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Billet de crise… (07/02) (+ ENTRAIDE)

Saturday 7 February 2015 at 05:30

Eh bien “les-crises” a rarement aussi bien porté son nom…

Je comptais poursuivre encore tranquillement la série une dizaine de jours (les billets sont d’ailleurs prêts), cette fois avec les suites judiciaires et législatives des attentats, mais les évènements s’accélèrent (ils vont péter l’euro et déclencher une guerre ou quoi ?), d’où ce petit point.

L’Ukraine

Tout va bien, les comiques continuent…

J’adore la “Dernière chance”…

Ca fait belle lurette qu’on aurait pu résoudre ce conflit avec une recette magique qui s’appelle “Démocratie”, et qui consisterait à faire voter l’Est de l’Ukraine pour que les gens décident de leur avenir, comme de vulgaires Écossais… Et de donner un statut neutre à l’Ukraine, au lieu de vouloir l’accrocher au Titanic UE coûte que coûte… Même Kissinger l’a dit il y a 1 an, et la Russie est d’accord…

Comme cela aurait pu être fait depuis 1 an, je crains que, hélas, la situation n’empire.

Il n’y a qu’à voir ce qu’Hollande a dit lors de sa conférence de presse :

“Le temps presse et il ne sera pas dit que la France et l’Allemagne ensemble n’auront pas tout tenté, tout entrepris, pour préserver la paix”, poursuit François Hollande. Mais il brandit aussi la menace : “En Ukraine, c’est la guerre. Des armes lourdes sont utilisées, des civils tous les jours sont tués. (…) On pourrait être prêts à armer les ukrainiens”, prévient-il. “Il y a une autre option”, une solution négociée, mais “l’option de la diplomatie ne peut être prolongée indéfiniment”. [François Hollande, 5/2/2015]

Quel crétin quand même…

Moi, j’ai toujours pensé que ce type rentrerait dans l’Histoire, en y laissant une grande trace… (hélas)

Tiens au passage, la banque centrale d’Ukraine n’arrive plus à contrôler le change de sa monnaie…

Impressionnant, non ?

Merci BHL, tout ça, tout ça… Il va faire de l’Ukraine ce qu’il a fait de la Libye – bon courage…

Ca va bien nous mettre le salaire minimal Ukrainien à 80 € ça… – vive le libre échange du coup, pour notre compétitivité…

La Propagande de guerre se déchaîne, il faut que je fasse un papier sur ça..

La Grèce

En introduction, je partage avec vous mon étonnement sur le niveau général des commentaires sur ce sujet bouillant.

C’est typiquement une situation liée à une négociation très complexe, un poker menteur où règne le trompe-qui-peut pendant quelques temps, mais pas grave, il y a PLEIN de gens qui SAVENT…

Exemple : la BCE. La Grèce dit qu’elle ne compte pas les rembourser, mais on se scandalise que la BCE fasse un peu pression en limitant un peu le robinet à argent… (même si je n’aurais pas fait comme ça)

Exemple : Syriza. Je ne sais pas ce qu’ils feront à la fin, c’est très tendu. Leur peuple ne peut pas rembourser, mais il ne veut pas non plus quitter l’euro à ce stade (vu j’imagine qu’il n’y a pas plus de débat sérieux sur ce sujet là-bas qu’ici, et sans compter qu’en plus c’est un symbole pour eux de sortie du tiers monde).

À mon sens, la sortie de l’euro par la Grèce est inéluctable, comme la mort de cette monnaie maléfique d’ailleurs.

Il est évident qu’en THÉORIE, la Grèce à intérêt à sortir, pour avoir une monnaie adaptée à son économie, ce qui est fondamental – cela boosterait le tourisme en premier lieu, à situation inchangée. L’économie souffrirait 1 an puis repartirait – en théorie…Mais de là à faire plein de jolies courbes sur tous les avantages…

Car EN PRATIQUE, moi je ne sais pas ce qui se passe. Il est évident que, après une sortie de l’euro, l’objectif stratégique majeur des talibans de Bruxelles sera de détruire l’économie grecque. Ils ne pourront accepter que la Grèce se relève en 1 an, comme l’a fait l’Argentine, ce serait la porte ouverte au départ de l’Italie et de l’Espagne. Et donc qui sait si les intégristes européistes ne vont pas sortir la Grèce de la zone européenne de libre échange, de Schengen, mettre en place des sanctions, un boycott, un blocus, etc.. – avec de joyeuses conséquences sur l’économie grecque…

Je comprends donc que Syriza négocie un maximum, il faudrait être fou (ou commentateur) pour claquer la porte en 7 jours… Je rappelle aussi que le gouvernement grec n’a d’ailleurs toujours pas été investi par l’Assemblée grecque…

Alors, après, Syriza finira-t-il comme Hollande en se déculottant ? Possible, mais peu probable à mon avis, au vu des hommes en place. À mon humble avis (et c’est là où il faut bien prendre quelques risques…), ils vont tout tenter pour arracher un accord.

Mais à ce stade, on a vu que les positions de l’UE sont très dures, ce qui ne me rend pas optimiste à ce stade, car les échéances sont courtes, et qu’il aurait déjà fallu entamer des négociations approfondies.

Le problème grec, comme ukrainien, n’est pas si compliqué à résoudre : ils ne peuvent pas rembourser ; j’imagine mal l’UE accepter comme ça, mais ils auraient pu proposer un moratoire de 25 ans sur les dettes, cela aurait été intelligent. Mais je ne pense pas qu’ils le fassent, car primo, ce sont des talibans sadiques (sic.) secundo, ils ont raison de craindre la contagion.

Syriza risque donc de se heurter à un mur. Et je pense alors qu’il y a 80 % de chances qu’ils cassent tout et fichent le camp – c’est finalement le cœur de leur programme, le choix ultime de la Démocratie par dessus tout. Ce sera la résultat d’une partie de “Chicken” (vous savez, les 2 voitures qui foncent l’une sur l’autre), mais où aucune ne s’écartera…

Mais il y a aussi 20 % de chances qu’ils se couchent, non pas par Hollandisme, mais en raison des risques et dangers pour leur pays. Je rappelle qu’environ la moitié des forces de l’ordre ont des sympathies pour le parti néo-nazi Aube Dorée, et qu’il y a 40 ans, le pays étaient encore sous dictature militaire. Syriza pourrait donc aussi flancher s’ils sentaient un risque Pinochet pour le pays, à mon sens, ce dont personne ne parle…

Mais bon, on verra, ce n’est que le début de la partie…

Quelques infos :
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Athènes fait la sourde à ses partenaires, avant une semaine de tous les dangers

AFP le 06/02/2015 à 23:41

De retour à Athènes après un marathon européen peu concluant, les dirigeants du nouveau gouvernement grec ont réitéré vendredi leur demandes d’un plan-relais d’aide au pays, campant sur leur position avant une semaine de réunions à haut risque.

La posture du gouvernement, et le temps qui passe alors que se présentent des échéances de dettes cruciales à honorer, ont poussé l’agence de notation Standard & Poor’s à abaisser d’un cran la note du pays vendredi soir, de “B” à “B-”, en menaçant d’aller encore plus loin.

Dans la soirée, Moody’s a accentué la pression en annonçant placer la note grecque “sous examen en vue d’une dégradation” en raison de “l’incertitude élevée des négociations entre la Grèce et ses créanciers publics”.

Le gouvernement réclame 1,9 milliard d’euros aux banques centrales de la zone euro, au titre des bénéfices réalisés par celles-ci sur leurs avoirs en titres grecs, ainsi que l’extension de sa capacité d’endettement fixée par ses créanciers à 15 milliards d’euros en 2015, a répété une source gouvernementale vendredi.

- “Sans pression et sans chantage” -

Le financement-relais doit permettre “de négocier sans pression et sans recourir au chantage”, selon elle.

Le message s’adresse à l’Allemagne, qui joue la montre alors que les sources de financement de la Grèce se tarissent les unes après les autres, et à tous les partisans d’une ligne dure en Europe.

Le ministre grec des Finances Yanis Varoufakis (d) et son homologue allemand Wolfang Schäuble lors d'une conférence de presse à Berlin, le 5 février 2015 ( AFP / Odd Andersen )

Le ministre grec des Finances Yanis Varoufakis (d) et son homologue allemand Wolfang Schäuble lors d’une conférence de presse à Berlin, le 5 février 2015 ( AFP / Odd Andersen )

“Nous ne faisons pas de financements-relais”, a ainsi asséné vendredi le patron de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, selon l’agence Bloomberg.

Or, c’est devant l’Eurogroupe, l’ensemble des ministres des Finances de la zone euro, que la Grèce va jouer son va-tout mercredi, avant un conseil des chefs d’Etat et des chefs de gouvernement de l’Union européenne.

Avant ces rendez-vous à haut risque, Athènes maintient donc une revendication majeure du gouvernement Tsipras: s’affranchir des accords passés depuis 2010 qui imposent un programme de rigueur jugé humiliant en échange d’une aide de plus de 200 milliards d’euros.

- L’Allemagne intransigeante - 

Mais pour l’Allemagne, la Grèce doit s’en tenir aux engagements passés et au calendrier fixé, sans régime d’exception même temporaire.

Le compte à rebours est donc plus que jamais engagé pour le pays, qui pourrait se voir privé le 28 février de toute aide internationale, et dont le financement ne tient plus qu’à un filet de sécurité de la Banque centrale européenne, “l’ELA”.

La réunion de l’Eurogroupe sur la Grèce “était attendue et elle est bienvenue”, avaient indiqué plus tôt des sources proches du Premier ministre, Alexis Tsipras, de retour à Athènes jeudi après un marathon d’entretiens à Rome, Paris, Bruxelles, Francfort et Berlin avec des dirigeants européens pour roder son argumentaire anti-austérité.

Le Premier ministre mène de front campagne européenne et engagements nationaux, après que des milliers de personnes lui ont témoigné leur soutien en manifestant jeudi à Athènes.

Il doit présenter dimanche soir le programme gouvernemental au Parlement, avant un vote de confiance prévu mardi.

Cela ne devrait guère faciliter le dialogue européen: plusieurs promesses anti-austérité de Syriza horripilent les partisans de la rigueur en Europe, qu’il s’agisse d’augmenter le salaire minimum, de réembaucher des fonctionnaires ou d’arrêter les privatisations.

Calendrier et réunions en lien avec la dette de la Grèce  ( AFP / L. Saubadu/cam )

Face à Athènes, le camp de la discipline budgétaire s’organise, avec l’Allemagne, mais aussi les pays tout justes sevrés de l’aide européenne, comme le Portugal et l’Espagne.

L’Italie et la France ont elles adopté une ligne plus conciliante, mais refusent qu’un allègement de la dette grecque ne pénalise leurs contribuables.

Dans une tentative de donner encore une marge de manœuvre à la Grèce, le ministre italien de l’Economie Pier Carlo Padoan a fait savoir vendredi que l’Eurogroupe “n’était pas un lieu de conflit entre une équipe et une autre, mais celui d’une recherche constante de solutions partagées”.

