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[Reprise] Mario Draghi en conflit ouvert avec Angela Merkel, par Romaric Godin

Thursday 4 September 2014 at 23:03

Un très bon article du grand journaliste Romaric Godin, sur La Tribune

Du grand n’importe quoi à la BCE, encore…

 Si Mario Draghi a été assez dur avec la France et l’Italie dans ses propos, ses actes sont des provocations contre l’Allemagne. Pour la forcer à agir sur la demande européenne.

Ce jeudi, Mario Draghi est clairement entré en guerre contre les gouvernements de la zone euro. « La politique monétaire ne peut pas seule faire remonter l’inflation », a-t-il admis. Un aveu d’impuissance qui renvoie clairement les gouvernements à leurs responsabilités. Derrière les mesures annonces, le lancement d’un vaste rachat de dette privée et le nouvel abaissement des taux à 0,05 %, il y a un défi lancé aux dirigeants européens.

Des mots contre la France et l’Italie

A tous ? Officiellement oui. Mario Draghi a été assez explicite envers la nécessité de réformes en France et en Italie. « Certes, il y a un coût à faire des réformes, mais l’absence de croissance n’est-elle pas un coût ? », a-t-il ainsi demandé. Les partisans de ces réformes en feront sans doute leurs gorges chaudes. Mais il faut être clair : ce ne sont là que des mots. En réalité, la BCE n’exerce aucune pression concrète sur la France et l’Italie. Pour exercer une pression, il faudrait remonter les taux pour étrangler le financement de ces pays et les contraindre à se réformer. Or, la BCE va dans le sens inverse. Le taux français réel à 2 ans est passé en territoire négatif après le discours de l’Italien. La BCE n’a pas intérêt à ce que la France et l’Italie entre de plain-pied dans une politique déflationniste.

Provocation contre Berlin

Le vrai défi, la vraie guerre, oppose en fait Mario Draghi au gouvernement fédéral allemand. En abaissant les taux et en lançant un vaste programme de rachat d’actifs quatre jours après le succès du parti eurosceptique AfD, qui critique la politique d’argent facile de la BCE, aux élections régionales de Saxe, Mario Draghi met Angela Merkel et les conservateurs allemands dans un embarras certain. Dès l’annonce connue, économistes et banquiers ont poussé des cris d’orfraies. Dans la pensée libérale allemande, celle qu’incarne désormais AfD, la BCE prend le risque de faire revenir l’inflation et mutualise l’argent allemand pour relancer l’économie des pays qui ne réforment pas. C’est du pain béni pour les eurosceptiques qui vont pouvoir faire campagne en Thuringe et au Brandebourg, où vont bientôt se dérouler les élections régionales.

La BCE a clairement fait dans la provocation face à l’Allemagne. Mario Draghi est passé outre l’opposition de la Bundesbank, au moment même où le changement de mode de vote au sein de la BCE est très critiqué outre-Rhin parce que, précisément, elle ôte une fois sur quatre le droit de vote à la Bundesbank. Il a nié les plaintes des banques allemandes et des épargnants allemands en abaissant les taux. Il a annoncé un rachat de titres immobiliers, alors même que la Buba et beaucoup d’économistes craignent une bulle en Allemagne. Tout semblait être fait pour indigner Berlin.

Utiliser tous les leviers

Mario Draghi l’a dit clairement à Jackson Hole, il l’a redit ce jeudi : il faut utiliser tous les leviers pour relancer la machine économique européenne. Or, cette machine est bloquée par l’absence de demande et de perspectives de demande. Les politiques d’austérité rendent les investissements très risqués, car les entrepreneurs savent que les débouchés vont rester durablement faibles. Il faut donc utiliser les leviers disponibles. Donc utiliser la politique budgétaire, soit en abaissant les impôts, soit en réalisant des projets d’investissement public. L’Allemagne, à l’équilibre sur le plan budgétaire, peut le faire. Mais elle ne le veut pas car le ministre des Finances Wolfgang Schäuble et son entourage font de la réduction de la dette une priorité absolue. Mario Draghi a décidé cet été de les pousser dans leurs derniers retranchements. C’est ce qu’il a fait ce jeudi.

La menace du QE

Désormais, l’Italien dispose d’une menace concrète contre Berlin : le lancement d’un assouplissement quantitatif qui inclurait le rachat de dette publique. Autrement dit, la BCE mutualiserait de facto, sans l’accord de Berlin, les risques budgétaires. Ce serait clairement une provocation à l’opinion et au gouvernement allemand. Un tel QE mettrait Angela Merkel dans une situation très délicate. Soutenir la BCE reviendrait à abandonner son credo adopté en 2012 qui vise à ne plus faire payer les Allemands. Elle serait alors une cible aisée pour la droite de la CDU, les Libéraux et AfD. Mais entrer en conflit avec la BCE signifierait affaiblir l’existence même de l’euro, ce qui serait un reniement de sa politique.

La lutte est donc désormais ouverte. Pour faire simple, Mario Draghi tente de sauver l’Europe de l’inflexibilité allemande. Certes, il ne soutient pas clairement les prétentions de Matteo Renzi et François Hollande, mais dans les faits, il est clair qu’il tente lui aussi de faire céder Berlin.

Source : Romaric Godin, La Tribune, 4/9/2014

Source: http://www.les-crises.fr/mario-draghi-en-conflit-ouvert-avec-angela-merkel/


Le déséquilibre industriel en faveur de l’Union européenne par rapport aux États-Unis est spectaculaire, par Emmanuel Todd (4)

Thursday 4 September 2014 at 02:10

Suite de l’interview d’Emmanuel Todd…

Les graphiques suivants nous permettent de comparer les puissances relatives de la nation américaine et de ce nouvel empire allemand :

Le graphique le plus intéressant à mon sens est celui qui représente les populations actives industrielles. Le déséquilibre industriel en faveur de l’Union européenne par rapport aux États-Unis est spectaculaire. Le fait qu’en Europe il y ait des secteurs industriels encore sous-développés n’est pas négatif, au contraire : dans le domaine industriel en Europe, il existe des capacités d’expansion dans des zones à bas salaires. C’est sans doute ce déséquilibre-là qui permettrait la mise à mort du système industriel américain par l’Allemagne. Au stade actuel, c’est l’Allemagne qui veut le plus le traité transatlantique.

On constate bien le décrochage européen par rapport à l’Allemagne au niveau du PIB réel :

Et en relatif par rapport à l’Allemagne :

On voit aussi sur ces graphiques la hiérarchisation implacable de l’Europe autour de l’épicentre allemand à partir de 2005 : le décrochement des pays européens par rapport à l’Allemagne, y compris pour les grands pays, comme la France ou le Royaume-Uni.

On peut voir sur toutes ces courbes la rapidité d’une évolution qui ne fait que commencer. Peut-être qu’une partie du peuple allemand souffre de ses petits salaires, mais, globalement, le PIB par habitant finit toujours par décrocher en faveur de l’Allemagne. On se dirige vers un système où les Allemands seront bénéficiaires de l’écrasement des systèmes industriels du reste du continent.

On note également que, par rapport à ce continent sous contrôle allemand, les États-Unis seuls ne sont pas au niveau en termes de population. […] [À suivre ici]

Interview réalisée pour le site www.les-crises.fr, librement reproductible dans un cadre non commercial (comme le reste des articles du site, cf. Licence Creative Commons).

Source: http://www.les-crises.fr/todd-4-le-desequilibre-industriel-en-faveur-de-lunion-europeenne-par-rapport-aux-etats-unis-est-spectaculaire/


Actu’Ukraine, 3 septembre, par Nicolas

Thursday 4 September 2014 at 00:15

Nicolas est citoyen franco-américain, a vécu au Japon, en Allemagne et en Russie, et est actuellement traducteur et consultant export en Italie (Cf. www.foreignoutlook.com pour le contacter)

Je lui ai proposé de développer ses commentaires dans des billets réguliers

Commençons par des nouvelles du front, en prenant comme référence la dernière carte de kot ivanov

Lougansk

“A l’heure de la mise sous presse, il s’avère que l’information concernant la prise de l’éaéroport de Donetsk était anticipée. L’aéroport est cependant totalement encerclé, ce qui n’était pas le cas jusqu’alors, et même “doublement encerclé ” dit le ministre de la défense de la RPD Vladimir Kononov, qui considère dans cette vidéo (https://www.youtube.com/watch?v=i8s7BLMuOy8) que la seule chance des troupes assiégée de survivre est la reddition. Ils n’ont pour l’instant pas l’occasion de se rendre selon ses propos. La même vidéo montre l’aéroport de Donetsk, qui était encore récemment un aéroport très moderne (peut-être le plus moderne du pays, reconstruit en 2012) vu d’un petit drone.

Les troupes novorusses font des progrès au nord de Lougansk, avec la prise d’un village situé à 90 km au nord (Starobelsk, combats confirmés par témoin sur place), ce qui n’est pas encore indiqué sur la carte de kot-ivanov.

Il reste 2 poches / chaudrons sur le territoire de la RPL.

