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Les Juifs d’Europe orientale

Friday 13 June 2014 at 03:44

Suite du billet précédent sur l’Histoire des Juifs.

Index de la série

Rappels

Comme nous l’avons vu, après le partage de la Pologne à la fin du XVIIIe siècle, Catherine II crée dans l’ouest de l’Empire russe une « Zone de Résidence », où les Juifs sont cantonnés de 1791 à 1917, avec interdiction de vivre dans des communautés agricoles ou dans de grandes villes comme Kiev, Sébastopol ou Yalta ; ils sont forcés de s’installer dans de petites villes provinciales, où la vie est difficile et pénible en raison de la grande pauvreté. Point positif, cette concentration a permis de faciliter l’éducation des enfants – qui sont cependant soumis à de sévères quotas dans l’enseignement.

L’objet de l’étude (très simplifiée) que nous réalisons de l’histoire juive vise en fait à bien comprendre comment, à force de persécutions, on était arrivé à une énorme concentration des Juifs dans le centre et l’Est de l’Europe :

Les premiers pogroms russes

Dans la Russie tsariste, les Juifs ont donc interdiction d’acquérir des terres, d’intégrer la fonction publique ou d’atteindre un grade d’officier dans l’armée. L’immense majorité est donc cantonnée aux métiers traditionnels du commerce, des services, de l’artisanat et de l’industrie. Pour le petit peuple orthodoxe, le Juif est donc vu comme « l’Autre », qui ne travaille pas la terre mais se livre à l’usure et au commerce – ce qui est souvent assimilé à la « spéculation » ou à « l’accaparement », surtout en période de crise ou de pénurie. Plus fondamentalement, l’antijudaïsme populaire est nourri par la croyance que le peuple juif était « celui qui avait crucifié le Christ ». À intervalles réguliers, cet antijudaïsme, habilement instrumentalisé par les autorités, remontait à la surface.

L’assassinat du tsar Alexandre II entraîna une première vague de manifestations anti-juives appelées « pogroms » (« attaque » ou « émeute » en russe), sur une période allant de 1881 à 1884.

L’assassinat du tsar Alexandre II entraîna une première vague de manifestations anti-juives appelées « pogroms »

Alors que sur le groupe de 15 assassins, 1 seul était juif, les Juifs sont rendus responsables de cet assassinat. La politique du gouvernement russe au sujet des Juifs tient dans ce programme : « Un tiers des Juifs sera converti, un tiers émigrera, un tiers périra ». Lors des événements de 1881, la centaine de pogroms était
principalement limités à la Russie, mais les pogroms se poursuivirent de façon intensive jusqu’en 1884. La passivité, voire la complicité des forces de l’ordre permit aux instincts de la populace de se déchaîner tout particulièrement à l’occasion des grandes fêtes religieuses (pogroms de Pâques de 1882, 1883 et 1884). Si les atteintes aux biens furent considérables (des dizaines de milliers de magasins pillés), le nombre de victimes ne dépassa pas quelques centaines.

Comme le souligne l’historien Léon Poliakov, il existait une grande différence entre l’antisémitisme qui sévissait en Europe occidentale et celui d’Europe orientale. Alors qu’il s’étayait surtout sur des bases de nature théologique en Allemagne, l’antisémitisme s’enracinait principalement en Pologne sur des questions sociales – la différence venant du nombre. Avant même les persécutions et les expulsions, le nombre de Juifs en Allemagne (et a fortiori en France, Espagne ou Italie) était relativement modeste (se comptant en milliers) ; les Juifs y jouaient le rôle de bouc émissaire sans être réellement en position de concurrence économique. En revanche, en Pologne, Ukraine, Russie occidentale, leur nombre était considérable (se comptant en centaine de milliers puis millions) ; leurs voisins s’estimaient ainsi parfois pénalisés par cette situation, ce qui pouvait décuplait la rancœur, et donc la haine future.

Carte des pogroms russes

Pogrom Hep Hep 1819

Pogrom à Bialystok

L’émigration et le retour des pogroms

Ces évènements constituent un tournant dans l’histoire des Juifs de Pologne et à travers le monde, car ces persécutions entraînèrent une très importante vague d’immigration juive aux États-Unis (principalement) et dans l’Europe de l’Ouest.

L’émigration a été renforcée par l’expulsion des Juifs de Moscou en 1890, par la deuxième vague de pogroms de 1903-1906. L’évènement déclencheur est le meurtre en avril 1903 d’un garçonnet – aussitôt transformé en « meurtre rituel » – près de Kichinev. Quelques jours plus tard, la foule, à l’occasion de la fête de Pâques, attaque, trois jours durant les Juifs, les forces de l’ordre restant passives. Les pogroms s’amplifient en 1904 et 1905, dans le sillage de la défaite russe dans la guerre russo-japonaise et la révolution avortée de 1905. Les pires d’entre eux se déroulèrent sur le territoire polonais où la majorité des Juifs russes vivaient, en particulier le pogrom de Bialystok en 1906 durant lequel plus de 100 Juifs furent massacrés et de nombreux autres blessés. Les deux seuls derniers mois de 1905, on recense 650 pogroms, 3 000 victimes, 15 000 blessés.

Pogrom de Kishinev en 1903

Pogrom de Dnipropetrovsk en 1905

Pendant la Première Guerre mondiale, la Zone perd son emprise rigide sur la population juive quand une grande quantité de Juifs s’enfuient vers l’intérieur de la Russie pour échapper à l’invasion des troupes allemandes. 1,5 millions de Juifs ont été déplacés de force en 1915, parfois par convois ferroviaires dédiés, car ils étaient pour l’armée des espions ou des traîtres potentiels, puisqu’ils parlaient yiddish, une langue « proche de l’allemand ». Ces expulsions préventives furent prétextes à une troisième vague de pogroms, les pillages étant cette fois plutôt le fait de la troupe, qui acquit alors un sentiment d’impunité quand il s’agissait de « casser du juif ». Ils étaient attaqués dans des villages où plus aucune autorité n’était capable d’assurer l’ordre, au prétexte que, se livrant au commerce, ils spéculaient sur les pénuries. En réalité, l’occasion était trop belle de se livrer impunément aux pillages, viols et massacres.

La révolution bolchevique de février 1917 mit fin aux discriminations légales dont souffraient les Juifs. Le 20 mars 1917, la Zone est abolie – une grande partie de la Zone deviendra plus tard une part de la Pologne. Le gouvernement provisoire ouvrit aux juifs l’accès aux postes à responsabilité, et des milliers de Juifs apparurent donc sur le devant de la nouvelle scène politique. La guerre civile de 1918-1920 conduit à une troisième vague de pogroms et à des exactions militaires de grande ampleur.

Les années 1918-1921 des guerres civiles russes constituent la quatrième vague de pogroms de l’histoire de la Russie moderne, mais le contexte dans lequel ils ont été commis, leur ampleur sans précédent et leurs modalités les distinguent radicalement des précédents. Peu étudiés, ils constituent pourtant les plus grands massacres de Juifs avant le génocide ; plus de 2 000 bourgades et petites villes furent touchées en Ukraine, Biélorussie et Russie, faisant au moins 100 000 tués, 200 000 blessés, des dizaines de milliers de femmes violées, 300 000 orphelins, plus de 500 000 réfugiés – dans une communauté de 5 millions de personnes…

80 % des 2 000 pogroms de ces années ont concerné l’Ukraine occidentale et 15 % la Biélorussie. Assez rapidement se forme la « conjonction fatale » entre Juifs et bolchéviques ; pour l’opinion publique, seuls les Juifs ont tiré profit de la révolution, tous les autres n’en ont retiré que du malheur. L’intensité du sentiment « Le pouvoir soviétique, ça pourrait encore aller s’il n’y avait pas des youpins partout » est telle que la police politique soviétique propose de remplacer d’urgence en Ukraine tous les communistes juifs ayant des responsabilités par des communistes russes, à défaut d’Ukrainiens…

Les pogroms perpétrés par l’Armée blanche en 1919 constituent pour beaucoup d’historiens un phénomène radicalement nouveau, fondé sur un antisémitisme doctrinal exacerbé, devenu « le point focal d’une vision du monde », faisant par cet aspect du mouvement blanc un mouvement « proto-nazi ». Comme on le constate sur cette affiche de propagande de l’Armée blanche contre Trotski (« Paix et liberté en Russie soviétique »).

Propagande de l’armée russe blanche contre Trotski

Affiche de propagande allemande en ukrainien contre les Juifs de 1942

En effet, dans la guerre à mort contre le bolchévisme, la profonde méfiance vis-à-vis des juifs, déjà enseignée dans les académies militaires avant 1914 se transforma chez de nombreux officiers blancs en un antisémitisme d’autant plus virulent qu’il était appelé à expliquer l’inexplicable : comment la Russie en était arrivée là où elle était, déchirée, affaiblie, vaincue, en proie au chaos, livrée à « une bande d’athées assassins et de juifs ». Les prisonniers de guerre juifs étaient systématiquement exécutés par les Blancs ou les cosaques.

Les pogroms menés par les Russes blancs ont été les plus organisés, les plus efficaces, les plus motivés idéologiquement, menés comme des opérations militaires. Par exemple, à Fastov, du 23 au 25 septembre 1919, la brigade cosaque du colonel Belogortsev massacra 1 300 à 1 500 juifs sur une population de 10 000 habitants. Cependant, l’antisémitisme n’a jamais été une doctrine officielle du mouvement blanc ; ils devinrent une « habitude », un « réflexe », une « évidence » aussi limpide que l’égalité « juif=bolchévique ».

Ainsi, les commandants ukrainiens de l’Armée de la République populaire ukrainienne Nikifor Grigoriev ravagea par exemple Tcherkassy en 1919 (700 morts) et Nicolas Palienko Jitomir la même année. Celui-ci avait déclaré en arrivant que l’Ukraine était encerclée de tous côtés par des ennemis – les Juifs, les Polonais, les Russes, les bolcheviks, les Roumains, les représentants de l’Entente –, que le bolchevisme était « le fait des youpins », que « les youpins ne s’en tireraient pas indemnes », qu’il avait la mission de rétablir l’ordre à Jitomir, de punir la ville, et que cette punition serait terrible… En 1939, Palienko rejoignit l’OUN et fut nommé major du bataillon « Nachtigall » jusqu’en 1942. En 1943, il s’engagea dans la Division SS Galicie, sous la bannière de laquelle il mourut en 1944.

pogrom de tcherkassy en 1919

pogrom de tcherkassy en 1919

pogrom de Jitomir en 1919

Un hopital apres un pogrom en Ukraine , 1920

Soulignons aussi que les Juifs furent aussi victimes des Ukrainiens – à Proskourof, le commandant Semosenko donna l’ordre « d’exterminer les youpins, l’ennemi le plus perfide et le plus dangereux du peuple ukrainien » ; 1 500 Juifs y furent massacrés à l’arme blanche, soit 20 % de la population. Par groupes de 3 ou 4, les cosaques perquisitionnaient chaque maison, torturaient leurs victimes jusqu’à qu’elles leur donnent tous leurs biens précieux, puis tuaient tous les membres de la famille, contraignant certains à mettre le feu à leur maison et à périr dans les flammes – ce qui constituait donc une véritable « Aktion de type nazi ».

Ils furent aussi victimes des Polonais et même, dans une moindre mesure, de troupes de l’Armée Rouge – bref, tous les protagonistes se sont retournés vers eux.

Comme on le voit, un seuil qualitatif a été franchi, passant de pogroms limités commis en temps de paix par des voisins enhardis par la passivité des autorités, à des massacres massifs et systématiquement mis en œuvre par des unités armées, convaincues de la nécessité et de la légitimité d’exterminer, sur une base ethnique, des populations civiles considérées comme ennemies. C’est pourquoi ces pogroms constituent pour beaucoup d’historiens le « chaînon manquant » qui relie l’antijudaïsme « traditionnel » des pogroms à la Shoah. D’autant que les milieux antisémites russes blancs émigrés en Allemagne y ont été particulièrement influents ; citons notamment la forte influence qu’a eu l’officier Blanc Fedor Vinberg (qui a traduit en allemand Les Protocoles des sages de Sion) sur l’idéologue nazi Alfred Rosenberg. L’historien Richard Pipes estime pour sa part que « la rationalité de l’extermination des juifs par les nazis leur a été apportée par les milieux de droite russes avec leur théorie qui liait les juifs au communisme. »

Après la guerre, les pogroms ne cessèrent jamais vraiment. Ainsi, en Pologne, encore entre 1935 et 1937, 79 Juifs furent tués et 500 blessés dans des incidents anti-Juifs.

Pogroms en Ukraine

À son apogée, la Zone a atteint en 1914 une population juive supérieure à 5 millions, ce qui représente à cette époque la plus grande concentration de Juifs au monde, avec près de 50 % de la population juive mondiale. Et ce malgré l’émigration de 1,5 millions de Juifs entre 1861 et 1914.

Au final, à la fin des années 1920, près de 2 millions de Juifs ont quitté la zone de résidence pour les États-Unis ; en France, la population juive passe de 60 000 en 1882 à 120 000 en 1914. On considère que les pogroms sont un des facteurs déterminants de l’émergence du sionisme.

La Seconde guerre mondiale et la Shoah

En 1930, les 15 millions de juifs se répartissent principalement en : 4 millions aux États-Unis, 3 à 3,5 en Pologne, 2,6 en URSS et 850 000 en Roumanie.

On connait la suite durant la guerre…

a

En 1945, 90 % des 3,3 M de Juifs polonais ont été exterminés, et 32 % des 3,1 millions de Juifs russes.

Nombre de victimes et Taux de décès durant la Shoah

La même classé en fonction du nombre de victimes :

La naissance d’Israël

Au lendemain de cette tragédie, l’État d’Israël voit le jour le 14 mai 1948.

Très vite, un flot d’immigration soutient sa croissance démographique.

Entre 1948 et 2012, il y a ainsi eu plus de 3 millions d’immigrés, dont 1,2 million en provenance de l’ex-URSS, 0,6 de l’Europe, 0,5 de l’Afrique, 0,5 de l’Asie et 0,2 des Amériques.

L’immigration en provenance des pays arabes (1948-1975)

L’immigration en provenance d’Europe (1945-1970)

Quelques statistiques…

En 2012, soixante-cinq ans après la fin de la guerre, les conséquences démographiques sont encore sensibles : quand la population mondiale a quadruplé, la population juive mondiale n’atteint pas le niveau qu’elle avait en 1940. Au lieu de 60 % de la population juive mondiale, 10 % seulement vivent en Europe (1,3 million) où la communauté la plus importante est celle de France.

Population juive mondiale

Population juive mondiale

Population juive mondiale

Répartition de la population juive mondiale

Proportion de la population juive

Nous ferons le lien avec l’Ukraine dans le prochain billet

Source: http://www.les-crises.fr/les-juifs-d-europe-orientale/


[Histoire] Les dispersions du peuple Juif

Thursday 12 June 2014 at 03:55

Ce billet de rappel historique vise à retracer synthétiquement la bien dramatique histoire du peuple Juif (remplie de persécutions et d’exils) jusqu’à la fin du XIXe siècle…

Vous verrez bientôt le lien avec l’Ukraine…

L’Antiquité

Le Royaume de David (-1300 à -586)

Les tribus (de retour d’Égypte ?) investissent progressivement le pays des Cananéens (XIIIe-XIe siècles).

3 souverains se succèdent selon la Bible : Saül (1030-1010), David (1010-970) qui prend Jérusalem pour capitale et Salomon (970-931) qui fait construire le premier temple (en -964).

Le premier temple de Jérusalem (-964 à -586)

En -931, un schisme se produit : Roboam, le fils de Salomon, refuse violemment une baisse des impôts. Les tribus du Nord font sécession, reconnaissent Jéroboam comme roi et gardent le nom de royaume d’Israël, centré sur Samarie. Roboam devient roi des tribus du Sud, constituant le royaume de Juda avec Jérusalem pour capitale ; ce royaume est beaucoup moins riche et moins peuplé que celui du Nord.

En -722, le royaume du Nord s’effondre : Samarie est détruite par le roi d’Assyrie, entrainant la déportation et la dilution des tribus. Beaucoup d’habitants se réfugient au sud dont la capitale Jérusalem connaît alors un développement important.

En -597, Nabuchodonosor II, souverain de Chaldée, lance une expédition punitive sur son protectorat du Royaume de Juda qui tentait de s’émanciper en se rapprochant de l’Égypte. Jérusalem se rend, et Nabuchodonosor déporte le jeune roi Joachin à Babylone, ainsi que toute l’élite de Jérusalem (noblesse et artisans, environ 10 000 personnes). Sédécias, le frère de Joachim, est installé sur le trône de Juda par le pouvoir babylonien, en raison de son caractère docile.

Cependant, après dix ans de règne, Sédécias décide de secouer le joug babylonien en concluant une nouvelle alliance avec le pharaon égyptien. Mais dès que Nabuchodonosor se met en campagne pour châtier les révoltés, ceux-ci se soumettent laissant seul Sedecias, le roi de Juda.

Après un siège de dix-huit mois, Nabuchodonosor prend la ville en -586. La cité est rasée et les trésors du Temple sont emportés à Babylone, avec une partie de la population. Une majorité du peuple juif, spécialement les plus riches, se trouve ainsi à Babylone. Le monothéisme juif s’y renforcera.

Jérusalem incendiée (parchemin du Moyen Âge)

La captivité de Juda

En -539, Cyrus, roi de Perse, vainqueur des Chaldéens, autorise le retour des exilés.

“36:17 Alors l’Éternel fit monter contre eux le roi des Chaldéens, et tua par l’épée leurs jeunes gens dans la maison de leur sanctuaire; il n’épargna ni le jeune homme, ni la jeune fille, ni le vieillard, ni l’homme aux cheveux blancs, il livra tout entre ses mains. [...] 36:19 Ils brûlèrent la maison de Dieu, ils démolirent les murailles de Jérusalem, ils livrèrent au feu tous ses palais et détruisirent tous les objets précieux. 36:20 Nabuchodonosor emmena captifs à Babylone ceux qui échappèrent à l’épée; et ils lui furent assujettis, à lui et à ses fils, jusqu’à la domination du royaume de Perse.” [Ancien testament, 2 chroniques, 36, 17-21]

L’empire romain (-586 à +70)

Le Second Temple de Jérusalem est reconstruit à Jérusalem en 516 av. J.-C sous Zorobabel.

Le deuxième temple de Jérusalem (-516 à +70)

Au IVe siècle, les Perses sont battus par Alexandre, qui conquiert la Palestine en -332. Elle est ensuite dominée aux IIIe et IIe siècle par les Ptolémée ; des colonies juives s’installent dans les villes côtières de Méditerranée orientale et tout particulièrement à Alexandrie.

Ainsi, dans l’Antiquité, le judaïsme a connu 3 grands centres : la Judée et Babylone, puis, à la période hellénistique, Alexandrie.

Au cours du IIe siècle, des colonies juives s’implantent dans tous les centres majeurs de l’empire romain, y compris à Rome.

En -63, Pompée s’empare de Jérusalem. Ceci entraîne l’envoi en esclavage de nombreux prisonniers à Rome : c’est l’élément fondateur de la Première Diaspora (“dispersion”) en Occident.

Hérode Ier le Grand procède à de gigantesques travaux d’aménagement, bâtissant « à la romaine » une immense esplanade: la colline d’origine est ceinturée d’un énorme mur de soutènement, la surface intérieure entièrement nivelée puis comblée avec du remblai. La construction commence en 19 av. J.-C. et dure environ 7 ans – 100 000 hommes furent employés.

L’extension du deuxième temple par Hérode

Vers +30 , Philon d’Alexandrie avance le chiffre de 1 000 000 de Juifs habitant en Égypte, soit un huitième de la population.

En +66, des troubles éclatent en Judée, contre la tutelle de Rome. En 70, après plusieurs mois de siège, Titus prend Jérusalem. La ville est rasée, et son Temple est incendié ; les Juifs sont, en masse, vendus comme esclaves. La destruction du Second Temple marque la fin de l’État hébreu à l’époque ancienne, et transfère de facto l’autorité religieuse des grands-prêtres du Temple aux rabbins.

La destruction du Temple en 70 ap. J.C.

Ces troubles marquent ainsi le début de la grande dispersion des Juifs à travers le monde – la Deuxième Diaspora.

Les Juifs se révoltent à nouveau vainement sous Trajan (vers 110) puis pendant le règne d’Hadrien en 133, sous la direction de Bar Kokhba.

En 135, l’empereur Hadrien, venu à Jérusalem en 130, décide de créer une cité païenne sur le site. Les Juifs se révoltent et la répression est encore pire qu’en 66 : de nouvelles déportations de Juifs, réduits en esclavage, s’ajoutent aux massacres.

En 212, les Juifs, comme les autres groupes, deviennent citoyens de l’Empire

Le Moyen Age

La situation de la diaspora juive dans l’empire romain se détériore fortement lorsque le christianisme devient religion d’État (IVe siècle) – l’intolérance y étant grande. La situation n’est guère meilleure à Byzance sous Justinien (VIe siècle).

La domination musulmane améliore au contraire la condition des Juifs tant à Alexandrie qu’en Afrique du Nord ou en Espagne. Babylone – où a été composée la version la plus importante du Talmud – reste le grand centre des Académies juives jusqu’au milieu du IXe siècle.