- “Proche d’une sortie de l’euro” -

Intervenant dans le dossier, les Etats-Unis ont quant à eux jugé via leur ambassadeur en Grèce David Pearce “très important que le gouvernement grec travaille en coopération avec ses collègues européens, et avec le FMI”.

Rassemblement devant le Parlement grec pour soutenir la politique anti-austérité du nouveau gouvernement le 5 février 2015 à Athènes ( AFP / Louisa Gouliamaki )

Rassemblement devant le Parlement grec pour soutenir la politique anti-austérité du nouveau gouvernement le 5 février 2015 à Athènes ( AFP / Louisa Gouliamaki )

Avant la réunion extraordinaire de l’Eurogroupe mercredi, a lieu une rencontre des ministres des Finances du G20 lundi et mardi à Istanbul.

“La Grèce ne figure naturellement pas à l’ordre du jour officiel, mais on peut probablement s’attendre à ce qu’elle joue un rôle dans les rencontres bilatérales” en marge du sommet, a estimé porte-parole du ministère allemand des Finances.

Dans une note alarmiste vendredi, les analystes de Capital Economics jugent que la Grèce n’a “jamais été aussi proche d’une sortie de l’euro”.

Source : Boursorama

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NEW YORK, 6 février (Reuters) – La Bourse de New York a perdu près de 0,5% vendredi, plongeant dans le rouge en fin de séance après que Jeroen Dijsselbloem, président de l’Eurogroupe, a dit que la Grèce avait jusqu’au 16 février pour demander un prolongement de son programme d’aide faute de quoi le pays risquait d’être privé de soutien financier.

Ben après l’action de la BCE, on devrait y voir plus clair dans une semaine…

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BHL :

La Grèce, quoi qu’en disent les démagogues, était sur le chemin du redressement. Un redressement fragile, certes. Et qui s’est payé, pour le peuple grec, d’une quantité de souffrance quasi insupportable. Mais enfin un redressement tout de même. Et un timide retour à la croissance, des gains de productivité et, donc, un frémissement sur le front de l’emploi que réduiraient à néant les mesures, type gel des privatisations ou blocage des investissements étrangers, que l’on a jetées en pâture aux électeurs de Syriza. Alors, info ou intox ?”

Faut quand même lui reconnaitre ça : il a de très bons yeux BHL…

“L’Allemagne, quoi qu’en pense ce nouveau socialisme des imbéciles qu’est devenue la germanophobie, avait commencé d’entendre les arguments de ceux qui plaidaient contre une austérité sans mesure administrant ses remèdes comme on fait boire la ciguë. La germanophobie, depuis la semaine dernière, est de retour. La bouc-émissairisation de Mme Merkel reprend de plus belle dans la presse grecque. Encore quelques semaines de ce régime et l’on en oubliera cette évidence que ce n’est pas elle, Mme Merkel, mais bien la gabegie, la corruption, la mauvaise gouvernance des élites grecques et aussi, hélas, des classes moyennes qui ont manqué ruiner la Grèce et qui, de fait, la ruineront si l’on n’engage pas, sans délai, les réformes de structure trop longtemps différées.”

On la voit bien la solidarité allemande… Quant aux “réformes de structure”, vous savez ce que j’en pense…

“L’euro peut éclater. Et l’Un de la monnaie unique peut, pour paraphraser une dialectique fameuse, se diviser très vite en Deux. C’est ce que je redoute depuis des années. C’est le scénario noir qui se réalise tôt ou tard quand l’instauration d’une monnaie n’est pas immédiatement suivie par l’harmonisation des politiques fiscales, douanières, monétaires des pays membres. Que la Grèce fasse défaut ou que, sans faire défaut, elle tire exagérément sur la corde de sa dette et exige des délais de remboursement et des baisses de taux vécus par les citoyens des pays voisins comme un insoutenable alourdissement de leur propre dette ou, ce qui revient au même, comme un injuste appauvrissement de leurs assurances-vie – et alors l’Union européenne se retrouvera dans la situation de ces deux unions monétaires ratées, l’Union scandinave (1873-1914) et l’Union latine (1865-1927), dont l’écroulement commença avec un défaut… de la Grèce !”

Ben fallait le dire clairement en 1992, au moins on aurait voté NON à Maastricht, et on n’en serait pas là… (mais ce n’est jamais de leur faute vous noterez… Ce n’est jamais eux qui ont proposé un truc dément, totalement irréaliste, mais la faute du peuple de gros beaufs qui n’a pas su saisir la chance historique que ces Lumières avaient mise entre leurs mains, snif)

L’alliance des rouges-bruns, ce spectre qui hante l’Europe depuis presque quarante ans. [...] Un autre encore, en Russie, où c’est un parti « national-bolchevique » fondé, dans la plus pure tradition des sections bifsteck allemandes – « rouges dedans, brunes dehors » – des années 1930, par l’écrivain Edouard Limonov qui est à l’origine de l’eurasisme de MM. Douguine et Poutine. Mais la voilà, cette alliance, qui paraît trouver ses lettres de noblesse définitives quand, à Athènes, patrie de la démocratie, le Mélenchon local scelle un accord de gouvernement avec un parti, l’Anel, aussi ouvertement populiste et raciste que le parti de Mme Le Pen. Avenir de cette collusion ? Conséquence, par exemple, en France où la patronne du Front national se réjouit de « la gifle démocratique monstrueuse que le peuple grec vient d’administrer à l’Union européenne » ? A suivre. A voir. Et, évidemment, à conjurer.”

Mais oui, mais oui, les extrémistes ne sont pas au pouvoir chez nous, ça se voit tous les jours…

Et c’est sûr qu’on peut compter sur BHL pour conjurer la démocratisation de l’UE… Tiens, et si on faisait un référendum sur l’accord d’association et de libre-échange avec l’Ukraine ?

Poutine, justement. On sait que le premier à avoir félicité Tsipras est l’ambassadeur de Russie. On sait aussi que Syriza a maintes fois affirmé sa solidarité culturelle et politique avec la Russie. Et l’on a entendu la déclaration du nouveau ministre de l’Energie, Panagiotis Lafazanis, clamant, à peine nommé, son opposition à « l’embargo (sic) imposé à la Russie ». Comment interpréter ces signes ? Faut-il en conclure que cette proximité avec la Russie pourrait se traduire, un jour, par une alliance alternative ? Et est-il imaginable que Vladimir Poutine ait, en la personne du Grec Tsipras, et après le Hongrois Orban, un second cheval de Troie dans la guerre de longue durée qu’il semble avoir engagée contre l’Union européenne et ses valeurs ?

On n’ose le croire. Mais il y a un moyen simple de le vérifier. Nous venons, avec George Soros, de lancer un appel invitant le Conseil européen à étendre exceptionnellement à l’Ukraine l’accès au fonds de soutien à la balance des paiements des Etats européens non membres de la zone euro. Cet élargissement de la règle supposant, non plus la majorité qualifiée, mais l’unanimité du Conseil, je suggère de poser la question sans détour à M. Tsipras : est-il, ou non, favorable à ce geste de soutien à l’Ukraine ? ou se fera-t-il, au moment du vote, l’expression d’un bellicisme jusqu’au-boutiste dont l’intention non déguisée est de mettre M. Porochenko à genoux et à la merci du maître du Kremlin ? Ce sera l’épreuve de vérité.

Ben voyons, je propose aussi qu’on double l’impôt sur le revenu pour tout donner aux Ukrainiens…

Mais quand “BHL/Soros” parle, la presse s’exécute toujours rapidement…

À suivre – pauvres de nous…

P.S. Entraide

Les temps étant troublés, nous avons besoin d’un peu d’aide…

Donc si vous pouvez :

écrivez-nous (2e formulaire Contact, et non pas Lien svp) – merci d’avance !

Source: http://www.les-crises.fr/billet-de-crise/


Revue de presse du 07/02/2015

Saturday 7 February 2015 at 04:45

Dans la revue cette semaine, de “légers” problèmes de démocratie (Suède, Europe, Grèce), l’évasion fiscale dans le collimateur, des alliés encombrants (USA, AS), le point économique sur les USA, le dernier épisode de la série “Au-delà d’internet”, et en bonus sous le thème Médiathèque, “La minute « comique » de la semaine pour se détendre !” proposée par l’un de nos fidèles contributeurs. Bonnes lecture et écoute.

Source: http://www.les-crises.fr/rdp-07-02-2015/


[Reprise] Chomsky et Kissinger sont d’accord : il faut éviter une tragédie historique en Ukraine

Saturday 7 February 2015 at 04:20

Intéressant papier de synthèse…

Généralement, il serait difficile de trouver plus polaire en matière de politique étrangère américaine, mais quand il s’agit de l’Ukraine, l’intellectuel contre la guerre et l’ancien Secrétaire d’État américain ont plus en commun que chacun pourrait l’admettre… .

Dans le New York Times de mardi il est noté que l’administration Obama envisage d’envoyer plus d’armes en Ukraine — pour une valeur de $ 3 milliards. Selon le Times : « le Secrétaire d’État John Kerry, qui a prévu de visiter Kiev jeudi [5 février], est ouvert à de nouvelles discussions sur une aide létale, comme le général Martin E. Dempsey, le Président de l’état-major interarmées, l’a indiqué  »

Ceci fait suite aux Defense News rapports qui note que ce printemps les Etats-Unis enverront des troupes pour former la garde nationale ukrainienne et commenceront l’expédition de véhicules blindés financée par les Etats-Unis. Le financement a été autorisé par le Congrès mondial sur les fonds de prévoyance de sécurité, qui avait été demandés par l’administration Obama dans le budget de l’année financière 2015 pour aider à former et équiper les forces armées des alliés dans le monde entier.

Pendant ce temps, des images de la télévision ukrainienne de janvier montrent le général américain Ben Hodges, commandant de l’armée américaine en Europe, distribuant des médailles aux soldats ukrainiens blessés.

La pente glissante de l’engagement américain dans ce qui se transforme en une guerre civile repose sur une grande partie sur la propagande des déclarations et la couverture inexacte d’entreprises médiatiques et cela rappelle que la plupart des guerres ont commencé pour de fausses raisons.

Les vues de Henry Kissinger et Noam Chomsky sur ce conflit sont assez similaires, bien qu’il soit difficile de trouver deux pôles plus opposés sur le sujet de la politique étrangère américaine. En effet, Chomsky a été uncritique de longue date de Kissinger sur les bombardements en Asie du sud-est et les différents coups d’État contre les dirigeants démocratiques qui ont eu lieu au cours de son mandat. Chomsky a déclaré que dans un monde juste, Kissinger certainement aurait pu être poursuivi pour ces actions. (Ceux-ci étaient des crimes de guerre que CODEPINK a récemment dénoncé devant la Commission des finances du Sénat.)

Pourtant quand il s’agit de l’Ukraine, Chomsky et Kissinger sont d’accord sur l’essentiel. Ils sont en désaccord avec l’administration Obama plus belliciste et le sénateur John McCain encore plus extrêmes — qui sont tous deux en train de faire monter le conflit à leur façon.