Debaltsevo

Cette ville à l’est de Gorlovka reste au mains de Kiev, malgré des efforts menés depuis le 24 août pour la reprendre. Depuis quelquess jours les troupes novorusses y font là aussi des progrès qui pourrait permettre de prendre la ville dans moins d’une semaine.

Donetsk

L’aéroport de la ville n’est toujours pas aux mains de la RPD (République Populaire de Donetsk), avec quelques centaines de soldats qui y sont toujours retranchés (beaucoup de mercenaires étrangers, disent certaines sources), mais quelques progrès ont été réalisés, et deux petits groupes de soldats de Kiev se sont rendus. Il est probable que la RPD contrôlera l’aéroport dans quelques jours. En effet le contrôle de l’aéroport étaient important pour Kiev dans le cadre d’une prise de la ville, qui n’est plus d’actualité. Les troupes actuellement dans l’aéroport seront donc probablement envoyées vers le sud pour défendre Marioupol.

Les combats se poursuivent au sud de Donetsk, à l’avantage là encore de la RPD. Pour la première fois depuis longtemps, Donetsk n’a subit aucun bombardement pendant 2 jours consécutifs, mais ce calme n’a pas duré puisque la ville a de nouveau été subi les attaques de pièces d’artillerie « Ouragan » (BM-27) dans la nuit du 2 au 3, et continue de subir les attaques des saboteurs de Kiev. D’autres villages et bourgs des environs continuent également de subir attaques de saboteurs et bombardements par mortiers, notamment 7 morts et 2 blessés parmi la population d’Enakievo. Il resterait 1500 « soldats » de Kiev dans la banlieue sud de Donetsk (Elenovka, 25 km du centre-ville).

CNN a parlé du désastre humanitaire à Donetsk , en montrant des habitants qui accusent Porochenko du désastre.

Marioupol

Marioupol est l’objectif stratégique prioritaire. Les troupes novorusses font des progrès dans la partie sud de la RPD, et Marioupol est désormais entièrement encerclée, y compris par la mer où les Novorusses ont réussi à attaquer 2 bateaux des Gardes-Côtes. Ils ne rencontrent quasiment aucune opposition sur le terrain conquis depuis le lancement de l’offensive (à l’exception notable de la ville de Volnovakha, à mi-chemin entre Marioupol et Donetsk, dont la prise a été affirmée puis démentie), mais leurs progrès sont freinés par le manque d’effectifs, d’où le besoin d’en terminer avec les poches / chaudrons plus au nord, dont l’encerclement mobilise de nombreux moyens. La route Donetsk-Marioupol serait actuellement entièrement sous le contrôle de la RPD, jusqu’à la banlieue nord de Marioupol. Les troupes qui encerclent Marioupol par l’ouest doivent renforcer leurs positions et se préparer à l’arrivée de 2 ou 3 divisions blindées ennemies. Les progrès se font très progressivement, en prenant des villages très peu ou pas défendus.
Il a été annoncé que Marioupol ne serait pas prise par un grand assaut, et c’est effectivement indispensable pour conserver la population de son côté (qui d’après Colonel Cassad soutient à 60% la Novorossie malgré un lavage de cerveaux médiatiques très intensif). Des groupes de saboteurs sont donc à l’œuvre pour affaiblir les troupes retranchées et les contraindre à la reddition sans avoir à utiliser l’artillerie sur des zones urbaines.

D’après les communications radios interceptées, les troupes de Kiev sont paniquées et démoralisées. Elles sont également insuffisamment équipées en blindés, au point de devoir bricoler des blindages très approximatifs sur des camions, en les transformant en « cercueil roulant » selon l’expression des rebelles.

Situation générale

Colonel Cassad estime les forces Novorusses entre 29000 et 33000 (je disais 30000 il y a quelques jours, avec un flot de plusieurs centaines de volontaires par jour depuis le début de l’offensive), et les forces de Kiev autour de 40000, essentiellement des soldats très mal formés et peu motivés.

En ce qui concerne le matériel, côté Kiev les pertes matérielles dépassent très largement leur capacité de remplacement : on approche les 30 blindés perdus chaque jour en moyenne (seulement 12 hier dont 2 tanks capturés, mais les totaux quotidiens inférieurs à 20 blindés sont devenu une exception), pour un total dépassant les 1000 voire 1300 blindés perdus, soit probablement plus de la moitié de tous blindés disponibles au début de la guerre. L’état major novorusse avance 700 blindés détruits pour le mois d’août. Les quantités de blindés vendus par les pays russophobes sont mal connus mais certainement inférieures à 10 par jours (58 tanks de Hongrie notamment), la production probablement de l’ordre de 1 ou 2 par jour, et les réparations se passent catastrophiquement mal, le matériel ayant passé 23 ans à rouiller sans aucun entretien, avec en plus des vols de pièces (que l’intention soit le sabotage ou le complèment de revenus).

Côté Novorossie, la reddition des troupes de Kiev prises dans les poches ont fournis d’énormes quantités de matériels, notamment bien plus de 100 blindés  (il y a eu au moins de jours de redditions massives qui ont apporté environ 50 blindés chacun) et des dizaines de pièces d’artillerie lourde, et le passage à l’offensive a très largement augmenté le flot de volontaires qui était jusqu’à 700 par jour au début de l’offensive selon Pavel Goubaryov.

Il aura donc suffi de 2 mois pour que Kiev perde un avantage colossale qu’avait une armée de 20 000 à 40 000 hommes disposant d’environ 2 000 blindés sur une bande de quelques centaines d’hommes déterminés mais sans aucune armes lourdes, à l’exception de 2 tanks de la seconde guerre mondiale qui servaient jusqu’alors de monuments.

De nombreuses interviews de soldats de Kiev montrent des hommes perdus, qui ne savent pas pour quoi ils se battent, qu’on a amené à l’armée par la ruse, par la menace de prison, et qui réalisent qu’ils ne sont pas des libérateurs mais des agresseurs. Voir aussi cette vidéo d’artilleurs de Kiev à qui l’on a montré les résultats de leurs bombardements. Leurs officiers leur mentait sur les cibles.

L’apparent retournement de situation des 10 derniers jours fait dire à beaucoup, malgré les propos très clairs des observateurs de l’OSCE (pas des russophiles) qui observent la frontière russo-ukrainienne sans rien voir, que la Russie est entrée en Ukraine.

Pourtant il suffit de regarder 2 cartes pour comprendre qu’il n’y a pas eu un retournement de situation, mais la suite logique des événements précédents.

carte des combats selon le SNBO et selon la Novorossie, fin août
La première carte montre la situation fin août telle que présentée par le SNBO (la filiale ukrainienne de la CIA) montrant Lougansk totalement assiégée, Donetsk coupée de Lougansk  et de la Russie, et plus aucun espoir pour les rebelles. La deuxième carte montre la situation présentée à la même époque par les rebelles : une grande partie des régions de Donetsk et Lougansk aux mains des rebelles, et de nombreuses troupes ukrainiennes enfermées dans des poches (aussi appelées chaudrons puisque c’est le même mot en russe). Il s’est avéré que la première carte ne représentait pas du tout la réalité, et que les troupes qui avaient profondément pénétré en territoire rebelles s’étaient pour l’essentiel irrémédiablement prises à un piège tendu par les stratèges de la Novorossie. Igor « Strelkov » (Guirkine de son vrai nom, mais il signe « Strelkov » les documents officiels) en tête. Ce n’est pas la propagande russe qui l’affirme, mais un commandant du bataillon « Azov », dans cette vidéo traduite par Vincent Parlier qui traduit de nombreuses vidéos en français sur le sujet.  Ce commandant constate l’incompétence absolue des officiers supérieurs de Kiev.

Le célèbre rebelles “Abkhaze” (probablement ressortissant d’Abkhazie dont il a le drapeau cousu sur le torse) signalait dans cette courte interview tournée dès le début août que les troupes de Kiev auxquelles il faisait face à Chakhtyorsk, selon les communications radios interceptées,  arrivait à bout de force. L’évolution qui nous a semblé brutale à travers les verres déformants des médias n’a donc pas été une surprise pour les rebelles qui étaient sur place.

L’autre leçon du retournement apparent de situation est que les troupes novorusses sont remarquablement coordonnées (on l’a encore vu plus récemment avec les assaut simultanés sur les aéroports de Donetsk et Lougansk) alors qu’il n’y a aucune coordination entre les différentes divisions de Kiev, en particulier entre l’armée régulière et les bataillons de volontaires. Il est improbable qu’envoyer les étudiants ukrainiens au front permette de repousser une armée novorusse déterminée, de mieux en mieux équipée (grâce à Kiev) et bien organisée.

Négociations et mécontentement

Le gouvernement de Kiev, guidé par l’hubris américain, est incapable de négocier et mènera probablement à l’échec des négociations de cette semaine. Cependant le moment où le gouvernement de Kiev sera véritablement contraint de négocier approche. Dans cette perspective, il est important d’avancer autant que possible militairement afin d’être dans la meilleure position possible pour négocier. D’une part, la prise de Marioupol semble indispensable car Marioupol est économiquement indispensable au Donbass. D’autre part, entrer dans la région de Zaporojié apporterait un atout dans ces négociation pour exiger un retrait de tous le nord du Donbass, qui reste aux mains de Kiev. Les responsables politiques des Républiques Populaires affirment vouloir libérer l’ensemble de leur territoire (correspondant aux région de Donetsk et Lougansk) avant le Nouvel An, et l’objectif semble parfaitement réaliste. Le vice-premier-ministre de la RPD, Andreï Pourguine a en revanche affirmé n’avoir aucune intention de prendre Kiev.

