, les entreprises et donc les salariés font vivre le territoire, le développe. Elles savent ce qu’on veut.

Lorsque je rencontre les branches, je leur rappelle que pendant dix ans, elles n’ont rien dit. C’est incroyable. Les entreprises ont perdu marges et compétitivité, sans rien dire. Et là, sous prétexte qu’il s’agit d’un gouvernement socialiste, elles viennent pleurer. Nous faisons un effort sans précédent pour redonner des marges aux entreprises : nous restituons 41 milliards d’euros, l’équivalent de deux points de PIB pour permettre l’investissement, la création d’emploi, l’apprentissage. En un mot nous demandons de préparer l’avenir.

N’y avait-il pas un parasitage avec un Arnaud Montebourg parfois virulent envers les chefs d’entreprises ?

Arnaud s’est investi dans sa mission. Il aime l’industrie, l’industrie lourde, l’industrie tricolore. Il préférait une entreprise allemande à une autre parce qu’elle était américaine. Arnaud Montebourg est un personnage complexe : il s’accrochait avec des patrons en arrivant puis les câlinait. Il a bien fait son boulot pour les entreprises en difficulté. Il s’est investi, mais avait une approche particulière. Un peu “olé olé” ! C’est un comédien, un avocat.

Mais ça, François Hollande le savait lorsqu’il a nommé Arnaud Montebourg dans le gouvernement…

Oui, tout à fait. Les gens peuvent ensuite se révéler. Et je ne parle pas de ceux qui ont truandé comme Thomas Thévenoud. On ne pouvait pas laisser passer ces gamineries.

Je ne suis pas là pour stigmatiser les chômeurs, encore moins pour casser les droits sociaux, mais pour rappeler les règles

Ces événements ont parasité la communication du gouvernement dont la première promesse était d’inverser la courbe du chômage en 2017. Y croyez-vous encore ?

Les entreprises continuent de créer de l’emploi, mais pas assez pour faire face à l’afflux de nouveaux entrants sur le marché du travail comme les jeunes et les femmes. J’ai rencontré le patronat allemand lundi 29 septembre, je me suis fait un petit plaisir. Ils voulaient donner des leçons, mais oublient plusieurs choses : l’Allemagne connaît une baisse de sa démographie et a donc de moins en moins de jeunes entrant sur le marché du travail, elle n’encourage pas non plus les femmes à travailler. Notre système de protection du chômage est fort et permet d’éviter la pauvreté. Le taux de pauvreté des chômeurs français, au sens du BIT, est de 38%. Chez nos voisins allemands, il est de 62%.

Pôle emploi dispose de plusieurs dispositifs pour protéger les demandeurs d’emploi. Il y a donc des personnes qui ne recherchent pas d’emploi et qui sont comptabilisées dans les chiffres. Il s’agit par exemple de personnes en situation de préretraite, qui sont dispensées de recherche. Au sens du BIT, ils ne sont plus demandeurs d’emploi.

La phrase que vous évoquez a en effet provoqué un tôlé, au sein même du parti socialiste. La regrettez-vous ?

Oui ce fut un véritable tollé médiatique. Politique aussi. Ce qui n’a pas empêché 60% de la population d’approuver ce message. Ils ont conscience qu’il faut adapter notre système social, par ailleurs très protecteur : en renforçant les contrôles, en assouplissant les seuils, la législation sur les 35 heures, en autorisant le travail le dimanche. Ils sont bien plus en avance que nous sur la nécessité d’un certain pragmatisme en politique.

Malheureusement, le parti socialiste, ou du moins son secrétariat national refuse toutes ces avancées. Il ne veut pas casser les tabous, se pose en garant de l’ordre social établi. Je ne suis pas là pour stigmatiser les chômeurs, encore moins pour casser les droits sociaux, mais pour rappeler les règles. Et c’est parfois dur. Je ne suis pas un ennemi de l’entreprise, je ne suis pas pour l’économie administrée ni pour les pays communistes. Je me bats depuis longtemps pour une vision libérale de l’économie, de la vie de l’entreprise. Avec des droits sociaux, avec une protection de l’individu.

Les citoyens des classes populaires se rendent bien compte que la droite ou la gauche ne sont pas prêtes à appliquer ces réformes alors ils se tournent vers les extrêmes. C’est ça que je veux éviter. Les socialistes ne vivent plus comme les gens : les élus ne connaissent pas le terrain. Ils ne savent pas comment la vie se déroule dans un HLM, dans le quartier de la Fontaine-d’Ouche, qui rassemble toutes les nationalités, dans sa diversité…

Selon vous les élus sont donc totalement déconnectés du terrain ?

Ils ne l’ont surtout pas connu. Il faut être maire, conseiller municipal conseiller général pour connaître cette réalité. Valls la connaît. A Évry, il l’a vécu. Moi aussi. Beaucoup d’élus n’ont pas fait de combat politique. Dans les quartiers, ils auraient rencontré des citoyens qui touchent le Smic, qui triment et qui peuvent en voir d’autres profiter du système. Ils se disent “pourquoi eux et pas moi” ? Pourquoi c’est comme ça ? Il faut être rigoureux et proche.

En sous-jacent vous semblez dire que ce qui peut marcher par exemple à Dijon, peut fonctionner partout.

Bien entendu. Le chômage a baissé de 8,7 à 8% à Dijon. Comment peut-il baisser dans notre ville et pas dans des endroits similaires ? Il faut se poser la question.

Je suis personnellement convaincu que les résultats seront plus rapides

On a vu que le Conseil Constitutionnel a censuré les allégements de cotisations salariales. Elles devaient concerner 5,2 millions de salariés et 2,2 millions de fonctionnaires. Le motif du Conseil : Méconnaissance du principe d’égalité. Est-ce le cas ?

Les 41 milliards d’euros que nous avons débloqués doivent permettre de redonner des marges de compétitivité aux entreprises. Nous voulions essentiellement les réserver au secteur concurrentiel, mais le Conseil Constitutionnel en a décidé autrement : du coup, cette possibilité sera donnée à toutes les entreprises. Cette mesure va finir par porter ses fruits, le Président en est persuadé. Peut-être que ceci nous fera perdre la prochaine élection Présidentielle mais nous pensons que ceci est une nécessité pour le bien du pays. Si la droite et l’extrême droite reviennent, les entreprises se débrouilleront pour garder leur compétitivité. Quand on fait une politique de l’offre, on est obligé d’être en accord avec l’entreprise.

Vous envisagez donc l’éventualité de perdre la Présidentielle ?

Je ne suis pas pessimiste. Je crois toujours en une victoire. S’il faut être le dernier auprès de François Hollande, je le serai, car la victoire j’y crois. Pour moi, François est le candidat idéal. Mais la réalité c’est qu’une politique de relance par l’offre est très longue à mettre en œuvre et à porter ses fruits.

Je suis personnellement convaincu que les résultats seront plus rapides : dès le premier semestre 2015 pour le CICE par exemple

La dernière réforme que vous avez lancée est celle des seuils sociaux. Pourquoi faut-il les réformer ?

Le nombre d’entreprises de 48 ou de 51 salariés varie du simple ou double, il y a bien une raison. Il faut donc envisager un assouplissement des seuils sociaux. J’ai demandé aux partenaires sociaux de travailler ensemble pour faciliter cette réforme. 66% des entreprises de dix et vingt salariés n’ont pas de délégué du personnel alors que c’est une obligation. Et dans le tiers des entreprises qui en ont un, c’est le patron qui le choisit. Moi, ça m’interpelle.

Il y a des lourdeurs invraisemblables, des réunions inutiles… Le droit doit être réel et pas formel. Le dossier est désormais sur la table des partenaires sociaux. J’espère qu’ils arriveront à un accord avant la fin de l’année. Dans le cas contraire, le gouvernement prendra ses responsabilités.

Le vent souffle dans le bon sens pour Dijon et sa communauté urbaine

Parlons un peu de Dijon. Vous avez transmis le flambeau à votre ami Alain Millot. Quel bilan tirez-vous de ces premiers mois ?

Il est patient, apaisant. C’est d’ailleurs ce que je lui ai dit lors du dernier conseil municipal. Je lui ai envoyé un message, ainsi qu’à Nathalie [Koenders, la première adjointe, NDLR] et Colette [Popard, adjointe au maire déléguée au logement, NDLR] : “Il est bien Alain, il est calme, il est pondéré, à l’écoute. Ça fait du bien au conseil; tout le contraire de moi, car je suis agacé par Vandriesse, Bourguignat, Bichot et je ne parle même pas de Cavin”.

Alain Millot a surtout porté une réforme que vous aviez insufflée au Sénat : le passage en communauté urbaine du Grand Dijon.

Je suis très content d’avoir réussi mon coup. Ce passage en communauté urbaine va changer la dotation globale de fonctionnement (DGF) : de 34 euros par personne, nous allons désormais en toucher 60. Soit une enveloppe supplémentaire de six millions par an. 36 millions sur un mandat. Une marche est lancée vers l’unification des territoires dans le respect des uns et des autres. Il n’y a que la ville de Talant, pour des raisons politiques qui ne lui ont pas vraiment réussi d’ailleurs, qui n’a pas voté favorablement cette modification.

À terme, les territoires défensifs, comme Asnières-lès-Dijon, vont disparaître et nous allons poursuivre notre communauté de destin. Avec comme objectif de devenir une métropole, au cœur d’un bassin de 380 000 habitants, qui va tirer le département vers le haut.

On attendait la sortie de votre livre sur le football pour la rentrée…

(Il pointe son bureau). Il est là. 80% de l’ouvrage était rédigé avant que je n’arrive au ministère du Travail, mais je n’ai pas eu le temps d’écrire la dernière partie, consacré à la coupe du monde de football de juin 2014. Mais il est bien là, dans un tiroir et sortira au moment de l’Euro 2016.

À l’origine je voulais écrire un livre sur mes “France-Brésil”, mais l’éditeur a jugé que je n’étais pas assez connu alors il s’agira toujours de football, mais à travers le prisme politique. Sur les réseaux sociaux, les internautes ont critiqué cette démarche, mais la vérité c’est que l’ouvrage était en partie écrit avant d’arriver ici.

Pour l’Euro 2016 donc. Et avec une équipe en résidence à Dijon ?

La France accueillera en effet la compétition et la ville a postulé pour accueillir une équipe. Le Président de la Fédération française de football, Noël Le Graët, m’a confirmé que nous avions de grandes chances d’être retenus. D’ici là nous aurons avancé sur la construction de la tribune et sur tant d’autres projets comme la Cité de la gastronomie, la rénovation du Musée des Beaux-Arts, du chauffage urbain, sur la classification des climats au patrimoine mondial de l’Unesco. Le vent souffle dans le bon sens pour Dijon et sa communauté urbaine.