« Une situation menaçante »

Chomsky a décrit l’Ukraine comme une « crise [qui] est sérieuse et menaçante », notant en outre que certaines personnes comparent la situation à la crise des missiles cubains de 1962. À propos de la Russie et la Crimée, il rappelle aux lecteurs que « la Crimée est historiquement russe ; elle abrite l’unique port en eau chaude de la Russie,  l’accueil de flotte russe ; et a une importance stratégique énorme. »

Kissinger est d’accord. Dans une interview au Spiegel, publié en novembre, Kissinger a dit, « l’Ukraine a toujours eu une importance particulière pour la Russie. C’était une erreur de ne pas s’en rendre compte. »

Il continue :

La Crimée est un cas particulier. L’Ukraine faisait partie de la Russie pendant une longue période.Vous ne pouvez pas accepter le principe que n’importe quel pays peut juste changer les frontières et prendre une province d’un autre pays. Mais si l’Occident est honnête avec lui-même, il faut admettre qu’il y a des erreurs de jugement. L’annexion de la Crimée n’était pas une évolution vers une conquête globale. Ce n’était pas Hitler pénétrant en Tchécoslovaquie.

Quand Kissinger affirme que le cas de la Crimée ne saurait être apparenté à Hitler et à un désir de conquête globale par la Russie, il va au cœur des arguments avancés par ceux qui cherchent d’escalade. Quand on lui demande s’il croit que l’Occident a « au moins une sorte de responsabilité pour » l’escalade en Ukraine, Kissinger dit :

L’Europe et l’Amérique n’ont pas compris l’impact de ces événements, quand ils ont entamé les négociations sur les relations économiques de l’Ukraine avec l’Union européenne et qui a abouti à des manifestations à Kiev. En tenant compte des conséquence cela aurait dû faire l’objet d’un dialogue avec la Russie.

En d’autres termes, Kissinger accuse les Etats-Unis et l’Europe d’être à l’origine de l’actuelle catastrophe en Ukraine. Kissinger ne commence pas au point où il y a conflit militaire. Il reconnaît que les problèmes en Ukraine ont commencé avec l’Europe et les Etats-Unis qui cherchent à attirer l’Ukraine dans une alliance avec les puissances occidentales avec des promesses d’aide économique. Cela a conduit à des manifestations à Kiev. Et, comme nous l’a appris la sous-secrétaire d’État, Victoria Nuland, les U.S.A ont dépensé $ 5 milliards dans la construction d’opposition au gouvernement en Ukraine.

Dans une interview d’octobre sur la politique étrangère américaine avec l’Institut de Plymouth pour la recherche de la paix, interrogé sur l’Ukraine, Chomsky a écrit :

C’est un développement extrêmement dangereux, qui a débuté depuis que Washington a violé sa promesse verbale à Gorbatchev et a commencé à élargir l’OTAN vers l’est, vers les frontières de la Russie, et menaçant d’intégrer l’Ukraine, qui est d’une grande importance stratégique pour la Russie et bien sûr entretient des liens historiques et culturels. Il y a une analyse sensée de la situation dans la principale revue sur les affaires étrangères, par le spécialiste en relations internationales John Mearsheimer, intitulé « pourquoi la crise de l’Ukraine est de la faute de l’Occident. » L’autocratie russe est loin d’être irréprochable, mais nous sommes maintenant revenus aux commentaires précédents : nous sommes dangereusement proches de la catastrophe antérieure et nous en sommes à nouveau à jouer avec la catastrophe. Ce n’est pas que les solutions pacifiques possibles fassent défaut.

Kissinger aussi met en garde contre la situation dangereuse que représente l’Ukraine en décrivant le potentiel d’une nouvelle guerre froide et il exhorte les pays concernés à faire tout ce qu’ils peuvent pour éviter « une tragédie historique. » Idem dans le  Spiegel:

Ce risque existe clairement, et nous ne devons pas l’ignorer. Je pense qu’une reprise de la guerre froide serait une tragédie historique. Si un conflit est évitable, sur une base impliquant la moralité et la sécurité, on doit essayer de l’éviter.

Chomsky est d’accord que le conflit de l’Ukraine est à haut risque, mais il va plus loin. S’adressant à Russia Today (RT), il mentionne un risque de troisième guerre mondiale et la guerre nucléaire, disant : le monde a emprunté  « une voie dangereusement étroite à plusieurs reprises dans le passé. » Il a ensuite décrit la situation actuelle en Ukraine: « Et maintenant, en particulier dans la crise sur l’Ukraine et des systèmes de défense antimissile près des frontières de la Russie, c’est aussi une situation menaçante ».

Kissinger a également critiqué les sanctions économiques contre la Russie. Il les conteste en tant qu’elles ciblent des individus parce qu’il ne voit pas comment cela peut se terminer. En effet, la critique des sanctions s’applique également à l’implication militaire américaine en Ukraine. Kissinger Spiegel: « je pense qu’on devrait toujours, quand on commence quelque chose, penser ce que l’on veut atteindre et comment cela doit se terminer.«

La prise de contrôle virtuel du gouvernement ukrainien

Les États-Unis ont pris en charge le gouvernement et les postes clés en Ukraine avec les américains ou lesalliés des États-Unis. Nuland a été surprise dans une conversation téléphonique avec Geoffrey Pyatt, l’ambassadeur américain en Ukraine, en train de choisir le prochain chef de l’Ukraine. L’appel est plus célèbre pour son retentissant  — « Fuck the EU », mais dans l’appel, elle a également dit que le prochain chef de l’Ukraine devrait être l’ancien banquier Arseniy Yatseniuk, qu’elle appelle par un Pseudo « Yats. » En effet, il est depuis devenu premier ministre du gouvernement ukrainien après le coup d’état.

Le Président ukrainien Petro Poroshenko est identifié dans les documents du département d’Etat comme un informateur pour les États-Unis depuis 2006. Les documents décrivent comme « [o] vntre initié d’Ukraine (UO) Petro Poroshenko. » Le département d’Etat a également des rapports sur le fait que Poroshenko est « entaché d’accusations crédibles de corruption  ».

La plus récent haut fonctionnaire à rejoindre le gouvernement ukrainien est Natalia A. Jaresko, un fonctionnaire du département d’État depuis longtemps, qui est allé en Ukraine après la Révolution Orange parrainée par les Etats-Unis. Jaresko est devenue citoyen ukrainien naturalisée par le Président le même jour où il l’a nommé son ministre des finances. William Boardman rapports supplémentaires sur Jaresko :

Natalie Jaresko , une citoyenne américaine qui a réussi une implantation en Ukraine-, créée par l’U.S. hedge fund qui a été inculpée de délits d’initiés illégales . Elle a également réussi un fonds financé par la  CIA qui a soutenu le mouvement  « Pro-démocratie » et a recyclé une grande partie des $ 5 milliards que les  États-Unis ont consacré à soutenir les protestations de Maidan qui a mené au coup d’état de Kiev en février 2014. Jaresko est un grand fan de l’austérité pour les gens dans les pays troublés.

Ensuite, il y a également l’un des plus importants secteurs économiques en Ukraine : l’industrie de l’énergie.Après le coup d’Etat soutenu par les USA, – le fils du  vice-président Joe Biden , Hunter Biden un ami proche du Secrétaire d’État John Kerry, Devon Archer, le compagnon de chambre du beau-fils de la Secrétaire d’Etat, ont rejoint le Conseil d’administration du producteur de gaz ukrainien Burisma Holdings, producteur indépendant de gaz de l’Ukraine en volume. Archer a également servi comme conseiller de la campagne présidentielle de 2004 de Kerry et coprésidé son Comité des finances nationales. Il est aussi membre de la famille Heinz, qui gère l’entreprise familiale.

Cette prise de contrôle virtuel du gouvernement ukrainien est le contraire de ce que Kissinger aurait voulu . Il a écrit en mars dernier, « si l’Ukraine est en état de survivre et de prospérer, elle ne doit pas être un avant-poste de l’un contre l’autre — Elle devrait fonctionner comme un pont entre eux. » Malheureusement, il semble qu’il a été choisi par les États-Unis, de créer des conflits plutôt qu’un pont entre la Russie et les Etats-Unis

L’homme qui a participé à plusieurs coups contre des gouvernements démocratiquement élus, maintenant dit que les États-Unis ne peuvent pas imposer leurs vues sur les autres nations :

SPIEGEL : Dans votre livre, vous écrivez que cet ordre international « doit être entretenu, non imposé. » Qu’entendez-vous par là ?

Kissinger : Cela signifie que nous, les américains pouvons être un facteur important du fait de notre force et de nos valeurs. Vous devenez une superpuissance en étant fort, mais aussi en étant sage et en étant clairvoyant. Mais aucun État n’est assez fort ou assez sage pour à lui seul créer un ordre mondial .

Chomsky a souvent décrit comment les superpuissances cherchent à organiser le monde selon leurs intérêts par l’intermédiaire de la puissance militaire et économique. Tout au long de sa carrière, il a été un défenseur de l’autodétermination nationale, en refusant la   domination des super-pouvoirs.

Bien que Kissinger et Chomsky pourraient être mutuellement offensés d’être associés dans leurs vues politiques réciproques, le fait que les États-Unis se précipitent tête baissée dans un conflit militaire entre le gouvernement né de coup d’Etat à Kiev et les gouvernements de l’Ukraine orientale qui cherchent leur propre autodétermination, il faut noter que les deux sont d’accord sur le fait  que cette ruée vers la guerre est une erreur et une erreur qui contient des potentialités  historiques.

Kevin Zeese est co-directeur du Résistance populaire et actif avec le groupe anti-guerre, Come Home Amérique .

Source : Danielle Bleitrach, pour Histoire et Société, traduit de l’anglais depuis la version originale de Kevin Zeese, pour Mint Press News.

Source: http://www.les-crises.fr/reprise-chomsky-et-kissinger-sont-daccord-il-faut-eviter-une-tragedie-historique-en-ukraine/


[Reprise] Le désert des valeurs fait sortir les couteaux, par Régis Debray

Saturday 7 February 2015 at 04:00

Très tôt Régis Debray aura alerté contre l’oubli des et leurs républicaines.

Alors qu’il publie aujourd’hui “Un candide à sa fenêtre”, l’intellectuel s’exprime sur l’unanimisme de l’après- attentat, l’état préoccupant de notre pays ou encore l’attrait inédit du djihadisme.

Propos recueillis par Aude Lancelin

Régis Debray

L’Obs La mobilisation nationale consécutive aux assassinats perpétrés à « Charlie Hebdo » et à la porte de Vincennes pourrait-elle montrer plus de ressources républicaines et de capacités de sursaut qu’on n’en attribuait ces derniers temps à la France ?

Régis Debray Oui, à l’heure où nous parlons, c’est un formidable encouragement. « Quelque chose meurt en nous quand un ami s’en va. » Non. Quand des amis comme ceux-là s’en vont, morts au champ d’honneur, quelque chose de profond se réveille en nous tous. Challenge and response, défi et renouveau. Cela vaut pour les civilisations, comme pour les pays et les individus. Et cela vaut bien de passer sur la récupération bizarre, voire obscène, de joyeux francs-tireurs par tous leurs ennemis réunis, au dedans comme au dehors. Paris vaut bien une comédie unanimiste. La République vaut bien un quiproquo. On devrait pouvoir repartir. Imaginez des politiques à la hauteur ! On peut rêver.