Le mécontentement dans la population ne faiblit pas, on note une manifestation de mères de soldats, soutenue par Svoboda et Secteur Droit devant le parlement de Kiev (la “Rada”). Les supporters d’Euromaïdan ont apporté une guillotine devant le parlement pour symbolyser leur volonté (“Volonté” est le nom du parti en question) de nettoyer la politique ukrainienne. Si les mouvements d’extrême-droite s’y mettent, pas sûr que les troupes novorusses aient besoin de prendre Kiev pour que ce gouvernement tombe bientôt. L’effondrement économique et social, les coupures de chauffage et d’eau chaudes ne vont pas aider à améliorer leur popularité, et pas sûr que les livraisons de charbon australien et néo-zélandais soit la meilleure solution pour l’approvisionnement énergétique ukrainien.

Conférence Russie- Novorossie- Ukraine

Le 29 août derniers’est tenue à Yalta (en Crimée – il existe un village Yalta près de Marioupol) sur le thème Russie-Novorossie-Ukraine

Une vidéo de cette conférence montre notamment le célèbre commandant “Mozgovoï”, de la RPL, demander à tous ceux qui souhaite jouer un rôle politique en Novorossie à prouver par leur valeur militaire qu’ils sont dignes d’occuper une fonction de député, maire ou autre.

Une journaliste du journal espagnol El País a soulevé la question de la présence de citoyens russes se battant au côté des rebelles, et y voyant une implication directe du gouvernement russe. Mozgovoï a invité la journaliste à venir constater sur place, par elle-même (de fait les journalistes sur places ne voient pas cette “invasion” tant décriée) et ce fut l’occasion de rappeler que lors de la guerre civile espagnole, les volontaires venaient de France, Etats-Unis, Russie, Allemagne, Hongrie etc. Or Staline n’a forcé ni Malraux ni Hemingway à aller soutenir ce combat pour la liberté et contre Franco.

Le conseiller de Poutine Sergueï Glazyov était également présent et a notamment parlé de l’illégitimité des oligarques au pouvoir à Kiev, de leurs violations des droits de l’homme.

Le journaliste Maksim Chevtchenko a souligné que l’objectif du “fascisme de Kiev” était de diviser pour les générations à venir par la haine mutuelle la population de l’Ukraine entre russes ethniques et ukrainiens ethniques (ce qui permettrait de réaliser enfin le rêve de Bismarck…)

Les étrangers dans les rangs de Kiev

On parle beaucoup des étrangers dans les rangs de la Novorossie. De fait personne n’a jamais caché qu’il y a environ 10% de citoyens russes dans l’armée de Novorossie, ainsi que de nombreux Serbes, mais aussi des Polonais, des Français, des Italiens, des Espagnols etc. De l’autre côté, on constate également la présence de citoyens de divers pays. Un soldat du bataillon Azov parle de la présence de Français, Suédois, Géorgiens… dans les rangs du bataillon Azov, mais qui semblaient là comme des participants à un loisir extrême…

Un volontaire du bataillon “Donbass” américain d’origine ukrainien est allé en Ukraine par convictions, pour aller “tuer ces terroristes qui ont envahi l’Ukraine”, Franko (mort récemment) parle dans cette vidéo de ses convictions. Ce qui est intéressant, c’est qu’il dit que les volontaires sont surtout excédé par la corruption généralisée, et portés par un esprit de révolutionnaire. Le fait de soutenir des milliardaire ne leur semble pas contradictoire avec cet esprit révolutionnaire. Il constate lui aussi la totale incompétence des officiers supérieurs de Kiev, l’absence de stratégie, et l’absence d’ingénieurs du génie. Il finit son interview en indiquant que l’élite politique doit être détruite.

Chronique de la haine ordinaire

2 septembre : Discours d’O Tyagnibok à la Rada

“le parlement doit voter pour préserver la vie de tous les Ukrainiens” (sauf de l’Est sans doute)

Avec une pépite : “Moscou a fait la guerre à l’Ukraine durant des siècles : les rois, Staline, Brejnev, Eltsine ou la Russie de Poutine ont toujours voulu la guerre avec l’Ukraine et l’on considérée comme une source de matières premières et d’esclaves, de serfs”

Il a juste oublié que Staline était Géorgien, Brejnev Ukrainien – comme la plupart des dirigeants et hauts fonctionnaires de l’URSS. Quant à Eltsine qui voulait la guerre à l’Ukraine… no comment.
Comme la télévision ukrainienne a méchamment retiré toute trace de Svoboda sur ses vidéos et ses photos, une photo montrant des drapeaux, lors de la manifestation devant laRada…
Une petite campagne made by Svoboda, genre faite la guerre pas l’amour (la guerre et non des fleurs)

Dernière minute : Porochenko et Poutine se sont parlé et ont échangé leur point de vue sur le conflit. Leur opinion sur les moyens de résoudre le conflit convergent en grande partie, indique la présidence russe. dans les médias, ça s’est transformé en un accord de cessez le feu entre l’Ukraine et la Russie…

Source: http://www.les-crises.fr/actu-ukraine-03-09/


Le Président Hollande [2012-2014]

Thursday 4 September 2014 at 00:07

Désolé, je n’ai pas le temps de partager quelques réflexions sur l’humanité de notre Président et de son ancienne favorite (qui n’était donc pas dérangée par nombre de propos hallucinants tant qu’elle avait la faveur du Prince), je dois aller me brosser les gencives avant d’aller me coucher…

J’aurai quand même une pensée pour Jean Jaurès, RIP.

Source: http://www.les-crises.fr/le-president-hollande-2012-2014/


“Guerre contre l’Europe” : Appel au boycott de Libération

Wednesday 3 September 2014 at 18:35

Je peux comprendre des avis différents sur la Russie, je peux – avec un gros effort – comprendre la mauvaise foi, la soumission aux intérêts américains ou allemands, la bêtise crasse (“la fabrique du crétin” a forcément des conséquences à long terme), même l’édito délirant de lundi, MAIS il y a des sujets qui sont totalement inacceptables, comme celui-ci :

Un (encore non prouvé mais passons) soutien de la Russie à des citoyens russophones frontaliers bombardés par leur armée – après environ 3 000 morts civils – peut être discuté, mais on ne peut pas titrer qu’on NOUS a déclaré la guerre !

Et encore moins 100 ans après 1914.

L’excitation des haines et des passions peut avoir des conséquences gravissimes, empêcher de trouver des solutions pacifiques, voire même déclencher des conflits.

Un journal n’a pas le droit de délirer sur ces sujets. C’est aux diplomates de gérer ceci, pas à des journalistes inconscients.

En conséquence, je vous propose donc de diffuser cet appel au boycott de Libération, seule façon de faire pression sur eux.

Je rappelle que ce canard boiteux au bord du dépôt de bilan ne survit que grâce à d’énormes subventions publiques (près de 10 millions d’euros par an, + de nombreuses aides indirectes) et de l’argent de quelques millionnaires.

En bon soldat du néolibéralisme à la mode Valls, il me semble important de mettre en application envers ce journal les pratiques de “destruction créatrice” de Schumpeter…

Allez, encore un petit effort :

P.S. Il va de soi que le Monde doit également être soumis au même traitement…

Source: http://www.les-crises.fr/guerre-contre-l-europe-appel-a-un-boycott-de-liberation/


L’Allemagne tient le continent européen, par Emmanuel Todd (3)

Wednesday 3 September 2014 at 01:03

Suite de l’interview d’Emmanuel Todd…

Cette carte montre le nouvel empire allemand tel qu’il est, selon vous. On voit la place centrale de l’Allemagne face à ses différents satellites, ou à ceux, comme vous le dites très bien, en état de servitude volontaire. Qu’évoque cette carte pour vous ? 

Je voudrais qu’elle aide à prendre conscience du fait que l’Europe a changé de nature et qu’elle évoque non seulement le présent mais aussi un futur possible très proche. Les cartes que fournit généralement la Communauté européenne sont des cartes à prétention égalitaire et qui ne parlent plus de la réalité. Ici, c’est une sorte de première tentative d’organisation visuelle de la réalité nouvelle de l’Europe. Elle aide à prendre conscience du caractère central de l’Allemagne et de la façon dont elle tient le continent européen. La première chose que tente de dire cette carte, c’est qu’il existe un espace informel plus grand que l’Allemagne elle-même, « l’espace allemand direct », et qui contient des pays dont les économies ont un niveau de dépendance à l’Allemagne quasi absolu.

Certains y verront peut-être des « erreurs », comme, par exemple, l’intégration de la Suisse, qui n’est même pas dans les institutions européennes. Mais quels que soient les sentiments des Suisses, la réalité objective est que, dès qu’on a affaire à des entreprises suisses importantes, on sent la présence allemande. Le niveau d’interpénétration est tel qu’au niveau économique on ne peut pas parler d’indépendance de la Suisse.