, Le Miroir
P.S. Amitiés à Jérémie Lorand – reste bien dans ton journal régional, c’est un des derniers petits espace de liberté d’information pour un journaliste…

Source: http://www.les-crises.fr/je-me-bats-depuis-longtemps-pour-une-vision-liberale-de-leconomie-rebsamen/


La Russie et la Chine vont-elles retenir leur puissance de feu jusqu’à ce que la guerre soit le seul choix possible ? par Paul Craig Roberts

Saturday 4 October 2014 at 01:45

Un billet de Paul Craig Roberts… Je rappelle que cet économiste et journaliste paléoconservateur américain a été sous-secrétaire au Trésor dans l’administration Reagan (1981-1982), et est un des pères fondateurs des Reaganomics. Il a également été rédacteur en chef adjoint au Wall Street Journal. Sa vision décape, en général… Je n’adhère pas à toute, bien évidemment, mais elle permet à chacun d’aiguiser son esprit critique…

C’est toujours intéressant de voir un conservateur libéral américain de premier plan, anticommuniste primaire, tenir des propos de bons sens que nos belles âmes (néo-conservatrices) de gôche sont bien incapables de comprendre…

Le discours d’Obama aux Nations Unies du 24 septembre est la chose la plus absurde que j’ai entendue de toute ma vie. Il est absolument stupéfiant que le Président des États-Unis puisse se présenter devant le monde entier pour tenir des propos que tout un chacun sait être de fieffés mensonges, tout en faisant simultanément la démonstration des doubles standards de Washington et de sa conviction que, de par le caractère exceptionnel et indispensable des États-Unis, Washington seul dispose du droit de violer toutes les lois.

Il est encore plus stupéfiant qu’aucune personne présente ne se soit levée pour quitter l’assemblée.

En fait, les diplomates du monde entier sont restés assis et ont écouté les mensonges éhontés du pire terroriste mondial. Ils ont même applaudi pour montrer leur approbation.

Le reste du discours n’était que pure foutaise : « Nous sommes à la croisée des chemins », « jalons du progrès », « risques réduits de guerre entre puissances majeures », « des centaines de millions tirés hors de la pauvreté », et tandis qu’ebola ravage l’Afrique, « nous avons appris à soigner la maladie et dompter l’énergie du vent et du soleil ». Désormais nous sommes Dieu. Ce “nous” est constitué de ce “peuple exceptionnel” – les Américains. Personne d’autre ne compte. Il n’y a que “nous”.

Il est impossible de choisir la déclaration la plus absurde du discours d’Obama, ou le mensonge le plus révoltant. Serait-ce celui-ci ? « L’agression russe en Europe nous rappelle les jours où les grandes nations piétinaient les petites pour satisfaire leurs ambitions territoriales ».

Ou bien celui-là ? « Après le lancement de manifestations populaires et d’appels à réformes par le peuple d’Ukraine, leur président corrompu a pris la fuite. La Crimée a été annexée contre la volonté du gouvernement de Kiev. La Russie a déversé des armes dans l’est de l’Ukraine, alimentant un mouvement séparatiste violent et un conflit qui a fait des milliers de morts. Lorsqu’un avion de transport civil a été abattu à partir de territoires que ces milices contrôlaient, elles ont refusé l’accès au site du crash pendant des jours. Lorsque l’Ukraine a commencé à reprendre le contrôle de son territoire, la Russie a cessé de faire semblant de se contenter de soutenir les séparatistes et a fait franchir la frontière à ses troupes. »

Le monde entier sait que Washington a renversé le gouvernement ukrainien élu, que Washington refuse de divulguer ses photos satellite de la destruction de l’avion de ligne malaisien, que l’Ukraine refuse de divulguer les instructions de son contrôle aérien à l’avion, que Washington a empêché une véritable enquête sur sa destruction, que les experts européens présents sur place ont témoigné que les deux côtés du cockpit de l’appareil montraient des traces de mitraillage, signes que l’avion a été abattu par les jets ukrainiens qui le suivaient. De fait, il n’y a eu aucune explication des raisons pour lesquelles deux jets ukrainiens talonnaient un avion de ligne guidé par un centre de contrôle aérien ukrainien.

Le monde entier sait que si la Russie avait eu des ambitions territoriales, alors lorsque l’armée russe, lors de l’attaque de l’Ossétie du Sud, avait vaincu l’armée géorgienne, entraînée et équipée par les Américains, elle aurait gardé la Géorgie et l’aurait réintégrée à la Russie, où elle fut durant des siècles.

Notez que les bombardements et invasions de sept pays en treize ans par Washington sans déclaration de guerre ne constituent pas une agression. Il y a agression lorsque la Russie accepte le résultat du référendum des habitants de la Crimée qui ont voté à 97 % en faveur d’une réunification avec la Russie, dont la Crimée a fait partie pendant des siècles, avant que Krouchtchev ne la greffe à la République Socialiste Soviétique d’Ukraine en 1954, alors même qu’Ukraine et Russie ne formaient qu’un seul pays.

Et le monde entier sait que, comme l’a déclaré le leader séparatiste de la République de Donetsk, « Si des unités militaires russes combattaient avec nous, ce n’est pas la chute de Marioupol qui ferait la Une mais celle de Kiev et de Lviv. »

Quel est « le cancer de l’extrémisme violent » : l’EIIL, qui a décapité quatre journalistes, ou bien Washington, qui a bombardé sept pays au cours du XXIe siècle, assassinant des centaines de milliers de civils et causant des millions de réfugiés ?

Qui est le pire terroriste : l’EIIL, un groupe qui redessine les frontières artificielles créées par les colonialistes britanniques et français, ou bien Washington et sa doctrine Wolfowitz, à la base de la politique étrangère des États-Unis, qui proclame que l’objectif principal de Washington est l’hégémonie américaine sur le monde ?

L’ElIL est la création de Washington. L’ElIL est formé des djihadistes dont Washington s’est servi pour renverser Kadhafi en Libye puis a envoyé en Syrie pour renverser Assad. Si l’ElIL est une « nébuleuse de la mort », un « étendard du mal » avec lequel toute négociation est impossible, comme Obama le déclare, c’est une nébuleuse de la mort créée par le régime d’Obama lui-même. Si l’ElIL est la menace qu’Obama proclame, comment le régime qui a créé cette menace peut-il être crédible en menant la guerre contre elle ?

Obama n’a jamais évoqué dans son discours le problème majeur qu’affronte le monde. Ce problème est l’incapacité de Washington à accepter l’existence de puissances indépendantes telles que la Russie et la Chine. La doctrine néoconservatrice Wolfowitz impose aux États-Unis de maintenir son statut d’unique superpuissance. Cette tâche nécessite que Washington « empêche toute puissance hostile de dominer une région dont les ressources pourraient êtres suffisantes pour générer une puissance mondiale si elles étaient placées sous un contrôle unifié ». Une “puissance hostile” est n’importe quel pays qui a suffisamment de pouvoir ou d’influence pour être en mesure de limiter l’exercice de la puissance de Washington.

La doctrine Wolfowitz cible explicitement la Russie : « Notre objectif primordial est d’empêcher la ré-émergence d’un nouveau rival, aussi bien sur le territoire de l’ancienne Union soviétique qu’ailleurs. » Est défini comme « rival » tout pays capable de défendre ses intérêts ou ceux de ses alliés contre l’hégémonie de Washington.

Dans son discours, Obama a dit à la Russie et à la Chine qu’elles pouvaient faire partie de l’ordre mondial défini par Washington, à condition d’accepter l’hégémonie de Washington et de n’interférer en aucune manière avec son contrôle. Quand Obama déclare à la Russie que les États-Unis coopéreront avec elle « si la Russie change de cap », Obama entend par là que Moscou doit accepter la primauté des intérêts de Washington sur les siens propres.

Cette position est très clairement inflexible et irréaliste. Si Washington s’y tient, alors la guerre avec la Russie et la Chine en découlera.

Obama a dit à la Chine que Washington entendait continuer à être une puissance dans le Pacifique au sein de la sphère d’influence chinoise, « en soutenant la paix, la stabilité et la liberté des échanges commerciaux entre les nations » grâce à la construction de nouvelles bases militaires américaines, aériennes et navales, des Philippines au Vietnam, de sorte que Washington puisse contrôler les échanges de ressources dans le Sud de la Mer de Chine et isoler la Chine à loisir.

Pour autant que je puisse en juger, ni le gouvernement russe ni le gouvernement chinois n’ont pris la mesure de la menace que représente Washington. La volonté américaine d’hégémonie mondiale semble trop farfelue pour que les Russes et les Chinois la prennent au sérieux. Mais elle est bien réelle.

En refusant de prendre la menace au sérieux, la Russie et la Chine n’ont pas eu les réactions qui auraient été susceptibles de mettre fin à la menace sans recours à la guerre.

Par exemple, le gouvernement russe pourrait très probablement détruire l’OTAN en signifiant aux gouvernements européens qu’en réponse aux sanctions imposées par Washington et l’UE, la Russie ne vendrait pas de gaz naturel aux membres de l’OTAN. Au lieu d’utiliser ce pouvoir, la Russie a sottement laissé l’UE accumuler des stocks historiques de gaz naturel qui sont suffisants pour permettre aux habitations et à l’industrie de passer l’hiver prochain.

La Russie a-t-elle sacrifié ses intérêts nationaux pour l’argent ?

L’axe du pouvoir de Washington et de son hégémonie financière repose sur le rôle du dollar comme monnaie de réserve mondiale. La Russie et la Chine ont été lentes, voire négligentes du point de vue de la défense de leur souveraineté, à profiter des occasions d’affaiblir ce pilier du pouvoir de Washington. Par exemple, les palabres des BRICS sur l’abandon du système de paiement en dollars a davantage consisté en paroles qu’en actes. La Russie ne demande même pas aux états européens vassaux de Washington de payer leur gaz naturel en roubles.

On pourrait penser qu’un pays comme la Russie, qui subit cette hostilité extrême et cette diabolisation par l’Occident utiliserait au moins ses ventes de gaz pour soutenir sa propre monnaie plutôt que le dollar de Washington. Si le gouvernement russe continue à soutenir les économies de pays qui lui sont hostiles et à permettre aux populations d’Europe de ne pas geler cet hiver, est-ce que la Russie, en échange de cette extraordinaire aide financière à ses ennemis, ne devrait pas au moins soutenir sa propre monnaie en demandant des paiements en roubles ? Malheureusement pour la Russie, elle est infestée d’économistes néolibéraux formés par l’Occident, qui représentent les intérêts de l’Occident et non ceux de la Russie.

Quand l’Occident constate une aussi extraordinaire faiblesse de la part du gouvernement Russe, Obama peut aller à l’ONU et dire les mensonges les plus flagrants au sujet de la Russie sans aucune conséquence pour les États-Unis ou l’Europe. L’inaction russe alimente la diabolisation de la Russie. La Chine n’a pas mieux réussi que la Russie à exploiter cette occasion de déstabiliser Washington. Par exemple il est avéré, comme Dave Kranzler et moi l’avons plusieurs fois démontré, que la Réserve Fédérale utilise ses agents bancaires du COMEX (“bullionbanks”) pour faire chuter le cours de l’or et ainsi protéger la valeur du dollar du résultat des politiques de la Réserve Fédérale. La méthode consiste à faire vendre à découvert d’énormes quantités par ces banques durant les périodes où le volume de transaction est faible ou inexistant afin de faire baisser le cours de l’once [NdT: et provoquer une ruée bancaire sur le dollar].