L’Espagne, avec l’Académie de Cordoue (950), prend ensuite le relais, devenant alors le centre juif le plus prospère de la Méditerranée aux Xe-XIe siècles – citons aussi Tolède ou Grenade. La situation se dégrade sous les Almonades, vers 1150 ; le Portugal accueille alors les Juifs.

Aux XIe-XIIe siècles dans un climat marqué par les croisades et la reconquête (Tolède est reprise en 1085) se développe un anti-judaïsme qui aboutit à des massacres en Europe occidentale. Le concile de Latran (1245) donne une base juridique à ce rejet et les Juifs sont désormais tenus de porter un signe distinctif (la rouelle, disque de couleur jaune ou rouge, symbolisant les 30 deniers de Judas).

Juif portant la rouelle

En 1290, le roi d’Angleterre expulse ses Juifs et confisque leurs biens. Ils trouvent refuge en France du Nord et en Allemagne.

Entre 1132 et 1321, les Juifs du royaume de France sont expulsés et rappelés quatre fois… L’expulsion de 1394 est la dernière et reste en vigueur dans nombre de provinces de France jusqu’à la Révolution.

Il n’y avait pas de limitations professionnelles aux activités économiques des Juifs à Rome, à Byzance ou dans les pays musulmans. Mais celles-ci apparaissent dans l’Occident médiéval. Les Juifs ne pouvaient ainsi pas posséder de terres ni devenir membres d’une guilde de marchands ou d’artisans chrétiens. Un certain nombre, quand ils le pourront, se feront donc prêteurs.

Aux XIIIe-XIVe siècles, les Juifs souffrent également de persécutions dans le monde musulman, de l’Egypte à l’Espagne.

Les Sépharades

En 1492, les Juifs sont expulsés d’Espagne, au moment de la prise de Grenade, marquant la fin de la reconquête catholique de l’Espagne.

Une partie de cette communauté – dite Sépharade (issus d’Espagne, parlant le judéo-espagnol) – passe par le Portugal pour finalement aboutir en Europe du Nord (Pays-Bas), mais la plupart se réfugient dans les pays méditerranéens : Afrique du Nord (particulièrement au Maroc), Tunisie, Avignon, Italie (Rome), Egypte, Grèce (Salonique), Constantinople.

Nombre d’entre eux sont bien accueillis dans un empire ottoman en expansion. Le XVIe siècle est un siècle particulièrement faste pour les Juifs de l’empire ottoman, obtenant d’emblée d’importantes situations dans la vie économique. Le déclin au XVIIe de la prospérité commerciale de l’empire ottoman entraine celle des Juifs.

Les Juifs sous les Ottomans et sous la domination musulmane en général sont exclus, comme les autres minorités religieuses, de certaines fonctions (comme celle des armes) et occupent un statut inférieur à celui des musulmans. Ils sont tenus de porter un turban jaune. Mais leur autonomie religieuse est respectée, et ils peuvent occuper de hautes fonctions.

La ville de Salonique devient une ville où les Juifs jouent un rôle considérable ; Au XVIIe siècle, les sépharades de Constantinople et Salonique sont un des jalons du commerce international entre la Méditerranée, Amsterdam et l’Orient.

Enfin, de nombreux Juifs expulsés gagnent également les Pays-Bas, où le statut des Juifs est relativement libéral en dépit de limitations économiques (interdiction du commerce de détail) et sociales. Le plus illustre des Juifs de Hollande est Spinoza (1632-1677). C’est depuis Amsterdam que de nombreux Juifs gagnent la Nouvelle-Amsterdam (1654) qui devient rapidement New-York.

A partir du XVIIe siècle, les Juifs d’Angleterre ne souffrent plus de restrictions dans leurs activités ni d’obligations particulières en matière de résidence ni de vêtement – ce qui développe la communauté anglaise.

Le grand évènement du XVIIIe siècle est la Révolution française qui accorde aux Juifs l’égalité politique et la citoyenneté pleine et entière (1791). Il faudra attendre près d’un siècle pour que l’égalité soit accordée dans la plupart des pays européens (Pays-Bas 1797, Royaume-Uni 1858, Autriche-Hongrie 1867, Italie 1870, Allemagne 1871, Suisse 1874…)

Les Ashkénazes

À partir du XIVe siècle, les Juifs de langue et d’origine germaniques, persécutés par les chrétiens d’Europe occidentale se déplacent vers l’Europe centrale : bohême, Moravie, Lituanie et Pologne – cette dernière étant au cœur du judaïsme ashkénaze. En effet, dès les années 1300, les Juifs jouissaient en Pologne d’une situation particulièrement favorable et de larges prérogatives. Au XVIIe siècle, c’est dans cette « grande Pologne » à son apogée, de Dantzig à l’Ouest de l’Ukraine actuelle, qu’ils bénéficiaient du meilleur statut au monde. La plupart venant d’Allemagne, le yiddish s’impose comme langue des Ashkénazes (Allemands).

Cependant, les massacres perpétrés par les Cosaques à partir de 1650 entrainent un reflux de l’Europe centrale vers l’Europe de l’Ouest, l’Angleterre et l’Amérique. Si le XVIIe siècle est en Europe celui des Sépharades, le XVIIIe siècle voit alors la montée des Ashkénazes, qui vont dominer le siècle suivant.

La situation est différente en Europe orientale. La Russie interdisait aux Juifs de pénétrer dans l’empire à l’est de Kiev. Mais avec le dépeçage et l’annexion d’une grande partie de la Pologne en 1795, la Russie hérite de la communauté juive la plus importante du monde à l’époque. La Russie cantonna obligatoirement les Juifs dans une « zone de résidence » allant de la Baltique à la Mer noire, comprenant la Pologne, les Lituanie, l’Ukraine, la Biélorussie et la Crimée.

Sous les tsars, et particulièrement sous Nicolas Ier, après 1825, la situation des Juifs de Russie est très mauvaise. Ce tsar ordonne que les enfants juifs mâles soient soustraits à leur famille à l’âge de douze ans, et passent une période de formation jusqu’à dix-huit ans avant d’être envoyés au service militaire.

La situation s’améliore avec le tsar Alexandre II (1855-1881) qui supprime la conscription des enfants juifs à partir de douze ans, et ramène le service militaire, pour l’ensemble des sujets, de 25 ans à 6 ans.

Mais c’est alors que commencera la période noire des pogroms…

À suivre dans le prochain billet…

Épilogue

La population juive mondiale a flucté ainsi :

Cette bien triste histoire du peuple juif aboutit ainsi en 1900 à une très forte concentration en Europe orientale – qui débouchera sur bien des malheurs…

Source: http://www.les-crises.fr/les-dispersions-du-peuple-juif/


240 000 vues pour le billet sur les coupes de l’interview de Poutine par TF1 !

Thursday 12 June 2014 at 00:50

Un bref billet pour vous remercier de votre fidélité.

Le billet sur le caviardage de l’interview de Poutine a atteint l’incroyable total de 240 000 vues – près d’un quart de million !

Ce qui, avec 30 000 000 de foyers en France, n’est pas très loin d’1 foyer sur 100… C’est assez incroyable…

Enfin, en tous cas, MERCI encore à tous – pour venir sur ce blog, relayer ses informations ou le soutenir financièrement !  :)

Source: http://www.les-crises.fr/vues-billet-poutine/


[Cables Wikileaks] Porochenko vu par les Américains (2006-2010)

Wednesday 11 June 2014 at 02:36

Pour en savoir plus sur Porochenko, découvrons comment les Américains parlaient de lui, grâce aux formidables câbles diplomatique révélés par Wikileaks.

Vous pouvez d’ailleurs vous même effectuer des recherches grâce à l’outil dédié à la recherche, en choisissant Ukraine comme origine.

GRAND CONCOURS : Si vous trouvez des choses intéressantes dans les 1 139 câbles, postez-les en commentaire ! (sur NATO, FTA, European Union, etc.) (lien direct + traduction du passage)

Les extraits en anglais sont dans ce billet Archive.

16/02/2006

Porochenko semble travailler dur pour faire échouer la  coalition Ianoukovytch et Iouchtchenko selon Hryshchenko car une telle coalition entrainerait l’éjection de l’oligarque déchu (ndt: c’est-à-dire Porochenko ).

24/03/2006

Timochenko évitait de critiquer directement le président Iouchtchenko , en disant qu’il était au-dessus de l’élection parlementaire et pas en charge des affaires. Au lieu de cela,  c’était le bloc corrompu « Notre Ukraine » avec  des gens commee Porochenko, Bezsmertny, Martynenko et d’autres qui n’avaient pas bien servi le président et étaient responsables de l’éclatement de la coalition orange .

30/03/2006

La direction du parti de PUOU (ndt : Notre ukraine (OU)) est actuellement dominée par les mêmes oligarques impopulaires de la révolution orange – Porochenko , Zhvaniya, Tretiakov, Tchervonenko – que Iouchtchenko a été obligé d’abandonner et de renvoyer dans le remaniement du gouvernement de Septembre 2005, mais qui forment encore l’arrière boutique de Iouchtchenko ”

28/04/2006

Tandis que le chef sortant de faction OU (Our Ukraine) au Parlement Martynenko était le chef officiel de OU à Kiev, l’insider dans Notre Ukraine Petro Porochenko en a été le leader informel. OU, le Parti des Régions, et le blob Tchernovetski avait formellement seulement 46 sièges au Parlement, mais ils ont acheté la loyauté des autres. Les membres du conseil Patrie avaient fait l’objet d’intenses pressions pour changer de parti, selon Mme Tymochenko ; on leur a offert 100 000 $ (la carotte) et ils ont été menacés d’une d’activité dans la municipalité (le bâton). Secouant la tête, elle a dit que OU a fait une grosse erreur en livrant Kiev aux mains du parti des régions.

N.B. Porochenko est qualifié à de multiples reprises d’insider à l’intérieur de Notre Ukraine – ce qui signifie “homme à l’intérieur”, et donc que, probablement il renseigne les Américains

26 mai 2006

La nouvelle équipe Orange aurait en vedette Ioulia Timochenko comme Premier ministre et son rival, Petro Porochenko, serait le nouveau Présdient du Parlement. Porochenko a été entaché par des allégations crédibles de corruption, mais exerce une influence importante dans le parti Notre Ukraine ; c’était le prix à payer pour (le ralliement de) Porochenko.

11/12/2008

En tant qu’institution, la BNU (banque centrale ukrainienne) a une « mentalité soviétique » envers ses fonctions économiques fondamentales, et sa pensée est “très différente” des autres banques centrales. Pazarbasioglu a rappelé cela en l’illustrant par les méthodes de contrôles de la politique monétaire de la banque centrale d’ukraine (NBU). Stelmakh a assimilé toute augmentation potentielle des taux d’intérêt à des taux d’inflation plus élevés, alors que l’Ukraine se débat avec la chute de son PIB et son déficit du compte courant.

Pazarbasioglu et Horvath ont réitéré des accusations de conflits d’intérêts au conseil de la Banque nationale d’Ukraine, où les influences des milieux d’affaires et politiques s’infiltrent dans la politique de décision de la banque centrale. Le chef du conseil de la BNU, Petro Porochenko, a été désigné comme une incarnation particulière de rôle délétère du Conseil.

12/05/2009

L’ancien ministre des Finances Viktor Pynzenyk, qui a démissionné plus tôt cette année, a dit à Lipton que le plan de recapitalisation n’a pas été mis en œuvre assez rapidement. Au cours d’une conversation au dîner offert par l’ambassadeur et animé par lui et auquel a également assisté l’homme d’affaires Viktor Pinchuk, Petro Porochenko de la BNU, le représentant d’Alfa Bank Roman Shpek, le président de Raiffeisen Aval Volodymyr Lavrenchuk, et l’ancien ministre des Finances Oleh Mytiukov, Pynzenyk a demandé si les procédures de liquidation avaient effectivement été mises en place. Trop de hauts fonctionnaires du GOU (gouvernement de l’Ukraine) n’ont toujours pas compris le concept de recapitalisation et de résolution bancaire, a-t-il dit. En outre, la Banque nationale n’avait pas de talent qualifié pour gérer le programme de résolution et de recapitalisation, a dit Pynzenyk, exhortant les États-Unis de fournir des experts pour la banque centrale.

Porochenko, Président du Conseil de Surveillance de la BNU a également déclaré que le plan de recapitalisation devait être mis en œuvre plus rapidement, et de manière plus transparente. Les représentants de plusieurs banques étrangères ont fait écho séparément de ce point de vue.

9/10/2009

Le Parlement a approuvé le candidat du président Iouchtchenko, Petro Porochenko, comme nouveau ministre des Affaires étrangères de l’Ukraine le 9 Octobre.

UNE CARRIERE QUI MELANGE AFFAIRES ET POLITIQUE

Porochenko est l’un des plus riches hommes d’affaires de l’Ukraine. Les estimations varient, mais beaucoup le considèrent milliardaire en dollars. Porochenko contrôle Ukrprominvest, qui a des intérêts dans la fabrication d’autobus, les chantiers navals, les banques et les médias. Il possède également Roshen, la plus grande société de confiserie d’Ukraine, qui a des usines en Ukraine et en Russie. Porochenko a été membre du Parlement de 1998 à 2005 dans différents partis politiques et a été président du Conseil de sécurité nationale et de la défense en 2005. Depuis 2007, il a servi comme président du Conseil de surveillance de la Banque nationale. [...]

Le député Nestor Shufrych du Parti des régions a critiqué le bloc du Premier ministre Tymochenko pour son soutien à la candidature de Porochenko. Il a déclaré que la seule raison de Tymochenko pour le soutien de la nomination de Porochenko était d’avoir accès à ses médias et à ses ressources financières, y compris la station de télévision populaire Canal 5, pour la prochaine élection présidentielle. [...]

Le vice-Premier ministre Nemyria, commentant à la visite de sous-secrétaire adjoint à la Défense Wallander le 8 octobre a noté que la richesse de Porochenko – il l’appelait « milliardaire « – risquait de générer des conflits d’intérêts potentiels.

21/10/2009

Le 13 Octobre, le président Iouchtchenko a réitéré son espoir que l’Ukraine puisse conclure un accord d’association (AA) avec l’Union européenne (UE) en décembre 2009, à temps pour le Sommet UE-Ukraine. En reconnaissant les difficultés de la conclusion d’un accord de libre-échange (ALE) avec l’UE dans ce court laps de temps, le président Iouchtchenko a en outre déclaré que les négociations de l’ALE UE-Ukraine devraient être achevées quelques mois plus tard. Cependant, la position politique de longue date de l’UE est que l’ALE est une partie intégrante de l’accord d’association et une condition préalable à l’accord d’association.

Note : cette dernière phrase est vraiment très importante : l’UE ne veut pas d’association politique sans libre-échange ! Or un accord de libre échange UE-Ukraine a forcément des conséquences importantes sur la Russie.


30/10/2009

Iouchtchenko n’a pas répété ses commentaires. Le Vice ministre des affaires étrangères, Yeliseyev, a confirmé bien entendu que l’ALE était une partie intégrante de l’accord d’association. Il a ajouté que les négociations de l’ALE, et donc l’accord d’association, prendraient une “longue période” avant de pouvoir se conclure. Yeliseyev dit qu’il avait expliqué cela à nouveau à Porochenko et que Porochenko était d’accord sur l’approche que la qualité d’un accord, et non le timing de la signature, était primordiale. Yaremenko suppose que la dernière proposition de Iouchtchenko de découpler ALE de l’AA provient du fait qu’il est convaincu de la destinée de l’Ukraine dans l’Europe, et qu’il ne pouvait pas se résoudre à accepter que l’accord d’association ne soit pas signé pendant son mandat. Yaramenko a ajouté que Iouchtchenko est parfois dans son “propre monde”.

10/11/2009

Oliynyk nous a dit que sa principale tâche dans sa nouvelle mission est d’accroître le rythme de l’intégration de l’Ukraine dans l’OTAN. L’Ukraine prévoit d’envoyer FM (Ministre des affaires étrangères) Porochenko et vice-FM Yeliseyev à la Conférence ministérielle de décembre.

10/11/2009

Oliynyk est une bouffée d’air frais après son prédécesseur. Cependant, sa capacité à poursuivre un programme actif avec l’OTAN sera entravée par les restrictions fiscales de l’Ukraine, et par la probabilité que le président ukrainien élu au début de 2010 lèvera le pied ou même inversera la politique du pays visant à demander l’adhésion à l’OTAN. Oliynyk semblait rassuré et coopératif vis-à-vis de notre démarche. Nous verrons si cela porte sur le sous-FM Yeliseyev, qui a tendance à ressasser que l’Ukraine est dans un vide stratégique (entre OTAN et Russie). La réunion ministérielle sera également une introduction pour le nouveau ministre des affaires étrangères Porochenko.

13/11/2009

Makeyenko dit que des « milliards » avaient été injectés (par l’Etat) dans des projets personnels qui ont bénéficié aux députés de la RADA proches de Tymochenko, y compris les commandes à l’usine de bus Bogdan du ministre des Affaires étrangères Petro Porochenko et des avantages fiscaux aux entreprises favorisées par le député de Patrie (parti de Tymochenko) Valeriy Sushkevych. Le projet de loi de finance reflète un « système pyramidal ».

18/12/2009

La banque russe VTB Bank a acheté en 2006 une participation de 98 % dans la Banque Mriya basée à Kiev, alors détenue par le ministre actuel des Affaires étrangères de l’Ukraine : Porochenko.

14/01/2010

Le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Porochenko, a déclaré que la signature d’un accord d’association avec l’UE en 2010 était l’un des 2 objectifs prioritaires de politique étrangère de l’Ukraine. Dans le même temps, les critiques difficiles de l’UE au sujet des réformes de l’Ukraine a volé la vedette lors du Sommet UE-Ukraine du 4 décembre. Les négociateurs du gouvernement ukrainien soutiennent que l’Ukraine et l’UE devront démontrer la détermination à résoudre les différences qui subsistent et à renforcer la crédibilité des aspirations européennes de l’Ukraine.

17/02/2010

Le ministre des Affaires étrangères Porochenko a rejoint le camp du président élu Ianoukovitch et s’éloigne de Timochenko lors d’une réunion du 12 Février avec l’Ambassadeur. Porochenko a critiqué le refus de Timochenko de concéder l’élection et son dénigrement du travail des observateurs électoraux internationaux. Cela a endommagé l’image de l’Ukraine. Porochenko a appelé à une présence d’une délégation de hauts responsables des États-Unis lors de l’inauguration de Viktor Ianoukovitch. Il a dit que Ianoukovitch avait prévu de faire son premier voyage en tant que président à Bruxelles pour jouer contre son stéréotype pro-russe. L’appel du président Obama de félicitations a fait une impression positive majeure sur Ianoukovitch.

Porochenko a déclaré que M. Ianoukovitch avait accepté sa suggestion visant à ce que M. Ianoukovitch joue contre sa nature et fasse sa première visite à l’étranger à Bruxelles. Ianoukovitch devrait préciser que, lui aussi, cherche à obtenir un accord d’association avec l’UE, y compris un accord de libre-échange et une perspective d’adhésion claire. Ianoukovitch devrai également souligner l’importance de la libéralisation du régime des visas avec l’Europe. Pour le garder sur la bonne voie, M. Ianoukovitch a besoin de ” messages encourageants ” de l’Europe, a déclaré Porochenko. La lettre de Sarkozy de félicitations est dans cet ordre des choses.

Ianoukovitch ne veut pas parler maintenant d’une adhésion à l’OTAN, mais est ouvert à l’amélioration de la coopération de l’Ukraine avec l’OTAN, a déclaré Porochenko. Il a exhorté les États-Unis de ne pas trop prendre au pied de la lettre les discours de M. Ianoukovitch favorables à la proposition de Medvedev pour une nouvelle architecture de sécurité. Ianoukovitch sera ouvert à des échanges et débats avec la Russie, mais cela ne signifie pas que Ianoukovitch favorisera cette évolution de l’architecture. L’adhésion à l’OTAN demeure une aspiration, bien que lointaine, a insisté Porochenko.

23/02/2010

Les messages possibles dans le cas d’une réunion avec FM Porochenko : Espérons que l’Ukraine puisse rapidement signer l’accord d’association et de libre-échange avec l’UE en 2010. Cela est la clé pour dynamiser les réformes.

Source: http://www.les-crises.fr/porochenko-vu-par-les-americains/


[Cables Wikileaks] Les cables Porochenko (en vo)

Wednesday 11 June 2014 at 01:10

Le contenu est trop long, merci de visiter notre site

Source: http://www.les-crises.fr/cables-porochenko/


[Cas Mendras] Le directeur du CNRS a répondu : il s’en moque ! (donc toi aussi, deviens chercheur au CNRS !)

Wednesday 11 June 2014 at 00:18

Merci de vous être mobilisés à propos du cas Marie Mendras.

C’est très important d’envoyer des mails, de faire buzzer, car cela entraine forcément des remous en interne.

La propagande n’a qu’une peur : être démasquée devant le plus grand nombre.

Alain Fuchs, le directeur du CNRS a eu le fair-play de répondre à l’interpellation de ce blog (et on peut le remercier).

Je rappelle que le problème (clairement exposé dans le mail) n’était pas ce que disait Mme Mendras à titre privé – et qui ne regarde pas le CNRS – mais qu’elle utilisait son titre de “chercheur au CNRS” pour donner poids à ses mensonges grotesques.