Les Pays-Bas, quant à eux, comme l’avait prédit Friedrich List, ne sont plus que le débouché de l’Allemagne sur le Rhin. La Tchécoslovaquie, le jour où elle a décidé de vendre Skoda à Volkswagen, a scellé son destin. Grâce à cet espace central très peuplé, l’Allemagne a une influence très supérieure à celle de ses seuls 82 millions d’habitants.

Celle d’une zone de 130 millions d’habitants environ…

En effet. Mais cet espace n’est pas la seule raison de l’influence allemande. Je pense que jamais l’Allemagne n’aurait été capable de prendre le contrôle du continent sans la coopération de la France. C’est un autre élément représenté par cette carte : la servitude volontaire de la France et de son système économique et, à l’intérieur de ce cadre, l’acceptation par les élites françaises de ce qui est peut-être pour elles – mais non pour le peuple français – la prison dorée de l’euro. Les banques françaises survivent tant bien que mal dans cette prison dorée. La France ajoute ses 65 millions d’habitants à l’espace allemand direct et lui confère ainsi une sorte de masse critique d’échelle continentale.

Près de 200 millions…

Ce qui signifie que nous sommes déjà au-dessus de l’échelle russe ou japonaise. Ce bloc noir et gris représente le cœur de la puissance allemande ; il maintient dans la soumission l’Europe du Sud, devenue une zone dominée à l’intérieur même du système européen. L’Allemagne est détestée en Italie, en Grèce, et sans doute dans toute l’Europe du Sud, pour sa main de fer budgétaire. Mais ces pays n’y peuvent rien, parce que l’Allemagne, avec son espace proche plus la France, a la capacité de tout dominer. Ces pays sont représentés en orange sur la carte.

Je propose une autre catégorie spécifique de pays, en rouge, ceux que j’ai appelés les « satellites russophobes ». Paradoxalement, ces pays ont un certain degré de liberté. Ils sont dans l’espace de souveraineté allemand, mais je ne qualifierais pas leur statut de servitude, parce qu’ils ont de réelles aspirations autonomes et notamment une passion antirusse. Regardez : la France n’a plus de rêve ; sous la direction du PS, de l’UMP et de ses inspecteurs des finances, elle n’aspire plus qu’à obéir, imiter et toucher ses jetons de présence. La Pologne, la Suède, les pays baltes, eux, ont un rêve : avoir la peau de la Russie. Leur participation volontaire à l’espace de domination allemand leur permet d’y croire. Mais je me demande si, plus en profondeur, la Suède, repassée à droite, n’est pas en train de redevenir complètement ce qu’elle était avant 1914, c’est-à-dire germanophile.

Les satellites russophobes méritent une catégorie spéciale, car ils font partie des forces qui peuvent aider l’Allemagne à mal tourner. Les élites françaises ont, quant à elles, déjà aidé l’Allemagne à mal tourner en la déifiant et en se refusant à la critiquer. La soumission française apparaîtra aux historiens du futur comme une contribution fondamentale au déséquilibre psychique à venir de l’Allemagne. Pour la Suède ou la Pologne ou les Baltes, c’est encore autre chose. Là, il s’agit franchement et directement de ramener l’Allemagne à la violence des rapports internationaux.

Je n’ai pas placé la Finlande et le Danemark dans cette catégorie. Au contraire de la Suède, le Danemark est authentiquement libéral de tempérament. Son lien avec l’Angleterre va au-delà du simple bilinguisme typiquement scandinave d’une bonne partie de la population. Il regarde vers l’Ouest et n’est pas obsédé par la Russie. La Finlande avait, quant à elle, appris à vivre avec les Soviétiques, et elle n’a pas de vraie raison de douter de la possibilité de s’entendre avec les Russes. Certes, elle a été en guerre avec eux. Elle a appartenu à l’Empire des Tsars entre 1809 et 1917, mais sous la forme d’un grand-duché, situation qui lui a, de fait, permis d’échapper à l’emprise suédoise. La vraie puissance coloniale, pour les Finlandais, c’est la Suède, et je doute qu’ils aient vraiment envie de revenir sous leadership suédois. Sur la carte, Finlande et Danemark se retrouvent donc dominés, comme les pays du sud. Absurde ? L’économie finlandaise paye déjà le prix de l’agression européenne contre la Russie. Et le Danemark va être mis en difficulté par l’évasion anglaise.

Le Royaume-Uni, je l’ai décrit comme « en cours d’évasion », Parce que les Anglais ne peuvent adhérer à un système continental qui leur fait horreur. Parce qu’ils n’ont pas, comme certains Français, l’habitude d’obéir aux Allemands. Mais aussi parce qu’ils appartiennent à un autre monde, beaucoup plus excitant, moins vieux et autoritaire que l’Europe allemande, « l’anglosphère » : l’Amérique, le Canada, les anciennes colonies… J’ai eu l’occasion de dire que je sympathisais avec leur dilemme, à quel point il doit être horrible d’être britannique face à une Europe si importante dans les échanges commerciaux mais mentalement arthritique.

Pensez-vous qu’un jour ils quitteront l’Union européenne ?

Bien sûr ! Les Anglais ne sont pas plus forts ou meilleurs, mais ils ont derrière eux les États-Unis. Déjà, en ce qui me concerne, petit Français confronté à la disparition de l’autonomie de ma nation, si j’ai le choix entre l’hégémonie allemande et l’hégémonie américaine, je choisis l’hégémonie américaine sans hésiter. Alors, les Anglais, qu’est-ce que vous vous pensez qu’ils vont choisir ?

J’ai associé la Hongrie aux Britanniques dans leur tentative d’évasion. Viktor Orban s’est fait une mauvaise réputation en Europe. Soi-disant parce qu’autoritaire et de droite dure. Peut-être. Mais surtout parce qu’il résiste à la pression allemande. On peut se demander pourquoi la Hongrie n’est pas antirusse, alors qu’elle a subi une répression soviétique violente en 1956. Comme souvent le “malgré que” doit sans doute être remplacé ici par un “parce que”. En 1956, seule la Hongrie a fait face. Plus que les Polonais ou les Tchèques – qui n’ont alors que peu ou pas bougé –, la Hongrie peut être fière de son histoire sous domination russe. Elle peut pardonner. Une belle blague hongroise des années 1970 peut aider à comprendre les différences est-européennes : « En 1956, les Hongrois se sont conduits comme des Polonais, les Polonais comme des Tchèques et les Tchèques comme des cochons. »

J’ai représenté l’Ukraine comme « en cours d’annexion ». L’Ukraine n’apparaît pas immédiatement comme l’annexion européiste rêvée. Il s’agit de l’annexion d’une zone en décomposition étatique et industrielle, désintégration qui va être accélérée par les accords de libre-échange avec l’Union européenne. Mais c’est aussi l’annexion d’une population active à très bas coût.

Or, fondamentalement, le nouveau système allemand repose sur l’annexion de populations actives. Dans un premier temps ont été utilisées celles de la Pologne, de la Tchéquie, de la Hongrie, etc. Les Allemands ont réorganisé leur système industriel en utilisant leur travail à bas coût. La population active d’une Ukraine de 45 millions d’habitants, avec son bon niveau de formation hérité de l’époque soviétique, serait une prise exceptionnelle pour l’Allemagne, la possibilité d’une Allemagne dominante pour très longtemps, et surtout, avec son empire, passant immédiatement en puissance économique effective au-dessus des États-Unis. Pauvre Brzezinski !

Et au niveau des enjeux énergétiques ?

Ici, les principaux gazoducs sont indiqués pour bousculer un mythe. Le mythe que les Russes, par la construction du gazoduc South Stream, voudraient seulement échapper au contrôle de leurs relations énergétiques par l’Ukraine. Si on regarde tous les trajets des gazoducs existants, leur seul point commun n’est pas le passage par l’Ukraine, c’est aussi qu’ils arrivent tous en Allemagne. En fait, le véritable problème des Russes, ce n’est pas seulement l’Ukraine, c’est aussi le contrôle de l’arrivée des gazoducs par l’Allemagne. Et c’est également le problème des Européens du Sud.

Si on arrête de penser l’Europe de façon naïve comme un système égalitaire qui aurait des problèmes avec l’ours russe, on voit que l’Allemagne peut aussi avoir intérêt à ce que le gazoduc South Stream ne soit pas construit, parce qu’il ferait échapper à son contrôle les approvisionnements énergétiques de toute la partie de l’Europe qu’elle domine. L’enjeu stratégique du South Stream n’est donc pas juste un enjeu entre l’Est et l’Ouest, entre l’Ukraine et la Russie, mais c’est aussi un enjeu entre l’Allemagne et l’Europe dominée du Sud.

Mais, encore une fois, cette carte n’est pas une carte définitive ; c’est une carte dont l’objet est de créer un début d’image de la réalité de l’Europe et de nous sortir de l’idéologie des cartes neutres qui cachent ce que l’Europe est en train de devenir : un système de nations inégales, prises dans une hiérarchie qui comprend des pays sévèrement dominés, des pays agressifs, un pays dominant, ainsi qu’un pays qui est la honte du continent, le nôtre, la France.