La Chine ou la Russie, voire les deux, pourraient tirer avantage de cette tactique en achetant toutes les positions de ventes à découvert ["naked shorts"], plus toutes les positions de ventes couvertes ["covered shorts"], s’il y en a, et exiger leur livraison plutôt que conclure les contrats en cash. Ni le New York Comex, ni le marché londonien ne pourraient en faire livraison, et le système imploserait. La conséquence de cette incapacité pourrait être catastrophique pour le système financier Occidental, mais au moins, elle démontrerait la corruption des institutions financières occidentales.

Ou bien la Chine pourrait envisager un coup plus fatal. Choisissant un moment d’effervescence ou d’instabilité des marchés financiers américains, elle pourrait déverser sur le marché les bons du Trésor qu’elle détient pour plus de mille milliards de dollars, ou encore vendre toutes ses parts d’instruments financiers américains. La Réserve Fédérale et le Trésor pourraient essayer de stabiliser les cours des dits instruments en créant l’argent nécessaire à leur rachat. Cette création monétaire augmenterait les inquiétudes sur la valeur réelle du dollar, et la Chine pourrait alors remettre sur le marché les plus de mille milliards de dollars produits par la vente de ses bons du Trésor. La Réserve Fédérale ne pouvant pas imprimer de monnaies étrangères pour acheter ses dollars, la valeur d’échange du dollar s’effondrerait et, avec elle, son usage comme monnaie de réserve mondiale. Les États-Unis deviendraient juste un pays ruiné de plus et incapable de payer ses importations.

On peut penser que Washington pourrait obtenir du Japon et de la Banque Centrale Européenne l’impression des yens et euros nécessaires pour racheter massivement les dollars déversés. Mais cela coulerait probablement le yen et l’euro avec le dollar.

Il y aurait alors une fuite vers les monnaies chinoises et russes, et l’hégémonie financière quitterait l’Occident.

Par leur retenue, la Russie et la Chine encouragent l’agressivité de Washington à leur encontre. La semaine dernière, Washington a envoyé des milliers de ses agents travaillant dans des ONG dans les rues de Moscou pour protester contre «la guerre de Poutine en Ukraine». Sottement, la Russie a permis à des capitaux étrangers d’acquérir ses journaux, qui maintenant mettent continuellement en accusation Poutine et le gouvernement russe auprès des lecteurs russes.

La Russie a-t-elle vendu son âme et sa communication pour des dollars ? Est-ce que quelques oligarques ont bradé la Russie pour des dépôts bancaires en Suisse ou à Londres ?

Tant la Chine que la Russie ont des populations musulmanes où la CIA œuvre en encourageant le séparatisme, la rébellion et la violence. Washington a l’intention de fragmenter la Fédération Russe en pays plus petits et plus faibles qui ne pourraient pas barrer la route à son hégémonie. La crainte, chez les Chinois et les Russes, de mouvements de dissension au sein de leurs populations musulmanes, a poussé les deux gouvernements à faire la très sérieuse erreur stratégique de s’aligner sur Washington contre l’EIIL et donc sur sa politique visant à protéger le statu quo de Washington dans le monde musulman.  [...]

La Chine fait l’objet de toutes sortes d’attaques. La Fondation Rockefeller recrute des agents dans les universités chinoises, comme m’en informent des universitaires chinois. Les entreprises américaines localisées en Chine forment des comités d’administration chinois où elles installent des parents de membres officiels locaux ou régionaux du parti. La loyauté au gouvernement central est ainsi reportée sur l’argent américain. En outre, il y a en Chine de nombreux économistes formés aux États-Unis qui sont imprégnés par l’économie néolibérale représentant les intérêts de Washington.

Il y a tant, en Russie qu’en Chine, de pourcentages significatifs de leur population qui souhaiteraient être occidentales. L’échec du communisme dans les deux pays et le succès de la propagande américaine de la guerre froide ont engendré des loyautés vis-à-vis de l’Amérique, plutôt que vis-à-vis de leurs propres gouvernements. En Russie, ils sont connus sous le terme d’« intégrationnistes atlantistes ». Il s’agit de Russes qui souhaitent être intégrés à l’Occident. Je connais moins bien leurs équivalents chinois, mais parmi les jeunes, le matérialisme occidental et l’absence de contraintes en matière sexuelle sont attrayants.

L’incapacité des gouvernements russes et chinois à résoudre la menace que pose pour leur existence d’États souverains l’insistance néo-conservatrice à réaliser une hégémonie mondiale américaine augmente le risque de conflit nucléaire. Si la Russie et la Chine entrent trop tard dans la partie, la seule alternative sera la guerre ou la soumission à l’hégémonie de Washington. Comme il est impossible que l’OTAN puisse envahir et occuper la Russie et la Chine, la guerre ne peut être que nucléaire.

Pour éviter cette guerre, qui, comme la plupart des experts l’ont démontré, mettrait un terme à la vie sur terre, les gouvernements russes et chinois doivent rapidement adopter une position beaucoup plus réaliste dans leur estimation du mal qui réside dans ce que Washington a transformé en pire État terroriste du monde : les États-Unis.

Il est possible que la Russie, la Chine et le reste du monde soient sauvés par l’effondrement de l’économie américaine. L’économie des États-Unis est un château de cartes. Le vrai  revenu médian [terme technique statistique] des ménages est en déclin à long terme. Les universités produisent des étudiants qui ont un diplôme et de lourdes dettes, mais pas d’emploi. Le marché des bons du Trésor est truqué par la Réserve Fédérale, qui a besoin de truquer les marchés des lingots pour protéger le dollar. Le marché boursier est truqué par le déversement d’argent de la Réserve Fédérale, par la Plunge Protection Team et par les sociétés qui rachètent leurs propres titres. Le dollar est soutenu par la tradition, l’habitude et les swaps de devises.

Le Château de Cartes américain reste debout uniquement du fait de la tolérance du monde pour une corruption et une désinformation immenses et de l’avidité satisfaite par l’argent provenant d’un système truqué.

La Russie et/ou la Chine pourraient balayer ce Château de Cartes dès lors que l’une d’entre elles ou les deux aurait un leadership qui en serait capable.

Source : Paul Craig Roberts, PaulCraigRoberts.org, 25/09/2014

Source: http://www.les-crises.fr/la-russie-et-la-chine-vont-elles-retenir-leur-puissance-de-feu-jusqua-ce-que-la-guerre-soit-le-seul-choix-possible-par-paul-craig-roberts/


L’Homme qui n’avait pas d’ironie – Obama réécrit l’Histoire à l’ONU, par Gary Leech

Saturday 4 October 2014 at 01:30

Fin de la série sur Obama à l’ONU…

Garry Leech est un journaliste indépendant et l’auteur de nombreux livres dont : Capitalism : A Structural Genocide (Zed Books, 2012) ; Beyond Bogota : Diary of a Drug War Journalist in Colombia (Beacon Press, 2009) ; et Crude Interventions : The United States Oil and the New World Disorder (Zed Books, 2006). Il est également conférencier au Département de Sciences Politiques à l’Université de Cape Breton au Canada.

Cette semaine le président américain Barack Obama s’est adressé à l’Assemblée générale des Nations Unies et l’ironie involontaire de son discours aurait été drôle, si elle n’avait été si cruelle – et dangereuse. Obama devait aborder divers sujets d’importance mondiale, de l’épidémie Ebola à l’Ukraine, à l’État islamique (autrefois dénommé EIIL). Quelle était donc cette ironie involontaire si présente dans son discours ?

Eh bien, je vous en livre ici quelques pépites choisies :

« Nous voyons l’avenir non pas comme quelque chose qui nous échappe, mais comme quelque chose que nous pouvons façonner pour le meilleur par l’effort concerté et collectif. »

Obama a négligé de considérer que la raison pour laquelle l’avenir semble hors de contrôle tient précisément aux interventions des États-Unis dans des territoires éloignés tels que l’Irak ou l’Ukraine. L’action illégale et unilatérale — plutôt qu’un effort collectif légal sous l’égide des Nations Unies — visant à conquérir et occuper l’Irak est à l’origine de la nouvelle intervention américaine dans ce pays et en Syrie.

« Les actions de la Russie en Ukraine ont défié cet ordre de l’après-guerre. Voici les faits. Après la mobilisation du peuple d’Ukraine par des manifestations populaires et un appel aux réformes, leur président corrompu s’est enfui. Contre la volonté du gouvernement de Kiev, la Crimée fut annexée. »

C’est là une déformation choquante des « faits », mais qui est crédible pour beaucoup d’Américains, car c’est le récit dont l’industrie des médias nous a régulièrement gavés.

Après que nos leaders politiques et les médias grand public nous aient dit, à l’époque, que le mouvement Euromaïdan constituait un soulèvement populaire, les événements ultérieurs nous ont mis à nu ce mensonge. Le mouvement Euromaïdan ne représentait qu’une fraction de la population ukrainienne alliée aux intérêts américains et européens. Plus encore, ce mouvement était soutenu par Washington bien avant que les manifestations ne commencent, et ce, afin de déstabiliser le pays et de renverser le président démocratiquement élu, parce qu’il était plus proche de la Russie que de l’Europe occidentale. Si la Russie est indiscutablement mêlée aux affaires ukrainiennes, c’est tout de même un voisin qui a noué des liens intimes, voire ethniques, avec de nombreux Ukrainiens. Imaginons la réponse des États-Unis si la Russie intervenait politiquement au Canada pour mettre en place un gouvernement anti-américain.

Et la Crimée n’a pas été « annexée », le peuple de Crimée a voté la sécession lors d’un référendum. Le fait que le nouveau gouvernement d’Ukraine, illégal et non-élu ait déclaré que la sécession de la Crimée violait la Constitution ukrainienne devenait véritablement ironique, puisque ce même gouvernement vint au pouvoir par le renversement anticonstitutionnel du président démocratiquement élu. Considérant le nombre d’habitants en Crimée qui ont voté pour la sécession et le grand nombre d’habitants de l’Est de l’Ukraine qui se battent pour la sécession plutôt que de vivre sous un nouveau gouvernement soutenu par les USA et l’UE, il est clair que le mouvement Euromaïdan ne parlait pas au nom de tous les Ukrainiens

« C’est une vision du monde où la force dicte le droit – un monde dans lequel les frontières d’une nation peuvent être redessinées par une autre et où des gens civilisés ne sont pas autorisés à récupérer les restes de leurs proches parce que la vérité pourrait être révélée. L’Amérique défend autre chose. Nous croyons que le droit fait la force – que les nations les plus importantes ne devraient pas pouvoir tyranniser les plus petites et que les gens devraient pouvoir choisir leur propre avenir. »

Par où commencer avec celle-là ? Sans aucun doute l’exemple le plus frappant de frontières d’une nation redessinées par d’autres au cours du dernier demi-siècle n’est pas l’EIIL en Irak et en Syrie, mais bien celui d’Israël en Palestine. Après la Seconde Guerre Mondiale, les Palestiniens vivaient sur 94 % du territoire connu sous le nom de Palestine. Aujourd’hui, ils n’occupent que 15 % du territoire et plus de 5 millions d’entre eux vivent dans des camps de réfugiés dans des pays voisins. Cependant, Israël poursuit l’occupation militaire de la rive ouest du Jourdain et l’installation de colons juifs dans les territoires occupés en violation du droit international. Le principal soutien politique, militaire et économique d’Israël, ce sont les États-Unis.