Depuis plus de vingt ans, on le voit à nouveau dans ce livre « Un candide à sa fenêtre », votre réflexion porte sur le délitement de l’idée de France, sur l’espèce de déliquescence qui affecte le grand récit national, et l’antipathie sourde que ce dernier inspire même à beaucoup d’entre nous. Chez vous pourtant, cela ne débouche jamais, contrairement à tant d’autres aujourd’hui en France, sur un déclinisme sinistre. Qu’est-ce qui vous permet de garder espoir en ce pays ?

D’abord, le noble instinct de conservation. Et puis la langue, et l’humour – parce qu’au fond, le français, ma vraie patrie, c’est beaucoup plus grand que l’Hexagone. Il y a là une vitalité, une veine d’impertinence, une résilience qui ne renonce pas, en France, en Algérie, au Québec, au Liban. On est bien forcé pourtant d’observer chez nous un appauvrissement du vocabulaire, un tarissement du poétique, un « casse-toi pauv con » généralisé. Mais il y a de la ressource.

Quand vous lisez Kamel Daoud par exemple /-« Meursault, contre-enquête », NDLR], vous vous dites : ah, il y a encore une mise des mots sous tension, une intensité d’écriture. Bien sûr, minoritaire. Mais, ça l’a toujours été. Malraux disait que la secte littéraire, c’était 10 000 personnes. Au-delà, c’est un malentendu. Ou un opportunisme. Espoir d’ordre culturel, donc. D’ordre politique ? Je crains que de ce côté, on ne soit à la fin d’un cycle, celui qui est né aux alentours de 1789 et qui liait la lutte pour le pouvoir à une confrontation d’idées. La première a sans doute 50 000 ans, en tout cas 3 000 ans attestés. C’est une lutte d’intérêts, de factions, de clans. Mais la Révolution a inventé autre chose en France qui arrimait l’éternelle bagarre pour les places à une idée de l’homme et de l’avenir, à un universel. On a souvent l’impression qu’on en est revenu là-dessus au statu quo ante, « ôte-toi de là que je m’y mette ».

Quel genre d’événement pourrait permettre de mettre en branle les nouvelles élaborations politiques nécessaires pour redonner une véritable vie à la République en France ?

L’attentat du 7 janvier jouera-t-il le rôle d’un tel événement ? Ou bien faudra-t-il une guerre pour de vrai ? Ou l’arrivée d’une troïka du FMI pour prendre les commandes, comme à Athènes ? Il faudra frôler un précipice en tout cas. Je n’ignore pas que chaque siècle a son petit poème de deuil sur la décadence. La longue-vue historique relativise ces lamentations. Quand l’imprimerie est apparue, les moines copistes ont dit que tout était foutu. On voit aujourd’hui la même chose avec le virtuel. C’est une idiotie bien sûr, on peut reconstituer une culture en milieu numérique. Je lisais récemment l’« Histoire de la littérature française » de Thibaudet, livre admirable. Il fait terminer notre littérature dans les années 1920, estimant que les années 1930, celles où il écrit, sont un désert.

Bon. Nous sommes tout de même réellement sur le recul. La France a tenu l’avant-scène deux ou trois siècles. C’est normal qu’elle laisse à d’autres la place. Mon ami Daniel Cordier dit que la France est morte en 1940. La France en tant que pays maître et grande puissance, on peut le penser. Il y a tout de même eu un « été indien » avec de Gaulle, mais la messe était peut-être dite. Au fond, on peut survivre à ça. On peut même vivre plus heureux. Etre un acteur de l’histoire, c’est très emmerdant, ça coûte des vies humaines, de l’argent, beaucoup d’inconvénients domestiques. En Suisse, le principe de précaution joue à plein.

Cette situation ne concerne pas seulement la France. Vous avez ainsi récemment publié « l’Erreur de calcul » (Editions Le Poing sur la Table), un très beau texte, très fort, terrible en même temps. Vous y dénoncez notamment l’expansionnisme de la vision économique du monde, et les ravages qu’elle opère. D’une certaine façon, c’est la planète entière qui est mise en joue par le néolibéralisme et la soumission de nos élites à ses exigences… En Occident, en tout cas. Le remplacement des lettres par les nombres et l’idée qu’à toute expression doit correspondre une valeur chiffrée, que ce soit en taux, en score, en performance ou en part de marché, c’est quelque chose de sidérant. Est-ce l’illusion économique qui a stérilisé la politique ? Ou la politique est-elle tellement stérile qu’il ne nous reste plus que z l’économique ? En tout cas, il y a un cercle vicieux qui fait que nos dirigeants sont devenus des comptables. On m’a fait une adolescence politique, on me fait une vieillesse économique. Ça me fait rire, et un peu pleurer aussi. C’est un changement radical de référence.

Vue aérienne de la marche républicaine du dimanche 11 janvier, à la place de la République

Vue aérienne de la marche républicaine du dimanche 11 janvier, à la place de la République

Pour être Premier ministre, il faut avoir été dircom [Manuel Valls fut directeur de la communication de Lionel Jospin]. Au fond, on se demande si une personnalité originale peut encore surgir dans le forum ou la foire actuelle. Les contraintes et les contrôles (sondages, communicants, marchés, Bruxelles, etc.) sont tels que seul le médiocre, le falot ou le docile peuvent s’y tailler une place.

Aujourd’hui, la gauche radicale française est au tapis, alors qu’on assiste, dans d’autres pays européens, à l’émergence de nouvelles formations (Podemos en Espagne, Syriza en Grèce, etc.). Comment l’expliquer ? Est-ce que, comme vous le suggériez tout à l’heure, on n’est finalement pas encore tombés assez bas économiquement, ou bien est-ce que nous ne sommes pas ce peuple insurgé que l’on a longtemps prétendu être et que l’on a surjoué à certaines époques ? Qu’est-ce qui explique qu’aujourd’hui le Front national soit la force politique montante, et pas une formation du type Syriza ?

C’est la question clé politiquement. J’ai voté Mélenchon – j’allais dire « comme tout le monde » -, même si je suis souvent en désaccord avec ce qu’il dit (notamment vis-à-vis du religieux, domaine où il n’a rien compris). Le cours des choses est allé de droite à gauche pendant les deux derniers siècles. Aujourd’hui on dirait que la génération qui vient sera plus à droite que celle de ses aînés. Voyez l’évolution du PS. Le programme du Conseil national de la Résistance serait taxé par lui aujourd’hui d’extrême gauche. Cela peut s’expliquer par la remontée des archaïsmes identitaires propre à l’ultramodernité. Et puis il y a la bombe diasporique, à la suite des migrations inéluctables qui vont dominer le siècle, et provoquer des réactions immunitaires un peu partout.

Plus les gens se côtoient, moins ils s’aiment. Il en va de même des cultures. Il y a aussi le fait que le Parti socialiste n’est plus regardable ni audible. Mais honnêtement, je ne peux pas répondre à votre question. Chez les Anglo-Saxons, ou les Bavarois, on peut comprendre. Mais chez nous, pas de Syriza ou de Podemos ? On est latins, tout de même !

Est-ce que ce ne serait pas aussi le fait que la France a opéré pendant des années une chasse aux marxistes très dure, à la mesure peut-être de la longueur de l’épisode gauchiste qu’elle avait vécu antérieurement ? Pendant vingt à trente ans, toutes ces idées-là ont été totalement ostracisées.

Nos connards d’antimarxistes professionnels, excusez-moi, ont ouvert la porte au pire. On a eu deux catastrophes silencieuses depuis trente ans : l’effacement du Parti communiste et celui de l’Eglise catholique – c’est la même chose d’ailleurs. Parce que c’était tout de même deux encadrements qui permettaient l’intégration des marges et des immigrés et dont la seule présence donnait un peu de pudeur à la loi du fric et aux bourgeois déculturés. Le prêtre-ouvrier façon Jean-Claude Barreau et le militant syndicaliste.

Le Français Maxime Hauchard (à droite) a été reconnu, le 17 novembre 2014, parmi les membres du groupe Etat islamique qui ont assassiné des prisonniers syriens.

Le Français Maxime Hauchard (à droite) a été reconnu, le 17 novembre 2014, parmi les membres du groupe Etat islamique qui ont assassiné des prisonniers syriens.

L’immense travail qu’a fait la mouvance communiste (associations de jeunesse, », centres culturels, presse militante, « Vaillant » avec Pif le chien, TNP, etc.) a permis l’extension du domaine de la République vers des couches sociales qui lui étaient étrangères. Quand vous étiez paumé en banlieue en 1950, vous vous disiez : bon, je vais voter communiste, dans vingt ans on sera au pouvoir. Aujourd’hui, qu’est-ce que vous pouvez vous dire ? Chacun pour soi, comme dans un naufrage. Avec son business, ou avec son petit réseau de cinglés. Ou les deux ensemble.

L’engagement pour la Syrie ou l’Irak tient lieu de nouvelle échappatoire pour certains. Dans un des textes de ce recueil, vous comparez au passage audacieusement la situation des jeunes djihadistes qui s’embarquent aujourd’hui pour ces destinations sanglantes à celle du jeune révolutionnaire que vous fûtes.

On allait vers l’homme, tandis qu’eux vont au ciel. On allait vers l’avenir, eux vont vers le passé. Pulsion de vie contre pulsion de mort. On régresse. Le lumpen à l’abandon caricature et inverse l’engagement révolutionnaire d’hier. Pourquoi ? Les âmes bien nées ont toujours eu besoin d’une « cause » et de risquer leur vie pour elle. Or il n’y a plus d’offre nationale de ce côté-là (mourir pour un point de croissance, c’est un peu mince) et l’Europe à la Jean Monnet, comme mythe de convocation, a fait pschitt. Restent les appels de l’exotisme. Ajoutez l’attrait de la guerre et des armes, l’ennui du train-train, et la recherche de l’absolu. Plus une vision du monde qui divise l’humanité entre ceux qui ne sont rien, les incroyants qu’on peut tuer à loisir et les élus. Le contraire de la fraternité. Nous n’étions pas des évangéliques, mais nous avions beau être qualifiés de « terroristes », un attrape-tout qui a beaucoup servi, le fait de prendre des civils en otage ou d’abattre des prisonniers, c’était impensable.

L’agitation autour de l’islam ne cesse de monter en France. Outre les événements tragiques survenus à « Charlie Hebdo », le nouveau roman de Michel Houellebecq traite précisément de ces questions sur un mode polémique. Est-ce que vous pouvez comprendre le fait que certains voient dans cette religion un facteur de déstabilisation majeur pour les pays européens ? Ou est-ce qu’il y a là pour vous une panique excessive qui finit du reste par devenir autoréalisatrice ?

Evitons surtout la paranoïa. Il y a un problème sérieux lié non à l’immigration en soi, mais au fait que beaucoup d’enfants d’immigrés ne se sentent plus français et n’ont pas envie de le devenir. Aux Etats-Unis, les arrivants arborent le drapeau américain. Pourquoi ? Parce que les politiques y ont un petit drapeau étoilé sur le revers du veston, parce que, lorsque vous arrivez dans un aéroport, vous avez un stars and stripes de 10 mètres sur 20.