Vous n’évoquez pas la question turque…

Si je n’en ai pas parlé, c’est que ce n’est plus le sujet. Les Européens ne veulent pas de la Turquie. Mais ce qui est beaucoup plus important, c’est que les Turcs ne veulent plus de l’Europe. Qui voudrait désormais rentrer dans cette prison des peuples ?

[À suivre ici]

Interview réalisée pour le site www.les-crises.fr, librement reproductible dans un cadre non commercial (comme le reste des articles du site, cf. Licence Creative Commons).

Source: http://www.les-crises.fr/todd-3-l-allemagne-tient-le-continent-europeen/


L’Occident devrait cesser de diaboliser Poutine, par Yves Boyer

Wednesday 3 September 2014 at 00:01

Un (vrai) pro, Yves Boyer, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique, fait le point sur les événements en Ukraine…

Alors que Moscou exige un cessez-le-feu «immédiat et sans conditions» entre les forces ukrainiennes et les rebelles pro-russes, des soldats russes ont été repérés dans l’Est ukrainien. A quoi joue la Russie? 20 Minutes fait le point avec Yves Boyer, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique.

L’Otan a confirmé la semaine dernière la présence de troupes régulières russes dans l’Est de l’Ukraine, ce que Moscou dément. Pourquoi?

Parce que tout le monde ment, que ce soit sciemment, par omission ou même par erreur. Il faut donc être très prudent. Un exemple: mi-août, l’Ukraine avait assuré avoir détruit une colonne de véhicules blindés russes entrée la veille sur son territoire. Cette information est peut-être réelle, mais nous en attendons toujours les preuves.

En tout cas, si des officiers et des militaires russes sont sans doute présents dans l’Est ukrainien pour des missions de renseignements et d’aide au commandement, il n’y a pas d’engagement massif des troupes russes.

D’après Sergueï Lavrov, le chef de la diplomatie russe, tout ce que Moscou fait ne vise «qu’à faire avancer une approche politique» dans le règlement de la situation en Ukraine. Qu’en pensez-vous?

Carl von Clausewitz, l’un des plus grands penseurs de la stratégie militaire moderne, a écrit: «La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens»… Dans le cas présent, je crois que les Russes font monter la pression militaire sur Kiev pour inciter ses dirigeants à se rapprocher des rebelles pro-Russes et à trouver avec eux une solution politique au conflit actuel.

Mais quand Vladimir Poutine évoque l’idée d’un «statut étatique» pour l’Est ukrainien, n’est-ce pas une provocation?

Comme on l’a expliqué dans les commentaires, et comme l’a fait Danielle Bleitrach ici, rappelons que ceci est une erreur de traduction de l’AFP, Poutine n’a parlé que d’autonomie dans une Ukraine unifiée. Mais qu’importe la Vérité…

L’Occident devrait cesser de diaboliser Poutine et retrouver la voie de la raison. Il faut écouter ce que la Russie -qui est une grande puissance européenne, une nation dotée de l’arme nucléaire et un membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU- dit.

En l’occurrence, il y a des réalités humaines, sociales et historiques à prendre en compte dans l’Est de l’Ukraine. Je ne crois pas à la création d’un Etat spécifique. La Novorossia de Catherine II est une vieille idée qui a été évacuée depuis les années 1920 dans les poubelles de l’Histoire.

Mais sans vouloir une émancipation, un certain nombre d’Ukrainiens de l’Est sont favorables à une fédéralisation. Certains se battent même pour cette idée et pour ce qu’ils croient être les intérêts de leur communauté. Et je rappelle que la fédéralisation est une solution évoquée par la chancelière Angela Merkel elle-même.

D’après vous, la Russie ne tient donc pas un double discours comme l’Occident l’affirme?

Si, parce qu’elle défend ses intérêts. Mais le double langage est tenu partout et par tous, ce n’est pas une spécialité russe. Prenez Petro Porochenko, le président ukrainien. Il est pris en tenaille entre les jusqu’au-boutistes de son camp, qui veulent la peau des Russes, et la nécessaire solution politique, notamment défendue par Allemands, le tout sur fond d’effondrement économique de son pays… Empêtré dans cette situation difficile, il tient lui aussi un double langage.

Que pouvons-nous attendre de la réunion ce lundi du «groupe de contact» à Minsk?

Pas grand-chose, mais paradoxalement, il est très important que ce rendez-vous se tienne… Il aurait en effet pu être annulé compte tenu de l’accélération des événements sur le terrain. Même si aucune solution n’en sortira dans l’immédiat, au moins, le dialogue n’est pas rompu.

Une solution militaire est-elle envisageable?

Aucun dirigeant américain ou européen ne l’envisage. C’est une idée grotesque, pas seulement parce que nous n’en avons pas les moyens, mais parce que si l’Occident commence à tuer du Russe, c’est l’escalade vers la guerre nucléaire. Et personne ne veut d’une telle guerre pour l’Ukraine. C’est peut-être triste à dire, peut-être pas, mais en tout cas, c’est la réalité. C’est la «realpolitik».

Source : 20 minutes, 01/09/2014

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En bonus depuis le Figaro (dont il faut saluer : la plus grande honnêteté intellectuelle dans le suivi de cette affaire par rapport aux autres journaux)

« Poutine et Porochenko ne savent plus s’arrêter » par Hélène Carrère d’Encausse

LE FIGARO. – Vladimir Poutine, qui continue d’envoyer des troupes russes en Ukraine, évoque désormais la création d’un «statut étatique» pour le sud-est de l’Ukraine? Quel est réellement son plan?

Hélène CARRÈRE D’ENCAUSSE. -Le jeu très inquiétant, auquel nous assistons, entre l’Ukraine et la Russie peut devenir une véritable catastrophe pour l’Europe.

D’un côté, le président ukrainien, Petro Porochenko, n’a de cesse depuis son arrivée au pouvoir de vouloir reprendre par la force le contrôle de cette partie russophone de l’Ukraine, après avoir refusé d’accepter le principe d’une fédéralisation du pays. Il joue le même jeu que ceux qui ont refusé aux russophones de la région de parler leur langue, décision qui déclencha un processus de révolte de ces russophones et offrit à Vladimir Poutine la possibilité de s’emparer de la Crimée.

De l’autre côté, Poutine, qui n’a pas selon moi de grand plan préétabli, joue au coup par coup. À la tentation de l’occidentalisation de l’ensemble du pays du président ukrainien qui se dit prêt à adhérer à l’Otan, Poutine, ulcéré par une telle perspective, répond par la provocation. S’appuyant sur les séparatistes ukrainiens, le président russe joue la carte de la déstabilisation du sud-est du pays. Cette partie du pays pourrait ainsi éventuellement devenir la zone de raccord entre la Crimée et la Russie alors que dans l’état actuel des choses la Russie est coupée de la Crimée et doit envisager, pour rendre son rattachement effectif, d’énormes et coûteux travaux de construction d’un pont de plus de 15 kilomètres au-dessus du détroit de Kertch.

L’agitation et la rébellion de l’Ukraine du Sud-Est menace de devenir irréversible. Les habitants du sud-est du pays pourront-ils oublier qu’ils ont été traités en ennemis et vivent aujourd’hui la guerre civile? Poutine tire avantage de cette situation. Certes, les sanctions contre la Russie se multiplient. Il les sait coûteuses pour les pays qui les décident mais également pour la Russie, qui en paie le prix par des difficultés économiques réelles. Soutenir les séparatistes est sans doute contraire à l’ordre international et à la souveraineté de l’État ukrainien. Envoyer des mercenaires ou des soldats sans uniformes en Ukraine n’est pas légal. Poutine, qui le sait parfaitement mais qui est convaincu que cela est couramment pratiqué dans d’autres conflits, notamment par les États-Unis, conteste du coup les accusations portées contre la Russie sur ce point. Mais la situation de quasi-guerre civile dans cette partie de l’Europe et de l’Ukraine déchirée, incite d’autant plus Vladimir Poutine à intervenir que la Russie est exclue pour l’instant du débat sur l’avenir de l’Ukraine.

Si cela n’était pas tragique, le conflit entre l’Ukraine et la Russie ressemblerait à une bataille de gamins qui ne savent plus s’arrêter.

Ils sont, par ailleurs, humiliés par des sanctions prises à leur égard par l’Europe et ils considèrent que leur pays est victime de l’arrogance des pays européens et des États-Unis.

Poutine n’est-il pas fragilisé par la mobilisation des mères de soldats russes? Bénéficie-t-il du soutien du peuple russe?

Oui. Les Russes ont vu avec satisfaction le rattachement de la Crimée à leur pays. Ils sont, par ailleurs, humiliés par des sanctions prises à leur égard par l’Europe et ils considèrent que leur pays est victime de l’arrogance des pays européens et des États-Unis. Ils n’oublient pas que Gorbatchev a accordé au chancelier Kohl en 1990 la réunification de l’Allemagne contre l’engagement que l’Otan ne s’installerait pas aux frontières de leur pays. Pourtant, ils ont laissé les pays Baltes entrer dans l’Otan mais ceci constitue pour la Russie un cas particulier, la limite de l’acceptable. L’Ukraine est différente par ses dimensions et ses liens historiques avec la Russie.