L’affirmation d’Obama selon laquelle « les grandes nations ne devraient pas pouvoir tyranniser les plus petites » est en totale contradiction avec la politique étrangère des USA, en faits et en actes, au cours de ces dernières décennies. Depuis 1980, les États-Unis sont intervenus militairement 37 fois dans 27 pays. En cinq ans, le président Obama a lui-même ordonné des attaques américaines contre sept nations (l’Irak, l’Afghanistan, le Pakistan, la Somalie, le Yémen, la Libye et maintenant la Syrie). Parmi les pays bombardés ou envahis pendant cette période, le Panama, Haïti ou la Grenade égalent difficilement les États-Unis, que ce soit par leur taille géographique ou leur puissance militaire. En fait, depuis ces cinquante dernières années, aucun pays n’arrive à la cheville des USA en matière d’ « intimidation de plus petites nations ».

« L’Irak est à nouveau au bord du gouffre. Le conflit a créé un terreau fertile pour le recrutement de terroristes qui exporteront inévitablement cette violence. »

Obama était proche de la vérité avec cette affirmation, mais il a complètement passé sous silence l’aspect le plus crucial des circonstances qui ont plongé l’Irak dans l’abîme, à savoir l’invasion et l’occupation américaine. L’abîme auquel se réfère Obama a été la période pendant laquelle l’insurrection irakienne combattait l’occupation militaire illégale de leur pays par les États-Unis. Ce fut l’invasion et l’occupation de l’Irak par les États-Unis, en violation du droit international, qui ont ouvert la porte du pays à Al-Qaïda et finalement, donné aussi naissance à l’EIIL. Ce sont les actions impérialistes des États-Unis à l’encontre d’une nation qui ne présentait aucune menace pour eux qui ont créé un « terreau fertile pour le recrutement de terroristes ». Ne l’oublions pas, il n’y avait aucun groupe extrémiste islamiste en Irak avant l’invasion américaine.

« Les pays du monde arabo-musulman doivent se concentrer sur le potentiel extraordinaire de leur population – en particulier les jeunes. »

Cette déclaration est moins ironique qu’incroyablement arrogante. Cette même arrogance impérialiste qui alimente les interventions militaires de Washington au Moyen-Orient et partout dans le monde permet aussi à Obama de croire qu’il peut dire au monde arabe et musulman ce sur quoi il « doit » se concentrer.

« Aucun pouvoir extérieur ne peut engendrer une transformation des cœurs et des esprits. Mais l’Amérique sera un partenaire constructif et respectueux. »

Je ne suis pas certain que les milliers de familles dont les proches ont été réduits en miettes par des bombes américaines en Irak, en Afghanistan, au Pakistan, en Somalie, au Yémen, en Libye et en Syrie voient les États-Unis comme un « partenaire respectueux et constructif » dans la lutte contre l’extrémisme. Et, en fait, les États-Unis ont amené une « transformation des cœurs et des esprits » au Moyen-Orient ; leur agression militaire dans la région et leur soutien inconditionnel à Israël ont radicalisé un nombre significatif de musulmans. La veille du discours d’Obama aux Nations Unies, les premières attaques aériennes des États-Unis contre la Syrie ont tué 31 civils. La tuerie incessante, de cette manière, de civils va probablement radicaliser un nombre croissant de Syriens. En bref, ces mêmes tactiques qui ont engendré l’extrémisme ne vont pas éliminer l’extrémisme ; elles ne vont faire que l’encourager.

« Les États-Unis ne renonceront jamais à défendre leurs intérêts. »

Peut-être l’affirmation la plus vraie qu’ait exprimé Obama dans son discours. Après tout, l’intervention militaire américaine au Moyen-Orient est principalement motivée par les intérêts américains plutôt que par la promotion de la démocratie et des droits de l’homme. Après tout, si la politique étrangère américaine avait été vraiment motivée par ces derniers, alors Washington aurait depuis longtemps renversé la dictature impitoyable qui gouverne chez son proche allié l’Arabie Saoudite aussi bien que chez ses autres amis aux gouvernements autoritaires. Oh, à propos, le gouvernement Saoudien a fait décapiter huit citoyens le mois dernier.

Source : Garry Leech  Counterpunch, 26/09/2014

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/lhomme-qui-navait-pas-dironie-obama-reecrit-lhistoire-a-lonu-par-gary-leech/


Revue de presse du 4/10/2014

Saturday 4 October 2014 at 00:45

Côté séries cette semaine, un autre épisode sur les lobbys en France, la vraie fin de celle sur la banque mondiale (il y en avait 8 et non 6…), l’article final sur les pathologies du pouvoir. Et de nombreux autres articles ;-) Bonne lecture.

Source: http://www.les-crises.fr/revue-de-presse-du-4-10-2014/


[Reprise] Union Européenne et Russie : les inquiétants malentendus de deux visions diplomatiques, par Roland Hureaux

Friday 3 October 2014 at 03:20

Roland Hureaux est un essayiste français, haut-fonctionnaire (Normale Sup, ENA).

En Ukraine, l’Union européenne applique des principes opposés à ceux qu’elle promeut ailleurs

Si l’on examine les motifs du contentieux entre l’Union européenne et la Russie au sujet de l’Ukraine, on voit que sur la plupart des points la position de l’Union est en contradiction avec les principes qu’elle promeut ailleurs.

C’est à l’évidence le cas du soutien à la révolution dite de la place Maïdan qui a renversé le 22 février dernier le président Viktor Ianoukovitch et permis l’élection le 25 mai (avec 40 % d’abstentions) de son successeur Petro Porochenko. Le renversement par la rue d’un président légitimement élu comme Ianoukovitch, pour impopulaire qu’il ait été, est totalement contraire aux valeurs que l’Union européenne prétend défendre. Que dirait-on à Bruxelles si le président Hollande, très impopulaire aussi, comme on sait, devait se retirer de la même manière ? Ajoutons que le mouvement de Maïdan a une composante néo-nazie qui n’est pas précisément sympathique. D’aucuns invoquent la corruption de Ianoukovitch, mais les gouvernements pro-occidentaux qui avaient suivi les révolutions “oranges” de 2004, en Géorgie comme en Ukraine, l’étaient-ils moins ?

Le respect des minorités linguistiques est inscrit dans différents documents publics de l’Union européenne, notamment la Charte des langues régionales. Quand le Parlement ukrainien retire tout statut officiel à la langue russe en Ukraine, au bénéfice de l’ukrainien qui en est très proche mais qui demeure une autre langue, et cela alors même que le russe est parlé par presque toute la population et qu’il est la langue unique du tiers oriental du pays, comment ne pas y voir une provocation ? Mais elle ne gêne nullement l’Union européenne dès lors que la victime est la minorité russophone de l’Ukraine.

Le fédéralisme et la décentralisation sont au cœur de la doctrine européenne, non seulement quand il s’agit d’elle-même, mais aussi au sein des États membres, sur le modèle allemand, dit-on (1). Le Comité des régions d’Europe a un statut officiel depuis le traité de Maastricht (1992). Le projet français de “grandes régions”, susceptibles de recevoir le maximum des attributions de l’État central est issu, en partie, des courants de pensée dominants à Bruxelles. Les bons élève de l’Europe, comme l’Espagne, ont poussé à fond la logique de la décentralisation. Rien ne laisse supposer à ce jour, que la Russie veuille annexer l’Ukraine. Aussi un grand pas en avant serait-il fait dans la solution du conflit, si Kiev acceptait un statut fédéral pour ses provinces russophones, y laissant au russe le statut de langue officielle. Bien que cette revendication aille pleinement dans le sens des idées de l’Union européenne, Bruxelles, à l’évidence, ne pousse nullement son partenaire ukrainien dans ce sens.

On peut certes considérer l’annexion de la Crimée par la Russie comme une violation du droit international. Dommage que l’Union européenne ait montré l’exemple en ratifiant l’indépendance du Kosovo, décidée par les États-Unis en 2009, violation tout aussi flagrante de ce même droit et d’autant plus grave qu’elle créait, elle, un précédent.

D’une façon plus générale, le morcellement étatique ne semble pas gêner les instances bruxelloises qui savent bien que plus les États membres seront nombreux et faibles, plus elle a des chances de régner. Elle a joué le rôle que l’on sait, à l’instigation de l’Allemagne, dans l’éclatement sanglant de la Yougoslavie, elle n’a pas objecté à celui de la Tchécoslovaquie. Elle n’a pas fait obstacle non plus, que nous sachions, à l’aspiration de l’Écosse à indépendance.

Même si on peut contester sa valeur juridique, personne ne doute que le résultat du référendum par lequel la Crimée a demandé son rattachement à la Russie ait reflété la volonté de l’immense majorité des habitants de la péninsule. Pourquoi dès lors refuser à la Crimée ce qu’on a accordé à la Slovaquie et au Monténégro ? Certes, dans le cas de la Crimée l’aboutissement est le rattachement à la Russie, pas l’indépendance. Mais au regard du principe fondamental d’autodétermination des peuples, l’effet est le même. Quant au sort des minorités, gageons qu’il vaut mieux aujourd’hui être Tatar en Crimée que Serbe au Kosovo !

On pourrait élargir le sujet et dire que tant dans le cas du Kosovo que de l’Ukraine, Bruxelles semble avoir une forte complaisance pour les États ouvertement mafieux! Ou encore évoquer le rôle des néo-nazis dans le gouvernement de Kiev. Mais cela est une autre histoire.

En tous les cas, il est clair que pour l’Union européenne, l’État unitaire et l’intégrité territoriales ne sont sacrés nulle part, sauf en Ukraine.

Roland HUREAUX, sur son blog

(1) De fait, une vraie fédération est un rassemblement d’entités unitaires, ce qu’est l’Allemagne, mais ce que ne sera pas l’Europe telle que la veut la Commission.

Union Européenne et Russie : les inquiétants malentendus de deux visions diplomatiques

Le plus inquiétant dans le conflit entre l’Union européenne (et à un degré moindre l’Occident) et la Russie au sujet de l’Ukraine n’est pas le supposé conflit d’intérêts (on se demande d’ailleurs lesquels !) mais une discordance totale des modes de pensée diplomatiques qui ouvre la porte aux pires malentendus.