Nous, nous avons une classe dirigeante qui a honte de sa langue et de son lieu de naissance : c’est ringard, franchouillard, moisi. Comment voulez-vous que les immigrés se sentent un attrait pour ce qui rebute nos gens du bon ton ?

Le vrai problème, ce n’est pas la présence musulmane, du reste aussi éclatée et diverse que le monde chrétien de souche. C’est notre incapacité à nous faire aimer des nouveaux venus. C’est plus un problème franco-français qu’un problème franco-musulman. Pourquoi rien à la place du service militaire ? Pourquoi n’a-t-on pas ritualisé la naturalisation comme le font les Etats-Unis, pourquoi « la Marseillaise » à l’école est-elle jugée pétainiste ?

Leur religion biblico-patriotique rend les Américains confiants dans leur destin, parfois même un peu trop. Nous avions un équivalent dans le culte laïque de la patrie ou du savoir ou du progrès. Les fondements symboliques sont aux abonnés absents. C’est la fierté qu’il faut désormais récupérer.

Pourquoi est-ce que nous n’arrivons plus en France à mobiliser notre passé prestigieux et nos mythologies autrement que sur un mode muséal ?

Les pays comme la Chine ou l’Inde entretiennent leur mytho-histoire. Chez nous, le mythe, Barthes aidant, passe pour un affreux mensonge. La Maison de l’histoire de France était mal partie, avec Sarkozy en initiateur, on avait envie de fuir. Mais cette affaire était révélatrice, comme je le dis dans mon « Candide ». Qu’est-ce qu’une nation ? C’est une fiction qu’on accepte parce qu’elle nous augmente. L’histoire s’en allant, ne nous restent que clod mémoires, parcellaires et antagonistes. On est passé de la molécule aux atomes. Ça se paie.

Vous décrivez trois stades d’illusion dans « l’Erreur de calcul ». Après le temps de l’illusion religieuse, celui de l’illusion politique, et aujourd’hui l’illusion économique dans laquelle l’Occident vit. Cette civilisation-là, à vous lire, n’est pas promise à un grand avenir. Elle présente des contradictions extrêmement violentes, ne serait-ce que le fait de ne pas donner aux gens de véritables raisons de vivre. Alors c’est sûr, nous n’échapperons pas au retour de l’illusion religieuse ?

Ce serait malheureux, parce que la religion sans culture religieuse, c’est toujours meurtrier. Dommage que les autorités n’aient pas donné suite à ma proposition d’il y a dix ans : l’enseignement du fait religieux dans l’école laïque. On s’était fait une idée un peu bébête du progrès, du genre : « une école qui s’ouvre, c’est un sanctuaire qui ferme ». J’ai découvert il y a quarante ans, en me baladant dans le monde arabe, que les fondamentalistes à l’université prospéraient dans les facs de sciences et de techniques, et non de lettres.

Partout, en Inde, comme en Israël, comme en Amérique. La modernisation techno-économique déclenche une régression politico-culturelle. Comme le nuage porte la pluie, la fin de la politique comme religion (ce qu’elle fut en France depuis 1789) entraîne le retour des religions comme politique. Le tout-économie, dont le tout-à-l ‘ego est un effet parmi d’autres, accélère ce mouvement de balancier jusqu’à la folie. Il y a une sorte de cercle vicieux entre le désert des valeurs et la sortie des couteaux. Entre la dévaluation de l’Etat et le retour au tribal, le repli sur les périmètres de sécurité primaires : le clan, la famille, le terroir, la reféodalisation du paysage.

Au fond, le grand résultat de l’Europe de Bruxelles, ça aura été le retour de l’Europe moderne au XVe siècle : les villes-Etats, les principautés ou régions, les féodalités financières et les communautés de croyance. Mafias et sectes. Si les choses continuent ainsi, ce n’est plus la citoyenneté qui va nous unir, mais la généalogie (papa et maman, la terre et les morts), ou une appartenance religieuse ou les deux. Ce serait la fin d’une période ouverte par la Révolution française, et ceux qui se sont réjouis de cette fin ont en réalité ouvert un avant-1789. Ce sont ces pseudo-modernisateurs de la gauche qu’il faudrait maintenant oublier.

Régis Debray

Source : L’OBS, N°2619, le 14/01/2015

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Je vous propose aussi ce beau débat sur Mediapart après les attentats (merci à Arthur78 !), avec Jocelyne Dakhlia, historienne et anthropologue, directrice d’études à l’EHESS, spécialiste de l’histoire du monde musulman et de la Méditerranée ; Régis Debray, écrivain, philosophe ; Edgar Morin, sociologue et philosophe ; Benjamin Stora, historien, spécialiste de l’histoire du Maghreb contemporain, dirige le Musée de l’histoire de l’immigration. :

La République, l’islam et la laïcité (partie 1) : premières leçons des attentats

La République, l’islam et la laïcité (partie 2) : rééduquer les éducateurs

La République, l’islam et la laïcité (partie 3) : Modernité et archaïsmes

Source: http://www.les-crises.fr/regis-debray-le-desert-des-valeurs-fait-sortir-les-couteaux/


Nouveau dérapage antisémite de Dieudonné ?, par Didier Porte

Saturday 7 February 2015 at 02:22

Du grand Didier Porte :

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Rappel en effet de la cerise sur le gâteux avec Philippe Tesson de janvier 2015 :

«D’où vient le problème de l’atteinte à la laïcité, sinon des musulmans ? On le dit, ça ? Eh bien moi, je le dis ! Je rêve ou quoi ? C’est ça notre problème actuellement, c’est les musulmans qui mettent en cause la laïcité ! C’est les musulmans qui amènent la merde en France aujourd’hui !»

Pour ceux qui n’ont pas connu René Coty, je précise que Philippe Tesson est un journaliste, ancien rédacteur en chef du journal Combat de 1960 à 1974 puis du Quotidien de Paris qu’il fonda.

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Qui rappelait le dérapage de janvier 2014 sur Dieudonné :

«Il n’y a pas de pitié pour ça. Ce type, sa mort par exécution par un peloton de soldats me réjouirait profondément. Je peux aller jusque-là», dit-il, avant d’ajouter : «Pour moi, c’est une bête immonde, donc on le supprime et c’est tout». «Je signe et je persiste» ajoute-t-il quelques secondes plus tard, voyant que ses interlocuteurs n’admettent pas de tels propos. «N’allons pas jusque-là parce que nous sommes contre la peine de mort» lance alors un invité. «Ah ben voilà, le coupe Tesson, il y a toujours quelque chose qui nous empêche d’aller jusqu’au bout».

Qu’avait fait la radio ?

Le podcast de l’émission entière a rapidement été supprimé sur le site de Radio Classique, comme vous pouvez le voir ci-dessous. Joint par le Figaro, le service de communication de Radio Classique s’est justifié : «Si nous n’avons pas mis le podcast en ligne, c’est que la radio ne souhaitait pas donner de l’écho à ces propos qui ont pu être mal interprétés».

Mais finalement, ce n’est pas grave, il suffit de le réinviter :

Il aura fallu attendre ce mercredi 15 janvier pour que le célèbre journaliste de 84 ans modère ses propos sur Europe 1, évoquant une «formule de style».

Source : Le Parisien

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Et en 2015, après ce “dérapage”,  on l’exclut des médias ?

Ben non, on le réinvite… Sur France Inter là, où il admet un “dérapage” (rooo) mais bon, ne change pas grand chose au fond :

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Je termine donc par l’excellent éditorial de Daniel Schneidermann :

Tesson : la solution du chiffon

Par Daniel Schneidermann le 22/01/2015 – 09h15 – le neuf-quinze

Tous les cerveaux malades ne sont pas condamnés à l’indignité médiatique. Après sa tirade islamophobe sur Europe 1, et alors que le parquet vient d’ouvrir une enquête, le chroniqueur octogénaire Philippe Tesson est l’invité de Léa Salamé, sur France Inter. Il est tancé fermement, sermonné, rappelé à l’ordre. “Qu’est ce qui vous a pris ? Vous avez dit que les musulmans foutent la merde en France !” Ah non. Attention. Ne pas déformer. Ne pas trahir sa pensée. “Je n’ai pas dit qu’ils foutent la merde, j’ai dit qu’ils amènent la merde”. Et vous le maintenez ? Tesson sort les rames, pour une opération traduction, à destination des chastes oreilles des auditeurs de France Inter : “s’il y a des désordres aujourd’hui en France, il y a quand même davantage de musulmans que de chrétiens qui amènent ces problèmes, non ?” En effet. Ca change tout.

Pour sa défense, Tesson explique que les temps ont changé. Au siècle dernier, période bénie, avant que les serres du politiquement correct s’abattent sur la délicieuse liberté française, on pouvait parler clair, dru, joyeux, exprimer sa pensée telle qu’elle jaillissait de nos cerveaux vigoureux, dire tout haut ce qu’on pensait tout bas. Aujourd’hui, hélas…

“Qu’est-ce qui vous a pris ?” Quoi qu’il fasse, quoi qu’il dise, Tesson fait partie de la famille. On ne va tout de même pas encabaner papy, aujourd’hui, à son âge. La saillie islamophobe est certes inacceptable, mérite rappel à l’ordre, réprimande, tape sur les doigts, tout ce qu’on voudra, mais tout de même moins que l’apologie des frères Kouachi sous l’emprise de l’alcool. “Une boulette”, dit Joffrin, pour excuser Tesson.

Ces circonstances atténuantes ne sont donc applicables qu’aux éditorialistes multicartes, honorablement connus du milieu. Pas la moindre indulgence, en revanche, pour la collection de semi-débiles, sur qui pleuvent les condamnations à de la prison ferme, depuis deux semaines. “Ils ont tué charlie, moi j’ai bien rigolé. Si je n’avais pas de père ni de mère, j’irais m’entrainer en Syrie”, par un déficient mental, bénéficiaire de l’allocation adulte handicapé, à Bourgoin-Jallieu (Isère) : six mois ferme. A Paris : “quand je vois des bombes qui explosent et des policiers qui crèvent, je rigole”. Peu importe s’il s’autoproclame fils de Ben Laden, avec lourds antécédents psychiatriques : trois mois ferme. Sur Facebook : “on a bien tapé, mettez la djellabah, on ne vas pas se rendre, il y a d’autres frères à Marseille” : trois mois ferme. Etc etc. Et aucune invitation de repêchage à France Inter.

Ne me faites pas dire ce que je ne dis pas : ceci n’est pas un appel à l’incarcération de Philippe Tesson. J’aurais trop peur qu’il se radicalise en prison. Mais le code pénal, dans sa grande sagesse, a prévu des peines de substitution, que les tribunaux ont d’ailleurs parfois (mais trop peu) appliquées ces derniers jours. Vive l’éducation ! Il n’est jamais trop tard pour les solutions éducatives ! De même que les semi-débiles à la kalachnikov en carton pâte pourraient, avec profit, effectuer quelques menus travaux au bénéfice d’associations de victimes du terrorisme, de même on pourrait envoyer le semi-débile Tesson, avec son seau et son chiffon, nettoyer les tags islamophobes, qui se multiplient sur les mosquées. Et tout serait pardonné.