Lire la suite de l’Interview sur le site du Figaro 

20 minutes présentait une carte  de la situation :

On admirera la jolie “invasion” de chars russes (à ce stade, il faut consulter)…

Ceci étant, c’était mieux que la “poche magique sur la mer d’Azov” de la carte de la BBC, en direct des fous de Kiev :

Ceci étant, quand on a le Parisien (finalement, il vaut mieux l’avoir en voisin qu’en journal) :

Le Nouvel Obs, grandiose :

L’article est court :

Au moins, la relève des “diplomates” européens est assurée :

 

Source: http://www.les-crises.fr/l-occident-devrait-cesser-de-diaboliser-poutine/


Les acteurs sont incompétents et très peu conscients de ce qu’ils font, par Emmanuel Todd (2)

Tuesday 2 September 2014 at 03:33

Suite de l’interview d’Emmanuel Todd…

[Olivier Berruyer] Vous dites « La France ne peut finalement pas contrôler l’Allemagne » : n’y a-t-il rien à faire ou est-ce à quelqu’un d’autre de le faire ?

[Emmanuel Todd] C’est à quelqu’un d’autre de le faire. La dernière fois, cette tâche est revenue aux Américains et aux Russes. Il faut admettre que le « système Allemagne » est capable de générer une énergie prodigieuse. En historien et en anthropologue, je pourrais dire la même chose du Japon, de la Suède ou de la culture juive, basque ou catalane. C’est un fait : certaines cultures sont comme ça. La France a d’autres qualités.

Elle a produit les idées d’égalité, de liberté, un art de vivre qui fascine la planète, et elle fait désormais plus d’enfants que ses voisins, tout en restant un pays avancé sur le plan intellectuel et technologique. Il est probable qu’au final, si on devait réellement juger, on devrait admettre que la France a une vision plus équilibrée et satisfaisante de la vie. Mais il ne s’agit pas ici de métaphysique ou de morale : nous parlons de rapports de force internationaux. Si un pays se spécialise dans l’industrie ou la guerre, il faut en tenir compte et voir comment cette spécialisation économique, technologique et de puissance est contrôlable.

Quel est le second pays dans la dénégation ?

Les États-Unis. La dénégation américaine avait été formalisée au premier stade de l’émancipation de l’Allemagne, lors de la guerre d’Irak en 2003 et de l’association Schröder-Chirac-Poutine ; certains stratèges américains avaient alors dit : « Il faut punir la France, oublier [ce qu’a fait] l’Allemagne et pardonner à la Russie ». (« Punish France, forget Germany, forgive Russia »). Pourquoi ? Parce que la clé du contrôle de l’Europe par les États-Unis, héritage de la victoire de 1945, c’est le contrôle de l’Allemagne. Acter l’émancipation allemande de 2003, cela aurait été acter le début de la dissolution de l’empire américain. Cette stratégie de l’autruche s’est installée, calcifiée et semble aujourd’hui interdire aux Américains une vision correcte de l’émergence allemande, nouvelle menace pour eux, selon moi beaucoup plus dangereuse à terme pour l’intégrité de l’empire que la Russie, extérieure à l’empire.

L’Allemagne joue un rôle complexe, ambivalent mais moteur dans la crise : souvent, la nation allemande apparaît comme pacifiste, et l’Europe, sous contrôle allemand, agressive. Ou l’inverse. L’Allemagne a désormais deux chapeaux : l’Europe est Allemagne et l’Allemagne est Europe. Elle peut donc parler à plusieurs voix. Quand on connaît l’instabilité psychique qui caractérise historiquement la politique extérieure allemande, et sa bipolarité, au sens psychiatrique, dans son rapport avec la Russie, c’est assez inquiétant. Je suis conscient de parler durement mais l’Europe est au bord de la guerre avec la Russie, et nous n’avons plus le temps d’être courtois et lisses. Des populations de langue, de culture et d’identité russes sont attaquées en Ukraine orientale avec l’approbation, le soutien, et sans doute déjà les armes de l’Union européenne. Je pense que les Russes savent qu’ils sont en fait en guerre avec l’Allemagne. Leur silence sur ce point n’est pas, comme dans les cas français et américain, un refus de voir la réalité. C’est de la bonne diplomatie. Ils ont besoin de temps. Leur self-control, leur professionnalisme, comme diraient Poutine ou Lavrov, forcent l’admiration.

Jusqu’à présent, dans cette crise, la stratégie des Américains a été de courir derrière les Allemands, pour que l’on ne voie pas qu’ils ne contrôlaient plus la situation européenne. Cette Amérique, qui ne contrôle plus mais doit approuver les aventures régionales de ses vassaux, est devenue un problème, le problème géopolitique n° 1. En Irak, l’Amérique doit déjà coopérer avec l’Iran, son ennemi stratégique, pour faire face aux djihadistes subventionnés par l’Arabie Saoudite. L’Arabie Saoudite a, comme l’Allemagne, le statut d’allié majeur ; sa trahison ne doit donc pas être actée… En Asie, les Coréens du Sud, par ressentiment envers les Japonais, commencent à fricoter avec les Chinois, rivaux stratégiques des Américains. Partout, et pas seulement en Europe, le système américain se fissure, se délite, ou pire.

La puissance et l’hégémonie allemande en Europe méritent donc une analyse, dans une perspective dynamique. Il faut explorer, projeter, prévoir pour s’orienter dans le monde qui est en train de naître. Il faut accepter de voir ce monde comme le voit l’école réaliste stratégique, celle de Henry Kissinger par exemple, c’est-à-dire sans se poser la question des valeurs politiques : de purs rapports de force entre des systèmes nationaux. Si l’on réfléchit ainsi, on constate que la Russie n’est pas le problème du futur, que la Chine n’est pas encore grand-chose en termes de puissance militaire. Dans notre monde économique globalisé, nous pouvons pressentir l’émergence d’un nouveau face-à-face entre deux grands systèmes : la nation-continent américaine et ce nouvel empire allemand, un empire économico-politique que les gens continuent d’appeler « Europe » par habitude. Il est intéressant d’évaluer le rapport de force potentiel entre les deux.

Nous ne savons pas comment finira la crise ukrainienne. Mais nous devons faire l’effort de nous projeter après cette crise. Le plus intéressant est d’essayer d’imaginer ce que produirait une victoire de « l’Occident ». Et nous arrivons ainsi à quelque chose d’étonnant : si la Russie craquait, ou seulement cédait, la disproportion des forces démographiques et industrielles entre le système allemand, élargi à l’Ukraine, et les États-Unis conduirait vraisemblablement à un basculement du centre de gravité de l’Occident et à l’effondrement du système américain. Ce que les Américains devraient le plus redouter, aujourd’hui, c’est l’effondrement de la Russie. Mais l’une des caractéristiques de la situation, c’est que les acteurs sont incompétents et très peu conscients de ce qu’ils font. Je ne parle pas seulement d’Obama, qui ne comprend rien à l’Europe. Il est né à Hawaï, a vécu en Indonésie : seule la zone Pacifique existe pour lui.

Mais les géopoliticiens américains classiques, de tradition « européenne », sont également dépassés. Je pense en particulier à Zbigniew Brzezinski, désormais âgé, mais qui reste le théoricien du contrôle de l’Eurasie par les États-Unis. Obsédé par la Russie, il n’a pas vu venir l’Allemagne. Il n’a pas vu que la puissance militaire américaine, en élargissant l’Otan jusqu’aux pays baltes, à la Pologne et aux autres anciennes démocraties populaires, taillait un empire à l’Allemagne, économique dans un premier temps, mais déjà politique aujourd’hui. L’Allemagne commence à s’entendre avec la Chine, l’autre grand exportateur mondial. Se souvient-on à Washington que l’Allemagne des années trente a longtemps hésité entre l’alliance chinoise et l’alliance japonaise et que Hitler avait commencé par armer Tchang Kaï-chek et former son armée ? L’élargissement de l’OTAN à l’Est pourrait finalement réaliser une version B du cauchemar de Brzezinski : une réunification de l’Eurasie indépendamment des États-Unis. Fidèle à ses origines polonaises, il craignait une Eurasie sous contrôle russe. Il court le risque d’être enregistré dans l’Histoire comme l’un de ces Polonais absurdes qui, par haine de la Russie, ont assuré la grandeur de l’Allemagne.

Comme vous me l’avez demandé, je vous propose d’analyser les graphiques suivants, comparant aux États-Unis une Europe germanocentrée :

Ce que montrent ces graphiques, c’est cette supériorité industrielle potentielle de l’Europe. Certes l’Europe allemande est hétérogène et intrinsèquement fragile, potentiellement instable, mais le mécanisme en cours de hiérarchisation des populations commence à définir une structure de domination cohérente et parfois efficace. La puissance allemande récente s’est construite par la mise au travail capitaliste des populations anciennement communistes. C’est peut-être une chose dont les Allemands eux-mêmes ne sont sans doute pas assez conscients et ce serait peut-être là leur véritable fragilité : la dynamique de l’économie allemande n’est pas seulement allemande. Une partie du succès de nos voisins d’outre-Rhin vient du fait que les communistes s’intéressaient beaucoup à l’éducation. Ils ont laissé derrière eux non seulement des systèmes industriels obsolètes, mais également des populations supérieurement éduquées.