“La Russie est un rébus enveloppé d’un mystère au sein d’une énigme” se plaisait à dire Winston Churchill. Le grand homme avait la conception la plus classique de la diplomatie, venue sans doute de la plus haute antiquité mais qui avait pris sa forme la plus achevée dans les chancelleries européennes après les traités de Westphalie. Elle avait continué d’inspirer les conceptions diplomatiques dans le courant du XXe siècle, alors que l’Union soviétique adoptait à partir de 1917 une logique marxiste-léniniste à caractère idéologique, dont la regrettée Annie Kriegel avait montré comment elle était stratifiée en plusieurs niveaux. (1)

Les intérêts de la Russie

Beaucoup considèrent aujourd’hui avec la même perplexité la diplomatie de Poutine “Que veut Poutine ? Comment faut-il le prendre? Quel sont ses desseins secrets ?” est devenu un leitmotiv des médias occidentaux et même l’interrogation de nombreux hommes politiques.

Pourtant qui ne voit que nous sommes aujourd’hui à front renversé ? C’est Poutine qui joue le même jeu classique qui était celui de Churchill – et de bien d’autres de Richelieu à De Gaulle, et un Churchill ressuscité sans nul doute le comprendrait très bien, et c’est l’Occident et singulièrement l’Union européenne qui se trouvent engagés, encore plus radicalement peut-être que la défunte URSS dans une diplomatie de type idéologique. (2)

La diplomatie classique est simple parce qu’elle n’a qu’un seul objectif : défendre les intérêts du pays qu’elle a en charge (nous disons le pays et non l’État car ces termes, que les juristes distinguent aujourd’hui, étaient confondus au temps de Louis XIV)

Les intérêts, ce sont beaucoup de choses : l’intégrité territoriale, l’indépendance (dans le respect des accords conclus), la sécurité, les intérêts économiques qui commanderont par exemple la sécurité de certains approvisionnements stratégiques, le maintien de certains liens historiques (ainsi, ceux que la France a gardés en Afrique), le rayonnement culturel. Et cela suppose aussi, pour une grande puissance, sinon un glacis, du moins un minimum de respect et de coopération de la part des pays du proche voisinage, surtout quand ces pays ont avec elle des liens anciens tels ceux de l’Ukraine et de la Russie. C’est particulièrement ce dernier aspect de la politique de puissance classique qui est contesté à Poutine. Pourtant quoi de plus naturel ? La France accepterait-elle que la Belgique entrât dans une alliance qui lui soit hostile. Si la Belgique était neutre, pourquoi pas l’Ukraine ? Le Mexique, même quand il se trouvait aux portes du communisme, dans les années trente, a toujours gardé une certaine déférence envers son grand voisin du Nord, a préservé une coopération économique privilégiée avec lui, fort inégale d’ailleurs, et s’est bien gardé de s’engager contre lui dans la guerre froide, limitant la solidarité révolutionnaire à ne pas rompre les relations diplomatiques avec Cuba.

Ces liens de voisinage, nécessairement déséquilibrés, peuvent être abusifs. Ils le furent quand l’URSS communiste contrôlait tous les pays d’Europe centrale. Ils le sont quand des expériences pharmaceutiques sont menées aujourd’hui, sans leur consentement sur les populations du Guatemala. Mais ils sont en eux-mêmes naturels et ne sauraient être confondus d’aucune manière avec la volonté d’hégémonie mondiale qui sous-tend la politique des empires idéologiques. (3)

Les idéaux de l’Union européenne

La diplomatie idéologique, elle, à la différence de la diplomatie classique, ne cherche pas d’abord à défendre des intérêts mais à propager des principes ou des idéaux.

Alors qu’une diplomatie d’intérêt s’intéresse à des degrés divers au reste du monde, en fonction de sa plus ou moins grande proximité, une diplomatie idéologique est par définition universelle. Dès lors qu’elle se fonde non point sur les intérêts d’un groupe humain et géographique particulier mais sur une philosophie applicable à toute l’humanité, le rayon de son action n’a potentiellement pas de limites. Comme autrefois l’URSS qui prétendait répandre la révolution prolétarienne partout, les États-Unis qui se veulent les garants de la liberté et les gendarmes du monde étendent aujourd’hui leur rayon d’action sur toute planète.

L’Union européenne n’en est pas encore là mais, parmi les objectifs du traité de Rome, figure celui d’« affermir, par la constitution de cet ensemble de ressources, les sauvegardes de la paix et la liberté, et d’appeler les autres peuples d’Europe qui partagent leur idéal à s’associer à leur effort ». Le traité actuel a encore plus d’ambition : “L’Union a pour but de promouvoir la paix, ses valeurs et le bien-être de ses peuples “(article 3) et encore de ” développer et renforcer la démocratie et l’État de droit ainsi que le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans le monde”.

Tous les pays d’Europe et même d’autres ont donc potentiellement vocation à intégrer l’Union européenne et, dans l’esprit de ceux qui la dirigent, s’est peu à peu formée l’idée que l’appartenance à l’Union signifiait par elle-même l’appartenance au camp de la liberté et de la démocratie. C’est ainsi que le caractère démocratique de la Turquie, candidate à l’adhésion, n’a guère été mis en doute jusqu’à une date récente, alors que la Russie qui n’a manifestement pas vocation à rejoindre l’Union ne saurait être, vue de Bruxelles, qu’une dictature.

L’élargissement de l’Union signifiant un progrès du bien sur la planète, il est normal que les instances communautaires envisagent d’étendre ses frontières aussi loin que possible à l’Est et donc jusqu’aux portes de Moscou. C’est le sens de sa décision de proposer à l’Ukraine un traité de libre-échange préalable à l’adhésion et comme la politique de défense de l’Union ne se distingue plus guère de celle de l’OTAN, préalable aussi à l’adhésion à celle-ci.

La diplomatie idéologique ne se veut pas d’abord la défense d’intérêts ; elle vise la fin de l’histoire. Tout ce qui s’oppose à sa perspective eschatologique ne peut donc qu’exaspérer ses tenants.

Préparant l’avènement du bien, l’idéologie est nécessairement manichéenne: elle est le camp du bien, ses adversaires ne sont pas seulement des joueurs autour du même échiquier, ils sont le camp du diable. L’hystérie actuelle à l’égard de la Russie, non point des peuples, heureusement, mais des milieux de Bruxelles et d’une partie des médias dépasse peut-être celle qui existait entre les nations en 1914.

C’est bien là le danger d’une diplomatie idéologique : elle est aminée d’une logique qu’aucune considération de prudence ne vient arrêter.

Il est possible que Poutine, même s’il en est visiblement exaspéré, comprenne le jeu de ceux qu’il affronte puisque il a, comme tous les Russes, l’expérience de 73 ans de régime idéologique, mais en revanche un adversaire comme lui, qui parle le langage de la diplomatie classique est pour les gens de Bruxelles, lui aussi une “énigme enveloppée de mystères”. (4)

La sagesse de l’égoïsme

Les naïfs croiront que l’idéologie est meilleure parce qu’elle vise le bien et non de vils intérêts égoïstes. La vérité est que rien n’est plus dangereux que l’idéologie parce que les intérêts se heurtant à d’autres intérêts sont toujours ouverts au compromis, les uns et les autres étant conscients qu’un bon accord vaut mieux qu’un affrontement (et Dieu sait si dans le cas de l’Ukraine, une cogérance russo-européenne serait profitable à tous pour peu que chacun reconnaisse les intérêts de l’autre). L’idéologue, lui, ignorant le compromis, est ouvert à toutes formes d’hybris.

On objectera que derrière toute idéologie, il y a un jeu de puissance dont l’idéologie n’est que le masque. Même si beaucoup en doutèrent longtemps, c’était en fait, comme l’avait bien perçu le général de Gaulle, le cas de l’Union soviétique et c’est une des raisons pour lesquelles la guerre froide n’a jamais éclaté en guerre ouverte. C’est aussi le cas aujourd’hui des États-Unis qui n’ont jamais séparé dans leur rhétorique de défense du “camp de la liberté” des intérêts américains. Cela est en tous les cas vrai d’une partie des instances qui font la politique étrangère, dont le président Obama. Mais ce n’est peut-être pas le cas de tous les acteurs de la politique étrangère américaine, une politique qui s’est faite à l’évidence de plus en plus idéologique depuis la fin de la guerre froide.

Au demeurant, que la diplomatie des principes ne soit le plus souvent que le masque d’une diplomatie des intérêts est plutôt rassurant car personne n’a intérêt à la guerre, dans le contexte qui est aujourd’hui celui de l’Europe. Il est même probable que si le conflit actuel n’a pas, à ce jour, dégénéré, on le doit à des gens comme Poutine et Obama qui voient, eux, d’abord leurs intérêts.

La diplomatie de Poutine est même tellement classique qu’on cherche en vain quelle idéologie pourrait se cacher derrière. Et c’est ce qui fait sa faiblesse. La défense de la patrie russe et de la religion orthodoxe, qui sont les seuls ressorts qu’elle puisse invoquer, ne sont à l’évidence pas des objectifs universels comme l’est la défense de la liberté et de la démocratie. Vaccinée par l’expérience du communisme, la Russie se refuse à toute exaltation idéologique. Or pas d’empire sans idéologie, ni d’idéologie sans impérialisme. Une politique de glacis, même abusive, est dans la nature, l’impérialisme idéologique ne l’est pas. De plus en plus d’Européens de l’Ouest, lassés des excès de la commission de Bruxelles ou des média, tiennent, dans le discrétion, Poutine pour une référence de bon gouvernement, voire de défense de la civilisation chrétienne. Mais cela ne suffit pas à faire une doctrine, à justifier un emballement médiatique de type manichéen comme celui qui règne dans le camp d’en face.

Emballement: nous pouvons craindre en effet qu’avec la commission européenne, structure bureaucratique puissante et coupée de peuples, on assiste pour la première fois à un cas presque chimiquement pur où l’idéologie fonctionne à plein sans le frein de la logique d’intérêt. Une preuve entre mille: la dérisoire politique de sanctions que l’Union européenne inflige à Moscou, une politique dérangeante pour la Russie, certes, mais suicidaire pour ses intérêts à court et à long terme et parfaitement inutile.

Il est vrai que pour Emmanuel Todd (5), l’actuelle politique étrangère européenne ne serait que le masque des nouvelles ambitions allemandes en Europe centrale et orientale. Mais si tel était le cas, on comprendrait difficilement les critiques violentes de l’ancien chancelier Schmidt à l’encontre de la Commission européenne (6), dont il dénonce “l’incompétence diplomatique”, l’irresponsabilité et le fait que son absence de sens du compromis a remis la guerre aux portes de l’Europe. L’ancien chancelier Schroeder n’est pas plus tendre (7) et, dans l’ensemble l’opinion allemande n’est pas unanime sur ce sujet, comme elle l’avait été en 1999 face à la Serbie, ennemi historique. Loin d’être la nouvelle chancelière du Reich comme on la voit en France, Angela Merkel est tenue par beaucoup d’Allemands pour une politicienne d’envergure moyenne, soucieuse d’abord de sa survie au jour le jour et donc de rester politiquement correcte; elle suit les emportements idéologiques de Bruxelles moins qu’elle ne les commande. Elle cache aussi bien mal son inféodation à Washington.