Réponse du Directeur du CNRS :

——– Message original ——–
De: Alain Fuchs <alain.fuchs@cnrs-dir.fr>

Monsieur,

il ne faut pas confondre avec une production scientifique.

Cela ne regarde donc pas le CNRS.

AF
—————————————-

Donc l’utilisation du titre de chercheur du CNRS pour tromper le public “ne regarde donc pas le CNRS” – j’en conclus que la valeur de cette marque doit donc être considérée comme nulle par l’institution.

C’est bon à savoir – et merci à M. Fuchs de le préciser.

Je propose donc de lancer désormais une grande opération, dans vos billets, mails and co. : “Moi aussi, je suis chercheur au CNRS” ! :)

Olivier Berruyer
Chercheur au CNRS.

 

P.S. j’imagine que le CNRS était occupé ces derniers temps à chercher son nouveau logo – magfique, surtout vu en miroir :

Source: http://www.les-crises.fr/cas-mendras-le-directeur-du-cnrs-a-repondu-il-sen-moque-donc-toi-aussi-deviens-chercheur-au-cnrs/


Arte, une certaine idée du débat – et du bourrage de crâne (Marie Mendras + François Heisbourg + Antoine Arjakovsky)

Tuesday 10 June 2014 at 03:34

Tiens, il m’avait échappé que le Conseil de surveillance d’Arte France est présidé depuis VINGT ANS par Bernard-Henri Levy

Le 27 mai, Arte a organisé un débat dans son émission 28 minutes. Du TRÈS GRAND n’importe quoi, que nous allons analyser… Voilà l’émission :

“Les Experts”

Arte a donc invité 3 “Experts” pour parler de l’Ukraine.

On se dit : tiens, chouette, on avoir au moins un MINIMUM de débat.

Ben non, pas de bol : 3 “experts”, 3 russophobes forcenés !

Présentation – et félicitations à la rédaction de 28 minutes, c’est du grand art…

1. Marie Mendras

Présentée par Arte comme : “chercheuse au CNRS”

Nous avons déjà analysé en profondeur sa prose – et surtout ses nombreux mensonges – dans ce billet

Je me contente de reprendre un article de 2010 du site Nonfiction.fr qui n’a (semble-t-il pas été démenti) :

“La spécialiste de la Russie, chercheuse au CERI, Marie Mendras a été démissionnée de la Direction de la Prospective du ministère des Affaires étrangères par Bernard Kouchner cette semaine. Elle avait été nommée il y a environ huit mois à ce poste. “Elle n’a pas su trouver ses marques, ni compris ce qu’était le métier de diplomate, ni su comment on anime une direction d’administration centrale”, affirme un membre de la Direction de la Prospective (DP). [...] Elle aura été l’une des plus brèves directrices d’administration centrale de toute l’histoire du Quai d’Orsay“, confirme un autre membre de la DP. Selon les personnes que nous avons interrogées au sein de la DP, Mme Mendras avait fait l’unanimité contre elle dans son équipe, et plusieurs intellectuels et spécialistes des relations internationales avaient réclamé son départ. L’un d’entre eux rappelle “l’incompétence totale et l’amateurisme grave de la directrice de la DP”, alors qu’un autre parle d’ “une erreur de casting manifeste”.”

2. François Heisbourg

Présenté par Arte comme : “politologue”

Une référence !

“Ancien élève de l’ENA ; directeur du développement stratégique de Matra Défense Espace (1992-1997)”, a été directeur de l’International Institute for Strategic Studies (IISS) de Londres de 1987 à 1992 et a été ensuite président de son Conseil d’administration. Et attention : “Il est officier dans l’ordre de la Légion d’honneur, chevalier de l’ordre national du Mérite, Commandeur de l’ordre du Mérite de la République fédérale d’Allemagne, Commandeur de l’Ordre de la Couronne de chêne (Luxembourg), Chevalier du Mérite militaire espagnol, Officier de l’ordre du Mono (Togo).” Et “Il a assuré le cours magistral sur l’espace mondial à Sciences-Po de Paris.” (Wikipédia)

que du lourd !

C’est un des “Intellectuels faussaires” dénoncés par Pascal Boniface

Il déclare dans Le Monde du 10 septembre 2002, au sujet de l’Irak : « Les armes biologiques et chimiques existent bel et bien, et leur emploi est tout à fait possible en cas de guerre. ».

Et dans l’article L’inquiétant arsenal irakien du Point du 20 septembre 2002, il déclare : « Nous savons depuis vingt-cinq ans qu’il a du chimique, qu’il continue à en produire et qu’il l’utilisera le cas échéant sur le champ de bataille. »

Dans le Nouvel Observateur du 13/02/2002, il indique : “Puisque la coopération de l’Irak dans la recherche des armes n’a été ni substantielle, ni inconditionnelle. Les éléments de preuve fournis par Colin Powell dans les domaines biologique et balistiques tendent à montrer qu’il y a eu une fausse déclaration.”

Le 28/08/2007 : “Si on laisse les choses se faire, on n’échappera pas à une alternative catastrophique : la bombe iranienne ou le bombardement de l’Iran.”

En septembre 2007, dans son livre Iran, le choix des armes ?, il indique : “Serait-il plus catastrophique de frapper que de ne pas frapper ? [...] Le recours à la force serait marginalement moins calamiteux que l’acceptation du franchissement du seuil nucléaire par l’Iran.” Bien entendu, si l’Iran a l’arme nucléaire, c’est pour l’utiliser immédiatement et mourir, et non pas pour faire comme le Pakistan, et se protéger, puisque des fous furieux attaquent sans raison leurs voisins et expliquent que ce serait mieux de les bombarder… (Repris dans Libération en 2008)

Le 23 novembre 2007, il explique dans l’émission “L’Iran, où va le monde ?” que “il faudra deux à trois ans à l’Iran pour avoir la bombe”. Bien vu !

En 2011, rebelote sur la Libye : « Pendant que le gouvernement français faisait des moulinets pour l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne inutile du point de vue militaire, les Américains ont sans doute fait le choix de fournir des armes aux insurgés » (Libération). Encore un beau résultat ! Et il poursuit à propos du départ de Kadhafi : “La seule formule qui permette d’éviter à court terme le risque de partition du pays” (aufait) Bravo !

Et François Heisbourg est un grand tweeteur (grand concourt, indiquez en commentaire les perles que j’ai loupées) :

Pour l’Ukraine, plus de sanctions contre la Russie !

Un autre exemple :

Il diffuse le sondage en Ukraine “Voulez-vous renforcer les liens avec l’UE”. OUI à :

Conclusion : chouette, ils veulent l’Europe ! Eh bien les habitants de l’Est, ils ne suivent pas, évidemment. Bref, de la haute analyse géopolitique !

Enfin - grand prix – : il reprends cette abjecte image russophobe (et quasi-raciste pour moi)…

Enfin, on voit donc la haute profondeur du géopolitologue…

3. Antoine Arjakovsky

Présenté par Arte comme : “historien”

C’est un spécialiste de pensée chrétienne orthodoxe – et c’est un croyant fervent.

Il est aussi directeur émérite de l’Institut d’Études Œcuméniques de Lviv. Oui, oui, Lviv, le cœur du fascisme ukrainien (ceci étant, c’est un bon endroit pour l’œcuménisme – mais faut-il qu’il soit anti-haine et non pas pro-haine).

“Sa vision des évènements en Ukraine dans La Croix le 19 février était déjà sidérante, dédouanant l’église orthodoxe ukrainienne du patriarcat de Kiev (donc beaucop de prêtres sont proches de Svoboda), et chargent celle du patriarcat de Moscou :

le patriarche Kirill (à Moscou) reste campé sur la ligne exposée dans le document du saint-synode du 26 décembre dernier, à savoir que l’Ukraine appartient au monde russe, que l’Europe est un monde décadent, que les manifestants ukrainiens sont manipulés par l’Occident et que les manifestations n’ont pas lieu d’être… [hein ?]

En Ukraine, seuls le Patriarcat de Kiev et l’Église gréco-catholique ont clairement pris position pour soutenir les manifestants. [...]

Il suffit de se rappeler que, depuis cinq ans, le patriarche Kirill de Moscou s’est rendu une dizaine de fois en Ukraine, à chaque fois pour répéter qu’entre le monde russe, auquel à ses yeux appartient l’Ukraine, et l’Europe décadente, c’est un combat entre deux idéologies qui s’affrontent.

En revanche, l’Église orthodoxe ukrainienne essaye d’adopter une position de neutralité, voire de se mettre du côté des opposants puisqu’une partie de ses fidèles est dans la rue.”

Mais la lecture de son blog, est encore plus édifante !

Son billet du 31/12/2013 Je ne peux plus me taire est une pépite !

Je ne peux plus aujourd’hui considérer le patriarcat de Moscou comme la structure légitime représentant l’Eglise russe.

[OB : HEIN ? Heureusement qu'il est pour l'œcuménisme !]

Le patriarche Kirill [...] ne dit pas un mot de soutien au peuple ukrainien venu manifester en masse, dans le froid glacial et au péril de sa vie, contre un régime corrompu [...] et battant jusqu’au sang des manifestants pacifiques. Le saint synode au contraire condamne vigoureusement « les tensions civiles et les révolutions qui ne peuvent apporter rien de positif au peuple ». [...] [OB : Ben la perte de la Crimée + une guerre civile + doublement du prix du gaz + récession de 10 %, pour gagner 11 mois de présidence Ianoukovytch - il n'avait pas tout à fait tort]

Les évêques du patriarcat de Moscou parlent d’une réconciliation nécessaire entre « les différents groupes ethniques et sociaux ». Cette phrase témoigne de l’aveuglement total du patriarcat de Moscou qui ne voit pas qu’il n’y a aucun enjeu ethnique dans l’Euromaidan, mais le désir profond de la population ukrainienne, attesté par tous les sondages, d’appartenir à la grande famille des nations européennes qui, en dépit de toutes ses faiblesses, pose au dessus de toute loi la défense de la dignité de chaque personne humaine.

Au lieu de s’enthousiasmer pour une telle preuve de vitalité spirituelle de la part du peuple ukrainien, la déclaration fait des allusions douteuses aux « forces extérieures » qui viendraient diviser l’Eglise orthodoxe ukrainienne pour des motifs politiques

La vérité en définitive c’est que l’idéologie communiste soviétique n’a pas encore disparu de l’ex-URSS. [...] Mais, et c’est terrible pour moi de l’écrire ici, il n’y a pas que dans les rues de Kiev que trônent encore les bustes de Lénine. L’idéologie soviétique est profondément enracinée également au sein même de la mentalité ecclésiale des dignitaires du patriarcat de Moscou. [...]

Tout au long de mes trente dernières années d’engagement dans l’Eglise Orthodoxe je ne suis pas resté inactif [...]

Je me suis enthousiasmé de voir l’Eglise russe se relever de ses cendres et apporter à nouveau la bonne nouvelle de la résurrection du Christ et de la proximité du royaume de Dieu à un peuple qui avait tant souffert d’une soviétisation intensive pendant soixante dix ans. [...]

C’est l’une des raisons pour lesquelles je quittais la Russie en 1998 et m’installais en Ukraine, pays autrement plus ouvert à la tradition orthodoxe la plus authentique, à la modernité, et au dialogue œcuménique et inter-religieux. [...] [OB : tu m'étonnes, surtout à Lviv, terre de l'humanisme !]

J’étais outré enfin de constater que le patriarcat de Moscou ne demande pas pardon à l’émigration russe pour tout le tort qu’il lui a causé dans le passé. [...]

Aujourd’hui je considère avec beaucoup de tristesse que les hiérarques qui conduisent aux destinées de l’Eglise russe ne sont pas dignes de la mission de réconciliation universelle qui leur a été confiée par le Très Haut.”

Alors c’est sûr que s’il a le Très-Haut avec lui…

Le Verbatim commenté

Nous allons donc commenter le Verbatim, en montrant ce qu’aurait pu apporter un débat un contradicteur…

Élisabeth Quin – Place au débat sur les événements récents en Ukraine : le nouveau chef d’Etat élu dimanche dernier, très favorable au rapprochement avec l’Union Européenne, doit remettre l’économie ukrainienne en marche et éviter que la guerre civile n’éclate à l’Est. Est-ce trop tard ? Réponse après la mise au point de Sandrine Le Calvez.

Sandrine Le Calvez – Avions de chasse, hélicoptères, armes lourdes, scènes de guerre dans l’est de l’Ukraine. C’est là que l’armée a repris ces dernières heures le contrôle de l’aéroport international de Donetsk. L’offensive musclée contre des insurgés prorusses aurait fait quarante morts du côté des séparatistes. D’un point de vue militaire, c’est une première victoire pour le tout nouveau président ukrainien, Pétro Porochenko qui avait prévenu : «Pas question de plier face aux insurgés prorusses ».

Pétro Porochenko – « Ce sont des meurtriers, des terroristes, aucun pays civilisé dans le monde ne négocie avec des terroristes et nous sommes un pays civilisé. »

Sandrine Le Calvez – Un discours de fermeté, la promesse d’une Ukraine forte et en paix. C’est sur ce programme que Pétro Porochenko a été élu dès le premier tour de l’élection présidentielle dimanche dernier, 54% des voix pour cet oligarque pro-européen qui a fait fortune dans le chocolat. Propriétaire d’une chaine de télévision, il était aux côtés des manifestants de la place Maïdan ces derniers mois, comme en 2004 lors de la révolution orange. A Moscou, réactions prudentes après l’élection du milliardaire ukrainien.

Sergueï Lavrov : « Comme l’a dit le président Poutine à plusieurs reprises, nous sommes prêts à dialoguer avec les autorités de Kiev, cela vaut donc pour Pétro Porochenko. »

Sandrine Le Calvez – Mais Vladimir Poutine peut-il s’entendre avec le nouveau président ukrainien pro-européen pour négocier une sortie de crise honorable ? Le nouvel homme fort de Kiev peut-il réunifier l’Ukraine ou au contraire précipiter son implosion ?

Élisabeth Quin – Bonsoir à tous les trois. Marie Mendras, vous êtes chercheuse au CNRS et à Science-Po et vous êtes rentrée d’Odessa aujourd’hui. A côté de vous Antoine Arjakovsky, bonsoir monsieur.

Antoine Arjakovsky – Bonsoir.

Élisabeth Quin – Vous êtes historien, expert des relations russo-ukrainiennes, directeur de recherche au collège des Bernardins et la semaine prochaine, je crois que c’est début juin, donc la semaine prochaine sortira cet ouvrage aux éditions Parole et silence : Russie Ukraine – De la guerre à la paix. Et à côté de vous François Heisbourg, bonsoir.

François Heisbourg – Bonsoir.

Élisabeth Quin – Vous êtes politologue, conseiller spécial à la fondation pour la recherche stratégique et vous, vous êtes rentré de Kiev ? La semaine dernière ? De Kiev ?

François Heisbourg – La semaine dernière absolument.

Élisabeth Quin – D’accord, très bien. Une question en 28 secondes Nadia s’il vous plait.

Nadia Daam – Oui c’est un peu plus qu’une question, c’est un constat : « Cette élection devait être un prélude à la paix. Avec les dizaines de morts de Donetsk, ça commence mal, non ? » Marie Mendras ce qui est en train de se passe à l’aéroport de Donetsk, ce sont les derniers soubresauts ou c’est le début d’un nouveau conflit ?

Marie Mendras – Les derniers soubresauts, sans aucun doute.

[OB : Sans aucun doute, les morts de Lugansk la remercient]

Nadia Daam – Qui devraient se terminer quand à votre… Ça devrait durer combien de temps ce qui est en train de se passer là-bas ?

Marie Mendras – C’est très difficile de dire. Je pense que tant que la Russie ne remet pas de l’huile sur le feu, ça va être difficile pour les commandos ou si vous voulez les insurgés – je ne sais pas très bien comment est-ce qu’il faut qu’on les appelle -, les mercenaires, c’est très difficile de dire combien de temps ils vont tenir.

[OB : Des mercenaires maintenant ??? 7 ?]

Renaud Dély – Marie Mendras, vous dites ce sont les derniers soubresauts d’un conflit, je veux juste montrer la carte du Donbass qui est justement l’Est du pays. Porochenko à peine élu, le nouveau président ukrainien a annoncé qu’il voulait justement éliminer les terroristes qui veulent, je le cite faire d’après lui du Donbass, donc la région de Donetsk, une ‘’nouvelle Somalie’’. Ça veut dire qu’on va quand même jusqu’à l’écrasement militaire des séparatistes prorusses de cette région ?

Marie Mendras – Je crois qu’il n’a pas le choix, il vient d’être élu à la tête de l’Etat ukrainien…

Renaud Dély – Il ne peut pas régler pacifiquement cette situation ce que vous voulez dire ? Il n’a pas le choix, il est obligé de faire la guerre ?

Marie Mendras – Mais c’est totalement impossible, puisque ce sont des Russes, venant de Russie, et des locaux aussi, des hommes qui habitent dans cette région de Donetsk et Lugansk qui ont lancé cette forme d’insurrection de manière extrêmement violente. Ils étaient lourdement armés, ils ont imposé à la population pratiquement une forme de couvre-feu, les gens ne sortaient plus. Vous le savez, dimanche dernier seule une petite partie de la population a pu voter parce qu’on avait des dizaines d’hommes surarmés autour des quelques bureaux de vote que des citoyens avaient eu le courage d’ouvrir. Il est absolument évident que le nouveau président n’a aucun choix, il doit tout de suite montrer qu’il ne cède pas deux régions à quelques centaines de commandos qui n’ont absolument aucune légitimité et qui ont commencé les violences. Je crois que ça, il faut absolument le rappeler.

[OB : Eh oui, impossible de faire la paix, il faut faire la guerre avant !]

Élisabeth Quin – François Heisbourg, vous souscrivez à cette analyse comme quoi il est obligé de reprendre, y compris cette rhétorique : ‘’les terroristes’’ ?

François Heisbourg – Tout d’abord, à ma connaissance, il n’a pas repris la rhétorique du gouvernement précédent sur les terroristes parce qu’on sait faire la différence entre Al-Qaïda et les milices de mercenaires dans l’est de l’Ukraine, ce n’est quand même pas tout à fait la même chose. Ca été une grave erreur du gouvernement ukrainien précédent de vouloir rentrer dans ce type de rhétorique puisqu’elle est de toute évidence pas vraie. Mais je suis d’accord avec l’analyse qui consiste à dire que Porochenko n’a pas le choix, il est obligé, il est amené à rétablir la souveraineté ukrainienne…

Renaud Dély – Par les armes ?…

François Heisbourg – sur le territoire ukrainien, le cas échéant par les armes, comme si la Corse était prise par des mercenaires venus d’Italie, je ne doute pas un instant que nous interviendrions nous par les armes. Par contre, je suis beaucoup moins optimiste que Marie Mendras sur le fait de savoir si ce sont les derniers soubresauts. Je pense que l’intérêt de la Russie est de maintenir le pourrissement, y compris par la voie des armes, dans cette région. La frontière est extrêmement perméable et la capacité d’entretenir les braises, de continuer à souffler sur le feu, malheureusement je crains que nous risquons de connaître d’autres épisodes comme celui d’aujourd’hui à Donetsk.

[OB : N'importe quoi !!! En l'espèce ce sont les habitants de Corse qui prendraient les armes, on fait quoi ? Comme en Algérie ? - ça a tellement bien marché la dernière fois... Par ailleurs meuh oui, c'est l'intérêt de la Russie - comme de tout pays - d'avoir une guerre civile juste à sa frontière, ça tombe sous le sens...]

Élisabeth Quin – Antoine Arjakovsky ?

Antoine Arjakovsky – Oui, moi je crois que ce qu’il est important surtout de retenir depuis dimanche, c’est que l’actuel président a une légitimité qu’il n’avait pas avant. Le gouvernement était un gouvernement…

Élisabeth Quin – De transition.

[OB : putschiste ?]

Antoine Arjakovsky – Certes élu normalement avec la constitution de 2004 mais il n’avait pas cette légitimité. Donc ça va permette à Porochenko, cela a été sa première déclaration, d’agir vite dans cette opération anti-terroriste il l’appelle quand même opération anti-terroriste- il dit : cela ne doit pas durer des mois, cela doit durer des jours, et donc j’ai l’impression qu’il a beaucoup plus maintenant de légitimité. Il a été élu dès le premier tour…

Élisabeth Quin – 54%, c’est une élection confortable.

Antoine Arjakovsky – 54%, c’est une élection confortable et surtout élu partout, dans toutes les régions…

Élisabeth Quin – Y compris à l’est…

Antoine Arjakovsky –y compris Donetsk, Lugansk, Poltava…

Élisabeth Quin – Enfin là où ils ont pu voter.

Renaud Dély – A Donetsk on n’a pas pu voter, quasiment pas.

Antoine Arjakovsky – Il y a quand même eu des bureaux ouverts à Donetsk, à Lugansk

Renaud Dély – Peu, très très peu.

Nadia Daam – 20% des bureaux de vote environ à l’est.

Antoine Arjakovsky – Voilà, donc là où on a pu voter, on a voté pour Porochenko.

[OB : non, 35 %]

Élisabeth Quin – Pour lui.

Antoine Arjakovsky – Donc partout en Ukraine, et y compris parmi les ukrainiens de l’étranger, c’est des millions de personnes, on a voté en majorité pour Porochenko, donc il a cette légitimité-là qui va lui permettre d’agir plus vite.