Source: http://www.les-crises.fr/nouveau-derapage-antisemite-de-dieudonne-par-didier-porte/


De quoi Charlie est-il le nom ?, par Faysal Riad

Saturday 7 February 2015 at 01:22

Par Faysal Riad

Retour sur un slogan, une caricature et une antonomase

Les tenants du slogan « Je suis Charlie » affirment qu’il s’agit simplement d’un « Oui à la liberté d’expression, non au terrorisme ». Un truc très légitime en somme. Si ce n’était que ça, je l’approuverais, je le crierais sans problème. Mais voilà, pourquoi exprimer de tels principes par ces mots ?

Premier problème : ce slogan occulte les autres morts de ces derniers jours (qui n’étaient pas tous engagés dans les combats de Charlie hebdo) dont les familles, pour certains, ne tiennent peut-être pas à être incorporés au mouvement tel qu’il s’est constitué. D’eux, tout le monde semble se taper.

Deuxième problème : même s’ils ne méritaient évidemment pas de mourir, et que ces morts sont déplorables et choquantes, certains des journalistes et caricaturistes de Charlie [avaient tendance à faire preuve d'islamophobie]. Pas seulement irréligieux, anticléricaux et amateurs de blasphème. Cela, que nous l’aimions ou le détestions, c’était leur droit. Droit qui a été violemment et tragiquement nié par des malades, mais qu’aujourd’hui, dans le débat public, évidemment et heureusement, personne ne remet en cause sérieusement [1].

Puisque [ils avaient tendance à faire preuve d'islamophobie], il n’est pas anodin, aujourd’hui, de choisir pour défendre la liberté d’expression, d’honorer la mémoire de ce journal-là : ce serait choisir, pour critiquer la peine de mort par exemple, non pas seulement de mettre en cause la manière honteuse dont on a exécuté un Pierre Laval, mais d’aller jusqu’à honorer sa mémoire en poussant tous les opposants à la peine de mort à assumer un « Je suis Laval » qui, espère-t-on, les répugnerait.

Je suis opposé à la peine de mort mais je ne pourrais jamais écrire « Je suis Laval ». Je suis pour la liberté d’expression et contre le meurtre mais je ne pourrais jamais écrire « Je suis Charlie ».

Antonomase

[L’antonomase consiste à employer un nom propre pour signifier un nom commun - ex : Un don Juan ou... un Charlie]

Moi aussi je suis un Charlie

Un dessin a retenu mon attention : celui qu’Uderzo a fait pour rendre hommage à Charlie. Tout le monde a remarqué les fameuses babouches du terroriste qu’Asterix cogne virilement. Des babouches, alors que les terroristes français portent plus souvent des Nike Air, validant l’idée, qu’on retrouvait fréquemment dans les dessins publiés dans Charlie, par la synecdoque évidente babouches = arabe, que terroriste = arabe, et que donc, tous ces gens qui défilent pour Charlie aux côtés de politiciens colonialistes officiellement anti-arabes (pour certains clairement opposés à la liberté d’expression et réprimant durement les journalistes), le font directement ou indirectement, consciemment ou inconsciemment, contre les Arabes, considérés entièrement comme des terroristes potentiels. Ou du moins le font-ils malgré cela.

De nombreuses images le corroborent, dont celles de l’enfant qui avoue, avant de se corriger, qu’elle est venue là pour manifester contre « les Ar… les terroristes ». Pourquoi s’en étonner ? Qu’est-ce qui pourrait aujourd’hui autant mobiliser ? Quelle est la passion française actuellement ? Quel est l’ouvrage qui a eu le plus de succès récemment ? Que raconte l’essayiste le plus populaire de France ? Et que raconte le romancier le plus médiatisé de la France actuelle ? Et que raconte le plus célèbre et le plus récent des recrutés à l’Académie française ?

Mais ce qui a le plus retenu mon attention dans le dessin d’Uderzo, que je vois comme une sorte d’image grossie de l’inconscient des Charlie, qui à nous arabes non-vendus au PS et aux partis de gouvernement, saute aux yeux, et fait que même lorsque nous défendons la liberté d’expression et sommes horrifiés par les attentats, nous ne pouvons accepter l’hommage rendu à des gens que nous sommes désolés de voir assassinés, mais dont nous ne pouvons pas non plus oublier les injures, c’est ce qu’on appelle en rhétorique l’antonomase.

Antonomase : figure de style dans laquelle un nom propre est utilisé comme nom commun.

Car Uderzo ne fait pas dire à Asterix « Moi aussi je suis Charlie », mais « Moi aussi je suis un Charlie ».

Un Charlie ?

Mais qu’est-ce donc qu’un Charlie ?

Pourquoi un substantif ?

Comment ne pas entendre, dans cette formulation quelque peu bizarre, comme si quelque chose devait absolument sortir, surtout dans ce cas où l’on voit clairement le héros gaulois cogner ce qui apparaît dans l’image comme étant simplement « un porteur de babouches », l’antonomase classique, « un Charlie » contre « un Rachid », ou « un Mohammed » ?

Dès lors le « Je suis un Charlie » signifie bien « Je suis un Français », un « blanc » plutôt. Oui : « je suis un blanc », ce qui n’a rien de honteux en soi naturellement, mais quand c’est un blanc cognant joyeusement sur un porteur de babouches, assimilé implicitement à un envahisseur (par analogie avec les habituelles sandales romaines que viennent ici remplacer les babouches), alors « Je suis un Charlie » signifie : « je suis blanc et j’emmerde les bougnoules ».

Notes

[1] Surtout lorsqu’on voit tous ces Français mobilisés aux côtés de leur président, des autres présidents du monde et des CRS.

Source : Les Mots Sont Importants, 13/01/2015

Source: http://www.les-crises.fr/de-quoi-charlie-est-il-le-nom-par-faysal-riad/


L’Otan va se renforcer à l’Est

Friday 6 February 2015 at 06:00

On a drôlement bien fait d’élargir l’OTAN à l’Est quand même…

Mais bon, ils veulent la guerre, ils l’auront…

L’Otan va décider jeudi de renforcer sa présence sur son flanc Est en approuvant la création d’une nouvelle force de 5 000 hommes et de six “centres de commandement”, en réponse à “l’agression” de la Russie en Ukraine, a indiqué le secrétaire général de l’Alliance, Jens Stoltenberg.

“Nous avons d’importantes décisions à prendre. Des décisions relatives à la manière dont nous pouvons renforcer notre défense collective”, a déclaré Jens Stoltenberg en arrivant à une réunion des ministres de la Défense des pays membres de l’Otan à Bruxelles.

Lors de leur sommet au Pays de Galles en septembre, les chefs d’Etat et de gouvernement avaient décidé de muscler leurs moyens de défense après l’annexion de la Crimée par la Russie, suivie par son intervention dans l’est de l’Ukraine.

La réunion des ministres de la Défense jeudi vise à concrétiser cet engagement. ”C’est une réponse aux actions agressives de la Russie, qui a violé la loi internationale et annexé la Crimée”, a souligné Jens Stoltenberg. ”Nous allons décider de la taille et de la composition de la nouvelle force, dite ‘fer de lance’ (spearhead en anglais), et nous assurer qu’elle pourra être déployée en quelques jours”, a-t-il expliqué. Elle devrait être composée de “5 000 hommes” lorsqu’elle sera déclarée opérationnelle en 2016.

Les ministres devraient également approuver la création de “six centres de commandements” en Europe orientale, où l’inquiétude vis-à-vis de Moscou est réelle. Ils devraient voir le jour dans les trois pays baltes, en Pologne, en Roumanie et en Bulgarie.

Source : le Figaro, 5/2/2015

Source: http://www.les-crises.fr/l-otan-va-se-renforcer-a-lest/


Le scandale des nouveaux droits de vote à la BCE

Friday 6 February 2015 at 05:40

Je n’ai pas fait de billet pour l’arrivée le 1er janvier de la Lituanie en tant que 19e victime de l’euro.

J’avais cependant omis une conséquence importante : au vu des traités, il y a désormais trop de membres (sic.) pour chacun ait un droit de vote à chaque fois.

On a donc mis en place une rotation des votes, qui fonctionne ainsi, selon la FAQ du site de la BCE :

Pourquoi une rotation des droits de vote est-elle nécessaire ?

Ce système permettra au Conseil des gouverneurs de conserver sa capacité décisionnelle malgré l’augmentation progressive du nombre de pays participant à la zone euro, et donc du nombre de membres du Conseil des gouverneurs. Conformément aux traités de l’Union européenne, le système de rotation doit être mis en œuvre dès que le nombre de gouverneurs dépasse dix-huit, ce qui s’est produit le 1er janvier 2015 avec l’adhésion de la Lituanie à la zone euro.

Quels sont, chaque mois, les gouverneurs disposant d’un droit de vote et ceux ne votant pas ?

Les pays de la zone euro sont répartis en plusieurs groupes en fonction de la taille de leur économie et de leur secteur financier. Un classement sera établi pour déterminer à quel groupe chaque gouverneur de banque centrale nationale appartient. Les gouverneurs des pays classés de un à cinq (actuellement l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Espagne et les Pays-Bas) se partagent quatre droits de vote. Les autres pays (quatorze après l’adhésion de la Lituanie le 1er janvier 2015) disposent de onze droits de vote. Les gouverneurs votent à tour de rôle selon une rotation mensuelle.

Avant le 1er janvier 2015, le principe « un membre, une voix » était en vigueur. Avec le système de rotation, il y a trois catégories de membres du Conseil des gouverneurs. Cela a-t-il une incidence sur les débats entre les membres du Conseil et sur la prise de décisions ?

L’ensemble des membres du Conseil des gouverneurs assistent à ses réunions et peuvent s’exprimer. Les délibérations se déroulent donc selon des modalités inchangées. Dans la mesure où le Conseil des gouverneurs adopte la plupart de ses décisions par consensus, dans un esprit de coopération, le processus de décision n’a pas non plus été modifié. Bien évidemment, le principe « un membre, une voix » s’applique à ceux disposant du droit de vote à ce moment-là.

Les membres du directoire conservent-ils un droit de vote permanent ?

Oui, les membres du directoire de la BCE disposent d’un droit de vote permanent.

J’adore ce gros complexe :

Peut-on comparer le nouveau système régissant les droits de vote avec le système en place, par exemple, au sein de la Réserve fédérale américaine ?

Le Comité fédéral de l’open market (Federal Open Market Committee, FOMC) de la Réserve fédérale utilise un système très proche de celui de la BCE. Le FOMC compte douze membres disposant du droit de vote, dont sept font partie du Board of Governors et ont un droit de vote permanent, comme les membres du directoire de la BCE au sein du Conseil des gouverneurs. Le président de la Banque fédérale de réserve de New York vote systématiquement, les présidents des Banques de Chicago et Cleveland une année sur deux et les neuf présidents des autres Banques de réserve régionales votent une année sur trois. La rotation aux États-Unis s’opère annuellement, alors qu’elle se fera chaque mois au sein du Conseil des gouverneurs de la BCE.

OUIIIIIIII ça y est, hmmm, on fait comme la FED !!!!