Comparer la situation éducative de la Pologne en Europe avant la guerre avec celle d’aujourd’hui, bien meilleure, c’est admettre qu’elle doit une partie de sa bonne tenue économique actuelle au communisme, pire peut-être, à la Russie. Nous verrons dans quel état la gestion allemande laissera la Pologne. Reste que l’Allemagne s’est de fait substituée à la Russie en tant que puissance contrôlant l’Est européen et a réussi à en faire une force. La Russie, elle, avait été affaiblie par son contrôle des démocraties populaires, le coût militaire n’étant pas compensé par le gain économique. Grâce aux États-Unis, le coût du contrôle militaire est pour l’Allemagne proche de zéro.

[À suivre ici]

Interview réalisée pour le site www.les-crises.fr, librement reproductible dans un cadre non commercial (comme le reste des articles du site, cf. Licence Creative Commons).

Source: http://www.les-crises.fr/todd-2-les-acteurs-sont-incompetents/


[Libération, tout en finesse] Il faut donner des armes à l’Ukraine, par Marc Sémo

Tuesday 2 September 2014 at 00:01

Billet “plein de sagesse” et “tout en finesse” de Marc Semo, chef du service étranger de Libération.

Comme quoi, on confie nos journaux à de brillants cerveaux.

Et une fois qu’on aura armé Kiev, que va faire Moscou ? Étrange, il omet d’en parler… Et quand Moscou reconnaîtra vraiment Novorossia, et enverra alors des chars pour la protéger, on fera quoi exactement ?

Hélas, et comme prévu, la situation dégénère. Moscou ne laissera probablement pas tomber les rebelles, donc, ou on impose un cesser le feu à tout le monde et des négociations internationales (avec des votes des populations concernées), ou ça continuera à empirer.

En droit comme en pratique, rien n’empêche les Occidentaux d’accorder aux autorités de Kiev, légitimement élues, les moyens de se défendre.

Rien ? Euh, si : le bon sens !

C’est bien une guerre qui se déroule en Ukraine et après avoir longtemps refusé de la définir comme telle, les dirigeants occidentaux ont dû se rendre à l’évidence. L’agression menée par Vladimir Poutine et sa désormais très claire volonté d’annexion de l’est de ce pays, six mois après celle de la Crimée, met l’Europe face à ses responsabilités. Elle y joue sa crédibilité autant que le tracé de sa frontière orientale.

Tiens, l’Ukraine est déjà en UE ? Vous avez voté pour ça vous ?

Encore Premier ministre polonais mais bientôt président du Conseil européen, Donald Tusk a eu le mérite de poser clairement les enjeux de cette crise – la plus grave depuis la fin de la guerre froide. Lors des cérémonies marquant, le 1er septembre, la commémoration de l’agression de l’Allemagne nazie contre la Pologne en 1939, coup d’envoi de la Deuxième Guerre mondiale,  l’ancien militant de Solidarnosc a martelé : «Il est encore temps d’arrêter ceux pour qui la violence, la force, l’agression deviennent une nouvelle fois l’arsenal d’une action politique.»

J’adore, c’est bien d’avoir nommé un modéré. C’est amusant, j’étais sûr qu’on allait vite regretter Van Rompuy.

La stratégie des sanctions choisie jusqu’ici par les Vingt-Huit n’a guère fait céder le Kremlin. Même si les sanctions seront encore durcies, répondre à l’appel des autorités de Kiev qui réclament «une aide militaire d’envergure» est de plus en plus urgent. Il faut donner des armes à l’Ukraine pour lui permettre de se défendre. La France, la Grande-Bretagne, l’Allemagne et les Etats-Unis aident les Kurdes d’Irak face aux jihadistes, mais hésitent pour Kiev malgré les appels de la Pologne, des pays baltes ou de la Roumanie.

Pays lumières de l’Europe, à suivre d’urgence, donc !

L’ Ukraine est un pays souverain avec des institutions légitimes et démocratiques. Moins de quatre mois après le renversement du régime prorusse et corrompu de Viktor Ianoukovitch par la révolte de Maidan,

Relisez bien, et notez les termes “institutions démocratiques”  et “renversement du régime”, je trouve ça touchant un tel respect de la Démocratie. L’ancien président ukrainien était bien plus populaire que Hollande, j’imagine donc que Libération ne verra aucun souci à ce que des milices le renversent et organisent un nouveau vote qui amènera facilement au pouvoir Sarkozy CQFD.

le nouveau président Petro Porochenko a été élu en mai à l’issue d’un scrutin reconnu comme incontestable par la communauté internationale. Le vote a pu se dérouler dans 90% du pays, y compris dans la plus grande partie de l’Est.

Ah, c’est incontestable, alors que 10 % du pays n’a pas voté et que, plus largement, le pays est en état de guerre civile ?

Intéressant, il a été élu en disant qu’il allait faire la paix et doubler les salaires. Élu avec plus de 50 % au 1er tour, son parti ne recueille déjà plus que 20 à 25 % des intentions de vote…. Démocratie ?

Des élections législatives doivent se tenir le 26 octobre, et c’est uniquement l’agression des forces russes qui met en péril le processus démocratique.

Moi, je suis quand même impressionné que toute l’armée ukrainienne n’arrive pas à mater quelques milliers de rebelles, même russes. Cela ne questionne aucun journaliste, c’est beau…

En droit comme en pratique, rien n’empêche les Occidentaux d’accorder aux autorités ukrainiennes les armes dont elles ont besoin. Rien sinon, une fois de plus, la peur des réactions du Kremlin.

Ce qui me suffit parfaitement…

Poutine le sait et il en joue, répondant par la menace aux timides admonestations téléphoniques du président sortant de la commission José Manuel Barroso : « Si je le veux, nous sommes à Kiev en quinze jours. » Une rodomontade, un moyen de faire monter les enchères pour de futures négociations.

Rodomontade : “attitude prétentieuse et ridicule, langage d’un rodomont, fanfaronnade.”. C’est sûr que les Russes ont juste battu Hitler, ils ne sont pas de taille face à l’armée ukrainienne, même avec leurs armes nucléaires.

Citation bruit de couloir, on ne sait si ça été prononcé, si cela a été dit comme ça ou si c’est sorti de son contexte (genre “Vous voyez bien que je ne cherche pas à envenimer la situation, car si je le voulais…” C’était aussi peut être une vraie menace. Comme Barrosso n’a pas confirmé, et que c’est un bruit d’un journal italien, je n’en sais rien. Et le “journaliste” non plus, ce qui est gravissime – mais du bourrage de crane classique. Quelle honte pour le journalisme.

« L’objectivité n’existe pas, seule l’honnêteté compte » [ Hubert Beuve-Méry, fondateur du Monde]

Mais l’homme fort du Kremlin saisi par l’hybris – la démesure – reste capable de tout.

Peut-être même qu’un jour il envahira l’Irak et y tuera lui aussi 500 000 personnes…

Marc SEMO Chef du service étranger de Libération, Source : Libération

P.S. pensez à vous désabonner de Libération (qui ne survit que grâce à des patrons millionnaires, ses ventes étant en chute libre), et passez la consigne :)

Source: http://www.les-crises.fr/il-faut-donner-des-armes-a-l-ukraine/


[Exclusif] La France s’est mise en état de servitude volontaire par rapport à l’Allemagne, par Emmanuel Todd (1)

Monday 1 September 2014 at 04:03

Gros cadeau pour la rentrée : une très longue interview décapante d’Emmanuel Todd que j’ai réalisée le mois dernier, et que je sors en plusieurs billets (vous aurez un joli pdf rassemblant le tout à la fin).

Je remercie M. Todd de la confiance qu’il a placée dans ce blog, et de la qualité du travail réalisé. Et je remercie également ceux qui ont donné de gros coups de main pour la finaliser.

Bonne lecture !

[Olivier Berruyer] M.Todd, quel regard portez-vous sur la crise actuelle avec la Russie ?

[Emmanuel Todd] Il y a quelque chose d’étrange, d’irréel, dans le système international actuel. Quelque chose ne va pas : tout le monde s’acharne contre une Russie qui n’a que 145 millions d’habitants, qui s’est redressée, certes, mais dont personne ne peut imaginer qu’elle redevienne une puissance dominante à l’échelle mondiale ou même européenne. La force de la Russie est fondamentalement défensive. Le maintien de l’intégrité de son immense territoire est déjà problématique avec une population aussi réduite, comparable à celle du Japon.

La Russie est une puissance d’équilibre : son arsenal nucléaire et son autonomie énergétique font qu’elle peut jouer le rôle de contrepoids aux États-Unis. Elle peut se permettre d’accueillir Snowden et, paradoxalement, contribuer ainsi à la défense des libertés civiles en Occident. Mais l’hypothèse d’une Russie dévorant l’Europe et le monde est absurde.