Il est important de rappeler un point de cette élection de dimanche que donc moi j’ai observée à Odessa. C’est que les deux candidats qui représentaient l’extrême droite ou l’ultranationalisme, c’est-à-dire à la fois Svoboda, ce qui veut dire ‘’Liberté’’ et Pravyï sektor, le Secteur Droit, l’un a fait 0,7 ou 0,8% et l’autre a fait 1,1%. Je crois que c’est important de le rappeler parce que nous avons été trop rapides aux mois de mars, avril dans nos commentaires en France, en Europe…

Élisabeth Quin – Sur le noyautage par les ultranationalistes.

Antoine Arjakovsky – En disant tout d’un coup que tout le monde était fasciste en Ukraine.

[OB : quelqu'un a entendu ça dans les médias en mars avril ? Par ailleurs, la définition d'un coup d'Etat dans un pays démocratique, c'est que vous êtes minoritaire dans le pays...]

Élisabeth Quin – François Heisbourg ?

François Heisbourg – Oui je crois que c’est extrêmement important parce qu’il y a eu tout un récit ‘’poutinien’’ sur le thème…

Antoine Arjakovsky – Des fascistes, c’étaient des fascistes.

François Heisbourg – Ce sont des fascistes, ce sont les héritiers des collabos, des nazis pendant la deuxième Guerre Mondiale qui ont pris le pouvoir par les armes à Kiev et qui ont obligé le président légitime à fuir or l’extrême droite en Ukraine, électoralement, on vient de le voir, pèse beaucoup moins lourd qu’en France.

[OB : cette phrase est une telle bouse intellectuelle, que je ne la commente pas]

Élisabeth Quin – Nadia vous nous parlez de la propagande.

Nadia Daam – Oui alors on le sait effectivement depuis le début de cette affaire, on parle beaucoup de liberté de la presse, de propagande. De liberté de la presse parce que de nombreux journalistes occidentaux ont été empêchés dans leur travail par les forces prorusses. Il y a quelques jours, un journaliste italien et son traducteur ont été tués par des tirs de mortier. Les médias russes de manière générale ont largement servi la propagande mais on est aussi en train de se rendre compte que ça se passe pareil de l’autre côté ou qu’il y a la possibilité que ça se passe de la même manière. C’est le Wall Street Journal qui révèle que trois journalistes prorusses, des journalistes russes, qui travaillent pour un site prorusse, ont été arrêtés par des soldats ukrainiens, l’ONG Human Right Watch commence à s’intéresser à tout ça et à dire que on peut rappeler…

Élisabeth Quin – Ça vous fait rire ?

Nadia Daam – Non mais attendez, je…

Antoine Arjakovsky – Ah c’est très drôle ! C’est très drôle, parce qu’on ne peut pas appeler ça des journalistes. Vous savez ce qu’on a trouvé dans le coffre…

Nadia Daam – Justement c’est toute la question…

Antoine Arjakovsky – Vous savez ce qu’on a trouvé dans le coffre de la voiture de ces journalistes ?

Nadia Daam – Il y a des enregistrements effectivement où on…

Antoine Arjakovsky – Des kalachnikovs, tout simplement.

Élisabeth Quin – Des journalistes engagés.

Nadia Daam – Alors est-ce que ça veut dire qu’on ne peut pas laisser rentrer les journalistes russes ?

Antoine Arjakovsky – Pardon ?

Nadia Daam – On ne laisse pas rentrer les journalistes russes en Ukraine ?

Antoine Arjakovsky – Il y a des tas de journalistes russes en Ukraine.

Marie Mendras – Oui et j’en ai rencontrés.

Antoine Arjakovsky – Du reste, le traducteur qui est mort, c’est Andrei Mironov, c’est plus qu’un traducteur…

Marie Mendras – Un ancien dissident soviétique, un homme remarquable.

Antoine Arjakovsky – Un ancien dissident qui dirigeait le mémorial, enfin c’est une très grande figure. Donc les vrais journalistes sont présents, y compris de Russie.

Nadia Daam – Il n’y a pas du tout de volonté de…

Antoine Arjakovsky – Mais des journalistes avec des kalachnikovs dans leur coffre, ça non, on les arrête.

Marie Mendras – Est-ce des journalistes ?

[OB : Primo, je ne sais pas si c'est vrai, quelle est la source. Secundo, avoir une arme dans le coffre dans une zone de guerre, on peut discuter de l'intérêt...]

Renaud Dély – Il y a eu aussi une dimension de la part du régime ukrainien de propagande, notamment à l’endroit de la Crimée, du rôle qu’on put avoir les russophones en Crimée etc… Il y a eu aussi cette dimension, ç’a été aussi une guerre de communication, ce n’est pas…des deux côtés.

Antoine Arjakovsky – De la part des ukrainiens ?…

Marie Mendras – De la part des ukrainiens ?…

Nadia Daam – Des deux côtés…

Antoine Arjakovsky – Il y a une guerre de communication qui est menée du côté du Kremlin !

Renaud Dély – Exclusivement ?

Antoine Arjakovsky – Mais totalement.

[OB : quelle subtilité]

Marie Mendras – Malheureusement les ukrainiens ont pas été très bons en communication.

François Heisbourg – Le gouvernement russe et les médias contrôlés par le gouvernement russe ont été très très systématiques dans l’emploi des médias comme outil de la guerre de l’information, l’information est un outil de guerre. Du côté ukrainiens, il y a certainement des gens qui auraient voulu faire la même chose mais…

[OB : les photos truquées du New York Times, il connait pas, le gars...]

Nadia Daam – C’était nettement moins efficace que du côté russe oui….

François Heisbourg – force est de constater qu’ils ne sont vraiment pas organisés pour. Mais quand même, il faut faire un peu attention. Dans l’est de l’Ukraine, dans certains coins, ça ressemble beaucoup à la situation en Bosnie au début de la guerre de Bosnie…

Élisabeth Quin – C’est-à-dire ?…

François Heisbourg – en mars-avril 1992. C’est-à-dire qu’on commence à se tirer dessus et en général, ce n’est pas binaire, c’est-à-dire ce n’est pas le gouvernement ‘’machin’’ contre le gouvernement ‘’chose’’, c’est ‘’Pierre, Paul et Jacques’’ du côté russe avec les agents russes, avec les prorusses, avec des gangsters qui roulent pour eux-mêmes et du côté ukrainien un petit peu la même chose. Il y a des défis pour Porochenko, ça va être…

Renaud Dély – De rassembler…

François Heisbourg – de commencer à tenir les rênes courtes à certains des responsables ukrainiens locaux pour éviter la balkanisation du conflit.

Renaud Dély – Justement, je voudrais vous faire écouter un extrait parce que dans la guerre de propagande et de communication qu’il y a eu aussi, il y a eu une mise en cause, évidemment justifiée pour notamment ce qui s’est passé en Crimée, mais de Vladimir Poutine, qui a été un peu démonisé et on annonçait quasiment l’arrivée de Vladimir Poutine, en tout cas le démantèlement de l’est de l’Ukraine à l’instigation de Moscou. Vladimir Poutine, samedi à Saint Pétersbourg, il a expliqué que lui en tout cas récusait toute perspective de guerre froide. Je voudrais faire écouter cet extrait.

Vladimir Poutine : « Je ne voudrais pas penser que c’est le début d’une nouvelle guerre froide, personne n’y a intérêt et je pense que cela ne se produira pas. »

Renaud Dély – Finalement, Vladimir Poutine, il a pris ses distances, y compris avec les séparatistes prorusses, il avait condamné le faux référendum du 7 mai dernier donc est-ce qu’on peut à ce point accuser Poutine comme on l’a fait de vouloir démanteler l’est de l’Ukraine ?

Antoine Arjakovsky – Vladimir Poutine pratique le double langage, d’un côté son ministre Lavrov dit à Genève : on va signer la désescalade etc… et de l’autre côté, il dit : on va créer une nouvelle région qui va s’appeler ‘’Novorossia’’. Et avant-hier, les terroristes ou les séparatistes de Lugansk et de Donetsk ont décidé de créer une région qui va s’appeler ‘’Novorossia’’, du nom de l’ancienne région de l’empire russe.

Marie Mendras – Que gouvernait le duc de Richelieu à partir d’Odessa au début du XIXè.

Renaud Dély – Mais s’il voulait vraiment démanteler l’Ukraine, il ne l’aurait pas déjà fait ? Il n’aurait pas déjà réussi ?

[OB : tiens, il y a un journaliste avec un cerveau sur le plateau. Parce que moi, je serais président de la Russie, et je voudrais démanteler l'Ukraine, cela serait fait très rapidement en armant vraiment les milices locales...]

Antoine Arjakovsky – Mais il cherche à le faire, toute sa politique depuis un mois c’est de déstabiliser l’Ukraine et là, il a pris une grande claque avec ces élections…

Renaud Dély – Pour autant, le scrutin a eu lieu, la présidentielle a pu avoir lieu.

Antoine Arjakovsky – Le scrutin a pu avoir lieu, ça c’est la pression des occidentaux

Marie Mendras – C’est remarquable, c’est remarquable.

[OB : je ne sais pas ce que c'est que ce nouveau délire - elles étaient prévues dans 11 mois les élections avec l'ancien Président... S'ils ne soutenaient pas des révolutions dans des pays démocratiques...]

Antoine Arjakovsky – Et deuxièmement, le candidat du Kremlin, Dobkin, a eu moins de 1%.

Dobkin : 3 % + Tigipko 5 % = 8 % pour le parti des Régions. Intensions de votes : 35 % à 40 % dans l’Est, plus 10 % à 30% pour le parti communiste]

Élisabeth Quin – Antoine Arjakovsky, vous le comparez à Hitler en 1938, avec l’annexion des Sudètes.

Antoine Arjakovsky – Je ne suis pas le seul, il y a plusieurs personnes : il y a le prince Charles, il y a Hillary Clinton. On est dans une situation effectivement proche des années 1930 avec une nouvelle idéologie néo-fascisante, avec une idéologie qui dit : ‘’là où il y a des russes, il faut créer le monde russe’’…

Élisabeth Quin – Il faut intervenir…

Antoine Arjakovsky – il faut intervenir. Et le partage qu’il souhaite faire de l’Ukraine, c’est exactement ce qu’a proposé le pacte Molotov-Ribbentrop en 1939 : un vrai partage de la Pologne, qui voulait s’appliquer à l’Ukraine.

[OB : quel partage, il a refusé la demande des régions de l'Est...]

Renaud Dély – C’est pas un peu excessif ou un peu tôt comme comparaison aujourd’hui de comparer Vladimir Poutine à Hitler ?

Élisabeth Quin – Oui, les Sudètes et la Tchécoslovaquie.

François Heisbourg – En histoire, les plats ne sont jamais repassés à l’identique et c’est une hygiène intellectuelle que de refuser ce type d’analogies.

Antoine Arjakovsky – Moi je crois au contraire qu’on peut faire des analogies et pas des comparaisons. Mais les analogies sont possibles.

François Heisbourg – Pardon ! Non pas pour disculper Poutine car je considère qu’effectivement non seulement on est dans votre double discours mais dans la double réalité. Les soldats que vous voyez sur certaines des images, ils ne se sont pas équipés à la superette du coin, ça ce sont des soldats qui ont été équipés par la Russie.

[OB : non, ce sont des soldats ukrianiens qui ont désertés et changés de camp http://guerre-civile.ducon, on a plein de vidéos .Et zou, encore un infâme mensonge non contredit]

Mais Poutine, en terme de personnalité, en terme de vision, en terme d’idéologie, qui est effectivement une idéologie conservatrice, réactionnaire et ainsi de suite, je suis désolé, ce n’est pas Hitler !

Élisabeth Quin – Très bien.

François Heisbourg – Poutine est Poutine et il faut faire très attention…

Élisabeth Quin – Très bien François Heisbourg.

François Heisbourg – …de ne pas se lancer dans ce genre de comparaisons parce que les gens savent très bien qu’il…

Élisabeth Quin – Alors…

Antoine Arjakovsky – Ce n’est pas une comparaison, c’est une analogie.

François Heisbourg – Non mais même en tant qu’analogie ! C’est comme l’histoire des terroristes, les gens savent faire la différence entre Al-Qaïda et…

[OB : bah oui, le manipulateur explique qu'il ne faut pas pousser le bouchon trop loin, ça se voit trop après...]

Élisabeth Quin – Avançons, avançons…

Antoine Arjakovsky – Ils terrorisent la population. Dans les deux cas ils terrorisent la population.

François Heisbourg – D’accord, d’accord ! Donc les petits hommes verts de Donetsk c’est l’équivalent d’Oussama Ben Laden !

Élisabeth Quin – Alors, avançons…

François Heisbourg – Le problème c’est que les téléspectateurs savent que ce n’est pas vrai.

[OB : énorme...]

Antoine Arjakovsky – Je n’ai pas dit que c’était équivalent.

Élisabeth Quin – Intéressons-nous à Pétro…

François Heisbourg – Oui mais ça c’est le langage des ukrainiens.

Renaud Dély – Alors Poutine n’est pas Hitler mais qui est Porochenko, qui est le nouveau président ukrainien ? Il a une image qu’il a notamment cultivée dans son pays…

Élisabeth Quin – A Maïdan…

Renaud Dély – grâce à…il est notamment propriétaire d’une chaine de télévision, Canal 5, qui a mis aussi en scène un personnage…

Élisabeth Quin – Courageux….

[OB : euh, non, "riche"...]

Renaud Dély – charismatique, courageux, qui a osé s’affronter à ses opposants et qu’on a vu beaucoup à Maïdan. Qui est ce nouveau président qu’on appelle le ‘’roi du chocolat’’, c’est ça Marie Mendras ?

Marie Mendras – Oui, la chaine, la cinquième chaine en Ukraine, qui effectivement lui appartient, n’a pas eu besoin de mettre en scène Pétro Porochenko parce qu’il est très connu en Ukraine depuis vingt ans. C’est à dire, ça fait vingt que à la fois, il a développé deux ou trois secteurs de l’économie ukrainienne et notamment le chocolat, le bonbon, les gâteaux mais pas seulement.

François Heisbourg – Ils ne sont pas très bons d’ailleurs, il faut quand même dire…

Renaud Dély – Il a été ministre, c’est un ancien ministre.

Marie Mendras – Il a travaillé au début de l’indépendance de l’Ukraine avec le président Koutchma, qu’il a su quitter quand Koutchma devenait un petit peu trop ‘’poutinien’’ dans ses méthodes, il a très tôt rejoint Iouchtchenko, même avant que Iouchtchenko ne soit élu après la révolution orange…

[OB : tiens, c'est une insulte Poutine maintenant... La saoudisation, c'est pour quand ?]

Renaud Dély – C’est un oligarque. On peut le qualifier d’oligarque ?

Marie Mendras – C’est quoi pour vous un oligarque ? Je vous répondrai.

Renaud Dély – Je vous pose la question, est-ce que Porochenko est un oligarque ?

Marie Mendras – Moi j’emploie jamais ce terme donc…

[OB : jamais...]

[OB : c'est trop facile ce tir aux pigeons...]

Élisabeth Quin – Alors quel…Pourquoi ? Quel terme faut-il employer ? C’est un terme employé unanimement par les médias et les observateurs.

Renaud Dély – C’est pas un gros mot oligarque.

Marie Mendras – Oui, que les Russes emploient aussi mais ce que je voudrais simplement expliquer, c’est que justement dans le cas de Porochenko, il a pratiquement toujours eu des fonctions gouvernementales, qu’il soit…il a été deux fois ministre, il a été président du conseil de sécurité et de défense nationale, également pour Iouchtchenko…

Antoine Arjakovsky – Gouverneur de la banque nationale…

Élisabeth Quin – Il est légitime, c’est ça que vous voulez dire.

Marie Mendras – Il a été gouverneur de la banque et aussi il a développé ses affaires etc… Simplement comme le terme en français est toujours assez négatif…

Élisabeth Quin – Parce qu’on l’associe à la mafia…

Renaud Dély – Et que vous ne voulez pas visiblement l’écorner

Élisabeth Quin – Parce qu’on l’associe aux pratiques mafieuses.

Marie Mendras – Non mais à ce moment quand on me parle des oligarques en Russie, je dis toujours : si vous voulez employer cette terminologie, dites d’abord que Vladimir Poutine est le premier oligarque…

Élisabeth Quin – Est le premier des oligarques…

Marie Mendras – car non seulement il a beaucoup de pouvoir politique mais une grande fortune et beaucoup de pouvoirs économiques également.

Élisabeth Quin – Alors je vous propose, précisément puisqu’on parle d’oligarchie, de faire un petit retour à l’époque de Georges Marchais, on aurait dit : il appartient à la ploutocratie d’une certaine manière. Alors on va faire un petit retour sur l’apparition des oligarques en Russie avec le rétroviseur de Marc-Antoine de Poret et vous pourrez réagir juste après.

En 1991, Boris Eltsine, premier président de la Russie post-soviétique, démantèle l’économie de l’URSS. Pour passer du collectivisme au marché, c’est un chantier titanesque : en moins de trois ans quinze mille firmes passent dans le secteur privé.

Grigoury Lioubar (chef d’entreprise) : « Pour nous, le salaire n’est plus l’essentiel, les bénéfices vont nous revenir, il est donc plus important de les investir que de les laisser s’envoler en fumée. »

Leurs salariés se voient distribués des actions.

Boris Eltsine : « La Russie n’a pas besoin de millionnaires », dit-il, « elle veut des millions de propriétaires ».

Mais une poignée de russes plus malins ou plus entreprenants vont en profiter pour faire fortune. Ils élaborent des montages financiers, vident les entreprises de leurs actifs et rachètent des actions pour une bouchée de pain, notamment le salarié.
En 1994, le pouvoir passe à une nouvelle étape en mettant aux enchères des secteurs entiers : l’énergie, les métaux ou les télécommunications, c’est la grande braderie. Quelques capitaines d’industrie vont s’offrir ces fleurons et se partager le gâteau russe avec la complicité du camp Eltsine, on les appelle les oligarques.
En 1996, sept d’entre eux contrôleraient jusqu’à 50% de l’économie. Ils vont s’unir pour faire réélire celui qui sert le mieux leurs intérêts : Boris Eltsine.

[OB : comme c'est une émission sur l'Ukraine, c'est une bonne idée de faire un reportage courageux sur les oligarques... en Russie !]

Élisabeth Quin – Alors, il n’est pas un oligarque, c’est ça ?

François Heisbourg – Un oligarque c’est, dans le cas de la Russie et de l’Ukraine d’ailleurs aussi, quelqu’un qui s’est fait de l’argent avec la rente pétrolière et gazière ou les autres matières premières, généralement avec des liens avec la mafia. Porochenko, lui, est ce qu’on appellerait en France un homme d’affaires. C’est-à-dire il a une industrie légitime qui s’appelle le chocolat, le chocolat est rarement associé à la notion d’oligarchie. Donc ça ne veut pas dire que ce soit un ange, mais ça veut simplement dire que ce serait quelqu’un qui ne déparerait pas dans une réunion de chefs d’entreprises…

[OB : ça c'est de l'analyse !]

Élisabeth Quin – Du MEDEF !

François Heisbourg – Du MEDEF ou du BDLI en Allemagne.

Élisabeth Quin – Très bien, Antoine Arjakovsky vous le connaissez.

Antoine Arjakovsky – La différence par rapport à la Russie c’est que en Russie s’est mis en place un Etat mafieux avec de grandes fortunes comme ça, effectivement à partir du gaz et du pétrole, là en Ukraine, c’est très différent. C’est vrai que j’ai eu l’occasion de le rencontrer, Pétro Porochenko, le grand avantage au-delà de son honnêteté et de son succès dans les affaires, c’est qu’il est à la fois russophone et ukrainophone, c’est quelqu’un de synthèse et c’est quelqu’un aussi qui est de confession orthodoxe mais…

Élisabeth Quin – Comme vous ?…

Antoine Arjakovsky – Comme moi… Mais qui a fait appel comme premier ministre dès le premier jour, il a dit qu’il prendrait Arseniy Yatsenyuk, qui est lui-même grec catholique, comme premier ministre, le président du parlement Tourtchinov étant protestant, donc pour eux cette question des valeurs est importante.

Élisabeth Quin – Très bien.

Antoine Arjakovsky – On l’a vu au moment où il votait, il a fait son signe de croix, c’est…

[OB : normal...]

Nadia Daam – Vous l’aimez beaucoup ?

Élisabeth Quin – Oui, clairement.

Antoine Arjakovsky – Moi je trouve que c’est quelqu’un d’extrêmement compétent.

Renaud Dély – Ça s’appelle l’état de grâce. Il vient d’être élu, très largement, au début ça commence souvent comme ça…

Élisabeth Quin – D’aucuns l’ont connu.

Marie Mendras – Souvenons d’où l’on vient…

[OB : d'une régime démocratique, sans guerre civile, uni, en voie de redressement économique grâce aux 20 Md$ annuels donnés par la Russie !]

Élisabeth Quin – Attendez…

Marie Mendras – Ya un mois, on était nombreux à se demander, à la fois en Ukraine et chez nous en Europe, si cette élection se tiendrait…

Renaud Dély – Elle a eu lieu et il a été élu.

Marie Mendras – Elle a eu lieu, je l’ai observée, elle a eu lieu dans des conditions exceptionnelles alors que la population est quand même très traumatisée par les violences.

Renaud Dély – Pour autant…

Élisabeth Quin – Pour autant, Marie Mendras, il faut qu’on parle du chiffre du jour.