On pourra dire que les États-Unis qui, eux, ont le sens de leurs intérêts peuvent jouer dans la crise actuelle, le rôle de frein. Ils le jouent sans aucun doute. C’est pourquoi, en maintes occasions, les Européens semblent les précéder plutôt que les suivre. Savoir qui d’eux ou du tuteur américain a le plus poussé pour accrocher l’Ukraine à l’Union européenne est une question. Les Etats-Unis n’ont-ils d’ailleurs pas déjà atteint leur objectif principal : séparer durablement l’Union européenne de la Russie, comme le préconise Brezinski ? (8) Mais même inféodés, les idéologues ne sont pas toujours contrôlables.

Que dans des affaires aussi graves, l’Union européenne et la Russie aient laissé se creuser un fossé aussi profond entre les logiciels qui déterminent leur diplomatie et que, au sein de l’Union européenne, l’idéologie semble aujourd’hui fonctionner sans prise sur le réel, c’est ce qui ne peut que susciter les craintes les plus vives.

Roland HUREAUX, sur son blog

(1) La diplomatie d’État, d’un côté, la diplomatie du parti de l’autre, l’une traitant avec les gouvernements, l’autre avec les partis frères et avec les masses, sans compter la diplomatie des services secrets.

(2) Sans doute l’UE n’a-t-elle pas l’équivalent des partis communistes, mais, de pair avec les États-Unis, elle dispose de nombreuses ONG à prétention démocratique qui s’agitent en Europe de l’Est.

(3) Sous réserve d’une grande prudence à l’égard des énormes masses humaines que représentent la Chine et l’Inde.

(4) L’exaspération n’est pas moindre aujourd’hui en Russie. Sans chercher quel côté a commencé, on notera qu’à l’Ouest, dirigeants et médias sont les plus excités, le peuples beaucoup moins, alors qu’en Russie, il semble que les dirigeants, Poutine en particulier, jouent plutôt un rôle modérateur face à un peuple exaspéré.

(5) http://www.youscribe.com/catalogue/tous/interview-emmanuel-todd-l-allemagne-tient-le-continent-europeen-2493433

(6) Entretien – Bild 16 mai 2014.

(7) Il est vrai moins désintéressé que Schmidt en raison de ses intérêts dans Gazprom.

(8) Zbigniew Brzeziński, Le grand échiquier, 1997.

Source: http://www.les-crises.fr/union-europeenne-et-russie-les-inquietants-malentendus-de-deux-visions-diplomatiques-par-roland-hureaux/


Le discours de propagande d’Obama à l’ONU, par Robert Parry

Friday 3 October 2014 at 03:00

Le journaliste d’investigation Robert Parry a fait éclater de nombreuses histoires sur l’affaire Iran-Contra pour The Associated Press et Newsweek dans les années 80.

Exclusif : Plus le Président Obama avance dans son mandat, moins il est honnête. Ce problème devient de plus en plus apparent au cours de son second mandat, alors qu’il lit des discours contenant des informations dont il sait pertinemment qu’elles sont fausses ou prêtent grandement à confusion, déclare Robert Parry.

Par Robert Parry, 25 septembre 2014

Lors de son premier mandat, le Président Obama faisait en général preuve de prudence lorsqu’il s’exprimait sur les affaires internationales, non pas qu’il fût totalement honnête mais il prenait garde à ne pas proférer de mensonge flagrant. Cependant, au cours des deux dernières années, il semble avoir abandonné toute retenue.

C’est le cas même lorsqu’il se livre à un exercice aussi sérieux qu’une communication à l’Assemblée des Nations Unies sur des questions de guerre et de paix, ce qui fut le cas à la fois l’an dernier et cette année. En septembre 2013, Obama a fait, s’agissant de la mystérieuse attaque au gaz sarin du mois précédent en Syrie, un commentaire qu’il savait être fallacieux. Il fit de même mercredi dernier dans sa description de la crise en Ukraine.

Concernant le cas du sarin, Obama savait avant son discours de 2013 que beaucoup de ses propres analystes du renseignement croyaient que les rebelles étaient derrière l’attaque du 21 août qui a tué plusieurs centaines de personnes dans la banlieue de Damas. Ces analystes suspectaient l’incident de faire partie d’une machination pour accuser le gouvernement du président Bashar-el-Assad et provoquer une intervention militaire américaine contre les forces d’Assad. [Voir Consortiumnews.com "Fixing Intel Around Syria Policy" et "Was Turkey Behind Syria-Sarin Attack ?"]

Bien qu’il sache tout cela, Obama a prononcé un discours officiel à l’assemblée générale des Nations Unies le 24 septembre 2013, déclarant : « C’est une insulte à la raison humaine et à la légitimité de cette institution de suggérer que quelqu’un d’autre que le régime ait mené cette attaque. »

De même, Obama connaissait la réalité complexe de la situation en Ukraine lorsqu’il a pris la parole mercredi. Il savait que la crise avait été provoquée, non par la Russie, mais par l’Union Européenne et les États-Unis. Il savait que le président élu Victor Ianoukovitch avait été la cible d’une opération de « changement de régime » voulue par des fonctionnaires du Département d’Etat américain, menés par la Secrétaire d’Etat adjointe néoconservatrice pour les Affaires Européennes Victoria Nuland, qui a littéralement sélectionné les nouveaux dirigeants avec l’aide de l’ambassadeur américain Geoffrey Pyatt qui a décrit la nécessité « d’accoucher de ce truc. »

Obama savait que Nuland avait dit aux chefs d’entreprises ukrainiens que le gouvernement américain avait investi 5 milliards de dollars pour soutenir leurs « aspirations européennes » et que le National Endowment for Democracy, financé par les États-Unis, avait subventionné une quantité d’« organisations non gouvernementales » pour aider à déstabiliser le gouvernement Ianoukovitch. Il savait également le rôle clé joué par les milices néo-nazies ukrainiennes dans la prise des bâtiments de la Présidence le 22 février, forçant les équipes de Ianoukovitch à fuir pour sauver leurs vies.

Obama savait aussi que les Ukrainiens d’origine et de culture russe, majoritaires dans l’est de l’Ukraine, avaient rejeté ce régime né d’un coup d’état et étaient entrés en résistance contre ce que beaucoup voyaient comme une autorité illégitime. Il savait aussi que la population de Crimée – confrontée au régime putschiste de Kiev – avait, lors d’un referendum, voté massivement pour une séparation de l’Ukraine et un rattachement à la Russie, initiative que le gouvernement russe a soutenue et acceptée.

Obama savait que le régime de Kiev avait brutalisé le sud et l’est de l’Ukraine, les activistes du régime brûlant vifs des douzaines de manifestants pro-russes à Odessa, et ses militaires tuant des milliers de personnes par des tirs à l’arme lourde sur les villages et les villes de l’Est ukrainien. Le régime putschiste de Kiev a même envoyé des milices nazies, comme le bataillon Azov, mener de sanglants combats de rues – c’est la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale qu’un gouvernement a déployé des forces nazies armées pour attaquer une population européenne. Cela aussi, Obama le savait. [Voir Consortiumnews.com - "Ukraine's 'Romantic' Nazi Storm Troopers."]

Obama savait également que certains de ses propres analystes des renseignements avaient conclu que les probables responsables de la destruction du vol 17 de la Malaysia Airlines (MH17) le 17 juillet étaient des éléments extrémistes au sein du gouvernement ukrainien, utilisant probablement des missiles anti-aériens postés très près du territoire contrôlé par les rebelles, et appuyés en vol par un ou plusieurs chasseurs ukrainiens. Obama savait tout aussi bien que les militaires ukrainiens attaquaient le site du crash, repoussant les enquêteurs et mettant apparemment le feu à un champ de blé contenant les restes de l’avion. [Voir Consortiumnews.com - "Flight 17 Shoot-down Scenario Shifts."]

Le conte ukrainien d’Obama

Pourtant, c’est ainsi qu’Obama a présenté la crise d’Ukraine au monde : « Récemment, les actions russes en Ukraine ébranlent l’équilibre post-Seconde Guerre mondiale. Voici les faits. Le peuple d’Ukraine s’est mobilisé contre ses dirigeants, des protestations populaires appelant à des réformes ont eu lieu, le président ukrainien, corrompu, a fui. Contre la volonté du gouvernement de Kiev, la Crimée a été annexée. La Russie a déversé des armes dans l’Est ukrainien, alimentant un mouvement séparatiste violent et un conflit qui a tué des milliers de personnes.

Quand un vol civil a été abattu par un tir parti des zones contrôlées par ces alliés, ces derniers ont refusé de permettre l’accès au crash pendant des jours. Quand l’Ukraine a commencé à reprendre le contrôle de son territoire, la Russie a cessé de prétendre qu’elle se contentait de soutenir les séparatistes, elle a envoyé des troupes en violant la frontière ukrainienne. »

« C’est une vision du monde selon laquelle la force fait droit – un monde dans lequel les frontières d’une nation peuvent être redessinées par une autre, où des personnes civilisées n’ont pas l’autorisation de récupérer les restes de leurs proches, parce que la vérité sur le drame pourrait être révélée. »

« L’Amérique se bat pour d’autres valeurs. Nous croyons que le droit fait la force – que les grandes nations ne devraient pas pouvoir intimider les petites et que les peuples doivent pouvoir choisir leur propre avenir. Et ce sont de simples vérités, mais qui doivent être défendues. L’Amérique et ses alliés aideront le peuple d’Ukraine dans le développement de sa démocratie et de son économie. »

« Nous renforcerons nos alliés de l’OTAN et respecterons notre engagement de défense collective. Nous ferons payer un prix à la Russie pour son agression et nous combattrons le mensonge par la vérité. Et nous appelons les autres à nous rejoindre du bon côté de l’histoire. Car si en effet de petits avantages peuvent être gagnés par le feu du canon, ils seront finalement reperdus pour peu que suffisamment de voix soutiennent la liberté des nations et des peuples à prendre leurs propres décisions. »

Devenir Bush

Une personne honnête aurait décrit ces événements bien autrement, y compris en ce qui concerne « ce pour quoi l’Amérique se bat ». Il aurait pu y avoir au moins une sorte de reconnaissance de cette façon qu’ont eu les Etats-Unis, dans l’après Seconde Guerre mondiale, de souvent compter sur « le feu du canon » – ou les missiles de croisière et bombes intelligentes – pour imposer leurs volontés aux autres pays, y compris un « changement de régime » en Irak en 2003 et en Libye en 2011.

Obama aurait aussi pu reconnaître que les États-Unis ont souvent fait usage de coups d’état pour renverser les gouvernements qui n’étaient pas à leur goût, même quand les dirigeants avaient été élus par la population. Une liste non exhaustive comprendrait Mossadegh en Iran en 1953, Arbenz au Guatémala en 1954, Allende au Chili en 1973, Aristide à Haïti par deux fois, Chavez au Venezuela brièvement en 2002, Zelaya au Honduras en 2009, Morsi en Egypte en 2013, et maintenant Ianoukovitch en Ukraine en 2014.