Bon, ils ont apparemment du mal à comprendre que le Michigan n’est pas aux USA la même choque que la Grèce dans l’UE, mais bon, à ce stade, on ne peut rien faire…

Notez que finalement, le groupe 1 des grands pays vote 4 fois sur 5 (soit 80 % du temps) et le second 11 fois sur 14, (soit 79 % du temps, mais ça baissera à la prochaine adhésion). au final, pas de grande différence, si ce n’est la répartition des non votes.

Voilà ce que ça donne (cliquez pour agrandir) :

Pas mal non ???

Allez, on zoome, rapport à la grosse décision d’hier qui a fermé les vannes à la Grèce :

L’histoire retiendra que si tous étaient là, la France l’Irlande et Chypre n’ont pas voté, pas plus que… la Grèce !

Et comme vous le voyez, dans le groupe 2, on ne vote pas 3 mois de suite !!!

(dire que j’étais déjà stupéfait que ce soit “1 pays 1 voix” avant, genre Chypre compte autant que l’Allemagne – tu m’étonnes que c’est promis à un bel avenir une gestion pareille entre États différents)

Et vous notez que l’Allemagne vote jusqu’en mai, le hasard fait bien les choses…

MAIS, pire que tout, on se retrouve avec 4 États privés de droit de vote chaque mois, MAIS, JAMAIS les membres du Directoire de la BCE ne le sont ! Dragui et Coeuré voteront tout le temps, eux !!!

Comme je dis déjà ?

Ah oui, ÉNORME !!!

Source: http://www.les-crises.fr/le-scandale-des-nouveaux-droits-de-vote-a-la-bce/


Alexis Tsipras se retrouve au pied du “mur de l’argent”, par Romaric Godin

Friday 6 February 2015 at 05:00

Excellent article du non moins excellent Romaric Godin de la Tribune (un vrai journaliste, lui…)

L’ultimatum de la Banque centrale européenne (BCE) remet la pression sur le gouvernement grec et consacre son rôle politique dans la crise grecque. Mais le jeu est très serré et très risqué, pour tous.

Le 21 juillet 1926 au matin, le président du Conseil français Edouard Herriot, qui vient de former un gouvernement, reçoit une lettre d’Emile Moreau, gouverneur de la Banque de France qui est alors une institution privée et indépendante. Cette lettre enjoint au président du conseil de réclamer un vote explicite du parlement pour augmenter le plafond des avances accordées par la Banque au gouvernement. Faute de quoi, la Banque cessera immédiatement ses paiements pour le compte du Trésor. La France sera alors immédiatement en faillite.

Aussitôt connue, cette lettre provoque un vent de panique chez les épargnants qui, craignant un impôt forcé sur les dépôts, se ruent aux guichets. Le franc s’effondre, il faut 235 francs pour une livre sterling (contre 25 avant la guerre et 179 un mois avant). Tous savent combien la majorité du gouvernement est fragile. En fin de journée, Edouard Herriot se présente devant la Chambre et est renversé par 290 voix contre 237. Pour sortir de l’Assemblée, il doit attendre que la police disperse la foule hostile qui entoure le Palais Bourbon. Le Cartel des gauches, élu deux ans plus tôt, a péri définitivement sous les coups d’une simple lettre d’un gouverneur de la Banque de France. Quelques jours plus tard, Raymond Poincaré, l’idole des marchés, battu en 1924, revient aux affaires.

Un souvenir de 1926…

On ignore si Mario Draghi connaît cet épisode de l’histoire de France qui a donné naissance à une expression, le “mur de l’argent”. Mais les similitudes avec la situation de ce mois de février 2015 sont frappantes. Le « Cartel des gauches » avait en effet remporté – du moins en sièges sinon en voix – les élections de 1924 sur un programme qui n’est pas sans rappeler – toutes choses étant égales par ailleurs – celui d’Alexis Tsipras : rétablir l’équilibre budgétaire par l’application rigoureuse de l’impôt sur le revenu – voté en 1914 mais encore appliqué sans convictions – et renforcer les lois sociales, notamment sur le temps de travail, le respect du droit syndical et les assurances sociales.

D’emblée, ce programme déplut aux puissances économiques françaises et aux banques américaines qui font alors la pluie et le beau temps sur le marché des changes. A l’instar du programme de Syriza qui déplaît aujourd’hui aux marchés. Pendant deux ans, la pression exercée sur les gouvernements du Cartel va en réalité les empêcher d’agir réellement et aggraver les dissensions internes entre socialistes, radicaux et républicains modérés. Jusqu’à ce que, le 21 juillet 1926, la Banque centrale porte l’estocade pour le compte des milieux d’affaires par un simple ultimatum qui n’est pas sans rappeler celui du 4 février 2015.

La BCE, acteur politique

Comme en 1926, ce 4 février 2015, le mythe de l’indépendance de la BCE a volé en éclat. La BCE, en tant que seule vraie institution « fédérale » de la zone euro, se considère comme le garant d’un ordre économique qu’elle veut défendre, semble-t-il, à tout prix. Ceci est logique : la BCE est la seule force capable, via les banques grecques, d’exercer une véritable pression sur Athènes. Rappelons en effet que les traités ne prévoient rien qui ressemble à une expulsion d’un mauvais élève budgétaire de la zone euro, même en cas de défaut sur la dette.

En revanche, si la Grèce se retrouve dans l’impossibilité pratique de disposer d’assez de liquidités, elle devra de facto sortir. Le geste politique est d’autant plus éclatant que la BCE fonde sa décision de mercredi sur une simple interprétation, sur une croyance, celle qu’aucun « programme » n’est susceptible de voir le jour. A priori, une institution indépendante aurait dû attendre de constater un échec des négociations. La partie se joue donc au niveau politique entre Athènes et Francfort. Comme entre Matignon et la Banque en 1926.

De quel jeu parle-t-on ?

De quelle partie s’agit-il ? Il s’agit d’intimider le plus possible l’autre joueur pour le faire « craquer » et accepter de céder sur l’essentiel. La question centrale de ce jeu, c’est évidemment de savoir jusqu’où l’autre est prêt à aller. En réalité, le véritable enjeu qui n’est jamais évoqué directement par les parties prenantes, c’est le Grexit. Chacun fait le pari que l’autre ne le veut pas.

Là où la partie est un peu vicieuse, c’est que pour faire craquer l’autre, on avance vers le Grexit pour tenter de lui faire croire que l’on est prêt à tenter ce saut. D’où une stratégie de la tension permanente… Tout ceci se fait évidemment très diplomatiquement, jamais explicitement. La question reste de savoir si ce jeu de dupes peut mal tourner ou non.

Le coup grec et la réplique de la BCE

Ainsi, vendredi, la Grèce avait pris l’initiative en « tuant » la troïka. Elle mettait une pression certaine sur la BCE qui a conditionné le soutien à la Grèce à un accord avec la troïka. Dès lors, le choix pour Mario Draghi était soit d’accepter le fait accompli et d’engager des négociations, mais alors sur la base grecque et acceptant la mort d’une troïka dont elle fait partie, soit de répondre au coup de force par un autre coup de force, celui de menacer de couper les vivres à Athènes. C’est cette dernière voie qu’elle a emprunté. L’équilibre est donc rétabli.

Un jeu de bluff

Certes, si on y regarde de près, les deux joueurs, tout en durcissant leur jeu, laissent des portes ouvertes à un accord, à un « match nul » par accord mutuel, comme il en existe aux échecs. Athènes a ainsi fait des propositions lundi et la BCE n’a pas coupé le robinet puisqu’elle a maintenu jusqu’au 28 février l’accès du système financier grec au programme d’accès à la liquidité d’urgence (ELA). Mais si les ponts ne sont pas coupés, à chaque fois qu’un joueur tente un coup de bluff, on se rapproche d’une fin que ni l’un, ni l’autre ne souhaite officiellement : que la table soit renversée. La BCE menace désormais clairement Athènes d’un Grexit, comme Athènes a menacé d’un défaut unilatéral vendredi.

La situation grecque

Après la décision de la BCE, la balle est dans le camp d’Alexis Tsipras. La question est de savoir si, comme le disait le ministre des Finances Yanis Varoufakis, « le gouvernement Syriza ne se comportera pas comme le gouvernement irlandais en 2010. » Autrement dit, s’il cédera comme Dublin voici 4 ans ou comme Edouard Herriot en juillet 1926. Mais la situation du nouveau Premier ministre grec semble plus forte. Il vient d’être élu, 70 % des Grecs le soutiennent et il dispose d’une majorité parlementaire qui semble solide et unie sur la question européenne. Cette force lui donne des obligations : celle de ne pas faiblir. S’il le faisait, il perdrait la confiance d’une partie de son électorat et sans doute de son allié de droite et d’une partie de son propre parti. S’il cède trop, il pourrait certes s’allier avec les « pro-européens », mais il sanctionnerait alors sa conversion en nouveau George Papandréou et celle de Syriza en nouveau Pasok. Le parti communiste et les néo-nazis pourront se frotter les mains. Compte tenu de ses forces intérieures, Alexis Tsipras ne peut guère faiblir. Mais s’il joue le durcissement, le gouvernement grec devra désormais préparer concrètement les esprits au Grexit – sans en parler ouvertement pour ne pas couper les ponts – pour faire croire qu’il ne bluffe pas. Au risque de se laisser emmener plus loin qu’il ne voudrait…

La situation de la BCE

La BCE est-elle mieux lotie ? Pour le moment, oui. Mais à mesure que la date du 28 février s’approchera et le risque du Grexit se précisera, la pression deviendra de plus en plus forte sur Mario Draghi dont on voit mal comment il pourrait accepter la responsabilité d’une rupture de l’irréversibilité de l’euro. La position de force de la BCE n’est que temporaire. Et Athènes pourrait être tentée de jouer la montre pour réduire les exigences de Francfort qui, du coup, sortirait perdante de l’affaire, surtout si elle doit accepter une renégociation de la dette et une remise en cause de l’austérité. Mario Draghi devra aussi prendre garde à ne pas apparaître comme le bourreau de la démocratie, mais il ne pourra pas non plus donner l’impression d’avoir trop reculé après s’être montré ferme. La crédibilité de la BCE est en permanence sous l’œil des marchés.

Le jeu est donc plus équilibré qu’en 1926. Il est aussi plus confus. Les deux parties recherchent sans doute un compromis, mais à leur avantage. Et la marge de manœuvre des deux acteurs est fort limitée. Un « Happy End » n’est pas certain dans ce jeu grec.

Source : La Tribune, 5/2/2015

Source: http://www.les-crises.fr/alexis-tsipras-se-retrouve-au-pied-du-mur-de-largent/


[Reprise] L’enfance misérable des frères Kouachi

Friday 6 February 2015 at 03:54

Pas trop lu dans la presse…

Je rappelle que les-crises.fr condamne sans équivoque tout acte terroriste (des faibles ou des forts) et ne cherche en rien à excuser le terrorisme, mais simplement à en comprendre les sources réelles (qui ne sont pas que 3 sourates du Coran) pour mieux le combattre.