Renaud Dély – Pour autant tout n’est pas encore réglé, voilà, le chiffre du jour que je vais vous montrer à l’instant. C’est 2,2 milliards d’euros, ça correspond…

Élisabeth Quin – De dollars.

Renaud Dély – Non d’euros.

Élisabeth Quin – Ah bon.

Renaud Dély – Oui oui, absolument.

Élisabeth Quin – Très bien.

Renaud Dély – C’est donc la dette gazière de l’Ukraine à l’endroit de la Russie. On sait que justement Moscou menace une fois de plus de couper le robinet du gaz. Est-ce que l’Ukraine a encore les moyens de son indépendance par rapport à Vladimir Poutine sur cette question du gaz ? Ce n’est pas ça la principale menace aujourd’hui ?

François Heisbourg – S’il ne s’agit que des 2,2 milliards d’euros…

Élisabeth Quin – De dollars en l’occurrence, ce sont des dollars…

François Heisbourg – oui en l’occurrence effectivement je crois que ce sont des dollars…

Élisabeth Quin – Ce sont des dollars oui absolument…

François Heisbourg – Il n’y a pas de problème, c’est infiniment moins que le prêt que va faire le FMI à l’Ukraine.

[OB : un énorme prêt dans un pays qui va très mal à tous les points de vue - où est le problème ?]

La difficulté, c’est que la Russie exige non pas 2,2 milliards de dollars, elle exige 22 milliards de dollars. Et le gouvernement ukrainien a saisi le tribunal arbitral compétent en la matière, qui est le tribunal de Stockholm en l’occurrence, parce que les russes ont multiplié par dix la note depuis la chute du président Ianoukovytch, ça s’appelle soit du chantage soit un hold-up.

Élisabeth Quin – Faire monter les enchères !

Juan Gomez, bonsoir Juan Gomez.

Juan Gomez – Bonsoir.

Élisabeth Quin – Où va-t-on ?

Juan Gomez – Et bien je vous emmène en Chine vers laquelle Vladimir Poutine tourne désormais tous ses regards. Depuis le début de la crise ukrainienne, vous le savez, la Russie fait l’objet de sanctions croissantes. L’objectif affiché des occidentaux, c’est clairement d’isoler économiquement le pays et Vladimir Poutine cherche donc désespérément une échappatoire à ce piège et il a peut-être trouvé la solution miracle à Pékin, c’est en tout cas ce qu’affirment les médias russes. La semaine dernière Vladimir Poutine était en Chine, il y a passé deux jours, il a rencontré son homologue Xi Jinping, et les deux hommes ont signé une cinquantaine d’accords dont un énorme contrat gazier. Le montant est évidemment resté secret mais il est estimé tout de même à trois cents milliards d’euros, c’est le plus important contrat de toute l’histoire du géant russe Gazprom. Alors Vladimir Poutine a incontestablement réussi un joli coup, il a montré évidemment que la Russie était capable de se détacher de l’Europe, de se tourner vers l’Asie et notamment vers la Chine, le premier consommateur d’énergie au monde. D’ailleurs samedi dernier, le premier ministre russe, Dimitri Medvedev, a été on ne peut plus clair en affirmant que le gaz qui ne serait pas livré en Europe pourrait être livré, exporté en Chine. Alors en réalité c’est beaucoup moins simple, la Chine est certes devenue la semaine dernière le deuxième client de Gazprom mais elle reste loin, très loin derrière l’Europe et vous allez le voir, pour le chef de la diplomatie suédoise, si Moscou venait à concrétiser ses menaces, la Russie ne gagnerait pas au change.

Carl Bildt, ministre des Affaires étrangères de Suède : « La Russie est plus dépendante des revenus du gaz que l’Europe n’est dépendante du gaz. Donc oui, il y aurait des problèmes à court terme si la Russie exécute ses menaces mais au bout du compte elle aura plus de problèmes que nous. »

Juan Gomez – Voilà et donc pour vous donner un ordre de grandeur, l’année dernière la Russie a exporté vers l’Europe cent soixante milliards de mètres cubes de gaz, c’est quatre fois plus que ce qui est prévu dans l’accord signé avec les chinois la semaine dernière. En clair la Russie ne peut pas se passer du marché européen et les experts sont d’ailleurs tous unanimes, Vladimir Poutine, qui est pris à la gorge en ce moment par les sanctions occidentales et européennes, n’était pas en position de force pour négocier avec son homologue chinois. Ça fait dix ans qu’il essaie d’obtenir cet accord, il a donc dû faire des concessions et il a accepté de vendre son gaz beaucoup moins cher qu’aux européens donc, contrairement aux apparences, il faut tout de même relativiser le soi-disant succès de Vladimir Poutine face aux américains et aux européens.

Élisabeth Quin – Merci Juan Gomez.

Le mot a été dit : ‘’européens’’. Que peut faire, que doit faire l’Europe ?

François Heisbourg – L’Europe doit réduire sa dépendance gazière par rapport à la Russie, ça me paraît assez évident.

[OB : dépendre de l'Arabie Saoudite et du Qatar, où est le problème ?]

Élisabeth Quin – Et par rapport à l’Ukraine ?

François Heisbourg – Non l’Ukraine n’exporte pas de gaz directement, c’est le gaz russe qui passe par…

Élisabeth Quin – Non mais une attitude de l’Union Européen pour aider l’Ukraine ?…

Renaud Dély – Pour aider ? Economiquement, pour soutenir économiquement l’Ukraine, que peut faire l’Europe ?

François Heisbourg – Oui mais ce n’est pas la même question…

Élisabeth Quin – Oui.

François Heisbourg – je suis désolé de vous le dire…

Élisabeth Quin – Pardon François Heisbourg mais… Je pensais que vous me feriez une réponse…

[OB : qu'on aura donc jamais - mais la réalité, elle, va vite nous rattraper...]

François Heisbourg – Si vous me demandez : « qu’est-ce qu’il faut faire ? »…

Renaud Dély – Ce n’est pas la même réponse…

François Heisbourg – Et donc ce n’est pas la même réponse.

Élisabeth Quin – Très bien, à vos ordres.

François Heisbourg – Mais par rapport au gaz, il est évident que si on ne veut pas être à la merci de Vladimir Poutine, il faut que l’on réduise nos besoins en matière d’importations de gaz russe. Ça prendra du temps, il faut compter cinq à six ans. Je suis au demeurant tout à fait d’accord avec l’analyse qui vient d’être faite sur l’accord russo-chinois…

Élisabeth Quin – Excellent Juan Gomez !

François Heisbourg – Les russes ont été obligés de payer le prix exigé par les chinois et trois cents milliards d’euros c’est beaucoup mais c’est sur trente ans et donc en fait dix milliards d’euros par an, c’est le huitième du niveau actuel des échanges entre la Russie et la Chine. Donc oui c’est important mais ça ne change pas la face du monde.

Marie Mendras – Ca va mettre du temps à se mettre en place, ça va pas être immédiat.

Élisabeth Quin – Sur l’Europe ?

Renaud Dély – Oui sur l’Europe. Oui je crois que la première visite à l’étranger du président Porochenko, elle est prévue à Varsovie le 4 juin, quel signe politique ça donne ? C’est justement une façon de bâtir un peu plus l’Europe dans l’hostilité à Vladimir Poutine aussi ? Parce ce que on sait que la Pologne y est très hostile.

Antoine Arjakovsky – L’amitié avec la Pologne et l’amitié avec les tatars de Crimée puisque au même moment le leader des tatars de Crimée, Mustafa Djemilev, va recevoir un prix : le prix solidarnosc. Et l’une des premières mesures qu’a pris Porochenko après le 23 février, ç’a été de donner des droits à la communauté tatars de Crimée. Donc je pense que ça va être très politique mais pour répondre à votre question, je crois que ce qui est très important de la part de l’Union Européen : c’est de signer aujourd’hui l’accord économique. Il y a eu un accord politique qui a été signé, du traité d’association le 21 mars, maintenant il faut passer à l’économie et surtout…

Nadia Daam – C’a été évoqué depuis ?…

Antoine Arjakovsky – Oui, là, l’Union Européen a dit qu’elle était prête à faire ça au moins de juin…

Nadia Daam – Après l’élection ?…

Antoine Arjakovsky – donc c’est ça la prochaine échéance. Et puis surtout je crois du point de vue de la France puisqu’on va recevoir Vladimir Poutine bientôt, le 6 juin, c’est de dire il y a un décalage entre, d’un côté, nous arrêtons notre coopération militaire avec la Russie et, d’un autre côté, on fait venir des marins russes au Havre au mois de juin pour commencer à tester les mistrals. Alors là je crois qu’il y a un vrai problème, une vraie difficulté…

Renaud Dély – Vous évoquiez la Crimée, il y a encore une chance pour Porochenko de récupérer la Crimée en Ukraine ou est-ce que c’est sé… ?

Antoine Arjakovsky – Il l’a dit ! Il l’a dit : jamais l’Ukraine n’acceptera l’annexion de la Crimée. L’Ukraine veut une conférence internationale…

Renaud Dély – Mais comment est-ce qu’il peut y arriver ? Il va faire la guerre pour la récupérer ?…

Élisabeth Quin – Avec des armes ? Militairement ?…

Antoine Arjakovsky – veut une conférence internationale en disant à la France qu’elle a signé le traité de Budapest. La France a garanti, avec l’Angleterre et l’Amérique et la Russie, l’intégrité du territoire ukrainien : il faut revenir là-dessus.

[OB : je crois qu'on se comprend mal : garantir l'intégrité, cela veut dire qu'on défend l'Ukraine en cas d'agression. Mais pas qu'on va faire la guerre car une région veut quitter l'Ukraine après un référendum démocratique !]

Élisabeth Quin – C’était le mot de la fin pour ce soir et par rapport à ce débat.

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P.S. pour ceux qui se posent la question, je vous rassure, PAS UN SEUL média français connu ne m’a demandé la moindre interview.  :)

Source: http://www.les-crises.fr/arte-une-certaine-idee-du-debat/


[AutoDéfense intellectuelle] Chronique du mensonge ordinaire : Marie Mendras (+ACTION)

Tuesday 10 June 2014 at 01:49

Tiens, aujourd’hui, analyse d’une profonde tribune de Marie Mendras dans le totalement dispensable Huffington Post (Groupe Le Monde).

À ce niveau de propagande, on n’est bien sûr plus dans la simple erreur ou l’aveuglement…

Le texte

Les Ukrainiens ont voté et réenclenché le processus démocratique. Ils ont élu un président consensuel, Petro Porochenko, et choisiront sans doute dans quelques mois une nouvelle assemblée représentative. Odessa, Kiev et quelques autres grandes villes ont aussi élu leur maire le 25 mai. Les commandos armés et leaders séparatistes de Donetsk et Lugansk à l’Est apparaissent désormais, dans la lumière crue de la victoire démocratique ailleurs, comme de dangereux et violents extrémistes qui ont su tirer profit de la désorganisation institutionnelle et du désarroi des populations. Les urnes ont gagné une bataille décisive contre l’arbitraire. D’autres batailles suivront, mais le choix des armes ne sera plus décidé à Moscou. Les institutions ukrainiennes vont se reconstruire et pourront résister plus efficacement à la subversion et aux pressions.

Six mois ont passé depuis le début de la révolution pacifique de Maidan fin novembre. Trois mois depuis la lâche fuite de Viktor Ianoukovitch qui avait fait tirer sur les manifestants les 19-20 février. Les événements se sont bousculés, Moscou a tenté de forcer l’histoire en annexant la Crimée et en déstabilisant deux régions entières à l’Est par la subversion armée. Même la belle cité portuaire d’Odessa a succombé à la violence le 2 mai. Les scenarios les plus fous ont été envisagés, de la disparition de l’Etat ukrainien à la conquête de la Moldavie. De plus en plus assourdissants étaient les commentaires exaltés en Russie, et relayés en Europe, vantant la toute puissance poutinienne qui ferait renaître un ordre impérial sur l’Est de notre continent.

Le pire a été évité grâce au suffrage universel, au sang froid du gouvernement intérimaire à Kiev, et à la détermination tranquille de la majorité des Ukrainiens. Et aussi au soutien de l’Union européenne, des Etats-Unis et du Canada ; il importe de le rappeler en ce dur lendemain de poussée réactionnaire et anti-Europe en France. On pense avec effroi aux scénarios qui se seraient réalisés si les autorités à Kiev avaient cédé au chantage et les Ukrainiens à la panique.

Le score du candidat d’extrême droite à l’élection présidentielle ukrainienne mérite d’être souligné. Dmitro Iarosh a obtenu 0,7 % des voix. Voici donc ce que représente le fameux groupe ultra Pravyi sektor que certains décrivaient comme la force montante d’une Ukraine “nationale- fasciste”. Et le candidat du parti de la droite nationaliste Svoboda, Oleg Tiagnibok, dépasse à peine 1% ! Ils font tous deux fait pâle figure en comparaison d’un Front National à 25% dans une France en paix, qui n’est menacée ni par les troupes russes, ni par un défaut de paiement de l’Etat. Certes, l’extrême droite aurait fait un meilleur score si les électeurs de l’Est avaient pu voter…. Mais ce sont les séparatistes soutenus par la Russie qui ont empêché les bureaux de vote d’ouvrir et d’accueillir les citoyens ! L’alliance de circonstance entre les ultra-nationalistes ukrainiens et les “prorusses” a donc vécu.

L’ironie de l’histoire est que Petro Porochenko a remporté la présidentielle au premier tour grâce à l’ingérence de Moscou et aux insurrections de Donetsk et Lugansk. Si ces deux régions avaient organisé le scrutin, Porochenko aurait quand même gagné, mais au second tour, après un duel avec Ioulia Timochenko. La double victoire du 25 mai – Vitali Klitchko a gagné la capitale avec 57% des suffrages – offre aux dirigeants qui ont été portés par le mouvement Maidan une légitimité incontestable. Légitimité qu’ils devront consolider rapidement, car leur capital de confiance est plus réduit. La société ukrainienne a vécu des mois éprouvants, elle s’est trouvée confrontée à ses divisions et à ses fragilités, bien réelles, et elle n’accorde plus sa confiance aveuglément. Elle demandera des comptes, tout de suite.

Dès le lendemain de son élection, le nouveau président a appelé au dialogue avec Moscou, tout en affirmant que sa première mission était de mettre fin au non droit dans les régions de l’Est. L’enjeu est considérable, car les actes de violence sont quotidiens. A la veille des élections, un journaliste italien et un dissident russe connu, Andrei Mironov, ont été tués, parmi d’autres victimes. L’aéroport de Donetsk a été pris par les insurgés, l’armée ukrainienne a entrepris de le reconquérir. Mais les troupes russes toujours massées à la frontière est du pays ne semblent plus faire aussi peur aux Ukrainiens. En mettant leur bulletin dans l’urne dimanche 25 mai, les Ukrainiens ont vécu une délivrance. Les nombreux électeurs rencontrés à Odessa pendant la mission d’observation de ces derniers jours ont tous exprimé ce soulagement. “On respire de nouveau”.

Source : Le Huffington Post

L’analyse

À Odessa, le 26 mai

Les Ukrainiens ont voté et réenclenché le processus démocratique.

C’est quand même bien de reconnaitre que ce qui se passe depuis 3 mois n’est en RIEN démocratique.

Et il aurait suffit d’attendre 11 mois pour avoir de nouvelles élections présidentielles en Ukraine, qui aurait conservé la Crimée et où il n’y aurait pas eu des centaines de morts, un début de guerre civile dans l’Est… Beau bilan de “Maïdan”…

Ils ont élu un président consensuel, Petro Porochenko, et choisiront sans doute dans quelques mois une nouvelle assemblée représentative. Odessa, Kiev et quelques autres grandes villes ont aussi élu leur maire le 25 mai. Les commandos armés et leaders séparatistes de Donetsk et Lugansk à l’Est apparaissent désormais, dans la lumière crue de la victoire démocratique ailleurs, comme de dangereux et violents extrémistes qui ont su tirer profit de la désorganisation institutionnelle et du désarroi des populations. Les urnes ont gagné une bataille décisive contre l’arbitraire.

Déjà, je suis étonné que quelqu’un se présentant comme chercheur utilise des mots comme “de dangereux et violents extrémistes” dans une situation aussi complexe que le cas ukrainien – c’est bon pour les propos de bistrot ça… D’autant qu’on a peu entendu ce genre de propos concernant les 5 ministres actuels se rattachant à des mouvements néonazis…

Ensuite, 15 % de participation dans la région de Donetsk, qui est grande comme la Bretagne, Languedoc-Roussillon ou l’Auvergne, montre que le gouvernement a totalement perdu le contrôle de vastes territoire, résultat qu’on n’atteint pas avec une poignée de “dangereux extrémistes”.

Par ailleurs, plus d’un million d’électeurs ont participé au référendum du 11 mai dans ces territoires, démontrant sans équivoque leur rejet du gouvernement de Kiev – peut-être aurait-on pu  avoir un mot pour leurs légitimes aspirations… “L’arbitraire” semblant vouloir écraser cette autre expression démocratique à coups de mortiers…

D’autres batailles suivront, mais le choix des armes ne sera plus décidé à Moscou.

Madame Mendras pourrait-elle fournir des preuves solides que le “choix des armes” a été décidé par le gouvernement à Moscou ? Je serai heureux de les publier.

Les institutions ukrainiennes vont se reconstruire et pourront résister plus efficacement à la subversion et aux pressions.

Six mois ont passé depuis le début de la révolution pacifique de Maidan fin novembre.

Le gouvernement actuel de Kiev a reconnu lui même il y a quelques jours qu’il y avait eu 1130 policiers blessés, dont 200 par balle dont 17 sont morts. Madame Mendras pourrait-elle préciser sa définition de “pacifique” ? (même si, rappelons le 90 % des gens l’étaient. Mais s’ils n’avaient été que pacifiques, ils manifesteraient toujours sur la place Maïdan là, face à l’ancien Président…)

Trois mois depuis la lâche fuite de Viktor Ianoukovitch

Rappelons que le Président – corrompu mais légitime – a fui car les miliciens de la Place Maidan ont annoncé qu’ils refusaient l’accord signé par l’opposition et iraient se saisir de lui le lendemain… Le chef actuel du Conseil de Sécurité de l’Ukraine (et ancien commandant de Maïdan) vient de le reconnaitre :

  • Donc, vous reconnaissez que vous évincé Ianoukovitch?
  • Oui. Il s’est enfui.
  • Mais il s’est enfui parce qu’il avait peur pour sa vie?
  • Oui bien sûr. Après tant de morts et une telle tension nationale, il a compris que s’il ne s’enfuyait, les conséquences pour sa personne pourraient être très mauvaises…

qui avait fait tirer sur les manifestants les 19-20 février.

La Commission en charge du Parlement a également indiqué il y a quelques jours que ”Les balles d’armes à feu trouvées sur les lieux des événements tragiques sur le Maidan, à Kiev, le 20 février, ne pouvaient pas être tirées des armes dont les Berkouts étaient équipés.” Et que ”Ce sera un autre cas non élucidé comme l’assassinat de JFK.” Ce qui confirmait un début d’enquête réalisée par la chaine allemande ARD démontrant que le procureur de Kiev sabotait l’enquête. Aucun mot aussi sur l’interception des propos d’un ministre estonien sur placequi démentait la version de Kiev…

Madame Mendras pourrait-elle nous donner ses sources attestant de la responsabilité du Président Ianoukovitch dans la fusillade – cela aidera beaucoup le parlement ukrainien.

Les événements se sont bousculés, Moscou a tenté de forcer l’histoire en annexant la Crimée et en déstabilisant deux régions entières à l’Est par la subversion armée.

Merci à Madame Mendras de nous donner les preuves de l’implication du gouvernement russe (et pas 3 misérables photos de miliciens, plus ou moins trafiquées).

Même la belle cité portuaire d’Odessa a succombé à la violence le 2 mai. Les scenarios les plus fous ont été envisagés, de la disparition de l’Etat ukrainien à la conquête de la Moldavie. De plus en plus assourdissants étaient les commentaires exaltés en Russie, et relayés en Europe, vantant la toute puissance poutinienne qui ferait renaître un ordre impérial sur l’Est de notre continent.

Le pire a été évité grâce au suffrage universel, au sang froid du gouvernement intérimaire à Kiev, et à la détermination tranquille de la majorité des Ukrainiens.

Par “Sang froid” faut-il entendre le fait que le gouvernement ait entamé une répression militaire par l’armée (dont beaucoup de soldats se mutinent), pas si différente de celle dénoncée en Libye, ou s’agit-il simplement du sang répandu des dizaines de victimes civiles ?

Et aussi au soutien de l’Union européenne, des Etats-Unis et du Canada ; il importe de le rappeler en ce dur lendemain de poussée réactionnaire et anti-Europe en France.

Attention, la mot “anti-Europe” pourrait être interprété comme un signe d’indigence intellectuelle assez avancée. En effet l’Europe est un continent, et on peut difficilement être “contre” ou “anti” ce continent (qu’est-ce qu’être “anti-Asie” ?). C’est aussi une déesse de la mythologie, violée par Zeus (“ZE-US…”). En revanche, s’il s’agit de l’Organisation néolibérale de Bruxelles, c’est un autre débat politique, mais il convient d’employer en ce cas les bons mots quand on est chercheur au CNRS – et de ne pas mélanger d’ailleurs les casquettes de chercheur et de militant politique par déontologie élémentaire…

On pense avec effroi aux scénarios qui se seraient réalisés si les autorités à Kiev avaient cédé au chantage et les Ukrainiens à la panique.