Mais au lieu de cela, Obama a préféré présenter une version simpliste et propagandiste de ce qui s’est passé en Ukraine. Essentiellement il dit ceci : tout est la faute de la Russie et tous ceux qui sont du côté des États-Unis sont les gentils, ils sont du « bon côté de l’histoire ».

Il est intéressant néanmoins, qu’Obama ne soit pas allé jusqu’à impliquer directement la Russie et les rebelles de l’Est ukrainien dans l’attentat du vol MH17 de la Malaysia Airlines. Compte tenu de son accès direct aux informations recueillies par la CIA sur le sujet, il aurait été en mesure de les désigner sans détour, si bien sûr c’était ce que montraient les faits. Au lieu de cela, il a joué sur les mots pour créer l’impression que les rebelles et la Russie étaient à blâmer, sans pour autant donner une preuve quelconque à leur encontre.

Cela ressemble à la façon dont le président W. Bush a manipulé l’opinion en 2002 et 2003, juxtaposant les noms de Saddam Hussein et d’Oussama Ben Laden pour faire croire aux Américains que les deux étaient des frères siamois alors qu’en réalité ils étaient des ennemis acharnés. Maintenant le président Obama en est venu à reproduire ces manipulations bushiennes.

Il existe une nouvelle preuve de la manière dont le gouvernement supposé « populaire » de Kiev développe sa démocratie : en incarcérant des personnes qui osent protester contre sa politique. Comme Andrew E. Kramer, du New York Times, l’indiquait jeudi, le régime de Kiev étoffe ses échanges de prisonniers de dissidents politiques arrêtés loin de tout champ de bataille.

Kramer écrit : « Les Ukrainiens, … ont largement compris qu’ils manquaient de prisonniers de leur côté pour effectuer des échanges à un contre un. Ils ont libéré un groupe hétéroclite d’hommes, de femmes et d’adolescents, vêtus de survêtements ou de jeans sales, qui ont déclaré venir de prisons aussi éloignées que Kiev.

« Assez rapidement, beaucoup d’entre eux se mirent à faire remarquer à tous ceux qui voulaient bien les entendre, là, sur l’autoroute, qu’ils n’avaient jamais combattu pour les séparatistes, et qu’ils n’avaient aucune idée de la raison pour laquelle ils s’étaient retrouvés dans un échange de prisonniers dans l’est de l’Ukraine… Dans les interviews sur leur lieu de libération, dans un dortoir où les anciens détenus sont logés à Donetsk, une douzaine d’hommes libérés dans les échanges durant le week-end par l’armée ukrainienne donnèrent des témoignages similaires. Certains ont dit qu’ils avaient été arrêtés des mois auparavant dans d’autres parties de l’Ukraine pour des actions politiques pro-russes, comme la participation à des manifestations pour l’autonomie de l’est ukrainien, ou pour avoir distribué des tracts ». Autrement dit, le régime de Kiev n’envoie pas seulement des troupes d’assaut nazies attaquer les gens dans l’est de l’Ukraine, mais il emprisonne des citoyens qui distribuent des tracts. La reconnaissance de certaines de ces sombres vérités – plutôt que la simple récitation d’une litanie de propagande clinquante – aurait pu rendre plus crédible la déclaration du Président Obama auprès de l’ONU. Peut-être que l’ancien Obama se serait essayé à une plus grande honnêteté intellectuelle, mais l’Obama actuel endosse désormais la personnalité du Président précédent, qui n’était pas réputé pour faire dans la nuance.

Source : Robert Parry, Consortiumnews.com, 25/09/2014

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Source: http://www.les-crises.fr/le-discours-de-propagande-dobama-a-l-onu/


[On aura tout vu] Oleg Tyagnibok, néonazi et décoré par Lech Walesa pour son combat pour la Liberté

Thursday 2 October 2014 at 05:02

Oleg Tyagnibok, leader et cofondateur du parti Svoboda, alias Parti Social National d’Ukraine :

Honoré en 2012 par le centre Simon Wiesenthal en tant qu’un des 10 pires antisémites mondiaux, en particulier pour son appel à purger l’Ukraine de 400 000 Juifs et Russes (Source : Centre Simon Wiesenthal) :

Honoré en 2010 de la médaille d’or des vétérans du bataillon de la Waffen SS Galicie (Source) :

(N.B. : vous noterez le respect du journaliste de ce grand journal ukrainien envers ce grand homme par le choix délicieux et judicieux de la photo)

 

Leader d’un mouvement qualifié en 2012 de néo-nazi par le Congrès juif mondial (pas la peine d’enquêter trop longuement non plus, vous me direz… Source : UKRINFORM) :

Et Honoré en 2014 du prix Lech Walesa “Pour le rétablissement de la stabilité politique en Ukraine (!!!) et le désir d’apporter la justice sociale” (Source : Svoboda et Fondation Lech Walesa).

Non mais ALLO, quoi !!!!

(On retrouve aussi Andrei Parubiy, co-fondateur de Svoboda – coup double, faites péter les 100 000 $ !)

Voici ce que dit le communiqué de presse de Svoboda (traduit par Google Traduction, imparfait, mais on comprend) :

La vidéo de la télé ukrainienne (ne montrant presque pas Svoboda) :

“Maintenant, le monde entier doit être solidaire avec la lutte du peuple ukrainien contre les agresseurs russes [...] Il s’est battu pour le droit fondamental de déterminer librement son statut politique et de développer librement son économie et son potentiel social” [Lech Walesa, 29/09/2014]

Droit fondamental hélas non accordé à la population de l’Est de l’Ukraine, à l’évidence…

Moi, je pense qu’on va avoir de sérieux soucis à cause des Polonais… Ou en tout cas, des plus hargneux – ne généralisons pas trop, comme d’autres ont hélas pu le faire – et préservons la raison, le respect et la bonne entente…

“Rien ne compense notre séjour dans ce pays, où il neige, où il pleut, où l’on s’ennuie et toute la Pologne ne vaut pas une seule goutte de tout le sang que nous versons pour elle [...] Il faut que l’Empereur abandonne ses idées sur la Pologne ; cette nation n’est propre à rien, on ne peut organiser que le désordre avec les Polonais.” [Mémoires du duc de Revigo (M. Savary), p.23]

Source: http://www.les-crises.fr/tyagnibok-neonazi-et-decore-par-lech-walesa-pour-son-combat-pour-la-liberte/


[Révisionnisme 2.0] Porochenko considère que les membres de l’UPA sont des héros de l’Ukraine…

Thursday 2 October 2014 at 02:42

Du vrai beau révisionnisme – mais attention, conforme “aux valeurs européennes” !

Important (et bref) rappel sur l’Histoire ukrainienne pour commencer

Pour ceux qui ont été fidèles cet été, je vous rappelle cette série :

En résumé :

  1. les nationalistes ukrainiens ont été soutenus dès les années 1920 par les Allemands, en particulier dans leur lutte armée contre l’État polonais
  2. ce soutien s’est amplifié avec les nazis, les SA de Rohm travaillaient avec eux
  3. en juin 1941, à l’instigation de Stepan Bandera et de son organisation (l’OUN), des troupes de nationalistes ukrainiens sont engagées dans la Wehrmacht (“bataillon Nachtigall“), et pénètrent en Ukraine en général et à Lviv en particulier – cette arrivée s’accompagnant de pogroms anti-Juifs
  4. les nationalistes ukrainiens proclament alors un État indépendant d’Ukraine, ce qui met Hitler en furie ; il fait alors arrêter Bandera. Il est méchant, car la déclaration d’indépendance des Ukrainiens n’était pas spécialement germanophobe : “Le nouvel État d’Ukraine collaborera étroitement avec la Grande Allemagne national-socialiste, sous l’autorité de son leader Adolf Hitler, qui est en train de mettre en place un Nouvel ordre Européen et Mondial, et qui est en train d’aider le peuple ukrainien à se libérer de l’occupation moscovite. L’armée populaire révolutionnaire de l’Ukraine qui a été formée sur les terres ukrainiennes,continuera à se battre aux côtés de l’armée allemande alliée.(Source)
  5. les nationalistes se scindent alors ; certains rejoignent les Waffen SS (Division SS Galicie) pour aller combattre les Russes, d’autres prennent le maquis (UPA, bras armé de l’OUN). Ces derniers s’en prennent essentiellement aux partisans communistes et aux résistants polonais. Ils commirent aussi nombre d’exactions contre les civils non-Ukrainiens. Après Stalingrad, il commenceront à s’en prendre aussi aux Allemands.
  6. à partir de mai 1944, l’UPA bascule complètement dans la lutte contre l’Armée Rouge. Les Allemands arment alors l’UPA et libèrent Bandera, qui reçoit l’autorisation d’installer son QG à Berlin… Stetsko est sévèrement blessé en avril 1945 par une attaque alliée sur des véhicules militaires allemands en Bohème ; il s’installera ensuit en Allemagne
  7. elle continuera à lutter durement contre l’URSS jusqu’au début des années 1950, où elle sera écrasée. Ses leaders se réfugieront en Allemagne, aux États-Unis et au Canada…
  8. Bandera est assassiné par le KGB en 1959 à Munich où il vivait

Pour bien situer, un proche de Bandera déclara en 1941 :

« Le peuple ukrainien comme aucun autre, lutte pour sa liberté, l’âme imprégnée des idéaux de la nouvelle Europe. Le désir du peuple ukrainien est de participer à la mise en œuvre de ces idéaux. Nous, vieux combattants de la liberté des années 1918-1921, vous demandons de nous faire l’honneur d’accepter la participation de la jeunesse ukrainienne à la croisade contre la barbarie bolchevique. Nous demandons de nous permettre de marcher coude à coude avec nos libérateurs de la Wehrmacht et d’établir pour cela une force de combat ukrainien. » [Andrei Melnyk, 6/7/1941]

L’Organisation de Bandera (OUN) déclara dès 1929 : « N’hésitez pas à effectuer les actes les plus dangereux » et « Traitez les ennemis de votre nation avec haine et cruauté. ».

En mai 1941, lors d’une réunion à Cracovie la direction de l’OUN-B indiqua que :

« Les Juifs en URSS constituent le soutien le plus fidèle du régime bolchevique, et l’avant-garde de l’impérialisme moscovite en Ukraine. Le gouvernement moscovito-bolchévique exploite les sentiments anti-juifs des masses ukrainiennes pour détourner leur attention de la véritable cause de leur malheur et de les canaliser dans un moment de frustration dans les pogroms contre les Juifs. L’OUN combat les Juifs en tant que pilier du régime moscovito-bolchévique et, simultanément, il rend les masses conscientes du fait que l’ennemi principal est Moscou. »

Lors de cette réunion, l’OUN a adopté le programme « Lutte et l’action de l’OUN pendant la guerre » qui décrit le plan d’action lors du début de l’invasion nazie de l’URSS. Dans la section G de ce document – « Directives pour les premiers jours de l’organisation du nouvel État ukrainien », est dressée la liste des activités à mener durant l’été 1941. Dans le paragraphe « Politique envers les minorités » l’OUN-B ordonne :

« Les Moscovites, les Polonais et les Juifs nous sont hostiles et doivent être exterminés dans cette lutte, en en particulier ceux qui résisteraient à notre régime : il faut les reconduire dans leurs terres, surtout : détruire leur intelligentsia qui pourrait être dans des positions de pouvoir. […] Les soi-disant paysans polonais doivent être assimilés, et il faut détruire leurs leaders. […] Les Juifs doivent être isolés, relevés de leurs fonctions gouvernementales pour empêcher le sabotage, et ceux qui sont jugés nécessaires ne pourront travailler qu’avec un surveillant. […] L’assimilation des Juifs n’est pas possible. »

Le 25 juin 1941, Yaroslav Stetsko – le futur « chef de l’État ukrainien» auto-proclamé quelques jours après – , dans un rapport à Bandera, écrivait : «Nous créons une milice qui aidera à éliminer les Juifs et à protéger la population. ».