Rue d'Aubervilliers, Paris

Quelle était l’enfance de Chérif et Saïd Kouachi, les deux hommes qui ont assassiné les journalistes et les policiers à Charlie Hebdo ? Une enfance misérable, de père absent et de mère prostituée, dans un immeuble populaire du 19e arrondissement de Paris. Evelyne les a connus, elle témoigne. Un document exclusif de Reporterre.

Elle en rêvait, de son logement social. Elle pose donc meubles, enfants, mari, dans un F4 du 156 rue d’Aubervilliers, à Paris. Avec son CAP de comptabilité, Evelyne s’en va chaque matin travailler tout près de la cité, en plein 19e arrondissement. Nous sommes dans les années 1980. La mixité sociale n’est encore qu’une théorie, un concept.

« Ici, nous vivions entre pauvres. Et encore, la plupart des gens, une fois passées quelques années, partaient ailleurs. Le quartier craignait vraiment. Nous avons décidé de rester pour changer notre environnement nous-mêmes, nous les locataires du 156. Nous voulions sauver notre quartier. »

Un enfant comme les autres

Alors, Evelyne crée des associations. L’une d’elles, Jeunes et locataires, voit le jour dans les années 1990. Son but est de sortir les enfants, de leur faire découvrir autre chose « que le ghetto ». Son association est une des rares à traverser le temps, elle existe pendant plus de dix ans. Elle parvient à dégoter quelques subventions, alors elle prend la main des gamins du quartier et les emmène ailleurs. Un goûter dans un parc, une sortie dans un beau quartier de Paris, et même un jour : Eurodisney.

On la prévient, dans la bande des enfants, l’un est particulièrement coquin, voire turbulent. Il s’appelle Chérif. Il se balade toujours avec son grand frère Saïd, plus discret. À croire que le plus petit est l’aîné. Saïd pleurniche tout le temps, et suit toujours son cadet. Evelyne surveille le cadet « comme du lait sur le feu ».

« J’adorais cet enfant. Il suffisait qu’on le cajole, qu’on le prenne dans les bras pour qu’il se calme. Moi, je l’ai trouvé touchant, ébahi comme tous les autres par la bande à Mickey. » Un enfant comme les autres, qui croit en la magie de Disney, et qui se calme dès qu’on l’apaise. « On les emmenait au cinéma, Chérif adorait y aller. »

Rue d'Aubervilliers à Paris

Mère en détresse

Sa mère n’a pas d’argent pour payer la cantine, et elle n’est pas du genre à demander de l’aide. Evelyne qui aide tout le monde à faire ses papiers, ne l’a jamais vue dans son bureau. On ne sait rien du père, et peut-être même les enfants ont-ils des pères différents. Ils ont toujours vécu ici, nés en 1980 et 1982. Deux des cinq enfants ont déjà été placés ailleurs par les services sociaux, quand Evelyne suit Cherif et Saïd.

Quelques mois après la sortie à Eurodisney, Chérif rentre de l’école comme chaque midi. Accompagné comme toujours de son grand frère, il découvre ce midi-là, en plein milieu de l’appartement, sa maman morte. Morte de quoi ? Elle aurait avalé trop de médicaments. Pour beaucoup, il s’agit d’un suicide.

Finalement, tout le monde connaissait le quotidien de cette mère célibataire. Et les langues des habitants du quartier finissent par se délier. Elle ne parvenait plus à subvenir aux besoins de ses cinq enfants, elle avait fini par faire le trottoir pour arrondir les fins de mois. Elle serait morte, selon la gardienne qui était la seule qui lui parlait, enceinte d’un sixième enfant.

Les enfants sont orphelins, Saïd a douze ans, Chérif a dix ans. Ils quitteront le 156, pour passer leur adolescence, en Corrèze, dans un établissement de la Fondation Claude Pompidou.

“On aurait dû aider cette maman”

Evelyne l’a reconnu sur sa télé mercredi 7 janvier. « J’ai appelé mon gendre, qui lui aussi a grandi dans le quartier. Il m’a bien confirmé. J’ai pleuré. Je me suis dit que je suis responsable. J’aurais dû aider cette maman. On n’aurait jamais dû emmener les enfants à Eurodisney, avec cet argent-là, on aurait dû aider cette maman. Chérif avait une dizaine d’années, pas plus. Finalement, à n’avoir rien vu, nous avons tué cette mère et avons été incapables de sauver ses enfants. »

Evelyne est inconsolable devant sa télévision. « Chérif était un enfant comme les autres. Mais il n’aura pas reçu d’amour… Il a trouvé dans le fanatisme religieux, la famille qu’il n’a jamais eue. Ils ont su lui monter la tête. En même temps, c’est facile de s’en prendre à des gamins aussi isolés et fragiles. Personne n’était là pour le remettre dans le droit chemin. »

“S’il avait eu une enfance heureuse, serait-il devenu terroriste ?”

Evelyne tient pour responsable la politique de la Ville. « Le but était de parquer là les pauvres. Et personne ne s’en occupait. Les assistantes sociales démissionnaient une à une. Elles avaient trop de boulot par chez nous, elles préféraient se faire muter ailleurs. Alors chaque mois, on avait une nouvelle personne qui reprenait notre dossier, et au final, on n’avançait pas. »

Rue d'Aubervilliers, à Paris

Evelyne en veut aussi beaucoup au manque d’encadrement des enfants. « Il n’était pas rare que l’on voit des enfants de cinq-six ans traîner devant l’immeuble à minuit. Chérif lui, était comme abandonné. Je me souviens d’un jour durant lequel nous organisions un goûter. Nous n’avions pas de local, alors nous allions dans les caves. Je suis remontée chercher des gobelets, et là, j’ai vu un gardien demander à Chérif, qui était tout maigrelet, de se mettre à genoux pour demander pardon, parce qu’il avait fait une bêtise. Comme il n’avait pas de papa, et une maman absente, il était un peu le souffre-douleur. Enfin, je ne voudrais pas que vous pensiez que je le défends. Mais je veux dire, s’il avait eu une enfance heureuse, serait-il devenu un terroriste ? »

Elle raconte aussi, pour expliquer le contexte de désarroi, l’histoire d’un autre jeune, habitué de la brigade des mineurs, qu’elle faisait dormir chez elle, parce qu’il était battu par sa maman. Un jour, il fugue, les premières nuits, il dort sur le toit. Evelyne finit par le ramasser, lui faire passer une nuit dans le lit de son fils. Le matin, elle le dépose à la police. C’est un habitué, quatre fois qu’il vient. La première fois, à cause d’une brûlure au troisième degré causé par un fer à repasser. Evelyne se met en colère : « Combien de fois devrai-je vous l’amener avant que vous le retiriez de sa mère ? »

Mais le policier veut d’abord savoir comment l’enfant a vécu pendant ces huit jours d’errance. Il comprend tout, quand l’enfant parle d’un monsieur. « Les enfants étaient tellement laissés à l’abandon que le 156 était devenu un repère de pédophiles. Ils passaient le soir, les gamins étaient livrés à eux-mêmes sur le parking. Les parents ne les cherchaient pas… »

“Nous étions entourés de violence”

Evelyne en a marre : « Nous avions quatre centres sociaux dont La maison des copains de La Villette, Action fraternelle, ou encore Espace 19, mais les éducateurs, salariés, n’étaient pas plus âgés que les délinquants et leur donnaient rendez-vous dans les cafés à fumer des clopes et boire des verres. Moi, j’appliquais la méthode bénévole de la ’maman’ et je n’ai jamais eu de problème avec ces jeunes. Sont-ils totalement responsables de ce qu’ils deviennent ? Délinquants, drogués, et pour les frères Kouachi, ces monstres incompréhensibles ? »

Marise (prénom modifié) se pose la même question. À l’époque, elle aussi habite le quartier. Militante, elle multiplie les associations pour venir en aide aux quartiers difficiles. « J’ai vécu de bons moments. Mais avant les années 90, et la prise de conscience que la mixité sociale était indispensable, nous ne parlions pas de ça lors de nos réunions politiques. (NDLR : Marise a d’abord été militante au PC, puis au PS). La société délaisse les pauvres, les met en colère, les rend violents, puis parfois haineux. »

« Les seuls qui acceptaient de vivre au 156 étaient les sans-abris. Nous étions entourés de violence. » Evelyne renchérit. « Je me souviens de ces gamins dont le père était toujours saoûl, et s’endormait avant que les enfants ne rentrent de l’école. Il fermait à clef, les enfants dormaient dans les escaliers. Nous faisions des signalements, mais même les professeurs ne disaient rien… C’est une société entière qu’il faut condamner d’avoir laissé grandir des enfants dans une telle misère. »

Rue d'Aubervilliers, à Paris

“Terreau fertile”

Evelyne, chrétienne qui pense qu’il faut savoir rire de tout, savait que doucement l’islam gagnait dans le quartier. « Je voyais de plus en plus de femmes porter le voile, puis avoir des propos de moins en moins laïcs. » Marise acquiesce : « Au début, dans les années 90, un des pratiquants de la mosquée de la rue de Tanger faisait partie du Conseil de Quartier. On l’aimait beaucoup, il était très laïc, très ouvert. Nous faisions nos réunions dans la mosquée. Je trouvais cela formidable. Puis notre ami, un jour nous a dit qu’il quittait la mosquée, qu’il ne se retrouvait plus dans les paroles de l’imam. Dès lors, la porte de la mosquée nous est restée à jamais fermée, et nous voyions le changement dans le comportement. Les salafistes ont petit à petit pris possession des lieux, jusqu’à l’arrestation de la cellule des Buttes Chaumont. »

Marise pense que l’intégrisme ne peut prendre racine que sur ce genre de terreau fertile où la précarité et l’abandon ont pris la place normalement nécessaire de l’intégration. « Mais je suis optimiste, depuis l’avènement de la mixité sociale, les choses vont mieux. Je reste persuadée que la mixité était la bonne solution. En revanche, ces enfants nés dans le triple abandon, d’une société, parfois de racines, et encore pire d’éducation, n’ont pas pu apprendre les limites, pas pu s’intégrer… Et ils ont trouvé refuge dans la délinquance, la violence, la prison, et parfois dans l’intégrisme religieux. Il reste cependant de nombreuses structures à créer pour prévenir, intégrer, encadrer. Tenez, pour l’intégration, moi j’aime beaucoup animer l’atelier tricot au Centre Social Riquet mais je dis aux femmes d’arrêter de parler une langue entre elles que je ne comprends pas, j’ai l’impression qu’elles parlent de moi. Ça les fait rire. Mais finalement, parler le même langage quand on est ensemble, c’est plus simple non ? »

Pour Marise, « nous sommes responsables de ne pas avoir offert une jeunesse équilibrée à ces mômes, en n’ayant jamais vu la souffrance de leur mère, leur désarroi d’orphelins… Mais ce n’est pas une excuse pour tuer les autres et ne pas avoir le recul face à l’absurdité du fanatisme… »

Evelyne, elle, qui a pris sa retraite et vit maintenant dans la région Centre, concède : « Je ne devrais pas le dire, vous allez me prendre pour une folle, mais quelque part, moi ces gamins-là, je les plains… »

Source : Reporterre, le 15/01/2015

Source: http://www.les-crises.fr/reprise-lenfance-miserable-des-freres-kouachi/