Cette phrase ne voulant rien dire, elle suscite peu d’effroi à mon sens…

Le score du candidat d’extrême droite à l’élection présidentielle ukrainienne mérite d’être souligné. Dmitro Iarosh a obtenu 0,7 % des voix. Voici donc ce que représente le fameux groupe ultra Pravyi sektor que certains décrivaient comme la force montante d’une Ukraine “nationale- fasciste”. Et le candidat du parti de la droite nationaliste Svoboda, Oleg Tiagnibok, dépasse à peine 1% !

Premièrement, en quoi Iarosh mérite-t-il d’être désigné comme “LE candidat d’extrême droite” en Ukraine ? C’est le représentant du groupuscule armé néonazi/fasciste Pravyi Sektor. Et Tiagnibok est le leader du parti national-social d’Ukraine Svoboda, désigné par le Congrès Juif mondial comme néonazi.

Madame Mendras pourrait-elle nous donner une définition de “l’extrême-droite”, car selon les normes européennes, M. Lyashko du parti Radical et ses 8 % et Madame Timochenko et ses 13 %, mériteraient le qualificatif “d’extrême droite”. Le premier a créé un véritable “escadron de la mort” et appelle à l’interdiction du parti communiste, la seconde a déclaré qu’il faudrait envoyer des bombes atomiques sur les Russes et un de ses députés a cofondé le Parti National Social d’Ukraine, et une autre s’est publiquement réjoui du meurtre des russophones d’Odessa. (Lire ici) 

Deuxièmement, il y a toujours un effet “vote utile” lors de la présidentielle en Ukraine. Le score des néonazis était déjà de 2 % en 2010, ce qui ne les a pas empêché d’obtenir 10 % des voix aux législatives de 2012, avec 30 % à 40 % des voix dans l’Ouest, un détail j’imagine… Aux législatives, les intentions de vote de Svoboda+Praviy Sektor sont de 10 % en moyenne, et 20 % dans l’Ouest, auxquels il faut ajouter les 7 % du parti radical (extrémiste).

Troisièmement, le problème n’est pas de savoir s’ils font 2, 5 ou 10 % des voix, mais s’ils ont une part du pouvoir politique, ce qui est actuellement le cas, avec des minsitres, des postes clefs (Conseil de Sécurité, Procureur général) et 20 % des députés de la majorité. Et de nombreux néonazis constituent la Garde Nationale qui opère dans l’Est et tue des citoyens. Un détail ?

La complaisance de Madame Mendras envers des groupuscules néonazis et violents laisse pantois.

Ils font tous deux fait pâle figure en comparaison d’un Front National à 25% dans une France en paix, qui n’est menacée ni par les troupes russes, ni par un défaut de paiement de l’État.

Comment – et sans complaisance aucune avec le Front National – peut-on rapprocher des groupuscules néonazis, tuant des citoyens, et dont les députés appellent au meurtre de russophones avec des partis de l’Ouest de l’Europe ?

Certes, l’extrême droite aurait fait un meilleur score si les électeurs de l’Est avaient pu voter….

Premièrement, c’est bien de reconnaitre que les électeurs n’ont pas pu (ni voulu…) voter. Peut-être est-il possible de faire un lien avec la phrase un peu plus haut : “Les Ukrainiens ont voté et réenclenché le processus démocratique. ”

Deuxièmement : comment peut-on être aussi ignorant de l’implantation géographique de Svoboda en Ukraine ?

score Svoboda 2012

politique ukraine

politique ukraine

Mais ce sont les séparatistes soutenus par la Russie qui ont empêché les bureaux de vote d’ouvrir et d’accueillir les citoyens !

Pour la 3ème fois, Madame Mendras pourrait-elle nous communiquer les preuves impliquant le gouvernement russe dans l’Est de  l’Ukraine ?

Par ailleurs, lesdits électeurs ayant voté le 11 mai pour la création d’une République autonome, ceci explique peut-être cela…

L’alliance de circonstance entre les ultra-nationalistes ukrainiens et les “prorusses” a donc vécu.

Mais quel est ce charabia incompréhensible ? Les ultra-nationalistes ukrainiens de Svoboda ou Secteur droit auraient fait alliance avec les pro-russes ? (NB. je ne m’arrête pas faute de temps sur la nouvelle indigence intellectuelle consistant à qualifier ces russophones de “pro-russes”)

L’ironie de l’histoire est que Petro Porochenko a remporté la présidentielle au premier tour grâce à l’ingérence de Moscou et aux insurrections de Donetsk et Lugansk.

Pour la 4ème fois, Madame Mendras pourrait-elle nous communiquer les preuves impliquant le gouvernement russe dans l’Est de  l’Ukraine ?

Si ces deux régions avaient organisé le scrutin, Porochenko aurait quand même gagné, mais au second tour, après un duel avec Ioulia Timochenko. La double victoire du 25 mai – Vitali Klitchko a gagné la capitale avec 57% des suffrages – offre aux dirigeants qui ont été portés par le mouvement Maidan une légitimité incontestable. Légitimité qu’ils devront consolider rapidement, car leur capital de confiance est plus réduit. La société ukrainienne a vécu des mois éprouvants, elle s’est trouvée confrontée à ses divisions et à ses fragilités, bien réelles, et elle n’accorde plus sa confiance aveuglément. Elle demandera des comptes, tout de suite.

Dès le lendemain de son élection, le nouveau président a appelé au dialogue avec Moscou, tout en affirmant que sa première mission était de mettre fin au non droit dans les régions de l’Est. L’enjeu est considérable, car les actes de violence sont quotidiens. A la veille des élections, un journaliste italien et un dissident russe connu, Andrei Mironov, ont été tués, parmi d’autres victimes. L’aéroport de Donetsk a été pris par les insurgés, l’armée ukrainienne a entrepris de le reconquérir.

Mais les troupes russes toujours massées à la frontière est du pays ne semblent plus faire aussi peur aux Ukrainiens.

Là encore, pourrait on avoir des preuves solides ? Et qu’appelle-t-on “masser des troupes russes en Russie” ?

En mettant leur bulletin dans l’urne dimanche 25 mai, les Ukrainiens ont vécu une délivrance. Les nombreux électeurs rencontrés à Odessa pendant la mission d’observation de ces derniers jours ont tous exprimé ce soulagement. “On respire de nouveau”.

C’est beau comme du BHL. Étonnant, j’ai pour ma part des correspondants à Odessa qui n’ont pas vu les choses comme cela…

Marie Mendras
Chercheure au CNRS et CERI-Sciences  (NdR. : laboratoire de Sciences-Po)

Lettre ouverte au CNRS et au CERI

Lettre ouverte à Alain Fuchs, président du CNRS (alain.fuchs@cnrs-dir.fr) et Alain Dieckhoff, Directeur du Ceri (alain.dieckhoff@sciencespo.fr)

Messieurs,

j’ai eu la désagréable surprise de lire l’article de Marie Mendras du 26 mai sur l’Ukraine, dans le Le Huffington Post.

Il est truffé d’erreurs manifestes – voire de mensonges grossiers – comme par exemple :

De même, aucun mot sur le fait que :

Une telle attitude est extrêmement inquiétante venant d’une personne se disant “Chercheure au CNRS et CERI-Sciences (Sciences-Po)”, et mettant en avant ce titre pour donner du poids à ces propos mensongers.

Dans le Huffington Post

Je souhaitais donc savoir si  vous approuviez ces propos, et s’ils correspondaient à la vision du CNRS et de Sciences-Po.

Que Madame Mendras raconte n’importe quoi, c’est son droit, mais qu’elle utilise les marques CNRS et Sciences-Po, cela devient – j’imagine – votre problème.

D’autant que – de façon inexplicable – elle dispose d’une forte exposition médiatique, intervenant souvent dans les médias en se prévalant systématiquement de ces 2 institutions.

Sur France Culture

Sur France 24

Dans Libération

Et même sur le site du Parti socialiste !

Je précise “inexplicable” car, outre ces problèmes déontologiques, je lis sur un article de 2010 du site Nonfiction.fr (qui n’a semble-t-il pas été démenti) :

“La spécialiste de la Russie, chercheuse au CERI, Marie Mendras a été démissionnée de la Direction de la Prospective du ministère des Affaires étrangères par Bernard Kouchner cette semaine. Elle avait été nommée il y a environ huit mois à ce poste. “Elle n’a pas su trouver ses marques, ni compris ce qu’était le métier de diplomate, ni su comment on anime une direction d’administration centrale”, affirme un membre de la Direction de la Prospective (DP). [...] Elle aura été l’une des plus brèves directrices d’administration centrale de toute l’histoire du Quai d’Orsay“, confirme un autre membre de la DP. Selon les personnes que nous avons interrogées au sein de la DP, Mme Mendras avait fait l’unanimité contre elle dans son équipe, et plusieurs intellectuels et spécialistes des relations internationales avaient réclamé son départ. L’un d’entre eux rappelle “l’incompétence totale et l’amateurisme grave de la directrice de la DP”, alors qu’un autre parle d’ “une erreur de casting manifeste”.”

Je vous remercie de votre attention, et je reste donc dans l’attente d’une réponse de votre part pour éclairer la position de vos institutions.

Bien cordialement

Olivier Berruyer

www.les-crises.fr

Action !

N’hésitez pas vous même à écrire à ces institutions pour appuyer cette lettre ou demander quelques explications !

Source: http://www.les-crises.fr/chronique-du-mensonge-ordinaire-marie-mendras/


[Le dur métier de propagandiste...] Quand l’AFP fait une grosse bourde, contamine les esprits, puis refuse d’employer les bons mots…

Monday 9 June 2014 at 16:22

J’adore, c’est direct un exemple pour les cours dans les écoles de journalisme (dans les pays démocratiques, bien sûr…)

1. La grosse bourde

Vidéo AFP trouvée ce matin :

et sur le site de l’AFP :

“Slaviansk pilonnée par les séparatistes”

Bon, je passe rapidement sur le fait :

Non, le souci, c’est que cela n’a guère de sens : Slaviansk est aux mains des autonomistes, ils ne se tirent pas dessus ! L’AFP a sans doute confondu avec l’attaque de l’aéroport de Lougansk par les autonomistes le même jour.

Donc, si le rédacteur de l’AFP avait 2 grammes de connaissance du dossier ukrainien, il aurait dû comprendre qu’il y avait un problème : car ce sont bel et bien les forces militaires du gouvernement qui pilonnent la ville !

Et pas qu’un peu :

Comme cela a été bien expliqué par l’agence russe ITARR/TASS (d’où l’intérêt de ne pas être hémiplégique sur les sources…) :

Donc erreur grossière de l’AFP…

2. Les conséquences

Eh bien comme d’habitude, les propos de l’AFP contaminent toute la presse française :

Etc.

C’est bien simple : 11 000 pages reprennent ces bêtises (ou des liens vers elles) en une matinée :

Une seule source pour des sites qui la reprennent en copier-coller (comme nous l’avons déjà vu à propos des 100 000 soldats russes bidons) – il faudrait que le législateur s’empare de ce sujet démocratique rapidement

3. La correction manipulatoire

Bon, finalement, ça se voit, et l’AFP modifie sa vidéo.

Et c’est là qu’on passe de l’erreur (très peu acceptable au vu du contexte) à la manipulation (je n’aime pas trop brandir ce mot, mais ici, on voit très clairement le double langage).

Car non seulement, l’AFP ne communique pas clairement sur son erreur sur son site de vidéo.

MAIS SURTOUT, elle n’emploie plus les même mots, et ne désigne pas le coupable :

Eh oui :

1/ la ville n’est plus “pilonnée” (brrrr, c’est Stalingrad quoi…) mais  “touchée par des tirs de mortiers” (hmmmm, 3 coups dans un terrain vague ?) ;

2/ et surtout “par les séparatistes” devient : rien ! Eh oui, l’AFP ne va pas écrire “par les troupes du gouvernement”, cela serait très très impoli ! Car les barbares, ce sont les Russes, évidemment !

C’est comme pour les morts d’Odessa en fait…

CQFD !

P.S. voici le mail de la rédaction en chef, n’hésitez pas à leur écrire pour saluer leur travail, ça fait toujours plaisir… redchef@afp.com

Source: http://www.les-crises.fr/quand-l-afp-s-emmele/


[Reprise] Pourquoi De Gaulle refusa-t-il toujours de commémorer le débarquement du 6 juin ?

Monday 9 June 2014 at 01:46

Extraits de l’excellent livre C’était de Gaulle d’Alain Peyrefitte


Pourquoi Charles de Gaulle refusa-t-il toujours de commémorer le débarquement du 6 juin ?

C’était de Gaulle, Tome 2 (Édition de Fallois Fayard 1997), pages 84 à 87


En nommant Jean Sainteny ministre des Anciens combattants en décembre 1962, le Général lui avait demandé de consacrer son énergie à l’année 1964. Elle était propice à raviver le souvenir de deux des années glorieuses : cinquantenaire de 1914 et vingtième anniversaire de 1944.

À la fin du Conseil du 30 octobre 1963 , Jean Sainteny a évoqué les cérémonies prévues pour la commémoration de la libération, Pompidou me prend à part : « Tâchez de faire revenir le Général sur son refus d’aller sur les plages de Normandie… » Je suis stupéfait et de l’information et de la demande. « Enfin, reprend Pompidou, prenez des précautions… Je m’y suis cassé les dents. »

Sainteny m’apprend ensuite qu’il se les était déjà lui-même cassées. Naturellement, je vais me les casser aussi.

de gaulle Churchill france Lhistoire vraie : il y a 50 ans, le 6 juin 1964, Charles de Gaulle refusait de commémorer «le débarquement des anglo saxons»

Alain Peyrefitte (l’air candide) : « Croyez-vous, mon Général, que les Français comprendront que vous ne soyez pas présents aux cérémonies de Normandie ?

Charles-de-Gaulle (sévèrement) : – C’est Pompidou qui vous a demandé de revenir à la charge ? (Je ne cille pas). Eh bien, non ! Ma décision est prise ! La France a été traitée comme un paillasson ! Churchill m’a convoqué d’Alger à Londres, le 4 juin, il m’a fait venir dans un train où il avait établi son quartier général, comme un châtelain sonne son maître d’hôtel. Et il m’a annoncé le débarquement, sans qu’aucune unité française ait été prévue pour y participer. Nous nous sommes affrontés rudement.

Je lui ai reproché de se mettre aux ordres de Roosevelt, au lieu de lui imposer une volonté européenne (il appuie).

Il m’a crié de toute la force de ses poumons : « De Gaulle, dites-vous bien que quand j’aurai à choisir entre vous et Roosevelt, je préférerai toujours Roosevelt ! Quand nous aurons à choisir entre les Français et les Américains, nous préférerons toujours les Américains ! Quand nous aurons à choisir entre le continent et le grand large, nous choisirons toujours le grand large ! » (Il me l’a déjà dit. Ce souvenir est indélébile.)

Winston Churchill choisir entre francaise et americain de gaulle Lhistoire vraie : il y a 50 ans, le 6 juin 1964, Charles de Gaulle refusait de commémorer «le débarquement des anglo saxons»

 « De Gaulle, dites-vous bien que quand nous aurons à choisir entre les Français et les Américains, nous préférerons toujours les Américains ! »  (Winston Churchill)

Charles-de-Gaulle : « Le débarquement du 6 juin, ç’a été l’affaire des Anglo-Saxons, d’où la France a été exclue. Ils étaient bien décidés à s’installer en France comme en territoire ennemi ! Comme ils venaient de le faire en Italie et comme ils s’apprêtaient à le faire en Allemagne !

Ils avaient préparé leur AMGOT qui devait gouverner souverainement la France à mesure de l’avance de leurs armées. Ils avaient imprimé leur fausse monnaie, qui aurait eu cours forcé. Ils se seraient conduits en pays conquis.

NOTE : AMGOT = « Allied  military government for occupied territories », gouvernement militaire allié pour les territoires occupés

billets americains france Lhistoire vraie : il y a 50 ans, le 6 juin 1964, Charles de Gaulle refusait de commémorer «le débarquement des anglo saxons»

billets americains france 2 Lhistoire vraie : il y a 50 ans, le 6 juin 1964, Charles de Gaulle refusait de commémorer «le débarquement des anglo saxons»

NOTE : Comme le révèlent leurs coloris et leur graphisme – très voisins de ceux du dollar – ces billets libellés en francs furent imprimés aux États-Unis, de février à mai 1944, par le Bureau of Engraving and Printing, qui est normalement chargé d’imprimer les dollars américains et les autres documents officiels du gouvernement fédéral. Étant fabriqués aux États-Unis, c’est le papier, l’encre, la matière, la présentation et le format des dollars américains qui servirent de référence.

 Dès les premiers jours suivant le débarquement du 6 juin 1944, les armées américaines commencèrent à distribuer ces billets de banque pour remplacer les billets français émis durant l’Occupation.

Dès le 14 juin 1944, le Commissaire de la République François Coulet, présent en Normandie, fut confronté à cette circulation de monnaie, qui était d’ailleurs mal accueillie par la population. Il recommanda aux banques de les encaisser et de ne pas les remettre en circulation.   

Dès le 27 juin 1944, le général de Gaulle – arrivé entretemps sur le sol français – tapa du poing sur la table en dénonçant cette « fausse monnaie », et en en interdisant la circulation, dès son installation au pouvoir au sein du Gouvernement provisoire de la République française. Cette interdiction alla de pair avec l’effondrement du projet de commandement militaire imposé à la France(AMGOT).

Charles-de-Gaulle : « C’est exactement ce qui se serait passé si je n’avais pas imposé, oui imposé, mes commissaires de la République, mes préfets, mes sous-préfets, mes comités de libération !

Et vous voudriez que j’aille commémorer leur débarquement, alors qu’il était le prélude à une seconde occupation du pays ? Non, non, ne comptez pas sur moi ! Je veux bien que les choses se passent gracieusement, mais ma place n’est pas là !

« Et puis, ça contribuerait à faire croire que, si nous avons été libérés, nous ne le devons qu’aux Américains. Ça reviendrait à tenir la Résistance pour nulle et non avenue. Notre défaitisme naturel n’a que trop tendance à adopter ces vues. Il ne faut pas y céder !

Charles-de-Gaulle : « En revanche, ma place sera au mont Faron le 15 août, puisque les troupes françaises ont été prépondérantes dans le débarquement en Provence, que notre première armée y a été associée dès la première minute, que sa remontée fulgurante par la vallée du Rhône a obligé les Allemands à évacuer tout le midi et tout le Massif central sous la pression de la Résistance.

charles de gaulle débarquement de Provence Lhistoire vraie : il y a 50 ans, le 6 juin 1964, Charles de Gaulle refusait de commémorer «le débarquement des anglo saxons»

Charles de Gaulle commémore le débarquement de Provence le 15 août 1964 : cf. extrait d’actualités disponible sur le site de l’INA : http://www.ina.fr/video/CAF94058797

Charles-de-Gaulle : – Et je commémorerai la libération de Paris, puis celle de Strasbourg, puisque ce sont des prouesses françaises, puisque les Français de l’intérieur et de l’extérieur s’y sont unis, autour de leur drapeau, de leurs hymnes, de leur patrie ! Mais m’associer à la commémoration d’un jour où on demandait aux Français de s’abandonner à d’autres qu’à eux-mêmes, non !

« Les Français sont déjà trop portés à croire qu’ils peuvent dormir tranquille, qu’ils n’ont qu’à s’en remettre à d’autres du soin de défendre leur indépendance ! Il ne faut pas les encourager dans cette confiance naïve, qu’ils paient ensuite par des ruines et par des massacres ! Il faut les encourager à compter sur eux-mêmes !

Allons, allons, Peyrefitte ! Il faut avoir plus de mémoire que ça ! Il faut commémorer la France, et non les Anglo-Saxons ! Je n’ai aucune raison de célébrer ça avec éclat. Dites-le à vos journalistes. »

Il reprend : « Ceux qui ont donné leur vie à leur patrie sur notre terre, les Anglais, les Canadiens, les Américains, les Polonais, Sainteny et Triboulet seront là pour les honorer dignement. »

NOTE : Sainteny et Triboulet étaient respectivement Ministre des anciens combattants et Ministre de la coopération en 1964.

Espérant que le général aura oublié sa vive réplique, ou en tout cas aura oublié que c’est à moi qu’il l’a adressée, je remets la question sur le tapis, 10 mois et demi plus tard, le 13 mai 1964.

Alain Peyrefitte : « Ne craignez-vous pas, si nous ne devons pas du moins quelques explications, que votre absence du 6 juin en Normandie soit mal interprétée ?

Charles-de-Gaulle : – Mais je vous l’ai déjà dit ! Il n’a jamais été question que j’y aille ! Je ne suis pas allé pour le cinquième anniversaire ; ni pour le dixième ; ni pour le quinzième. Pourquoi voulez-vous que j’y aille pour le vingtième ? Et j’ai demandé au Premier ministre de ne pas y aller non plus. D’ailleurs, le Premier ministre anglais n’y va pas. Johnson ira pas non plus. Pourquoi irions-nous ?

(Évidemment, Wilson et Johnson n’y vont pas, parce que De Gaulle n’y va pas.)

Alain Peyrefitte : – Eisenhower et Montgomery doivent y aller.