En aout 1941, le même Stetsko écrivit son autobiographie, qui contenait plusieurs passages antisémites notoires, en particulier, il y déclarait qu’il considérait le marxisme comme un produit de la pensée juive, mise en pratique par le peuple moscovite-asiatique avec l’aide des Juifs ; que Moscou et le judaïsme sont les porteurs des idées internationales des bolcheviks. Il y déclare aussi :

« Bien que je considère que c’est Moscou, qui en fait tient l’Ukraine en captivité, et non pas les Juifs, comme l’ennemi principal et décisif, je considère tout de même pleinement le rôle indéniablement nuisible et hostile des Juifs, qui aident Moscou à asservir Ukraine. Je soutiens donc la destruction des Juifs et la pertinence de l’apport des méthodes allemandes d’extermination des Juifs en Ukraine, plutôt que de tenter de les assimiler. »

Les mémoires de Stetsko

On voit ce “brave homme” ici, en 1941, offrant le pain et le sel traditionnels aux anciens maîtres “libérateurs allemands” :

Et ici, quelques décennies plus tard, avec les nouveaux maîtres :

Stetsko rencontre George Bush, alors responsable de la CIA

(comme quoi les Américains ont des valeurs, mais surtout boursières…)

Les rapports de l’OUN ont été conservés. On y lit par exemple ceci :

« N° 82 P

Ville de Lvov, le 28 juillet 1941.

Au service de sécurité de l’OUN de Lvov, le père Tabinsky nous informe : « Notre milice procède maintenant à de nombreuses arrestations de juifs, avec les services allemands. Avant leur liquidation, les Juifs se défendent par tous les moyens, et, en premier lieu, par l’argent ».

Suivant les informations du père Tabinsky, il y a, parmi nos miliciens, certains qui, pour de l’or ou de l’argent, libèrent des juifs : ils doivent être arrêtés. Nous n’avons pas de données concrètes, mais nous vous transmettons ceci pour informations et utilisation ultérieure.

Gloire à l’Ukraine !

Organisation des nationalistes ukrainiens OUN.»

Dans un rassemblement le 6 juillet 1941, les membres de l’OUN déclarèrent : « Les Juifs doivent être traités durement. […] Nous devons en finir avec eux. […] En ce qui concerne les Juifs, nous allons adopter des méthodes qui conduiront à leur destruction. »

Après l’emprisonnement de Bandera, les bataillons ukrainiens de la Wehrmacht Nachtigall et Roland furent alors dissous fin 1941, et les activistes volontaires de l’OUN-B furent affectés à l’Ukrainian Schutzmannschaften, une milice auxiliaire de police. Cette milice comptait plus de 100 000 Ukrainiens en 1942, et s’impliqua activement dans l’arrestation et le meurtre de Juifs, communistes et résistants. Le leader militaire de l’OUN-B et de l’UPA Roman Choukhevytch devint commandant du 201st Schutzmannschaft Battalion, qui sévit jusqu’en Biélorussie.

Des héros de l’Ukraine ?

L’ancien président ukrainien europhile Viktor Iouchtchenko (2004-2010) a élevé Bandera (et l’ancien chef de l’UPA Roman Choukhevytch) à la dignité posthume de Héros d’Ukraine par un décret signé le 22 janvier 2010, provoquant une vague de protestations dans la Fédération de Russie et au sein de la population russophone d’Ukraine, ainsi que la désapprobation et des mises en garde d’associations d’anciens combattants en Europe.

Soulignons la finesse du geste : le 1er tour de l’élection présidentielle de 2010 a en effet eu lieu le 17 janvier 2010, et Iouchtchenko, président sortant, y a été éliminé, n’ayant obtenu que le score non soviétique de 5 % des voix… Et ceci est survenu la semaine de la commémoration internationale des victimes de l’Holocauste

En 2010, après l’arrivée au pouvoir de Viktor Ianoukovitch (vous savez “le méchant” corrompu), le tribunal régional de Donetsk invalida le décret ; la décision a été confirmée en 2011 par le Haut tribunal administratif d’Ukraine, sous le prétexte formel que Bandera n’était pas citoyen ukrainien et est donc inéligible à cette dignité, et l’attribution de ce titre est annulée.

Le 1er janvier 2014, les nationalistes à Maidan manifestent en l’honneur de Bandera :

Le 27 avril 2014, à Lviv, des centaines de nationalistes manifestent en ce jour anniversaire de la création de la division SS Galicie (dont les manifestants portent l’emblème, ne faisant d’ailleurs pas de différence entre les nationalistes ayant rejoint les SS ou l’UPA) :

Le 10 juillet 2014, le conseil régional de Lviv – rempli d’élus de Svoboda – demandait à Porochenko d’accorder de nouveau le titre de héros à ces nationalistes :

Petro Porochenko

Et donc le 25 septembre 2014, le président Porochenko a reçu le message 5/5 (Interfax ici):

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L’UPA, des héros, à qui il faut donner le statut d’anciens combattants…

Comme quoi, il semble y avoir une petite corrélation entre l’aspect président europhile et président pro-nationaliste révisionniste…

Rappel

On ne va pas aller bien loin, tout est dans Wikipedia :

80 000 civils massacrés par les héros de l’UPA…

Cf. [U3-6] L’UPA en action et les Massacres de la Volhynie

Et voici le commandant de l’UPA Roman Choukhevytch :

Roman Choukhevytch dans le bataillon Nachtigall de la Wehrmacht (en bas 2e à gauche)

Roman Choukhevytch en habit de la Wehrmacht

Des héros ?

Les éphémères “héros” Stepan Bandero & Roman Choukhevytch

Bref, on saluera la hauteur de vue du Président d’aller remuer tout ceci, alors qu’une vaste partie des habitants de l’Est du pays en sécession ont vu leurs grands-parents combattus dans l’armée rouge par l’UPA…

Apaisement ?

Heureusement, EuroMaidan veille

On peut compter sur le mouvement EuroMaidan – qui ne se sent plus de joie à cette annonce – pour rétablir la Vérité :

L’article se conclut donc par cette phrase :

La propagande russe continue toujours de discréditer ces vétérans et leurs soutiens en tant que “nazis” et “fascistes” bien qu’ils aient combattu à la fois les fascismes allemand et russe durant la Seconde Guerre mondiale.

Bref, c’est ENCORE la faute des Russes…

On notera l’argument massue “comme ils combattaient des fascistes, ils n’étaient pas fascistes”, comme si des loups ne pouvaient pas se dévorer entre eux…

Par ailleurs, c’est un raccourci scandaleusement manipulateur, balayant la complexité de la situation – et surtout la noirceur des crimes passés…

 

À moins que je raconte n’importe quoi, et qu’EuroMaidan n’ait raison…

Quoique…

Le Centre Simon Wiesenthal (qui était originaire de la région de Lviv et a fait partie des très rares survivants – le centre est donc très sensible à cette question…) a ainsi réagi (si quelqu’un peut traduire en commentaire svp merci) :

Le 28 janvier 2010 :

Le Centre Simon-Wiesenthal a dénoncé, dans une lettre adressée à l’ambassade ukrainienne aux États-Unis, l’attribution du titre de Héros de l’Ukraine à un « collaborateur nazi responsable du massacre de milliers de Juifs pendant la guerre de 1939-1945. »

Le Centre Wiesenthal critique violemment la décoration d’un collaborateur nazi par l’ukraine.

Un représentant du Centre Simon Wiesenthal a déclaré : “C’est une vraie mascarade quand une telle décoration est accordée, juste au moment où le monde fait une pause pour commémorer les victimes de l’holocauste, le 27 janvier”.

Le Centre Simon Wiesenthal a condamné aujourd’hui le président Ukrainien Vicktok Yushchenko pour avoir accordé, de manière posthume, la plus haute distinction du pays, le titre de “Héros de l’Ukraine”, à Stéphane Bandera.

Ce dernier était un dirigeant nationaliste, dont les disciples ont tué des milliers de juifs et d’autres personnes pendant la deuxième Guerre mondiale.

Mark Weitzman, le directeur des affaires gouvernementales au Centre Wiesenthal a écrit une lettre à Oleh Shamshur, l’ambassadeur d’Ukraine aux États-unis, dans laquelle il exprime le profond dégoût que lui inspire la décoration de Stéphane Bandéra, collaborateur des nazis aux débuts de la deuxième guerre mondiale. Les disciples de ce dernier ont été impliqués dans le meurtre de milliers de juifs et d’autres personnes. C’est une vraie mascarade qu’une telle décoration soit accordée juste au moment où le monde fait une pause pour commémorer les victimes de l’Holocauste, le 27 janvier.

Monsieur Weitzman a ajouté que, “sur le tard, la devise de Simon Wiesental, celui qui a donné son nom à notre institution, célèbre “Conscience de l’Holocauste” et natif d’Ukraine, était “Justice et non Vengeance”. C’est vraiment dommage que le président Yushchenko ait choisi d’ignorer cette leçon, en reprenant l’héritage de Bandera et de ses séides criminels.

En juin 2012 :

In Kiev, Odessa and Lviv, hundreds marched to mark the birthday of Ukrainian nationalist hero Stepan Bandera, who headed the Organization of Ukrainian Nationalists (OUN), which collaborated with the Nazis and actively participated in the mass murder of Jews following the German occupation of Ukraine in 1941. In 2010, the Simon Wiesenthal Center condemned President Viktor Yushchenko for posthumously awarding the “Hero of Ukraine,” one of the country’s highest honors, to Bandera.

Le 18 octobre 2013

“For Jews and Poles, the OUN-UIA indisputably practised a policy of mass murder with the former as the principal target. The SS Halychyna Division was not a legitimate Ukrainian defence corps. It was an executive of Nazi extermination. Bandera and Shukhevych are not historic heroes. They are the icons of the contemporary anti-Semitic, anti-Roma, anti-Pole and anti-Gay Svoboda (Freedom) Party now present in your Parliament.

Bon ben, il va falloir choisir entre le centre Simon Wiesenthal et Porochenko / EuroMaidan – j’ai choisi pour ma part, estimant que les victimes connaissent en général assez bien leurs bourreaux…

 

Il y a ainsi des symboles qui valent ainsi 1 000 discours…

Source: http://www.les-crises.fr/porochenko-considere-que-les-membres-de-lupa-sont-des-heros/