Au début de votre carrière, vous vous êtes beaucoup intéressé à l’URSS – prédisant même son prochain éclatement. Aujourd’hui, la Russie n’a plus le niveau hégémonique de l’URSS à l’époque, et bien que la Russie soit beaucoup plus démocratique que ne l’était l’URSS, on la traite bien plus mal. Par exemple, lorsque l’URSS est intervenue en Tchécoslovaquie en 1968, en envoyant ses chars, on a protesté, mais finalement l’hystérie n’a pas duré pendant des semaines. Or, aujourd’hui, alors qu’il ne se passe rien de comparable, mis à part une population qui vote démocratiquement en Crimée pour retourner vers la maison mère russe, on a l’impression d’assister à un drame énorme qui mériterait presque d’aller faire la guerre pour redonner de force la Crimée à l’Ukraine, malgré la volonté contraire de la population. Pourquoi ce traitement est-il si différent ?

Cette question ne concerne pas la Russie, elle concerne l’Occident. L’Occident, certes massivement dominant, est néanmoins aujourd’hui, dans toutes ses composantes, inquiet, anxieux, malade : crise financière, stagnation ou baisse des revenus, montée des inégalités, absence totale de perspectives et, dans le cas de l’Europe continentale, crise démographique. Si l’on se place sur le plan idéologique, cette fixation sur la Russie apparaît tout d’abord comme une recherche de bouc émissaire, mieux, comme la création d’un ennemi nécessaire au maintien d’une cohérence minimale à l’Ouest. L’Union européenne est née contre l’URSS ; elle ne peut plus se passer de l’adversaire russe.

Il est vrai cependant que la Russie pose au monde occidental quelques problèmes de « valeurs », mais, à l’inverse de ce que suggèrent les âneries antipoutinistes et russophobes du journal Le Monde, le problème de l’Occident est le caractère positif et utile de certaines valeurs russes.

La Russie est un pays qui n’a pas suivi le monde occidental dans la voie du « tout libéralisme ». Un certain rôle de l’État s’y est réaffirmé, tout comme une certaine idée nationale. C’est un pays qui commence à se redresser, y compris en termes de fécondité, de baisse de la mortalité infantile. Son taux de chômage est faible.

Bien sûr, les Russes sont pauvres et personne en Europe de l’Ouest ne peut envier le système russe, y compris au niveau des libertés. Mais être russe aujourd’hui, c’est appartenir à une collectivité nationale forte et rassurante, c’est la possibilité de se projeter mentalement dans un avenir meilleur, c’est aller quelque part. Qui pourrait dire ça en France ? La Russie est en train de redevenir, malgré elle, le symbole de quelque chose de positif qui la dépasse. En ce sens, c’est vrai, elle est une vraie menace pour les gens qui, à l’Ouest, font semblant de nous gouverner, égarés dans l’histoire, qui parlent des valeurs occidentales mais qui, selon l’expression je crois de Basile de Koch, ne reconnaissent réellement que les valeurs boursières.

Mais il ne s’agit déjà plus d’un conflit entre Est et Ouest, traditionnel, régressif au sens psychiatrique, dans lequel l’Amérique serait moteur. La crise récente a tout à voir avec l’intervention européenne en Ukraine.

Si l’on échappe au délire des médias « occidentaux », qui semblent revenus pour leur part vers 1956, en plein milieu d’une guerre froide menaçant de devenir chaude, et que nous observons la réalité géographique des phénomènes, il apparaît très simplement que le conflit a lieu dans la zone d’affrontement traditionnelle entre l’Allemagne et la Russie. Très tôt, j’ai eu le sentiment que les États-Unis avaient, cette fois-ci, par peur de perdre la face après le retour de la Crimée à la Russie, emboîté le pas à l’Europe, ou à l’Allemagne plutôt, puisque c’est elle qui désormais contrôle l’Europe.

On enregistre des signaux contradictoires venant d’Allemagne. Parfois, on la sent plutôt pacifiste, sur une ligne de retrait, de coopération. Parfois, au contraire, elle apparaît très en pointe dans la contestation ou dans l’affrontement avec la Russie. Cette ligne dure monte chaque jour en puissance. Steinmeier s’était fait accompagner par Fabius et Sikorski à Kiev. Merkel visite désormais seule le nouveau protectorat ukrainien.

Mais ce n’est pas que dans cet affrontement que l’Allemagne est en pointe. En l’espace de six mois, y compris durant les dernières semaines, alors qu’elle était déjà en conflit virtuel avec la Russie dans les plaines ukrainiennes, Merkel a humilié les Anglais en leur imposant, avec une incroyable grossièreté, Juncker comme président de la Commission. Chose encore plus extraordinaire, les Allemands ont commencé à affronter les Américains, en se servant d’une histoire d’espionnage par les États-Unis. C’est absolument incroyable quand on connaît l’imbrication des activités de renseignement américaines et allemandes depuis la guerre froide. Il apparaît d’ailleurs aujourd’hui que le BND, le service de renseignement allemand, espionne aussi, très normalement, les politiques américains. Au risque de choquer, je dirais que, compte tenu des ambiguïtés de la politique allemande à l’Est, je suis tout à fait favorable au monitoring par la CIA des responsables politiques allemands. J’espère d’ailleurs que les services de renseignement français font leur travail et participent à la surveillance d’une Allemagne de plus en plus active et aventureuse sur le plan international. Reste que cette agressivité antiaméricaine de l’Allemagne est un phénomène nouveau dont il faut tenir compte. Son style est fascinant. La façon dont les hommes politiques allemands ont parlé des Américains témoigne d’un profond mépris. Il existe un fond antiaméricain important outre-Rhin. J’avais eu l’occasion de le mesurer lors de la sortie de mon livre Après l’empire en allemand. Selon moi, il explique largement le succès de librairie exceptionnel de cette traduction.

Il y a déjà un moment que le gouvernement allemand se moque des remontrances américaines en matière de gestion économique. Contribuer à l’équilibre de la demande mondiale ? Et puis quoi encore ? L’Allemagne a son projet, de puissance plutôt que de bien-être : comprimer la demande en Allemagne, asservir les pays endettés du Sud, mettre au travail les Européens de l’Est, accorder quelques cacahuètes au système bancaire français, qui contrôle l’Élysée, etc.

Dans un premier temps, au moment de la prise de la Crimée, j’avais été plutôt sensible au rétablissement de la Russie : une puissance qui ne veut plus se laisser marcher sur les pieds et qui est capable de prendre des décisions. Actuellement, je constate que la Russie est fondamentalement une nation en stabilisation, et seulement en stabilisation, même si les gens en font le grand méchant loup.

La véritable puissance émergente, avant la Russie, c’est l’Allemagne. Elle a fait un chemin prodigieux, de ses difficultés économiques lors de la réunification à son rétablissement économique, puis à la prise de contrôle du continent dans les cinq dernières années. Tout cela mérite qu’on le réinterprète. La crise financière n’a pas simplement démontré la solidité de l’Allemagne. Elle a aussi révélé sa capacité à utiliser la crise de la dette pour mettre au pas l’ensemble du continent. Si on se libère de la rhétorique archaïque de la guerre froide, si l’on arrête d’agiter le hochet idéologique de la démocratie libérale et de ses valeurs, si l’on cesse d’écouter le blabla européiste, pour observer la séquence historique en cours de façon brute et presque enfantine, bref si l’on accepte de voir que le roi est nu, on constate que :
1) au cours des cinq dernières années, l’Allemagne a pris le contrôle du continent européen sur le plan économique et politique ;
2) et que, au terme de ces cinq années, l’Europe est déjà virtuellement en guerre avec la Russie.

Ce phénomène simple est obscurci par une double dénégation : deux pays agissent comme des verrous pour que l’on ne comprenne pas la réalité de ce qui se passe.

D’abord la France, qui ne veut toujours pas admettre qu’elle s’est mise en état de servitude volontaire par rapport à l’Allemagne. Elle ne peut pas faire autrement tant qu’elle n’admet pas pleinement cette montée en puissance de l’Allemagne et le fait qu’elle n’est pas au niveau pour la contrôler. S’il y a un enseignement géopolitique de la Seconde Guerre mondiale, c’est bien que la France ne peut pas contrôler l’Allemagne, dont nous devons reconnaître les immenses qualités d’organisation et de discipline économique, et le non moins immense potentiel d’irrationalité politique.

Le refus français de la réalité allemande est une évidence. Cela fait déjà un moment que je parle de François Hollande comme du « vice-chancelier Hollande ». Voire même, désormais, plutôt comme d’un simple « directeur de communication de la Chancellerie ». Il n’est rien. Il a atteint des niveaux d’impopularité exceptionnels, qui viennent pour une part de sa servilité en face de l’Allemagne. François Hollande est aussi méprisé par les Français parce qu’il est un homme qui obéit à l’Allemagne.

Plus largement, les élites françaises, journalistiques autant que politiques, participent de ce processus de dénégation.

[À suivre ici]

Interview réalisée pour le site www.les-crises.fr, librement reproductible dans un cadre non commercial (comme le reste des articles du site, cf. Licence Creative Commons).

Source: http://www.les-crises.fr/todd-1-la-servitude-volontaire-de-la-france/