Charles-de-Gaulle : – Ce sont des acteurs, qui se font payer cher à la télévision. »

Finalement, Eisenhower et Montgomery, après avoir annoncé leur participation, ne sont pas venus.

Après le Conseil du 10 juin 1964, le Général laisse percer encore son agacement :

« Ces messieurs de la presse qui me reprochent de ne pas aller en Normandie 20 ans après, que faisaient-il alors ? S’étaient-ils battus pour que la France recouvre sa liberté, pour qu’elle contribue à sa délivrance ? Que faisaient-ils pendant la guerre ? Il ne se battaient ni en Normandie, ni ailleurs. La Libération s’est passée sans eux. Elle s’est passée d’eux. »

Et lui, il a dû se battre pour que le débarquement ne se passe pas complètement de la France libre. S’il a prononcé son discours de Bayeux le 16 juin 1946, ce ne fut pas pour commémorer le débarquement du 6 juin, mais son débarquement sur les talons des Américains, le 16 juin 1944 à Bayeux.

Il recule son fauteuil, cale son dos. Il a envie de parler.

Vous croyez que les Américains et les Anglais ont débarqué en Normandie pour nous faire plaisir Lhistoire vraie : il y a 50 ans, le 6 juin 1964, Charles de Gaulle refusait de commémorer «le débarquement des anglo saxons»

Charles-de-Gaulle : « Vous croyez que les Américains et les Anglais ont débarqué en Normandie pour nous faire plaisir ? Ce qu’ils voulaient, c’était glisser vers le nord le long de la mer, pour détruire les bases des V1 et des V2, prendre Anvers et, de là, donner l’assaut à l’Allemagne. Paris et la France ne les intéressaient pas. Leur stratégie, c’était d’atteindre la Ruhr, qui était l’arsenal, et de ne pas perdre un jour en chemin.

Churchill avait demandé à Eisenhower d’essayer de libérer Paris pour Noël. Il lui avait dit : « Personne ne pourra vous en demander davantage. »

Eh bien si, nous étions décidés à demander davantage ! Le peuple de Paris s’est soulevé spontanément et il aurait été probablement écrasé sous les décombres, comme le peuple de Varsovie, s’il n’avait pas été soutenu. Mais il y avait des hommes qui, trois ans plus tôt, à Koufra, s’étaient juré de libérer Paris, puis Strasbourg. Ce sont eux qui ont libéré Paris avec son peuple.

NOTE  : Leclerc et sa colonne, qui venaient du Tchad pour rejoindre la Tunisie en guerroyant, avaient fait, dans l’oasis de Koufra, le serment de ne pas déposer les armes avant d’avoir libéré Paris et Strasbourg.

Charles-de-Gaulle : « Mais nous n’avions pas l’accord des Américains. Quand j’ai vu que l’insurrection parisienne allait être écrasée par une division allemande intacte qui arrivait de Boulogne-sur-Mer, j’ai donné l’ordre à Leclerc de foncer. C’est ainsi que nous avons évité à Paris le sort de Varsovie. Nous avons obligé les Anglo-Saxons à changer de stratégie. Les Américains ne se souciaient pas plus de libérer la France que les Russes de libérer la Pologne. Ce qu’ils voulaient, c’était en finir avec Hitler, en essuyant le moins de pertes possibles. Ce qu’ils voulaient épargner, c’était le sang des boys, ce n’était pas le sang, les souffrances et l’honneur des Français.

« Effectivement, si les Anglo-Saxons avaient pu mener leur stratégie jusqu’au bout, ils auraient peut-être réussi à frapper l’Allemagne au cœur plus vite. De toute façon, Hitler aurait fini par être battu, et la France aurait fini par être libérée. Mais si les Français étaient restés passifs, et si nous n’avions pas eu de part à la défaite d’Hitler, c’est au bout du compte lui qui aurait vaincu la France. »


Ce que Roosevelt et les américains voulaient vraiment faire de la France en 1944

de gaulle ROOSEVELT Lhistoire vraie : il y a 50 ans, le 6 juin 1964, Charles de Gaulle refusait de commémorer «le débarquement des anglo saxons»

(Franklin Roosevelt, Président des États-Unis, le 23 novembre 1942, devant les émissaires de Charles de Gaulle à la Maison Blanche)

NOTE : Pour comprendre quels étaient les objectifs de Franklin Roosevelt, et des cercles dirigeants américains, quant à l’avenir de la France après le débarquement, il est utile de relire un passage essentiel des Mémoires de Guerre.

Nous sommes en novembre 1942. Les Anglo-Américains viennent de réaliser le débarquement en Afrique du nord française (Opération Torch), d’ailleurs sans en avoir prévenu le chef de la France Libre. [...]

En revanche, une décision fait scandale, aussi bien au sein des Français Libres réfugiés à Londres que parmi l’opinion publique britannique : le général américain Eisenhower, bien entendu avec le plein accord du président Roosevelt, a décidé de maintenir l’Amiral Darlan, l’un des dauphins de Pétain, au pouvoir à Alger. En somme, Darlan a retourné sa veste et les Américains l’en récompensent en le maintenant dans ses fonctions à la tête de l’Afrique du nord française !

Sitôt la nouvelle connue, Charles de Gaulle décide d’envoyer deux émissaires à Washington pour protester avec la dernière énergie auprès du président Rososevelt. Lequel les reçoit et leur livre une vision de la France d’après-guerre proprement scandaleuse. C’est ce célèbre passage des Mémoires de Guerre :

Il n’en faut pas davantage pour que le Président Roosevelt surmonte, à l’égard de Darlan, les scrupules démocratiques et juridiques que, depuis plus de deux années, il opposait au général de Gaulle. Par son ordre, Clark reconnaît le haut-commissaire et entame avec lui des négociations qui aboutissent, le 22 novembre, à un accord en vertu duquel Darlan gouverne et commande, pourvu qu’il donne satisfaction à ses vainqueurs anglo-saxons.

Sans doute, le Président fait-il publier une déclaration affirmant que les arrangements politiques conclus entre Eisenhower et Darlan ne sont « qu’un expédient temporaire. » Mais recevant, le 23, André Philip et Tixier et s’irritant de leurs protestations, il leur crie : « Bien entendu, je traite avec Darlan, puisque Darlan me donne Alger ! Demain, je traiterai avec Laval si Laval me donne Paris ! »

Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, Tome 2, l’Unité, 1942-1944, chapitre « Tragédie »  Page 48 (édition Plon)

On voit donc bien la collusion qu’il y avait entre les autorités américaines et les autorités du régime de Vichy. Le président Roosevelt et les cercles dirigeants américains voulaient disposer, au sortir de la guerre, d’une France domestiquée. C’était finalement un conflit d’impérialisme entre les Américains et les Allemands, rien d’autre.

Et Roosevelt souhaitait promouvoir les pétainistes contre de Gaulle parce qu’il savait parfaitement qu’ils seraient infiniment plus dociles, pour obéir à Washington comme ils obéissaient à Berlin, plutôt que le Fondateur de la France Libre, dont l’intransigeance sur l’indépendance de la France était déjà légendaire.

Cette vision stratégique de ce que devait devenir la France d’après-guerre selon Washington a été confirmée et précisée par Charles de Gaulle, vingt ans après les événements. Toujours à Alain Peyrefitte, dans un autre passage capital de l’ouvrage C’était de Gaulle. Passage que voici  :


C’était de Gaulle, Tome 2 (Édition de Fallois Fayard 1997), page 52


de gaulle roosevelt était un type qui voulait dominer univers Lhistoire vraie : il y a 50 ans, le 6 juin 1964, Charles de Gaulle refusait de commémorer «le débarquement des anglo saxons»

Charles-de-Gaulle : « Roosevelt était un type qui voulait dominer l’univers et, bien entendu, décider du sort de la France. Alors, de Gaulle, ça l’embêtait ; il ne le trouvait pas assez souple. Il pensait que le jour où les Américains auraient débarqué en France, si le Maréchal était encore là, il n’aurait rien à leur refuser ; ce qui était bien vrai.

Ensuite, Vichy étant devenu vraiment impossible, il a laissé tomber Vichy. Il a essayé de se rattraper sur Giraud.

Puis, voyant que ça ne donnait rien, il a essayé de se rabattre sur Herriot. Il a même tenté de fabriquer un gouvernement à Paris au moment où j’allais y entrer, avec Laval, Herriot. Tout ça été manigancé avec Otto Abetz [Représentant de Hitler à Paris sous l’Occupation] et avec Allen Dulles, qui était à Genève pour le compte de la CIA. »

Alain Peyrefitte : – Allen Dulles

Charles de Gaulle : – Oui, c’est ça. D’abord moi, en arrivant à Paris, j’aurais foutu ce gouvernement au [trou][...]. Vous pensez, à l’époque, Herriot, Laval et Abetz ça ne pesait pas lourd. Mais Roosevelt se figurait qu’Herriot assurerait la continuité avec la IIIe et Laval avec Vichy, et que tout ça allait apparaître comme la République.

Seulement, Hitler, ça l’a exaspéré quand il a su ça. Il a dit : « De quoi, de quoi ? Laval, Herriot, et tout ceux-là ? » Alors, il a fait savoir à Laval de s’en aller à Sigmaringen, il l’a fait dire aussi au Maréchal, il a désavoué Abetz, il a fait remettre Herriot dans sa prison. Il a tout nettoyé.

Roosevelt voulait imposer aux Français Pierre Laval et Édouard Herriot Lhistoire vraie : il y a 50 ans, le 6 juin 1964, Charles de Gaulle refusait de commémorer «le débarquement des anglo saxons»

Le gouvernement que Roosevelt (ci-dessus) voulait imposer aux Français en 1944 : Pierre Laval et Édouard Herriot (ci-dessous)  !

L’opération avait été préparée en concertation avec le chef de la CIA Allen Dulles et l’ambassadeur d’Hitler à Paris Otto Abetz…  

CIA Allen Dulles et lambassadeur dHitler à Paris Otto Abetz Lhistoire vraie : il y a 50 ans, le 6 juin 1964, Charles de Gaulle refusait de commémorer «le débarquement des anglo saxons»

NOTE : Le Président Roosevelt refusa toujours de reconnaître la légitimité de la France Libre, préférant maintenir une ambassade auprès de Pétain et du régime de Vichy jusqu’en novembre 1942, puis usant des manœuvres les plus tortueuses pour tenter d’écarter Charles de Gaulle du pouvoir et installer, à sa place, des dirigeants plus malléables.

Ainsi, en août 1944, soit plus de deux mois après le débarquement de Normandie, le Président Roosevelt espérait encore installer au pouvoir à Paris Édouard Herriot – homme politique radical de la IIIe République – et Pierre Laval – la figure la plus honnie de la Collaboration, avec lequel il avait d’ailleurs des liens de parenté par alliance. Ce projet scandaleux, minutieusement décrit par de Gaulle dans ses Mémoires de guerre, avait été ourdi par une étroite concertation entre le chef de la CIA Allen Dulles, l’ambassadeur d’Hitler à Paris Otto Abetz et le dauphin de Pétain.

Allen Dulles (1893 – 1969) fut le premier directeur civil de la Central Intelligence Agency (CIA), du 26 février 1953 au 29 novembre 1961, et l’un des sept membres de la commission Warren chargée d’enquêter sur l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy.

Il était également le frère cadet de John Foster Dulles, Secrétaire d’État des États-Unis du gouvernement Dwight Eisenhower, de 1953 à 1959, et actionnaire principal de la United Fruit Company, société bananière influente dans les républiques bananières d’Amérique latine.

Allen Dulles est un personnage des plus controversés : sa carrière au sein de l’État américain ne cessant d’être émaillée de conflits d’intérêts personnels et familiaux plus ou moins importants, dus à sa participation à la vie de grands groupes industriels internationaux ainsi qu’à la carrière de son frère John Foster Dulles qui travailla lui aussi pour ces grands groupes.

Otto Abetz (1903 – 1958), francophone et francophile, représenta l’Allemagne en France en 1938 et en 1939, d’où il fut expulsé le 30 juin 1939 comme présumé espion. Le 8 juillet 1940, à la suite de l’armistice entre la France et l’Allemagne, il fut de nouveau envoyé en France. Nommé ambassadeur de l’Allemagne le 3 août 1940, il conserva ce poste jusqu’en 1944 et travailla à mettre en place une politique de collaboration. En juillet 1949, le tribunal militaire de Paris le condamna à 20 ans de travaux forcés pour crimes de guerre, en particulier pour son rôle dans l’organisation de la déportation des juifs de France vers les camps de la mort. Il fut libéré en avril 1954.

Charles de Gaulle : « Bohlen [L’ambassadeur des États-Unis en France] se comporte envers moi comme Roosevelt il y a vingt ans. Il reçoit en permanence des députés, des sénateurs, des journalistes, et il les monte contre nous. Je n’en ignore rien. Ils font tous ça, les Américains.

Bohlen ambassadeur des États Unis en France Lhistoire vraie : il y a 50 ans, le 6 juin 1964, Charles de Gaulle refusait de commémorer «le débarquement des anglo saxons»

NOTE : Charles E. Bohlen (1904 – 1974) fut ambassadeur des États-Unis en France de 1962 à 1968. Très hostile à de Gaulle, Charles E. Bohlen avait des liens de parenté proches avec Alfried Krupp von Bohlen und Halbach, héritier des aciéries Krupp, l’un des principaux fabricants d’armes de l’Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale, criminel nazi reconnu coupable de pillage et de crime contre l’humanité le 31 juillet 1948, et condamné à douze ans d’emprisonnement et à la confiscation de ses biens.

Charles de Gaulle : « Roosevelt, c’était pareil, il ne traitait qu’avec des gens qui étaient mes ennemis. Il avait autour de lui, à Washington, des types comme Chautemps.

Alain Peyrefitte : – Et Saint John Perse.

Charles-de-Gaulle : – Oui, Léger qui avait été limogé par Paul Reynaud. Et d’autres du même tonneau, avec qui Roosevelt prenait le thé. Ils le montaient contre moi, en remâchant leurs échecs. Seulement, ça continue. Alors, Bohlen ne voit que nos adversaires, les Mitterrand et les Maurice Faure.

Camille Chautemps ministre dÉtat du Front populaire successeur de Léon Blum Lhistoire vraie : il y a 50 ans, le 6 juin 1964, Charles de Gaulle refusait de commémorer «le débarquement des anglo saxons»

 NOTE : Camille Chautemps, ministre d’État du Front populaire, successeur de Léon Blum de juin 1937 à mars 1938 à la tête du gouvernement, fut vice-président du Conseil des gouvernements Édouard Daladier, puis du gouvernement Paul Reynaud. Ardent partisan de l’Armistice et très hostile à de Gaulle, il fit partie du gouvernement de Philippe Pétain jusqu’au 12 juillet 1940. En novembre 1940, chargé d’une mission officieuse, il partit pour Washington, et choisit d’y demeurer jusqu’en 1944.

Alexis Léger secrétaire général du Quai d’Orsay 1933 à 1940 Lhistoire vraie : il y a 50 ans, le 6 juin 1964, Charles de Gaulle refusait de commémorer «le débarquement des anglo saxons»

NOTE : Alexis Léger, secrétaire général du Quai d’Orsay 1933 à 1940, artisan de la rencontre de Munich (et grand poète sous le pseudonyme de Saint-John-Perse) avait été mis en disponibilité par Paul Reynaud, Président du Conseil, le 20 mai 1940. Il s’était ensuite réfugié aux États-Unis.

Charles de Gaulle : « Churchill, lui non plus, n’admettait pas qu’on ne plie pas. Au lieu de trouver des gens de caractère qui lui auraient tenu tête, il s’entourait de gens qui étaient couchés par terre.

« Je me rappelle un soir, quand j’ai rencontré Roosevelt pour la première fois, au Maroc. Roosevelt voulait m’obliger à me soumettre à Giraud. J’ai envoyé Roosevelt faire foutre, poliment mais fermement. Alors, Churchill m’a fait une scène invraisemblable. Je l’ai mal pris, et je lui ai dit : « Qu’est-ce que ça veut dire : On ne vous comprend pas ? Vous n’êtes pas digne de votre charge ! » Je l’ai très mal traité.

Alors, le dernier jour, on s’est réuni autour de Roosevelt pour se dire adieu. Churchill, devant tout le monde, a commencé à me refaire une scène en me disant : « Vous n’avez pas suivi le Président. » Il piquait une lèche éhontée à Roosevelt, et c’est Roosevelt qui, à la fin, a trouvé que ça suffisait et lui a imposé silence. Il a dit : « Maintenant, il faut que ces deux généraux se serrent la main devant les photographes. »

« La politique de Roosevelt, c’était exactement celle qu’ont aujourd’hui les Américains dans le Sud-Est asiatique. Ils ne peuvent pas en imaginer d’autre. Des marionnettes, c’est ça qu’ils veulent en face d’eux. »


Général Giraud promue par Roosevelt pour tenter de contrer Charles de Gaulle Lhistoire vraie : il y a 50 ans, le 6 juin 1964, Charles de Gaulle refusait de commémorer «le débarquement des anglo saxons»

La marionnette nommée Général Giraud, promue par Roosevelt pour tenter de contrer Charles de Gaulle. 

NOTE : Cette célèbre et hypocrite poignée de mains entre de Gaulle et le général Giraud, pétainiste passé au service des Américains, fut exigée par Roosevelt lors de l’entrevue des quatre hommes au Maroc en 1942. On distingue Roosevelt (à gauche) et Churchill (à droite) assis à l’arrière-plan, en train de contempler avec satisfaction cette scène de théâtre organisée devant les appareils photos des journalistes de la presse anglo-saxonne.

Le président américain voulait absolument promouvoir Giraud, pour empêcher Charles de Gaulle d’accéder au pouvoir. Car le patron de la Maison Blanche avait parfaitement compris que de Gaulle était le seul homme d’État français, le seul capable de faire échec au projet des États-Unis de vassaliser la France après la fin de la guerre.

Extraits sélectionnés et annotés par François Asselineau.

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En complément, voici la reprise d’un billet du blog de Bertrand Renouvin

En souvenir du Débarquement du 6 juin, il me paraît utile de publier à nouveau le premier chapitre de mon livre – « Le krach de l’euro » – publié aux éditions du Rocher en octobre 2001.

LA FUREUR ET L’ORDRE

Bayeux, le 14 juin 1944. Presque intacte, la ville a été conquise sept jours plus tôt par les troupes alliées. Mais le territoire français libéré ne constitue qu’une modeste tête de pont lorsque, en cette matinée ensoleillée, le général de Gaulle débarque sur le rivage français.

Accueilli par le général Montgomery, qui commande l’ensemble des troupes débarquées, le chef du Gouvernement provisoire de la République française écoute le compte-rendu de la bataille. A l’ouest, les Américains sont à l’offensive en direction de Cherbourg ; à l’est, les Britanniques avancent difficilement vers Caen. Le Général est satisfait de ce que lui dit le vainqueur d’El-Alamein : « lui ayant exprimé ma confiance, je le laisse à ses affaires et m’en vais aux miennes, à Bayeux »[1]. Après le coup d’œil du stratège, c’est le chef d’un gouvernement civil qui vient de parler. Puisque les opérations « vont leur train comme prévu », les affaires politiques doivent être les premières, dans l’ordre des tâches à accomplir.

Pourtant, à cette heure, les soucis de la politique paraissent déplacés. On imagine des intrigues et des conciliabules, alors que la Normandie est en flammes.  Ce même matin, les bombes de l’aviation alliée ont fait quarante victimes civiles à Mézidon, et deux cents à Vimoutiers pilonnée sans relâche pendant vingt minutes…

Sur toutes les lignes de front, les combats font rage. Lieutenant d’infanterie en 1914, blessé en août à Dinant, le Général, lorsqu’il va à ses affaires, n’ignore pas l’extrême violence de l’affrontement qu’il a lui-même ordonné dans son discours radiodiffusé le jour du Débarquement.

Ordonner, cela signifie le commandement et la mise en ordre. « Cette bataille, la France va la mener avec fureur. Elle va la mener en bon ordre. C’est ainsi que nous avons, depuis quinze cents ans, gagné chacune de nos victoires. C’est ainsi que nous gagnerons celle-là »[2]. Pas de problèmes quant à la discipline : fils et filles des soldats de Bouvines, de Valmy, du Chemin-des-Dames, les combattants de la France libre se battent depuis quatre ans en bon ordre et la furia francese est à la mesure de la fougue générale. Le 8 juin, un commando du 1er Bataillon de fusiliers marins (les célèbres Bérets verts du lieutenant de vaisseau Kieffer) s’empare de Bréville après des combats au corps à corps dans le village en flammes[3]. Le 12 juin, les Canadiens du Regina Rifles en marche vers Caen prennent et défendent avec acharnement Bretteville l’Orgueilleuse contre les Waffen SS qui, comme d’habitude, agissent en criminels : le même jour, à Norrey-en-Bessin, ils exécutent 48 soldats du Queen’s Own Rifles faits prisonniers. Le 13 juin, à la suite d’une avancée hasardeuse d’éléments de la 7ème Division Blindée, les Tigre du 101ème bataillon SS de chars lourds détruisent 25 chars et 28 blindés britanniques à Villers-Bocage – les rescapés étant contraints à opérer une rapide retraite couverte par la Royal Air Force[4].

Bayeux n’est qu’à quelques dizaines de kilomètres de ces combats furieux. Ce n’est pas dans une ville de l’arrière que le Général pénètre, sous les acclamations. On imagine que l’homme du 18 Juin vient haranguer la foule. Il le fait, place du Château. Puis il visite dans la soirée Isigny et le bourg de Grandcamp, ravagés par la bataille. Charles de Gaulle est assurément un tribun, et un homme attentif aux victimes de la guerre. Mais c’est avant tout le chef du gouvernement provisoire qui a débarqué sur une plage normande pour exercer, au nom de l’autorité légitime qui siège à Alger, la souveraineté française.

La politique, ce n’est pas seulement le discours et la compassion. Et ce n’est certainement pas une mise en scène héroïque qu’il aurait été facile de monter en disposant sur un bout de plage trois douzaines de guerriers farouches. Au contraire : le chef du gouvernement provisoire de la République débarque de La Combattante, navire de guerre battant pavillon français, accompagné d’administrateurs civils. En principe, il aurait du être accueilli, à Bayeux, par une autorité administrative française. Mais le commissaire de la République pour la Normandie, Bourdeau de Fontenay, n’a pu s’échapper de Rouen. « En attendant qu’il puisse apparaître, écrit le Général, je tiens à marquer sans délai, qu’en tout point d’où l’ennemi à fui, l’autorité relève de mon gouvernement ».

Tel est bien l’enjeu du voyage de Bayeux : un « transfert de souveraineté » [5]. Cela suppose la présence symbolique du général de Gaulle, mais aussi, immédiatement, la mise en ordre du territoire libéré. Or, depuis le 7 juin, la ville est administrée par une équipe interalliée : un Canadien, deux Britanniques, deux Américains qui ont pris quelques mesures d’ordre public mais conservé les fonctionnaires municipaux et préfectoraux nommés par Vichy. Cet état de fait n’est pas tolérable. Lorsqu’il s’est adressé à « la nation qui se bat » dans son discours du 6 juin, le Général a indiqué trois conditions pour le bon ordre de la bataille. Deux d’entre elles concernent l’action de la Résistance intérieure, mais « la première est que les consignes données par le Gouvernement français et par les chefs français qu’il a qualifiés soient exactement suivies ».

Le programme politique du général de Gaulle est simple : la libération de la patrie par les armes implique le renversement des pouvoirs établis en vue du rétablissement immédiat de l’autorité légitime. Ces mots impressionnants trouvent leur traduction concrète et visible lors de la mise en place d’une administration légale. Dès son arrivée sur le sol français, le Général a envoyé à Bayeux, « séance tenante », François Coulet. Celui-ci vient d’être nommé Commissaire de la République pour le territoire normand libéré par un décret publié à Alger le 13 juin. Le nouveau commissaire est accompagné par le colonel de Chevigné, lui aussi venu de Londres et chargé, « à l’instant même »,  des subdivisions militaires. C’est signifier à l’administration militaire alliée qu’elle n’a pas lieu d’être.

Son existence est d’autant moins justifiée que les premiers représentants de la France Combattante sont à l’œuvre dès le premier jour. Maurice Schumann a débarqué le 6 juin. A Bayeux, deux jours plus tard, il rencontre Raymond Triboulet, secrétaire du Comité Départemental de Libération, avec lequel il organise un groupe franc. C’est assez pour que le Général de Gaulle puisse venir. Mais les alliés ne font rien pour faciliter le voyage et Churchill a tenté de s’y opposer jusqu’au dernier moment. Ces manœuvres dilatoires ont échoué : les Américains et les Anglais ne pourront pas empêcher le rétablissement de la souveraineté française, dès lors que le chef du gouvernement provisoire, qui n’est d’ailleurs pas formellement reconnu, sera en mesure de prendre les décisions qui s’imposent : la révocation du sous-préfet vichyste, remplacé par Raymond Triboulet, et la dissolution du conseil municipal.

Toutes les difficultés ne sont pas aplanies lorsque le général de Gaulle retourne, dans la soirée, à bord de La Combattante. Pendant quinze jours, François Coulet et Raymond Triboulet vont se heurter aux Anglais et aux Américains qui voudraient bien, comme ils l’ont fait à Bayeux dans les premiers jours, traiter la France comme un territoire occupé et militairement administré. Et c’est sur la monnaie que va porter, pour l’essentiel, l’affrontement entre les représentants du gouvernement d’Alger et les militaires anglo-américains.

Par rapport à l’enjeu capital que représente la dure bataille de Normandie, la question de la circulation de billets de banque semble dérisoire. On découvre à quel point elle est décisive en relisant quelques pages trop méconnues de l’histoire de la France libre, à commencer par celles qui s’écrivent la nuit du Débarquement.

Sans négliger la valeur documentaire du Jour le plus long[6], ni l’exactitude de sa mise en images, cet émouvant récit militaire ne peut à lui seul résumer le mouvement de l’histoire. Le magnifique courage de l’ensemble des troupes parachutées ou débarquées sous la conduite du général Eisenhower donne à penser que les chefs d’Etat et de gouvernement alliés sont, dans les jours qui précèdent l’opération, à l’image des soldats qui se préparent à la bataille : tendus par l’anxiété, unis dans l’espérance.

Ce n’est pas faux. Mais le « souffle d’estime et d’amitié » ne passe plus sur les acteurs de l’Histoire dès qu’ils en viennent, dans la soirée du 4 juin, aux affaires politiques. A Porsmouth, où Winston Churchill et Charles de Gaulle se rencontrent, puis au quartier général d’Eisenhower, les violentes altercations et les cris de colère signifient que le conflit politique entre les Etats-Unis, l’Angleterre et la France atteint un de ses points culminants.

La cause immédiate de l’affrontement, dans la nuit du Débarquement, c’est encore le chef de la France libre. Charles de Gaulle est d’autant plus intraitable que ses infériorités politiques, financières et militaires lui interdisent de passer le moindre compromis. Mais cette posture agressive n’est qu’une réponse aux pressions britanniques et aux manœuvres américaines dont la France Combattante est victime.

Pressions britanniques. A Porsmouth, elles sont franches et massives. D’entrée de jeu, Winston Churchill propose un « arrangement » que le Général de Gaulle irait soumettre au président Roosevelt. La réponse est superbe : « Pourquoi voulez-vous croire que j’aie à poser devant Roosevelt ma candidature pour le pouvoir en France ? Le Gouvernement français existe. Je n’ai rien à demander dans ce domaine aux Etats-Unis d’Amérique, non plus qu’à la Grande-Bretagne ». Le chef du gouvernement rappelle alors que la question des rapports entre l’administration française et le commandement militaire, posée neuf mois plus tôt, est restée sans réponse. Or les Anglais et les Américains ont pris leurs propres dispositions, sans même prévenir Alger. De Gaulle poursuit : « Je viens d’apprendre, par exemple, qu’en dépit de nos avertissements, les troupes et les services qui s’apprêtent à débarquer sont munis d’une monnaie soi-disant française, fabriquée par l’étranger, que le Gouvernement de la République ne reconnaît absolument pas et qui, d’après les ordres du commandement interallié, aura cours forcé en territoire français. Je m’attends à ce que, demain, le général Eisenhower, sur instruction du Président des Etats-Unis et d’accord avec vous-même, proclame qu’il prend la France sous son autorité. Comment voulez-vous que nous traitions sur ces bases ? »

Le général de Gaulle donne-là une magistrale leçon de droit public au Premier ministre de Sa Majesté :

- La France libérée et se libérant elle-même, par ses combattants de l’Empire et de la résistance intérieure, s’est donnée un gouvernement légitime, qui se déclare « provisoire » tant que le peuple français ne s’est pas librement prononcé, mais qui n’a pas besoin de la reconnaissance formelle de puissances étrangères pour agir en toute légalité.

- Sa souveraineté s’exerce de plein droit sur tous les territoires libérés, ceux de l’Empire français et, à partir du 6 juin, ceux de la France métropolitaine.

- Ce gouvernement légitime « dispose de l’administration et de la force armée » pour prendre les termes qui figureront dans la Constitution de la 5ème République.

- Le premier acte de souveraineté de ce gouvernement consiste à mettre en circulation la monnaie émise par ses propres services, sous le contrôle de son administration.

Winston Churchill, qui se sait en tort, ne peut rien répondre sur la politique monétaire. Aussi déplace-t-il l’enjeu de la souveraineté vers les rapports de puissances dans une réplique demeurée célèbre : « (…) chaque fois qu’il nous faudra choisir entre l’Europe et le grand large, nous serons toujours pour le grand large. Chaque fois qu’il me faudra choisir entre vous et Roosevelt, je choisirai toujours Roosevelt ». La réplique porte loin. Elle éclaire la logique historique et politique dans laquelle s’inscrit, tout au long de la guerre, l’affrontement entre la France libre et les anglo-américains.

Dans cette histoire complexe et tumultueuse[7], la question monétaire revient régulièrement au premier plan. Elle est posée dès juillet 1943 par Maurice Couve de Murville, commissaire aux finances de ce qui est encore le Comité français de Libération nationale (CFLN), qui se préoccupe des moyens de paiement à fournir aux troupes débarquées en métropole. Cette question est inscrite dans le projet d’accord présenté le 7 septembre 1943 par le CFLN aux Anglais et aux Américains : il est notamment prévu que les dépenses des forces alliées en territoire français libéré seront exclusivement payées en billets de banque libellés en francs, émis par le CFLN et fourni par ses soins aux alliés. Mais ceux-ci restent évasifs sur les modalités parce que le président Roosevelt refuse de reconnaître le Comité d’Alger comme « Autorité française compétente » sur les territoires libérés.

Il y a là un net déni de légitimité, qui s’inscrit dans la stratégie politique de Roosevelt : tandis qu’on fait patienter les Français, s’organise aux Etats-Unis un Allied military government in occupied territories (AMGOT) chargé d’administrer la France libérée de la même manière que l’Italie : comme un pays vaincu, placé sous l’administration directe des armées victorieuses. C’est bien entendu inacceptable pour le général de Gaulle, qui considère l’AMGOT avec mépris[8] et qui se montre fort mécontent de l’attitude pro-américaine de Jean Monnet qui était alors membre du CFLN, chargé des négociations économiques et financières avec les Etats-Unis. Or le président américain ajoute aux fins de non-recevoir des offenses et des provocations continuelles.

Deux initiatives américaines, particulièrement mal reçues par les Français, auront de graves répercussions en juin 1944.

La première initiative concerne la monnaie. A l’automne de 1943, Jean Monnet et Pierre Mendès-France (nouveau commissaire aux Finances) font admettre aux Américains qu’ils paieront en francs après le débarquement. Encore faut-il fabriquer les billets, et les Américains proposent leur propre projet : sur le papier, un dessin des drapeaux anglais, américains et français avec la mention « Commandement militaire interallié ». Refus des représentants français, qui dénient aux Américains le droit régalien de battre monnaie, et qui veulent voir la mention : « Emis par le CFLN » imprimée en toutes lettres. Refus du président Roosevelt : reconnaître le droit d’émission monétaire au Comité d’Alger, c’est admettre qu’il sera le légitime gouvernement de la France. D’où la décision américaine : les billets de banque seront fabriqués par les Américains, l’autorité émettrice ne sera pas indiquée, mais un rectangle blanc permettra d’inscrire les mots « République française – Trésorerie centrale » après reconnaissance du CFLN par les Alliés.

Le piège est grossier, puisque les Américains n’ont pas l’intention de reconnaître le Comité d’Alger. Jean Monnet y tombe en acceptant la typographie énigmatique de cette « monnaie additionnelle », ce qui permettra à Roosevelt de prétendre que les billets américains ont été acceptés par les Français. Mensonge ! Le général de Gaulle proteste qu’il s’agit là d’une « fausse monnaie » puisque aucune autorité souveraine ne la garantit.

La deuxième initiative prise par Roosevelt en avril 1944 consiste à désigner le général Eisenhower (il n’y tient pas du tout !) comme le futur détenteur de l’autorité civile en France, en lui laissant la liberté de choisir ses collaborateurs parmi les Français. Cette décision est tellement arbitraire et insultante que les Anglais s’y opposent. Ce qui n’empêche pas le président américain de persévérer dans son hostilité au Comité d’Alger, qui est proclamé Gouvernement provisoire de la République française le 26 mai 1944[9]. Les provocations américaines sont tellement blessantes qu’elles aboutissent à une sorte de rupture des relations diplomatiques entre le gouvernement français et les anglo-américains ; elle dure encore lorsque le Général, à l’invitation pressante de Churchill, arrive à Londres le 4  juin et rejoint aussitôt le cabinet britannique près de Porsmouth.

Le rappel de ces faits permet de mieux comprendre la violente nuit du 4 au 5 juin. On pourrait croire que l’imminence du débarquement arrange les affaires politiques. Il n’en est rien. Après leur altercation et la réplique churchilienne sur le « grand large », le Premier ministre britannique et le général de Gaulle se rendent au quartier général d’Eisenhower. Le Commandant en chef n’a pas encore choisi la date de l’opération. Consulté sur ce point, le Général lui en laisse l’entière responsabilité tout en donnant un avis favorable à l’action immédiate. Le chef du gouvernement français va partir lorsque Eisenhower lui tend un texte. Il s’agit d’une proclamation rédigée à Washington que Charles de Gaulle a résumée dans ses Mémoires : le commandant en chef s’adresse en soldat aux peuples norvégien, hollandais, belge et luxembourgeois mais c’est ensuite « sur un tout autre ton qu’il s’adresse à la nation[10] française » : le général américain l’invite à « exécuter ses ordres », décide que « dans l’administration tout le monde continuera d’exercer ses fonctions [les éléments vichyssois aussi], à moins d’instructions contraires » et annonce que « les Français choisiront eux-mêmes leurs représentants et leur gouvernement ». Pas un mot sur le gouvernement qui siège en Algérie et qui dirige les forces françaises au combat.

Le Général déclare à Eisenhower que ce texte est « inacceptable ». Très vite il en propose un autre mais on lui objecte que le  « factum » est en passe d’être largué à d’innombrables exemplaires sur le territoire français. De surcroît, on attend du Général qu’il s’exprime à la BBC après le Commandant en chef, ce qui revient à entériner les conceptions politiques américaines. Le Général refuse tout net. Il traite Churchill de « gangster ». Lequel, furieux, convoque le représentant du Général à une heure du matin pour lui signifier que De Gaulle est coupable de « trahison en pleine bataille ». Puis il dicte une lettre à Eisenhower, le mandant de réexpédier le Général à Alger « enchaîné si nécessaire ».

La crise s’apaise à l’heure où les parachutistes américains descendent sur Sainte-Mère-Eglise : le Général parlera à 18 heures. Le chef du gouvernement provisoire a gagné : l’adversaire anglo-américain a cédé, il est humilié. Il y a plus admirable encore. Dès la troisième phrase du discours, les troupes qui sont au combat depuis l’aube sont intégrées dans le plan français de libération : « Bien entendu, c’est la bataille de France et c’est la bataille de la France ! »[11].

Le général de Gaulle a remporté l’épreuve de force qui l’oppose aux Anglais et aux Américains, mais ces derniers continuent de le combattre, et c’est encore une fois sur la politique monétaire qu’ils portent leurs coups. Le 8 juin 1944, Eisenhower annonce l’introduction en France de la fameuse « monnaie additionnelle » qui a été imprimée à Washington pour une valeur de quarante milliards de « francs ». Après protestation en bonne et due forme auprès des chargés d’affaires anglais et américains, le général de Gaulle repart lui-même à l’offensive en accordant, le 10 juin, un entretien à l’Agence française indépendante, sise à Londres. Après avoir déclaré inacceptable la proclamation américaine du 6 juin, il dénonce « l’émission en France d’une monnaie soi-disant française, sans aucun accord et sans aucune garantie de l’autorité française, [ce qui] ne peut conduire qu’à de sérieuses complications ».

Il y aura en effet de sérieuses complications sur les arrières du front de Normandie, jusqu’à ce que les représentants du Gouvernement français soient reconnus comme tels. François Coulet, Pierre Laroque et Raymond Triboulet ont des instructions précises : elles portent sur la manière d’exercer leurs prérogatives administratives face au commandement allié[12] et elles concernent leurs pouvoirs monétaires et financiers. Il s’agit de chasser la fausse monnaie, en refusant d’accepter « ces drôles de dollars décorés d’un drapeau tricolore »[13].

Du point de vue technique, les choses furent très simples : Raymond Triboulet fit ouvrir des comptes distincts dans les quelques agences bancaires de la tête de pont, sur lesquels les « drôles de dollars » furent déposés, mais sans qu’il soit possible d’effectuer des virements sur les comptes en francs. La population eut pour sa part une réaction significative de défiance à l’égard des billets imprimés par les Américains et de traditionnelle rouerie à l’égard de l’administration française : comme la monnaie d’occupation allemande, les « drôles de dollar » étaient acceptés et employés prioritairement au règlement des impôts ! Mais François Coulet, en bon serviteur de l’Etat, ne voulait pas que le fisc se fasse ainsi rouler : il ordonna aux comptables publics de refuser les « billets de l’étranger ». D’où la fureur des généraux alliés, qui se rendent le 19 juin dans ses bureaux. Le Commissaire de la République pour les territoires libérés refuse de les recevoir et leur désigne le bureau de Raymond Triboulet, quelques marches plus bas. L’ancien sous-préfet de Bayeux raconte :

« Grands cris : « Comment ! Vous préférez les billets de Vichy[14] à ceux émis par vos libérateurs ». – « De quel droit émettez-vous des billets ? Il n’y a pas Vichy et de Gaulle, il y a la France, où vous vous trouvez. »

« Je les reconduis ; ils sont furieux, et, comme j’avoue l’avoir fait pour tous mes visiteurs insupportables (qu’on excuse un homme qui n’avait plus la moindre distraction) je néglige de leur signaler deux marches de bois disjointes : l’un des généraux s’écroule. « Sorry ».[15]

L’écroulement physique du général américain annonce la défaite politique de Roosevelt : un dollar d’occupation ne chassera pas le mark d’occupation[16]. La circulation du franc, jointe à la destitution des représentants de Vichy, annonce le rétablissement de la souveraineté française et la reconnaissance du Gouvernement provisoire de la République.


[1] Sauf indications contraires, les citations du général de Gaulle sont extraites de L’Unité, deuxième tome de ses Mémoires de Guerre.

[2] Discours et Messages, 6 Juin 1944.

[3] Commandant Kieffer, Les Bérets verts français du 6 juin 1944, Editions France Empire, 1994.

[4] Jacques Henry, La Normandie en flammes. Journal de guerre de Gérard Leroux, Capitaine au régiment canadien de la Chaudière. Editions Charles Corlet, Condé-sur-Noireau, 1984. Préface de Raymond Triboulet.

[5] L’expression est de Jean-Louis Crémieux-Brilhac, La France libre, De l’appel du 18 Juin à la Libération, Gallimard, 1996. cf. pages 843-848 le récit très précis de la journée de Bayeux.

[6] Cornélius Ryan, Le Jour le plus long, Robert Laffont, 1994.

[7] Elle est expliquée avec clarté et précision par Jean-Louis Crémieux-Brilhac, op.cit. p. 681-698.

[8] « On voyait affluer dans cette organisation toutes sortes de théoriciens, techniciens, hommes d’affaires, propagandistes, ou bien de Français d’hier fraîchement naturalisés Yankees ». Mémoires de guerre, L’Unité, Plon, 1956. P. 212.

[9] le GPRF ne sera reconnu de jure que le 23 octobre 1944 par les Anglais, les Russes et les Américains en raison des actions de retardements menées par ces derniers.

[10] C’est nous qui soulignons : les peuples nommés disposent à Londres d’un gouvernement légitime en exil, leur libération est une tâche strictement militaire. S’adresser à la nation française, c’est nier qu’elle puisse être représentée par une autorité légitime, en charge de son histoire et de sa destinée politique. Ces distinctions sont primordiales : au matin du 6 juin, les chefs d’Etat et de gouvernement en exil s’adressent à leur peuple avant le général Eisenhower : Roi de Norvège, Reine de Hollande, Grande-Duchesse de Luxembourg, Premier ministre de Belgique. L’ordre dans lequel se déroule ces interventions n’est pas contesté par le général de Gaulle, en raison du principe de légitimité qui l’inspire. Mais le Politique qu’il est ne peut parler après le Militaire.

[11] Churchill accuse le coup avec une parfaite mauvaise foi lorsqu’il télégraphie à Roosevelt : « Son discours est d’autant plus remarquable qu’il n’a pas un seul soldat dans la bataille en cours ». cf. Crémieux-Brilhac, op.cit. p. 841, note 3.

[12] Quant à l’AMGOT, le mépris des autorités françaises est total. François Coulet note qu’en Italie, « l’essentiel de son action semblait avoir été de traiter avec la Mafia et d’officialiser cette vénérable institution sicilienne ». Vertu des temps difficiles, p. 243-244.

[13] François Coulet, op. cit. p. 242.

[14] Ce général américain fabule : Vichy a frappé des pièces de monnaie (un franc, deux francs) mais n’a jamais émis le moindre billet de banque. C’était les billets de la troisième République qui circulaient sous l’Occupation

[15] Cf. Raymond Triboulet : Un gaulliste de la IV ème, p. 101. Voir aussi : François-Marin Fleutot, Des royalistes dans la Résistance, Flammarion, 2000.

[16] Pour la France occupée, les Allemands avaient fixé la valeur du mark à 20 francs au lieu de 10 francs.

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